Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Contes du Dimanche
Récits allégoriques

La maison de l'esprit.

Allocution prononcée à la Fête de la jeunesse, à l'Oratoire, le 11 mai 1899.

ui de nous n'a rêvé d'être propriétaire d'une maison qu'il aurait lui-même fait construire à son goût ? C'est peut-être l'une de nos grandes misères, que la nécessité où nous sommes pour la plupart de vivre en des logis de passage. Le temps viendra, espérons-le, où il paraîtra aussi simple et aussi nécessaire de posséder sa maison que de porter des habits à soi.
Mais, en attendant que ce degré de civilisation soit atteint, pourquoi chacun de nous ne bâtirait-il pas la maison de son esprit ?

Trop de gens se contentent de n'avoir qu'un gîte d'emprunt, je veux dire des opinions et des principes, ou plutôt des préjugés, qui leur sont venus tout faits de leurs aïeux, de leurs maîtres ou de leur journal, et qu'ils ne se sont jamais donné la peine d'examiner. Ce sont ces gens qui se montrent parfois entêtés jusqu'à la sottise dans leur attachement à des erreurs évidentes, et parfois mobiles jusqu'à la frivolité dans les fluctuations. de leurs idées.
Il n'est cependant pas nécessaire d'être riche, ni érudit, ni même lettré ou homme de loisir pour ériger la Maison de l'Esprit. Pour être soi, et pour être chez soi, il n'est besoin que de vouloir avec sincérité et persévérance.

I

Et d'abord, cette Maison, où la bâtirons-nous ?
N'allez pas, je vous en conjure, élire domicile sur les grands boulevards, aux carrefours bruyants où la foule se presse du matin au soir, et même du soir au matin. Le spectacle continuel que vous auriez sous vos fenêtres deviendrait bientôt un supplice pour votre esprit, qui a besoin de solitude et de recueillement. Vous seriez toujours hors de chez vous, dans la fièvre du travail infécond ou l'agitation du plaisir factice. Non, non ! L'existence mondaine n'est pas la vie ; on ne peut s'y plaire qu'à la condition d'être mort à la vie véritable. Ils sont nombreux, cependant, ceux qui n'ont de joies, d'occupations et d'idées que celles qu'ils empruntent à la multitude ; âmes superficielles qui confondent le bruit avec l'action, et le rire faux avec le vrai bonheur.

Mais n'allez pas à l'autre extrême, comme l'ont fait beaucoup de ceux que la vie mondaine n'a pu séduire, ou qu'elle a déçus ; n'allez pas choisir, pour y habiter, les hauteurs froides et désolées de la raison abstraite, de la science morte, de l'orgueilleuse philosophie. Les neiges éternelles ne sont pas faites pour la demeure de l'homme ; comment vivrait-il où rien ne peut croître ? Sans doute il est salutaire d'aller au sommet des montagnes chercher l'air pur, les vastes panoramas de la terre et les merveilles du ciel ; mais il faut en redescendre bientôt pour se mêler à l'humanité, afin de dépenser à son service les forces que l'on a reconquises loin d'elle.

C'est pourquoi je vous conseille de bâtir la Maison de l'Esprit à mi-côte, entre la plaine où grouille la multitude et les sommets où règne la solitude, entre la terre et le ciel, entre l'homme et Dieu : assez près du premier pour lui porter secours au premier appel, assez près du second pour qu'il vous entende aussi et vous secoure, quand vous aurez besoin de Lui. Car « l'homme, a dit Pascal, n'est ni ange ni bête. » Il n'est pas un ange, pour vivre au-dessus des nuages ; il n'est pas une bête, pour se plaire aux choses viles. Ni ange ni bête, mais chrétien, c'est-à-dire homme de Dieu, intermédiaire entre l'homme et Dieu.

Jadis, au-dessus et quelquefois au milieu des villages, s'élevait la tour du seigneur, séparée des autres habitations par un fossé qui entourait la motte sur laquelle la tour était assise. En principe, cette tour était destinée à protéger les pauvres paysans contre les agressions si fréquentes en ce temps-là ; le seigneur féodal, gardien et défenseur de ses vassaux, devait leur ouvrir sa demeure à la moindre alarme. L'église jouait le même rôle ; elle était l'asile qu'on ne pouvait violer sous peine de sacrilège. Ainsi les chrétiens sont les rois et les prêtres du monde ; ils érigent, au milieu des faiblesses et des crimes, la noble tour de la foi et de l'espérance, ouverte à tout venant ; ils rassurent, consolent et sauvent l'humanité.

II

Ce n'est pas qu'il faille nécessairement donner à la Maison de l'Esprit la forme d'un château ou d'une église : plus elle sera laïque et moderne, plus elle remplira le rôle magnifique dont je viens de parler. Sur quels plans faudra-t-il donc la construire ? Telle est notre seconde question.

Mais avant de commencer à bâtir, laissez-moi vous rappeler qu'il est certaines règles immuables auxquelles vous ne sauriez vous soustraire. Forteresse ou maisonnette, votre maison ne pourra être solidement bâtie sans l'aide de l'équerre, du niveau d'eau et du fil à plomb. L'essentiel n'est pas qu'elle soit grande, mais qu'elle soit droite : quelle que soit l'étendue de votre esprit, c'est sa rectitude qui importe le plus. Un homme de conscience sans génie est toujours bienfaisant ; un homme de génie sans conscience est le fléau du monde.

Gardez-vous de deux travers, presque aussi communs l'un que l'autre et funestes tous les deux. Le premier, c'est la servilité dans l'imitation ; le second, c'est la fausse originalité, la bizarrerie. La peur excessive d'être « singulier » n'est pas moins blâmable que la recherche de la singularité. Il ne faut pas faire une chose, ni refuser de la faire, uniquement parce que d'autres la font.

Ces grands principes dûment respectés, il nous est loisible de bâtir la Maison de l'Esprit selon nos goûts, nos facultés et surtout notre vocation.

Ne se préoccuper de la façade que dans une certaine mesure. Beaucoup d'édifices n'ont guère autre chose ; ils sont jolis, mais inhabitables. L'Esprit pourrait en dire autant de plusieurs d'entre vous, peut-être, jeunes gens et jeunes filles, que leur extérieur préoccupe infiniment plus que tout le reste. Ce n'est pas que je veuille médire de la toilette, si l'on entend par ce mot le soin légitime du corps qui, n'étant pas une guenille, ne doit pas être en guenilles. Mais ce soin peut être facilement exagéré, tandis que l'aménagement intérieur de notre être est négligé tout aussi facilement.

On soigne la façade au détriment de l'intérieur, lorsque, même sans être vaniteux de sa personne, on donne plus d'importance à la vie matérielle : au bien-être, à la fortune, à la position, qu'à la vie morale, aux qualités du coeur et de la conscience.

Je connais un album unique, où sont représentées, - quelquefois par un simple croquis, le plus souvent dans le plus grand détail, - quelques-unes des plus belles Maisons de l'Esprit qui aient jamais existé depuis les temps les plus reculés. Consultez-le ! je ne vous dis pas de copier servilement telle ou telle vie, mais je vous engage à emprunter à toutes ces nobles âmes les principes qui les ont guidées.

Cet album, c'est la Bible, où se trouvent racontées les vies héroïques et saintes des Abraham, des Joseph, des Moïse, des David, des Daniel, et celles de Paul, de Pierre, de Jean : voilà des modèles !

Et au-dessus d'eux tous s'élève la pure et parfaite Maison de l'Esprit, le temple de Dieu parmi les hommes : Jésus-Christ ! Inimitable, direz-vous. Vous vous trompez. Jésus, notre Sauveur, est aussi notre Exemple ; il est notre Exemple parce qu'il est notre Sauveur ; la puissance de sa mort nous rend capables d'imiter sa vie.

Ayez donc, à l'exemple de Jésus, des apôtres et de tous les saints réels, une chambre en votre Maison spirituelle pour le grand travail de la vie : la prière et la communion avec Dieu. Sans l'activité cachée des racines, la plante n'aurait ni sève ni fleurs ; sans le travail intérieur de la prière, toute oeuvre, même religieuse, est factice, inféconde, mauvaise. Tout palais a son oratoire ; l'édifice de votre vie doit avoir le sien : ce sera le quart d'heure matinal consacré à Dieu, ce sera le dimanche tout entier, le dimanche, jour où le ciel visite la terre et se confond avec elle, pour qui sait faire de ce jour-là l'usage voulu de Dieu.

Ayez aussi la chambre des délassements, où vous cultiverez tout ce qui, sans être sacré au sens religieux du mot, est encore moins profane : la nature, les arts, les livres, tout ce que Dieu a fait ou permis, pour sa gloire et pour notre bien. C'est une existence bien décolorée que celle où ne se trouve jamais une heure pour jouir du printemps, de la musique et de la poésie. Bien loin d'être contraires à la sainteté de la vie, ces choses y contribuent, et je plains celui qui n'y voit que dangers et pièges du diable. Car Dieu n'a pas voulu que la Maison de l'Esprit fût la prison de l'Esprit, l'étroite casemate du soldat, la cellule du cénobite, mais plutôt la demeure large, aux grandes fenêtres ouvertes sur tous les points de l'horizon, par lesquelles entrent tous les souffles du ciel, et dont la noble joie fait envie aux esclaves du monde.

Ayez la chambre d'amis ; que ce soit la plus gaie de toutes, et qu'elle ne soit jamais vide. Non pas que votre Maison doive être une hôtellerie banale : les amitiés trop faciles ne valent guère, et ce qu'il y a de plus rare ici-bas, c'est un véritable ami. Heureux David, - même persécuté, honni, traqué à mort, - s'il a trouvé son Jonathan !

Parlerai-je d'une partie essentielle de la Maison, qu'un sage architecte ne néglige jamais ? Le sujet ne sera peut-être pas poétique, mais la vie est faite de réalités. Eh bien, oui, je parlerai du sous-sol. C'est là que, si vous n'y prenez garde, s'engendreront les miasmes pestilentiels, l'humidité traîtresse. Une belle façade, une installation confortable ont leur importance ; mais à quoi sert tout cela si la fièvre et la peste résident au coeur même de la maison, montent par les canaux dissimulés dans les murailles, et tuent les habitants ?

Voyez à quelle source les hommes d'aujourd'hui, - l'homme civilisé surtout, - puisent leur joie. Pour fêter dignement leurs amis, ils ne se contentent pas des fleurs et des rayons ; la musique et les arts ne suffisent pas à les charmer. Il leur faut l'ivresse folle, qui devient bientôt l'ivresse sombre et brutale. Leur provision de gaieté est déposée au fond de leur cave, sous une ignoble couche de poussière et de toiles d'araignées que l'on exhibe religieusement aux convives avant de leur verser la précieuse liqueur, bordeaux, Champagne ou Chambertin.

Dans la Maison de l'Esprit, c'est le coeur qui correspond à la partie souterraine de l'édifice ; c'est de lui que montent les inspirations, bonnes ou mauvaises. « Car c'est du coeur que procèdent les sources de la vie. » C'est de lui que sortent les mauvaises pensées, les convoitises coupables, qui peu à peu asservissant la Volonté, se traduisent bientôt en actes criminels. Jeunes gens, ayez avant toutes choses un coeur honnête et sain. Descendez tous les jours dans ce for intérieur, ayant en mains la lampe de la Parole divine, pour en chasser tout ce qui rampe et se plaît aux ténèbres ! Le coeur a horreur du vide : remplissez-le de nobles affections, de passions viriles, de saints enthousiasmes, et s'il plaît à Dieu, cachez-y un pur et grand amour qui durera autant que votre vie. L'amour de Dieu d'abord, puis toutes les formes de ce sentiment sacré, voilà le vin qui réconforte, rajeunit, et seul rend immortel !

Le livre des Proverbes de Salomon contient une description de la femme parfaite, dans laquelle se trouvent ces mots : « Sa lampe ne s'éteint point pendant la nuit. »

Voilà une perfection redoutable, si ces mots signifient que la femme idéale veille et travaille nuit et jour, sans trêve ni repos. Mais, Dieu merci, ce n'est pas là le sens de cette phrase. Il est d'usage en Orient, de temps immémorial, de laisser pendant la nuit dans le vestibule une lampe allumée dont la petite flamme brille joyeusement aux yeux des passants attardés. Est-ce le symbole de l'amour qui veille ? Est-ce la flamme destinée à écarter les rôdeurs, les bêtes fauves et les mauvais esprits ? Ou la lumière amicale qui doit éclairer le voyageur égaré ? C'est peut-être tout cela, et d'autres choses encore. Et je voudrais tirer de cette poétique coutume une leçon pour nos femmes, nos filles et nos soeurs. Vous qui êtes le charme de la maison, vous sans qui elle serait, malgré tout son luxe, vide et désolée pour nous, ô femmes, tenez allumée la lampe de la bienveillance ! Riche ou non, que votre demeure soit toujours hospitalière ! Que les malheureux et les découragés sachent par vous que tout n'est pas perdu encore, et quand tout semble fermé, sauf la tombe, que votre coeur, du moins, leur soit ouvert !

III

Peut-être aurais-je dû commencer par où je vais finir. Mais en vérité, on ne sait, en matière de construction, ce qui est le plus essentiel : l'emplacement, le plan, ou les matériaux à employer.

Les matériaux !
Avec quoi bâtirons-nous la Maison de l'Esprit ?
Saint Paul, qui a employé longtemps avant nous notre comparaison, parle d'édifices construits avec « du foin, de la paille et du chaume. » Des fous et des enfants peuvent seuls employer de telles substances, combustibles au premier chef ! Il se trouve pourtant des gens soi-disant raisonnables qui bâtissent ainsi.

Foin, paille et chaume - l'édifice de notre vie religieuse, si notre religion n'est faite que d'opinions probables, d'hypothèses et de « peut-être. »
Foin, paille et chaume - si notre vie morale n'est faite que de nos bonnes oeuvres, de notre honnêteté, de nos vertus naturelles.
Foin, paille et chaume - si nos espérances pour l'éternité ne reposent que sur la parole des hommes, ou sur nos propres efforts pour nous rassurer en présence de la mort !
Tout cela ne résistera pas à la secousse finale, ni surtout au grand incendie, au suprême Jugement !

On ne bâtit pas avec des choses pareilles - il faut la pierre rugueuse mais solide de la Vérité absolue, de la Sainteté parfaite et de l'Assurance divine. Il faut bâtir sur le Roc avec des quartiers de Roc.
« Tu es pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, » a dit Jésus. Ce qui signifiait : « Je suis le Roc sur lequel il faut bâtir, et pour former un même édifice avec moi il faut que toi, mon disciple, tu sois de ma nature : roc sur roc ! Avec le ciment de la foi, l'édifice sera indestructible. »

Jésus est donc à la fois le rocher sur lequel la Maison de l'Esprit s'édifie, et la carrière qui fournit les matériaux de cette construction. C'est en Lui que nous croyons : voilà pour les fondements. Et c'est à Lui que nous demandons de nous fournir nos idées, nos doctrines, d'inspirer tous nos actes : voilà pour les pierres.

Jeunes gens, plutôt que de bâtir sur autre chose, et avec autre chose, que ce roc de la vérité absolue, mieux vaudrait renoncer tout de suite à un labeur inutile. Croyez-moi, il vaut la peine de passer sa vie entière à creuser, sans cesse, pour trouver le sol solide, même s'il faut, en attendant, passer ses nuits à la belle étoile. Cherchez la Vérité avant d'entreprendre quoi que ce soit : vouez-vous à cette recherche comme le mineur se voue à son travail souterrain pour chercher l'or qui, pour lui, est la vie ! Creusez ! car vous n'avez que la vie présente pour trouver le fondement, tandis que l'éternité vous reste, à la rigueur, pour bâtir dessus.

D'ailleurs, la Vérité est-elle si difficile à trouver ? Le roc ne vient-il pas de lui-même s'offrir à nos regards, dans l'Évangile ? Faut-il creuser si longtemps pour découvrir et reconnaître Dieu en Jésus-Christ ?
Enfin, l'édifice est debout, - je ne dis pas achevé, puisque le temps n'est qu'un commencement de l'éternité. Il est debout, cependant ! Mais que deviendra-t-il à l'heure de notre mort ? En sera-t-il de cette Maison de l'Esprit, que nous aurons pris tant de peine à bâtir, comme de toute oeuvre d'homme, caduque et périssable ?
Non, non !

Lorsque le Riche de la parabole partit pour l'autre monde, il laissa derrière lui son palais et ses richesses et descendit nu dans l'Hadès. Mais le pauvre Lazare, quand il fut porté par les anges dans le sein d'Abraham, monta au ciel avec sa Maison, cette Maison de l'Esprit qu'il avait érigée ici-bas avec sa foi, sa patience, sa charité et son humilité.

Et nous aussi, chrétiens, nous partirons avec notre Maison, et nous irons l'achever plus haut ! C'est pourquoi posons-la sur le fondement solide, bâtissons-la suivant le divin Modèle, et n'employons que des matériaux qui soient à l'épreuve du feu éternel.

De saintes actions et de nobles paroles,
Jeunesse, bâtissez l'idéale Maison
Où logeront la Foi, l'Amour et la Raison,
Ces prêtres éternels des temples sans idoles !



Un beau dévouement.

Une histoire vraie, quoique invraisemblable.

n millionnaire américain avait, parmi ses employés, un homme très capable, mais très ardent à propager les doctrines socialistes. Ce patron mit à la porte ce serviteur compromettant, bien qu'il n'eût pas à lui reprocher une infidélité ou une inexactitude dans son travail. Mais ses idées ne lui convenaient pas, ni la franchise avec laquelle il les répandait. Le dur capitaliste chassa l'homme, sans se préoccuper de ce qu'il deviendrait, sans réfléchir qu'un traitement pareil ne pouvait qu'exaspérer le malheureux et l'égarer davantage dans la voie des revendications violentes et de la haine sociale.

Ce millionnaire avait un fils, converti à Jésus-Christ et animé de l'Esprit de Dieu, et dont tout le temps se passait à faire autour de lui le plus de bien possible, sans se préoccuper des idées politiques de ceux à qui il portait secours.

Un jour, une grève éclata dans la ville de New-York, et cette grève prit de si grandes proportions qu'il y eut collision sanglante entre les ouvriers et la police. Saisi de pitié, voulant à tout prix mettre un terme à ce combat fratricide, le courageux jeune homme se jeta dans la mêlée, avec des paroles de paix adressées aux grévistes, qui le connaissaient et dont beaucoup avaient accepté ses bienfaits. Au premier rang, se trouvait l'agitateur que son père avait renvoyé. Au moment où la police allait charger de nouveau, le fils du capitaliste se plaça devant l'ennemi de son père ; un coup de feu retentit : le jeune homme tomba, victime, lui représentant de la classe opulente, de son dévouement en faveur de la classe déshéritée, et spécialement en faveur de l'homme qui haïssait son père et que son père haïssait....

Voilà un beau trait, digne des temps antiques, digne surtout de celui qui l'a inspiré : Jésus-Christ. Car l'Évangile seul avait pu donner à ce jeune homme un tel héroïsme ; lui apprendre à aimer, même jusqu'à mourir pour eux, des hommes qu'une éducation trop partiale lui avait sans doute enseigné à considérer comme ses ennemis naturels.

Cette mort rappelle, quoique de bien loin seulement, le sacrifice accompli par Jésus-Christ en notre faveur : Lui aussi appartenait à un autre monde, à un monde supérieur, et rien ne l'obligeait à se rendre solidaire des malheureux habitants de ce globe. Fils du Maître souverain, le seul Maître dont le pouvoir soit de tous points légitime et ne doive jamais être contesté, car il est parfaitement juste, il a pris parti pour les révoltés, sans les suivre dans leur révolte, mais au contraire afin de les ramener à l'obéissance. Il s'est placé entre la loi et les pécheurs, et le châtiment mérité par eux, est tombé sur Lui. Oh ! quel amour, quel héroïsme, que l'amour et l'héroïsme de la croix !

Ce serait cependant une fausse application de cette histoire employée comme comparaison, si nous voyions dans ce capitaliste sans entrailles une image du Dieu créateur. C'est de cette erreur-là qu'est née la formule célèbre, aujourd'hui acceptée par des multitudes de travailleurs comme l'expression de l'idéale liberté : « Ni Dieu ni Maître » ; formule qui serait blasphématoire, si elle n'était chez la plupart, du moins, excusée par l'exécrable enseignement prétendu religieux qu'on leur a donné dans leur enfance. Sans doute, si Dieu n'était que le plus grand, le plus implacable, le plus cruel des capitalistes, s'il n'avait que des sévérités pour les hommes, ses esclaves, exigeant d'eux plus qu'ils ne peuvent donner et ne respectant pas leur libre arbitre, il faudrait se révolter contre lui ; ou plutôt, il faudrait conclure qu'il n'existe pas.

Mais rien n'est plus faux que cette doctrine ; bien loin que nous soyons réduits à la misère par la privation de notre liberté, nous ne sommes misérables que parce que Dieu a respecté notre liberté, et la respecte encore, même dans ses égarements ; bien loin que Dieu soit le premier de nos tyrans, il fait seul contrepoids à tous nos tyrans ensemble ; qui n'a pas Dieu doit avoir des maîtres, hommes ou choses. Dieu nous a créés, nous, pour avoir, Lui, des objets à aimer, et afin que ces objets fussent dignes de son amour, il les a faits à son image ; nous sommes de sa race par droit de naissance.

Trompés par le mystérieux Serpent, nous nous sommes révoltés, et c'est alors que Dieu, le même Dieu qui nous avait créés, s'est fait homme afin de nous créer de nouveau, en nous donnant, cette fois, une ressemblance plus parfaite avec lui. C'est pour opérer cette création nouvelle que le Fils a pris sur lui notre condamnation et qu'il est mort à notre place. Il nous a ainsi donné Dieu pour Père.

Bénissons-le de tant d'amour, adorons-le avec reconnaissance, attachons-nous à lui de toutes nos forces, et faisons connaître autour de nous la grâce infinie de notre Dieu.



Table des matières

Page précédente:
Page suivante:
 

- haut de page -