Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



FÉLIX NEFF PORTEUR DE FEU



CHAPITRE Il

SUR LES ROUTES DU JURA

Certes, Neff est encore assez fruste, sa culture fragmentaire. On peut sourire des prétentions de ce jeune homme - vingt-trois ans - qui ne rêve de rien moins que de prendre le monde d'assaut au nom du Dieu vivant. Mais, pour le soutenir, il a ce que rien ne remplace : l'ardeur. L'ardeur, disent les dictionnaires, est l'état de ceux qui brûlent. Or Neff, depuis qu'il a rencontre Dieu, brûle pour lui de reconnaissance et d'amour. Les finesses de la théologie modéreraient peut-être cet enthousiasme. En avant ! Neff a-t-il l'intuition que sa vie sera courte, qu'il faut vivement passer à l'action ?

Le néophyte milite à côté de ces « mômiers » qu'il avait, peu avant, traités de canailles et promis à la pointe de son sabre. « Je vous avais méconnus. Maintenant je suis des vôtres. » Et il court les réunions organisées par les séparatistes dans la campagne genevoise. Ce qu'il dit est si simple, si tissé d'images que lui suggèrent ses connaissances agricoles et militaires, « qu'on comprend tout ». Il écrit à ses camarades de la compagnie des artilleurs.
- « Qui est l'auteur de ces lettres ? » demande l'aumônier de la garnison.

Un artilleur répond :
- « Celui que nous appelions l'écrivassier. Il a appris les mathématiques en un tour de main. Félix Neff. »

Physiquement, comment est-il, ce Neff ? « De taille moyenne, svelte, d'une attitude digne, s'imposant par son regard scrutateur. Il avait des cheveux noirs d'ébène, un peu crépus et ondoyants, le front droit, de beaux yeux noirs et intelligents, le nez bien fait... Il avait la barbe très noire et peu fournie ; il n'était pas laid, il était même bien, quoiqu'il eut la lèvre supérieure un peu défectueuse. Généreux, il ne gardait rien pour lui ; souvent il ne lui restait pour s'habiller que des vêtements usés ou entamés ; cependant il était fort soigneux de sa personne, ayant d'habitude un air de fête. »


VILLAGE ET TEMPLE DE MOUTIER AU TEMPS DE FÉLIX NEFF

Gonthier, Empeytaz, Guers, bergers de la nouvelle Église, suivent de près cette précieuse recrue qui a le tempérament d'un missionnaire, les dons de l'orateur. Chaque jour, pendant des heures, le jeune homme étudie la Bible, en apprend par coeur de longs passages qui forment l'armature de ses prédications. Il s'en approprie la sévère doctrine, mais aussi le sens de la liberté spirituelle, au nom de laquelle, moins étroit que ses collègues, il se déclare prêt à collaborer, quelle que soit leur appartenance théologique, avec tous ceux qui ont le souci des vérités évangéliques. Il ne sera jamais l'homme des excommunications majeures. Et c'est sans doute pour cela, se sentant à l'étroit dans certains milieux de son Église, que, dès l'automne 1820, il entreprend en Suisse romande une campagne d'évangélisation.

On le voit et on l'entend à Lausanne, qu'agitait aussi le Réveil, à Vuiflens-la-Ville, à Cossonay, à Orbe, à Eclépens, à la Sarraz, à Yverdon, à Boudry, d'où il rayonne dans tout le canton de Neuchâtel, puis à Moutier, à Tavannes, à Bévilard, à Roches, enfin, brièvement, à Bâle et à Berne. Partout la lutte est vive entre les Églises établies, quelque peu rationalistes et fortement cléricales, et ce qu'on appelait déjà les sectes. Elles fourmillaient, piétistes, moraves, méthodistes, mennonites, tant d'autres accrochées à un point de doctrine.

L'accueil des pasteurs « officiels », mis en face de Neff, est rarement chaleureux. De quoi se mêle ce prédicant voyageur, sans patente des Autorités, qui se permet de dire :
- « Je suis affadi par le christianisme des ménagements. Nous vivons ici parmi les chrétiens du nationalisme, du mysticisme, du moravisme et surtout du prudentisme. »

À l'adresse de qui cette dernière épithète ? Ne suffit-il pas de prêcher le dimanche ? Pourquoi et à quoi bon « des réunions de semaine ? » Avec les pasteurs en titre, Neff échange des lettres où il défend les évangélistes, soumis à la seule consécration intérieure. Les arguments, pris à la source, ne lui manquent pas. Et il s'étonne de soulever tant de colères alors qu'il recommande toujours à ses auditeurs de fréquenter le culte public, comme lui-même. Ici et là on lui fait comprendre qu'il y est de trop. À Bévilard, par exemple, ou l'on chante avec accompagnement « d'affreuses trompettes » : Ne cesserez-vous donc jamais, cruels, de troubler notre paix ? Craignez la justice divine ! Soudain tu vas périr, méchant. Ce n'est qu'un hors-d'oeuvre. Monte en chaire le pasteur, véhément, prêche sur ce texte : Malheur à vous, Pharisiens, qui dévorez les maisons des veuves ! Malheur à vous, Pharisiens, qui courez la mer et la terre pour faire un prosélyte !

Ailleurs, Neff est dénoncé « comme un individu sans aveu ». Un de ses amis, mis en présence du responsable, fulmine :
- « Comment, les chrétiens ne pourront pas se rassembler pour s'édifier, alors que les réunions les plus mondaines ne sont point inquiétées et que vous-même, Monsieur le doyen, au grand scandale de votre paroisse. avez donné plusieurs fois des bals jusqu'à deux heures du matin ! »

Passant à côté de la question, le doyen répond « qu'il ne refusera point sa chaire à qui sera revêtu de titres suffisants ». La maîtresse de céans a du être la souriante complice des bals du presbytère, car Neff soupire :
- « Misérables mariages ! C'est un fameux licou pour le serviteur de Dieu ! »

L'opposition grandit. À Bôle, le pasteur médite ce texte : Hypocrite, ôte premièrement de ton oeil la poutre. Et la secte est gratifiée d'un charivari avec jets de poivre par les jeunes gens.

« Ce qui anime ainsi les garçons de ces villages, c'est de voir se convertir des jeunes filles qui sont ainsi perdues pour le bal et les soirées champêtres. » Dénonce au Gouvernement de Berne, Neff comparait à Moutier devant avoyer et bailli. Un des directeurs de la police centrale, envoyé sur les lieux, assiste aux réunions qu'il refuse d'interdire, disant.
- « Une seule chose m'afflige. »
- « Et laquelle ? »
- « C'est qu'il n'y ait pas de telles réunions dans toutes les communes du canton ! »

Nonobstant, Neff a mille peines pour obtenir des permis de séjour et le prolongement de validité de son passeport. Mais rien ne l'abat et il se transporte allégrement de village en village, prêchant et chantant en temps et hors de temps. Non sans dommage physique : « Je me suis fatigué la poitrine par un exercice continuel de prédications, de conversations et de chants. J'étais incommode de la toux et d'une saveur de sang sur la langue. »

De cette tournée missionnaire dans le Jura, Neff gardera, malgré tout, le précieux souvenir. « Je ne pense jamais sans attendrissement à cet heureux séjour », à ce contact « avec des âmes simples. »
À ces âmes simples, il a voulu apporter l'Évangile et non un esprit sectaire. Il leur a dit :
- « Je vous supplie, au nom de l'Eglise du Seigneur, qu'il ne soit jamais question de séparation ni de rien de semblable ; ce serait tout perdre pour un rien. »

Et au pasteur-doyen de la Chaux-de-Fonds :
- Ma confession de foi est très simple ; je m'abstiens de traiter aucun des sujets contestés par les chrétiens. Je ne suis point théologien. Mon christianisme est celui du coeur, vivant et actif. »

Revenu à Genève au printemps de 1821, Neff remplace Guers et Gonthier partis pour Londres afin d'y recevoir l'imposition des mains. Bien vite la vie sédentaire lui pèse. Il lui faut une situation moins assise, l'attrait de l'imprévu. Sa mission est d'aller de lieu en lieu « pour y bouter le feu ». Et il écrit : « J'attends avec impatience votre retour afin de vous voir, mais surtout pour me sauver d'ici, sentant que, dans le fond, j'y suis inutile, tandis qu'ailleurs une oeuvre à laquelle je suis plus propre me demande. Cependant, si les âmes ne peuvent qu'y perdre, moi j'y gagne de bonnes leçons de patience et d'humilité ! »



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