LE VRAI BONHEUR
LE MONDAIN MOURANT.
« Je fus appelé, raconte M.
Hervey, auprès d'un monsieur qui
était naguère l'homme le plus robuste
et le plus enjoué que j'eusse jamais connu.
Maintenant tout cet éclat s'était
évanoui. Dès que je me fus assis
à côté de son lit, il jeta sur
moi un regard inquiet, et me dit ensuite :
« Oh ! que n'ai-je
été sage, que n'ai-je
considéré ma fin ! Ah !
monsieur, la mort frappe à ma porte ;
dans quelques heures je rendrai
le dernier soupir ; et alors viendra le
jugement... le terrible jugement... N'étant
pas préparé, comment, pourrai-je
comparaître devant ce Dieu qui fait tout et
qui peut tout ? Comment soutiendrai-je le jour
de sa venue ? » Comme je lui parlais
entre autres choses de la sainteté qu'il
avait méprisée pendant sa vie, il
répliqua avec une grande
vivacité : « Oh ! cette
sainteté est la seule chose que je
désire maintenant. Je n'ai pas d'expression
pour vous dire combien je l'apprécie. Pour
l'obtenir, j'abandonnerais volontiers tous mes
biens, quoiqu'ils soient considérables, je
donnerais tout un monde. Maintenant, mes yeux
près de s'éteindre sont
ouverts ; je distingue clairement les choses
véritablement bonnes. Où je vais, que
trouverai-je, si ce n'est Dieu ? Qu'y a-t-il
de désirable sur la terre, si ce n'est la
piété ?
- Mais, lui dis-je, si Dieu vous rendait la
santé, croyez-vous que vous changeriez de
manière de vivre ?
- Je prends le ciel et la terre à
témoin, me répondit-il, que je
lutterais pour la sainteté, comme je vais
lutter pour la vie. Quant aux richesses, aux
plaisirs, aux applaudissements des hommes, je les
regarde comme de la boue et du fumier, ne pouvant
pas plus servir à mon bonheur que ces plumes
qui sont répandues sur le
plancher. Oh ! si le juste Juge voulait
m'éprouver encore ! s'il voulait me
donner du répit et m'épargner encore
un peu de temps, dans quel esprit je passerais mes
jours ! Je n'aurais pas d'autre occupation,
pas d'autre but que d'avancer dans la
sainteté. Tout ce qui pourrait y contribuer,
tous les moyens de grâce, me seraient plus
précieux que des millions d'or et d'argent.
Mais, hélas ! pourquoi m'abandonner
à de pareilles rêveries ? Les
meilleures résolutions ne sont plus rien,
lorsqu'elles sont formées trop tard. Le jour
où j'aurais dû travailler est
passé, et je vois approcher une nuit
terrible, qui apporte avec elle la terreur d'une
éternelle obscurité. Malheur à
moi ! quand Dieu m'a appelé, j'ai
refusé de le suivre ; quand il m'a
invité j'ai cherché des excuses.
Maintenant aussi, je reçois le salaire de
mes actions. L'effroi et l'épouvante sont
tombés sur moi. Je souffre d'horribles
angoisses, et ce n'est encore que le
commencement ! Je ne sais pas ce que je
deviendrai ; mais, sûrement, je serai
perdu, perdu dans l'abîme
éternel. »
» Cette scène si triste, je l'ai
vue de mes yeux ces paroles si déchirantes,
je les ai entendues de mes oreilles ; et
bientôt après j'ai accompagné
au tombeau le corps de cet
infortuné. »
UNE
JEUNE FEMME
Un grand nombre de ceux qui ont porté le
nom, béni de chrétien ont
éprouvé une terrible angoisse
à l'heure de la mort. Tous ceux qui
atteignent ce moment solennel, sans s'être
occupés sérieusement de leur salut,
éprouveraient les mêmes sentiments, si
leur âme avait la conscience de son
état, et s'ils se mettaient
réellement en présence de
l'éternelle vérité. Que les
jeunes gens et les indifférents lisent avec
sérieux le récit qui va suivre, et
qu'ils se souviennent qu'eux aussi mourront un
jour :
« Une jeune fille, baignée
de larmes, vint un jour me dire, que sa soeur
était mourante et qu'elle désirait
beaucoup de me voir. La pauvre malade avait environ
trente ans ; elle était d'une basse
condition, mais elle était plus instruite
que la plupart des femmes de son rang. Elle avait
été élevée à
l'école du dimanche, et avait fait partie du
choeur de la chapelle jusqu'à
l'époque de son mariage. Non-seulement elle
connaissait assez bien la Bible, mais encore elle
avait donné des preuves encourageantes d'un
changement inférieur. Malheureusement, elle
donna sa main à un jeune homme qui ne
craignait pas Dieu et qui devint, un piège
pour elle. Hélas !
de tels exemples ne sont pas rares ! Les
soucis domestiques lui firent négliger
entièrement les moyens de grâce. Les
chagrins et la misère affaiblirent sa
constitution qui avait toujours été
délicate : une hydropisie menaça
ses jours. Dès qu'elle fut couchée
sur un lit de douleur, elle se rappela les
vérités qu'elle avait apprises avec
tant de plaisir ; « elle se souvint
de Dieu et se tourmenta ; » elle fut
remplie d'angoisse à la pensée
qu'elle avait négligé les choses qui
pouvaient seules donner la paix à son
âme.
» Oh ! comme elle déplorait
amèrement sa conduite, comme elle trouvait
pénible la voie du
péché ! Elle ne pouvait plus se
flatter de vivre. En entrant dans sa chambre, je
vis son visage contracté par la douleur,
j'entendis ces mots prononcés d'une voix
déchirante : Oh ! je ne puis
pas mourir ; j'ai besoin de voir sa face.
Je ne m'étais jamais aussi bien uni à
la prière de Balaam : « Que
je meure de la mort du juste, et que ma fin soit
semblable à la sienne ! » Je
demandai à la malade de qui elle
désirait voir la face : « De
Jésus réconcilié avec moi,
répondit-elle. - N'avez-vous aucune
espérance d'avoir part aux mérites de
Christ ? lui demandai-je. - Non, dit-elle,
non ; je n'ai aucune
espérance, je suis perdue, je ne puis pas
mourir. »
» J'aurais voulu que certaines
personnes, que je connais, eussent
été témoins de la fin de cette
malheureuse femme. »
L'auteur de ce récit s'efforça
de l'amener à chercher le pardon par le sang
de Jésus : « Oh !
s'écria-t-elle, que n'ai-je une part avec
ceux qui sont justifiés par ce
sang ! » Quelques minutes
après, cette infortunée expira.
0 vous qui, après avoir reçu
dans votre jeunesse de pieuses instructions, avez
depuis lors négligé Jésus et
sa grâce, considérez quelle longue
suite de misères, quel sort
épouvantable vous vous réservez pour
l'avenir, et rappelez-vous celle dont les
dernières paroles furent :
« Je ne puis pas mourir, je ne puis pas
mourir ! »
UNE AUTRE
JEUNE
FEMME.
Le Dieu éternel nous déclare dans
sa Parole que la voie des pécheurs est
rude (
Prov., XIII, 15 ). Cette
vérité ne se montre jamais avec
autant d'évidence que dans ceux qui ont paru
d'abord disposés à suivre le chemin
de la paix et qui l'ont ensuite abandonné.
Tel fut le cas de la personne dont nous allons
parler.
Elle était née de parents
pauvres et honnêtes, et avait appris les
premiers principes de la religion dans une
école du dimanche. À l'âge de
dix-huit ans, elle entra comme servante dans une
famille pieuse. Jusqu'alors elle avait vécu
sans s'inquiéter de son salut ; mais
dans cette nouvelle condition elle parut ressentir
profondément sa misère spirituelle,
et fit profession ouverte de piété.
À dix-neuf ans elle quitta cette
place pour une autre bien supérieure sous le
rapport des avantages terrestres ; mais,
hélas ! le maître de la maison
aimait les choses du monde plus que celles du ciel.
Chez lui les devoirs de la piété
étaient non-seulement
négligés, mais encore tournés
en ridicule. Cette jeune fille eut à essuyer
une grande persécution de la part de ses
compagnons de service, et elle finit par
négliger la prière secrète et
les autres moyens de grâce. Peu à peu
on la vit plus rarement au culte public ; elle
montrait de la répugnance à
s'entretenir des choses de la piété,
tandis qu'auparavant elle aimait beaucoup de
pareilles conversations. Pourtant elle ne retourna
point dans le monde sans que sa conscience
élevât fortement la voix. Elle savait
qu'elle faisait mal, mais elle s'endurcissait en se
livrant aux illusions du péché.
À l'âge de vingt ans elle fut
atteinte d'une maladie très-grave ;
elle se rompit un vaisseau de sang. Le lendemain du
jour où cet accident lui arriva, elle fut
visitée par une personne pieuse, qui l'avait
connue avant sa chute, et qui a laissé le
récit suivant :
« Je lui demandai comment elle
allait ; elle répondit :
Très-mal, très-mal. Je lui dis
alors que je ne croyais pas qu'il y eût pour
elle aucun espoir de guérison, et je lui
adressai quelques questions sur l'état de
son âme, en présence de
l'éternité - « Voila ce qui
me manque, s'écria-t-elle ; je ne
regretterais pas la vie, si mes
péchés m'étaient
pardonnés, Puis, fondant en larmes, elle
ajouta :
« Oh ! que ne me suis-je
repentie quand l'Esprit de Dieu me pressait !
Mais maintenant je suis perdue... » Je
revins la voir, et je pus lire sur son visage
combien était terrible l'angoisse de son
âme, qui certainement hâta sa fin. Je
lui demandai comment elle se sentait :
« Malheureuse,
malheureuse ! »
répondit-elle. Je lui répétai
quelques passages consolants de la Parole de Dieu,
adressés à ceux qui se sont
détournés de la bonne voie ;
mais ce fut en vain ; son âme s'agitait
sous l'influence de la plus cruelle agonie. Elle
s'écriait - « Ah ! que j'ai
été trompée, quand je me
portais bien ! Je
renvoyais
de jour eh jour le moment de ma conversion ;
ah ! que ne puis-je recommencer vivre !
que n'ai-je obéi à
l'Évangile ! Maintenant voici
l'enfer ; il faut que j'y brille
éternellement... Ah ! je n'en puis
supporter l'idée ! »
» Elle continua ainsi à exhaler
son désespoir dans les plus horribles
expressions. Je lui rappelai que
Jésus-Christ ne veut nullement repousser les
pécheurs qui viennent à lui, et que
son sang purifie de tout péché :
« Le sang de Christ,
répondit-elle, sera le plus grand tourment
que j'endurerai dans l'enfer, ne m'en parlez
plus ! » Je la quittai avec un
sentiment inexprimable de tristesse. Elle expira le
lendemain matin vers six heures. La femme qui la
soignait me dit que son état n'avait fait
qu'empirer, quand je l'eus quittée, à
tel point que l'un n'osait rester dans sa chambre
avec elle.
Une heure avant sa mort, on l'entendit
s'écrier à plusieurs reprises
L'ÉTERNITÉ ! Oh !
brûler pendant
l'éternité ! »
UNE JEUNE
FILLE.
Quelqu'un a dit que « l'agonie du
libertin, quoique silencieuse, est une
prédication plus puissante que le plus
éloquent sermon prononcé, dans une
chaire. » Parmi
tout
ce qu'on raconte à ce sujet, le récit
suivant est un de ceux qui montrent le mieux
l'horreur d'une pareille situation.
La personne dont nous allons raconter la
mort était une jeune fille âgée
de seize ans, aussi remarquable par la
beauté de son visage que par la corruption
de son coeur. Elle fut appelée subitement
à comparaître devant Dieu, pendant
qu'elle marchait, tête baissée, dans
la voie du libertinage, ne songeant qu'il
satisfaire ses penchants dissolus.
Un matin elle déclara avec beaucoup
d'angoisse, qu'elle se sentait frappée de
mort et damnée pour toute
l'éternité. Elle s'écriait
dans son délire, que le diable lui avait dit
qu'à six heures il l'entraînerait dans
les tourments de l'enfer : elle se mit
à exhorter ses compagnes d'iniquité
à se repentir, si elles ne voulaient pas la
suivre dans le gouffre des misères sans fin.
Celles-ci furent tellement affectées
à la vue de ses souffrances, qu'elles
parlèrent d'aller chercher un pasteur ;
mais l'infortunée jeune fille
s'écriait avec des cris d'horreur, que rien
ne pouvait la sauver, que la sentence était
déjà prononcée, qu'il ne lui
était plus possible d'obtenir son pardon. Le
coupable chef de l'abominable maison où elle
était demandait à la voir ; mais
elle ne voulut pas y consentir :
« Oh ! disait-elle, dites-lui que je
le maudis dans l'amertume de mon
âme, et qu'en rendant mon dernier souffle, je
souhaite qu'il me suive bientôt dans la
misère éternelle. Il me tardera de
l'y voir arriver, afin de pouvoir aider
moi-même à le tourmenter. C'est
à lui que je dois ma perte : il
m'entraîna le premier dans le vice quand je
n'avais que treize ans. Sans aucun doute, la
damnation sera son partage, comme celui de tant
d'autres qui ont travaillé à
détruire l'innocence et la
vertu. » Elle sauta plusieurs fois de son
lit, s'écriant de la manière la plus
horrible : « Vous ne m'aurez pas
encore ! il n'est pas six heures. »
Son délire continua jusqu'à l'heure
fatale.
L'horloge sonna six heures ; elle
expira.
HOBBES
Hobbes était un incrédule bien
connu qui vivait il y a un siècle et demi.
Quand il était seul , son esprit
était souvent agité par de terribles
pensées; si sa lampe venait à
s'éteindre dans la nuit, il
s'éveillait glacé
d'épouvante.
Le Dr Wallis raconte de lui
que,s'entretenant un jour avec une dame de haut
rang, il dit que s'il était le maître
du monde, il le donnerait tout entier pour vivre un
jour de plus. Cette dame lui
exprima son étonnement de
ce qu'un philosophe si instruit et qui avait tant
d'amis ne fût pas disposé à se
priver d'un jour de vie, si par ce moyen il pouvait
les combler de richesses. « En serais-je
plus heureux après ma mort !
répondit l'incrédule. Je le
répète, si je pouvais disposer du
monde entier, je le donnerais pour un jour de
vie. » Qu'il est différent le
langage du vrai chrétien : Il me
tarde de déloger de ce monde pour être
avec Christ, ce qui m'est beaucoup meilleur...
bien meilleur que toutes les jouissances de la
terre !
Malgré toutes ses prétentions
à la science et à la philosophie,
Hobbes, arrivé sur les bords du tombeau, fut
contraint d'avouer qu'il allait se plonger dans les
ténèbres.
ÉDOUARD GIBBON.
Edouard Gibbon, auteur d'une histoire du
déclin et de la chute de l'empire romain,
est célèbre comme ayant
professé les principes d'une soi-disant
philosophie incrédule.
Né en 1737, il embrassa dans sa
jeunesse le catholicisme qu'il abandonna plus tard.
Au reste, il parait avoir donné peu
d'attention à la religion ; il semble
même qu'elle n'a jamais été
pour lui l'objet de
sérieuses recherches. Dans ses
mémoires, il a, sans s'en douter,
dépeint d'une manière frappante la
triste vie de l'incrédulité.
« Le présent, dit-il,
n'est qu'un moment qui s'enfuit, le passé
n'est plus, l'avenir est obscur et douteux.
Aujourd'hui est peut-être mon dernier
jour ; mais les lois de la probabilité,
si vraies en thèse générale,
si trompeuses dans leur application
particulière, m'accordent environ quinze
ans. En supposant que mon esprit et mon corps
n'éprouvent aucun
dépérissement
prématuré, je suis forcé de
remarquer que deux causes, la plus grande
brièveté du temps et la perte de
l'espérance, empreindront le soir de ma vie
d'une teinte toujours plus sombre. »
Comme il n'avait aucune espérance
pour l'éternité, il désirait
ardemment la prolongation de sa vie
terrestre ; vingt-quatre heures avant sa mort,
il disait à un ami qu'il pensait bien vivre
encore dix, douze ou vingt ans peut-être.
Durant sa courte maladie, il ne parut pas songer
à une vie future. Cette insensibilité
à la dernière heure est ce que les
sceptiques appellent mourir en philosophe.
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