LE VRAI BONHEUR
ÉLISA CUNNINGHAM (1785).
La piété ne paraît jamais
plus aimable que chez les plus jeunes disciples du
Sauveur. C'est, chez eux surtout
que l'oeuvre de Dieu est merveilleuse ; c'est
surtout dans ces faibles plantes,
moissonnées à la fleur de
l'âge, que se manifestent admirablement la
fidélité de Dieu et le triomphe de
ses bien-aimés. La mort est, de sa nature,
un terrible ennemi mais celui qui a vaincu la mort,
l'a dépouillée de toutes ses terreurs
pour un grand nombre de ses fidèles
disciples, afin de la faire apparaître comme
une messagère de paix. Et ces grandes choses
n'ont pas été accordées
seulement au pèlerin qui pliait sous le
poids de quatre-vingts années, mais encore
à ceux qui commençaient à
peine le voyage de la vie.
Nous avons beaucoup d'exemples de
chrétiens qui ont dit adieu avec joie aux
choses de la terre, quoiqu'ils fussent encore
jeunes. Au milieu d'un monde de séductions,
à l'âge où le coeur est le plus
accessible à ses brillants attraits, ils
n'ont rien trouvé ici-bas qui pût leur
faire désirer d'y rester. Ils avaient fini
leur oeuvre pour l'éternité, avant
que d'autres eussent commencé la leur pour
la terre. Pour eux, ces années qui sont
d'ordinaire une époque de
légèreté et de dissipation,
avaient été le temps favorable, le
jour de la grâce et du salut, A peine
entrés dans cette vallée de larmes,
ils l'ont quittée, et à l'âge
de seize, dix-huit, vingt ans, ils étaient
mûrs pour le ciel.
Elisa Cunningham naquit le 6 février
1771. Dès qu'elle eut accompli sa
douzième année, elle fat
confiée aux soins de son oncle, M. John
Newton, le vénérable pasteur de
l'église de Saint-Mary-Woolnoth, à
Londres.
M. Newton nous a laissé les
détails suivants sur la mort de sa
nièce - « Les excellents parents
d'Elisa s'étaient efforcés,
dès son enfance, de l'amener au Seigneur et
de nourrir son âme des principes de la
piété. Ils furent tellement
bénis dans leurs efforts, que leur enfant
devint un modèle de soumission, d'obligeance
et de douceur. Cependant quand elle vint chez nous,
je ne pus découvrir en elle aucun sentiment
réel des choses de Dieu. Si je voulais lui
parler des intérêts de son âme,
elle ne me répondait que par des
pleurs ; mais j'eus bientôt
l'espérance que le Seigneur avait
éclairé son esprit et attiré
son coeur par des cordages d'amour. Son attention
pendant le culte divin était
exemplaire ; elle s'appliquait avec soin
à observer la loi de Dieu ; elle y
mettait tout son bonheur ; aussi toute sa
conduite devint-elle conforme à
l'Évangile de Christ, de sorte que mon
espoir fut pleinement confirmé.
» Ou ne pouvait que rarement
décider Elisa à parler
d'elle-même ; cependant, lors de la
maladie que le Seigneur lui envoya pour terminer
son séjour ici-bas, nous
désirions vivement apprendre de sa bouche
quelles étaient ses convictions et quelle
était son attente au-delà du tombeau.
Le samedi 1er octobre 1787, sa tante profita d'une
occasion favorable pour lui annoncer que l'heure de
son délogement était probablement peu
éloignée. Dans ce moment, elle
paraissait beaucoup mieux, ses souffrances avaient
presque cessé, et elle avait recouvré
sa liberté d'esprit habituelle -
« Chère amie, commença Mme
N..., n'étiez-vous pas bien mal la nuit
dernière ? - Oui, j'étais bien
mal. - Si cela n'avait pas cessé, je crois
que vous n'auriez pas vécu longtemps !
- Je le crois aussi. - J'ai été, dans
une grande inquiétude pour votre vie. - Mais
je pense, ma chère tante, que vous
n'éprouverez plus la même
inquiétude. » Et continuant, elle
ouvrit son coeur par un aveu plein de
liberté, dont voici la substance :
« J'ai bien changé depuis
quelque temps, je vois tout sous un jour
nouveau ; j'ai senti la vanité, de
l'enfance et de la jeunesse. » Sa tante
lui dit : « Je crois que vous avez
depuis longtemps l'habitude de prier en secret. -
Oui, j'ai longtemps et sérieusement
cherché le Seigneur, depuis que j'ai
pressenti le changement solennel qui va
s'opérer en moi. Je n'ai pas encore, il est
vrai, cette assistance parfaite qui est si
désirable ; mais j'ai
dans mon âme un espoir, un
espoir fondé ; c'est que le Seigneur me
donnera, avant de me retirer de la terre, tout ce
qu'il. sait m'être nécessaire. Je lui
ai demandé de me préparer pour aller
vers lui, et alors, que ce soit tôt ou tard,
peu importe. »
» Ce mieux apparent fut de courte
durée ; le soir du même jour elle
se plaignit d'un mal de gorge qui empira avec une
telle rapidité, qu'avant le dimanche
à midi il menaça de
dégénérer en une suffocation
complète. Le docteur Benamor, étant
venu la voir, lui dit : « Vous
n'êtes pas aussi bien que samedi. -
Bientôt tout ira bien, »
répondit l'intéressante malade. Le
docteur lui répliqua que, soit qu'elle
vécût soit qu'elle mourût, tout
irait bien et pour la gloire de Dieu.
» Le lundi 3 octobre, elle
éprouva de grandes douleurs et des moments
d'une angoisse extrême ; il lui
était impossible de rester à la
même place pendant quelques minutes, mais son
âme était calme et portée au
recueillement. Vers onze heures, une grande
quantité de mucus coagulé qu'elle
n'eut pas la force d'expectorer la fit râler
avec violence, ce que nous regardâmes comme
le symptôme d'une mort prochaine. Comme elle
semblait ne vouloir rien prendre, nous eûmes
le regret de la troubler, en la pressant dans ce
moment solennel. Elle avait toute sa raison, mais
ne pouvant parler, elle
exprimait par des gestes
très-énergiques son refus de prendre
quelque chose ; toutefois elle finit par
céder à nos supplications, et une ou
deux cuillerées d'un liquide rendirent le
passage libre et la ranimèrent
bientôt. Cela lui fit une peine
extrême, et je ne l'ai jamais vue si
près d'être impatiente que dans cette
occasion : « Oh ! il est cruel,
s'écria-t-elle dès qu'elle put
parler, de me rappeler quand j'étais si
heureuse et si près de partir ! Je
voudrais que vous ne fussiez pas venus, car il me
tarde d'être dans ma patrie. » Mais
au bout de quelques minutes, elle se calma et
reconnut la vérité de ce que lui
disait le docteur sur son devoir d'attendre
patiemment le temps que Dieu avait fixé.
Depuis ce moment, quoique son désir de
déloger pour être avec Christ
fût de plus en plus ardent, elle prit avec
joie ce qu'on lui donna, et même plusieurs
fois elle demanda quelque chose de son propre
mouvement.
» Le docteur étant venu le
mercredi, elle le supplia de lui dire, combien de
temps elle pouvait vivre encore :
« Me parlez-vous bien
sérieusement, ma chère ? demanda
celui-ci. - Certainement, »
répondit-elle. La mort paraissait alors
s'approcher à grands pas ; le docteur
dit à Elisa qu'elle pouvait tenir
jusqu'à huit heures du soir, mais qu'il ne
pensait pas qu'elle pût jusqu'à
minuit. À ces mots, les
yeux abattus de la malade reprirent de leur
ancienne vivacité, et se fixèrent sur
le docteur avec une expression de contentement
ineffable : « Oh ! quelle bonne
nouvelle ! » lui dit-elle avec
transport. Une personne étant entrée
dans sa chambre bientôt après, Elisa
lui dit avec émotion : « Le
docteur dit que dans quelques heures je ne serai
plus ici. » Dans l'après-midi,
elle compta les heures chaque fois que l'horloge
sonnait, et quand il fut sept heures, elle
s'écria : « Encore une heure,
et alors.... » Mais il plut au Seigneur
de nous la conserver un autre jour.
» Le jeudi matin, je fus surpris de la
trouver, non-seulement en vie, mais encore mieux
à quelques égards. Ce jour, qui fut
celui de sa mort, fut bien mémorable pour
nous. M. Benamor lui demanda comment elle se
trouvait - « Vraiment heureuse,
répondit-elle, et si c'est là mourir,
c'est une chose agréable que la
mort. » Vers dix heures, elle me
dit : « Mon cher oncle, je ne
voudrais pas changer mon sort contre celui de qui
que ce soit au monde. Combien sont grandes les
gratuités du Seigneur envers moi !
combien est glorieux le changement qui
m'attend ! » Plusieurs fois on lui
demanda si elle ne désirait pas de vivre,
pourvu que le Seigneur lui rendît une
parfaite santé ; elle
répondit : « Pas pour tout au
monde, pas pour mille mondes. Ne
pleurez pas sur moi, ma chère tante,
réjouissez-vous plutôt, et priez Dieu
pour votre nièce. J'aurai maintenant
l'avantage de ma chère Patty Barham, car
j'irai avant elle (c'était une de ses amies
qui avait été longtemps dans un
état maladif). » Nous lui
demandâmes quel texte elle voulait choisir
pour le sermon qui serait prononcé à
l'occasion de ses funérailles. Elle
répondit aussitôt :
« Le Seigneur châtie celui qu'il
aime
(Héb. XII, 6). C'est là
mon expérience : mes afflictions ont
été nombreuses, mais le Seigneur les
a fait tourner en bien ; je le loue pour
toutes ces choses. » Elle s'arrêta
un moment, et dit : « Attendez, je
pense qu'il vaut mieux cet autre texte :
Heureux sont les morts qui meurent au
Seigneur
(Apoc., XIV, 13). C'est là mon
expérience maintenant. »
» Elle s'entretenait beaucoup avec une
amie intime qui était tous les jours avec
elle : « Voyez, lui disait-elle,
combien le Seigneur peut rendre agréable un
lit de mort. Pensez-vous avoir une telle assurance
dans un pareil moment ? - Je l'espère,
répondit son amie. - Mais priez-vous le
Seigneur à ce sujet, sérieusement et
de tout votre coeur ? Si vous le cherchez,
vous le trouverez certainement. » Elle se
mit alors à prier avec ferveur pour son amie
et pour d'autres personnes, de sa famille.
» Vers sept heures, je me promenais
dans le jardin, en priant pour elle, quand une
servante vint me dire - Elle est
partie ! O Seigneur ! que ta
puissance est étendue, que ta bonté
est immense ! Quelques jours auparavant,
j'aurais fait tout ce qui eût
été possible et permis pour la
conserver ; et, cependant mon coeur a
été rarement ému d'une aussi
grande joie que lorsque j'entendis ces
paroles : Elle est partie ! Je
courus dans sa chambre, et toute notre petite
famille fut bientôt réunie autour de
son lit. Elle était partie si doucement, que
sa tante, qui avait les yeux fixés sur elle,
ne s'en aperçut pas tout de suite. Elle
était couchée sur le
côté gauche, la joue doucement
appuyée sur sa main, dans l'attitude d'un
véritable sommeil. Je crus voir un sourire
sur son visage. Certainement la mort ne parut
jamais sous une forme plus belle et plus
attrayante. Nous tombâmes à genoux, et
je rendis les actions de grâces les plus
sincères (je crois pouvoir le dire) à
notre Dieu et Sauveur, pour toute la bonté
dont il avait usé envers elle à
l'heure du départ. Oui, je suis content, je
suis réjoui, et si une des larmes
involontaires que j'ai versées sur elle
avait pu la rappeler à la vie, à la
santé et à tout ce qui contribue au
bonheur dans ce monde, j'aurais fait tous mes
efforts pour la retenir. Maintenant mes plus
ardents désirs pour elle
sont accomplis. Les jours de son deuil sont
finis ; elle a abordé à ces
rivages paisibles où les orages du mal n'ont
aucun accès ; elle est pour toujours
à l'abri du péché, de la
tentation et des chutes ; elle est maintenant
devant le trône de Celui qu'elle a
aimé sans l'avoir vu ; elle s'abreuve
aux sources d'eaux vives qui découlent de
lui, et elle n'aura jamais soif. Le Seigneur en
soit loué et
glorifié ! »
Elisa Cunningham remit son esprit entre les
mains de son Rédempteur, le 6 octobre 1785,
à l'âge de quatorze ans et huit mois.
ELISA
M...
C'est une gloire particulière au
christianisme de s'approprier à toutes les
positions : il remplit la chaumière du
plus humble villageois de joie et de
félicité, et le maître d'un
palais ne peut sans lui goûter un bonheur
réel. Il enseigne à l'enfant à
bégayer la louange de son bien-aimé
Rédempteur, et il soutient dans la
vieillesse la tête blanchie par les soucis et
par les années. Il rend sage le plus
ignorant, et, comparée avec la connaissance
qu'on trouve en lui seul, la sagesse du plus sage
n'est que folie. Partout où il a
pénétré, il a apporté
un bonheur que le monde ne connaît point,
excepté ceux qui l'ont
reçu. Le riche et le pauvre, l'enfant et le
vieillard, le savant et l'ignorant, ont
trouvé en lui leur sagesse, leur
consolation, leur joie et leur espérance. Il
adoucit le sentier de la vie, il éclaire la
sombre vallée de la mort, et revêt
d'une gloire impérissable les joies de
l'éternité. Le récit qui
précède à montré la
douce influence que la religion exerce sur l'esprit
des plus jeunes personnes : nous allons en
présenter un autre exemple également
édifiant.
La jeune fille dont nous allons raconter les
derniers moments était dans cette position
sociale où l'on a tant d'occasions de se
livrer aux joies du monde. Aussi était-il
à craindre qu'elle ne se laissât trop
captiver par la vie de frivolité et par les
manières agréables de la
société mondaine qui l'entourait.
Mais le Seigneur l'arracha à ce danger. il
se servit de la mort d'un de ses parents pour
l'amener à reconnaître la
vanité des choses terrestres. Cet
événement fit sur son esprit une
impression profonde, et excita en elle des
réflexions qui eurent la plus salutaire
influence. De plus elle commença à
craindre, à cause de sa santé qui
était très-délicate, de
n'avoir pas longtemps à demeurer ici-bas. La
mort lui apparut alors sous un aspect effrayant,
parce qu'elle sentait qu'elle était
pécheresse et qu'elle n'était pas
réconciliée avec Dieu.
Pleinement convaincue qu'elle ne pouvait
obtenir la vie éternelle, sans le pardon des
péchés, la sanctification et un
esprit convenablement disposé pour le ciel,
elle se condamnait pour toutes les folies de son
enfance et de sa jeunesse, et bien qu'elle ne fit
connaître à personne ses
inquiétudes intérieures, elle avait
quelquefois de pénibles combats a soutenir.
Elle ne chercha du soulagement qu'auprès de
Dieu, répandant ses requêtes devant
son trône pour obtenir cette
miséricorde, ce pardon gratuit qui n'est
jamais refusé à ceux qui le demandent
sincèrement au nom de Jésus-Christ.
Celui qui a dit : J'aime ceux qui
m'aiment, et ceux qui me cherchent soigneusement me
trouveront
(Prov., VIII, 17), se manifesta avec
tant de bonté à son âme, qu'il
la délivra de toutes ses craintes, et lui
donna en même temps l'espérance et la
paix. Elle put enfin dire : « Je
suis faible, il est vrai, mais Christ est
fort ; je suis pauvre, mais il est
riche ; je suis malade, mais il est le
médecin ; je suis pécheresse,
mais il est le Sauveur des pécheurs. En lui
j'ai trouvé tout ce qui peut satisfaire
à mes besoins. »
Le sacrifice expiatoire de Christ
guérit les blessures de sa conscience et
rendit la paix à son mur
angoissé.
Dès-lors, renonçant à
toute confiance en la chair, elle regarda pour son
salut tout entier à la croix du
Rédempteur.
Lorsque sa maladie prit un caractère
alarmant, elle pria M. Fawcett, un pasteur du
voisinage, de la visiter aussi souvent que ses
occupations le lui permettraient. Celui-ci ne tarda
pas à reconnaître en elle une
intelligence des choses spirituelles plus
étendue qu'il ne l'avait
espéré. Sa foi était ferme et
éclairée, son espérance vive
et profonde.
Lorsqu'un ministre est appelé
auprès des malades, il se trouve souvent
dans un grand embarras. Parler de la mort et de la
préparation à ce grand
événement, semble à beaucoup
de personnes une chose dure et cruelle. Celui qui
veut se conduire à cet égard avec
franchise et fidélité ne doit pas
s'attendre à être souvent
appelé dans la maison des
affligés ; mais ici la malade
était dans une disposition bien
différente. Elle savait que sa maladie
était mortelle, et elle ne voulait pas
entendre parler d'une guérison incertaine et
même impossible. Elle quittait même
avec joie les biens temporels qui devaient
être son partage ; car depuis qu'elle
avait trouvé Christ elle était
non-seulement indifférente, mais encore
morte à l'égard des choses de la
terre.
Sa mère versait d'abondantes larmes
sur leur prochaine et douloureuse séparation
- « Maman, disait alors la jeune fille,
ne pleurez pas sur moi ; je suis
tout-à-fait heureuse, je ne désire
pas de vivre. Si même mes
souhaits pouvaient prolonger ma vie, j'aimerais
mieux mourir et aller à mon
Rédempteur. »
Quoiqu'elle fût bien chère
à ses amis, ils ne pouvaient que souhaiter
de voir le moment de sa délivrance. Ses
souffrances étaient grandes et
prolongées, mais elle les supportait avec
une patience rare et un entier détachement
des choses d'ici-bas. Son coeur et ses
espérances étaient dans le ciel. La
mort n'était plus pour elle un objet de
crainte, mais de désir ; aussi
considérait-elle même les plus petites
choses en vue de sa fin. Elle parlait de mourir
comme on parle de faire un voyage agréable
« Quoi ! ma chère demoiselle,
lui disait une de ses servantes, ne, redoutez-vous
point les souffrances de la mort ? »
Elle répondit qu'elle n'avait aucune crainte
à cet égard, parce que son
miséricordieux Sauveur était capable
de la soutenir au milieu des tourments les plus
terribles. En proie à des douleurs
très-aiguës, elle disait souvent .
« Je suis très-heureuse, je ne
changerais ma position pour aucune
autre. » Elle partagea en plusieurs
portions une petite somme d'argent dont elle
pouvait disposer, et les envoya aux personnes
qu'elle savait en avoir le plus besoin et le
mériter le mieux.
M. Fawcett a raconté de la
manière suivante la dernière visite
qu'il lui fit :
« Je la trouvai extrêmement
malade, mais soutenue par la vive espérance
de posséder la gloire éternelle. Je
lui pris la main que je trouvai glacée.
« Vos combats finiront bientôt, lui
dis-je. - Je l'espère, » me
répondit-elle avec une paisible assurance.
Elle me demanda de prier avec elle et en
particulier pour sa délivrance. Je
m'efforçai de le faire, en remettant son
âme entre les mains de son Rédempteur
qu'elle aimait si sincèrement. Elle parut
s'unir avec ferveur à cette requête.
Je lui adressai encore quelques paroles pour
raffermir sa foi dans le dernier combat, et je
partis n'espérant plus la revoir ici-bas. Sa
toux était inquiétante, ses
souffrances très-grandes et sa faiblesse
impossible à décrire. Après
que je l'eus quittée, elle voulut changer de
place, et sentant se détendre en elle les
ressorts de la vie, elle dit à ses
servantes : « C'est
fini. » Elle conserva parfaitement sa
connaissance et sa sérénité
jusqu'à la fin, s'écriant
souvent : Viens, Seigneur Jésus.
À neuf heures et demie, elle rendit son
âme à Celui qui l'avait depuis
longtemps marquée de son sceau. À
l'âge de quinze ans, elle entra dans le
repos réservé au peuple de
Dieu. »
DERNIER
TÉMOIGNAGE D'UNE JEUNE FEMME.
Le récit suivant est tiré d'une
lettre adressée par le
vénérable J. Newton à un homme
d'un rang distingué
(1) :
« Permettez-moi, Milord, de vous
raconter à cette occasion des choses qui
m'ont vivement frappé, dans une conversation
que j'ai eue avec une jeune femme que j'ai
visitée dans sa dernière maladie.
C'était une personne sage et prudente, qui
avait beaucoup de bon sens, et qui avait lu sa
Bible, mais qui n'avait guère lu autre
chose. La connaissance qu'elle avait du monde
était aussi presque entièrement
bornée à sa paroisse ; car je ne
pense pas que, dans toute sa vie, elle se fût
éloignée de chez elle de plus de cinq
ou six lieues. Il y avait environ sept ans qu'elle
connaissait l'Évangile, lorsque le Seigneur
la visita par une maladie de langueur qui finit par
la transporter dans un monde meilleur.
» Quelques jours avant sa mort, j'avais
prié à
côté de son lit, et
dans ma prière, j'avais remercié le
Seigneur de ce qu'il lui avait donné de voir
qu'elle n'avait pas suivi des fables
« artificieusement
composées, » Quand j'eus fini de
prier, elle répéta ces mots :
« Non, dit-elle, non, ce ne sont pas des
fables artificieusement composées, ce sont
vraiment des réalités ; j'en
sens la vérité, je sens la
consolation qui en découle. Oh ! dites
à mes amis, dites à mes
connaissances, dites aux âmes qui cherchent
la paix, dites aux pauvres pécheurs, dites
à toutes les filles de Jérusalem
(faisant allusion au verset 16 du Ve chapitre du
Cantique de Salomon, qu'elle venait de me prier de
prendre pour texte le jour de ses
funérailles) ; dites-leur ce que
Jésus a fait pour mon âme. Dites-leur
que maintenant, à l'heure du besoin, je
trouve en lui mon bien-aimé et mon ami, et
que c'est pour cela que je leur recommande de le
chercher. »
» Elle me regarda fixement, et, autant
que je puis m'en souvenir, elle continua en ces
termes :
« Monsieur, le Seigneur vous a
accordé une grande faveur en vous appelant
à prêcher l'Évangile. Je vous
ai souvent écouté avec plaisir ;
mais, permettez-moi de vous le dire, je vois
maintenant que tout ce que vous avez dit ou tout ce
que vous pourrez dire n'est que bien peu de chose
en comparaison de la
réalité. Jusqu'à ce que vous
vous trouviez dans la même situation que moi
et que vous ayez la mort et
l'éternité en face, il ne vous sera
pas possible de concevoir toute la gravité
et toute l'importance des vérités que
vous annoncez. Oh ! monsieur, c'est une chose
sérieuse que de mourir ; il n'est point
de paroles qui puissent exprimer tout ce qui est
nécessaire pour soutenir l'âme dans la
solennité de l'heure de la
mort. »
» Quand je la visitai de nouveau, elle
me dit :
« Je sens que mon espérance
repose sur le Rocher des siècles ; je
sais en qui j'ai cru ; mais l'approche de la
mort présente une perspective qui nous est
cachée jusque-là, et qu'il est
impossible de décrire. » Elle
parla encore dans le même sens ; et dans
ce qu'elle disait, il y avait une dignité,
un poids et une évidence que les professeurs
de théologie parlant du haut de la chaire
ont rarement égalé.
Nous pouvons bien dire avec
Élihu : Qui est-ce qui enseigne
comme le Dieu fort
(Job, XXXVI, 22) ? »
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