LE VRAI BONHEUR
JAMES HERVEY. - (1758).
James Hervey, chrétien éminent et
zélé ministre, naquit en 1713,
à Hardingstone, près de Northampton,
en Angleterre. Il ressentit de bonne heure
l'importance de la religion, mais il ne fut,
éclairé que plus tard sur sa
véritable nature - « La
lumière, disait-il, ne fut pas
instantanée, elle ne rejaillit pas sur mon
âme, mais elle se leva comme l'aurore. -
Maintenant, disait-il encore, si j'avais toutes les
bonnes oeuvres des saints et des martyrs, et si je
pouvais les regarder comme miennes, je les
abandonnerais toutes pour gagner
Christ. »
Dès que l'Esprit de
vérité eut relui dans son coeur,
toute sa joie fut de parler aux autres des gloires
de l'Évangile. Il ne fit plus retentir la
chaire de discours sur la morale des
philosophes ; mais Christ crucifié fut
désormais son unique sujet. Ses travaux
furent bénis pour plusieurs durant sa vie,
et, depuis sa mort, le Dieu
de
grâce a voulu se servir de ses écrits
pour le bien spirituel d'un plus grand nombre
encore.
Peu de temps avant sa fin, la faiblesse de
sa santé lui fit pressentir qu'il serait
bientôt retiré dans le repos
éternel. En 1747, il fut atteint d'une
maladie si violente, qu'il se crut près de
mourir. Il écrivit alors à un
ami : « Je crois que nous manquons
à notre devoir, et que nous nous privons de
notre meilleure consolation, en négligeant
la sainte Parole de Dieu. Pour moi, je reconnais
que j'ai trop aimé les ouvrages
élégamment écrits dans notre
langue, ainsi que les historiens et les
poètes de l'antiquité. Si j'avais
à recommencer ma vie, je laisserais de
côté toutes ces brillantes
frivolités, j'abandonnerais les
délices de l'éloquence et de
l'esprit, et je me consacrerais tout entier aux
livres de la vérité. Je me tiendrais
assidûment aux pieds de mon divin
Maître, et je ne voudrais savoir que
Jésus-Christ et Jésus-Christ
crucifié. Voilà la véritable
sagesse, dont les fruits sont la paix pendant la
vie, la consolation à l'heure de la mort et
un salut éternel dans les cieux. C'est cette
sagesse que je chercherais dans tous les
trésors que m'ouvrent l'Ancien et le
Nouveau-Testament. En un mot, je voudrais, comme
les apôtres, m'adonner tout entier à
la prière et à l'étude
de la Parole de Dieu. Quant
à mon ministère public, mon principal
but serait de produire, dans l'esprit de mes
auditeurs, un profond sentiment de leur état
de péché et de perdition, et une
conviction claire et vivante que Christ, par son
sang, sa justice, son intercession et son Esprit,
peut les sauver du plus grand danger.
Tout mon espoir est en Jésus, mon
Rédempteur. Si le roi des
épouvantements me menace, je me
réfugie dans les plaies de l'Agneau
immolé, comme la colombe tremblante dans les
fentes des rochers. Si Satan m'accuse, j'offre pour
caution celui qui s'est chargé de mon crime
et qui a porté mes péchés en
son propre corps sur le bois maudit, afin que
toutes les nations de la terre fussent
bénies en lui. Si l'enfer ouvre sa gueule,
je regarde à ce Seigneur
miséricordieux qui a dit :
Garantis-le, afin qu'il ne descende pas dans la
fosse ; j'ai trouvé sa
rançon
(Job,
XXXIII, 24). Si l'on dit que
rien de souillé ne peut entrer dans le
royaume des cieux, je réponds :
« Le sang de Jésus me purifie
de tout péché
(1 Jean, I, 7) ; quand
mes
péchés seraient comme le cramoisi,
ils seront blanchis comme la neige
(Esaïe,
I, 18). »
Si l'on ajoute : « Personne
ne peut s'asseoir au banquet de l'Agneau, sans un
habit de noces ; et votre justice n'est-elle
pas devant la loi pure et l'oeil
perçant de Dieu comme le linge le plus
souillé
(Esaïe,
LXIV,
6) ? » ma réponse
est : « J'abandonne ma justice et je
la cherche dans le Seigneur ; car il est
écrit dans cette Parole qui doit juger le
monde au dernier jour : Par
l'obéissance d'un seul, plusieurs seront
rendus justes
(Rom.,
V, 19). » Je mets
donc ma confiance en Jésus, mon cher et
adorable Sauveur ; ses mérites me
soutiennent à travers la vallée de
l'ombre de la mort ; ils me gardent au milieu
de l'océan sans bornes de
l'éternité. S'il plaît au Dieu
de gloire de remarquer quelques-uns de mes faibles
efforts pour honorer son saint Nom, ce sera un
effet de sa bonté et de sa grâce
infinies ; mais son Fils, sa justice et ses
souffrances, voilà mon espérance et
mon salut. »
Pendant sa dernière maladie, qui fut
extrêmement longue, il manifesta toujours les
mêmes sentiments de piété, et
il conserva dans son âme la ferme assurance
que Christ avait payé sa rançon. Cet
humble chrétien ne voyait rien en
lui-même qui pût le recommander
à son Rédempteur ; aussi la paix
de ses derniers moments ne fut pas celle d'un homme
innocent et juste, mais celle du pécheur
racheté qui attend tout de Christ, se
reconnaissant coupable et vil au-delà de
toute expression.
Le jour de sa mort, il posa la main sur sa
poitrine, et dit : « Ah ! vous
ne savez pas quel grand combat
j'ai à soutenir. » Il demeura
quelque temps les yeux élevés vers le
ciel, les mains jointes comme s'il priait, et
répéta deux ou trois fois :
« Quand ce grand combat sera
passé, alors.... » Il voulait sans
doute parler du ciel.
Trois heures avant sa mort, son
médecin, voyant que l'agonie allait venir,
le pria de se ménager :
« Non, docteur, répondit
Hervey ; non, puisque je n'ai que peu de temps
à vivre, que je le passe à adorer
notre grand Rédempteur. » Il
répéta le
26e verset du psaume LXXIII :
« Ma chair et mon coeur étaient
consumés ; mais Dieu est le rocher de
mon coeur et mon partage à
toujours ; » et puis ce passage de
saint Paul : « Toutes choses sont
à vous, soit la vie, soit la mort, soit les
choses présentes, soit les choses à
venir
(1 Cor., III, 21, 22). »
« Voici, dit-il, le trésor du
chrétien ; la mort en fait partie, et
c'est là un trésor bien
précieux. Que de grâces n'ai-je pas
à rendre pour un tel bienfait ! La mort
est le passage qui me conduit au Seigneur et au
Dispensateur de la vie éternelle ; elle
me délivre de toutes les souffrances dans le
moment convenable. Je supporterai volontiers toutes
ces afflictions tant que Dieu trouvera bon de me
les envoyer ; je sais qu'elles ne sont que
pour un temps ; elles cesseront à la
mort, pour me mettre en possession d'un poids
éternel de gloire. O mort !
sois la bienvenue, tu peux
être comptée parmi les trésors
du chrétien ; Christ est ma vie, et la
mort m'est un gain. » Il se reposa un
moment, et son visage respirait la
sérénité quoique l'agonie
eût commencé. Puis, se soulevant un
peu il dit : « Seigneur tu laisses
maintenant aller ton serviteur en paix selon ta
très-sainte et très-consolante
Parole ; car mes yeux ont vu ton
précieux salut. Voilà, docteur, mon
remède ; et que sont tous les
remèdes donnés pour soutenir un
mourant, à côté du salut que
Christ nous promet ? Voilà,
voilà ce qui me soutient. »
Vers trois heures, il s'écria :
« Le combat est fini. »
Dès-lors il ne parla plus que d'une
manière inintelligible, et l'on ne comprit
que ces mots : Précieux salut.
RISDON
DARRACOTT
(1759).
Le village isolé de Swanage, dans le
Dorsetshire, vit naître cet éminent
serviteur de Christ. - Au mois de février
1717, il entra dans le désert de ce monde,
et quelques jours après sa mère en
sortit pour se reposer avec le Seigneur.
Quelques-uns des ancêtres de cette femme
chrétienne avaient été de ceux
qui, regardant toutes choses comme une perte
à cause de Christ, s'étaient
exilés volontairement
dans les forêts de l'Amérique. Avec
eux et avec son fils, cette mère pieuse et
humble fait maintenant partie de la bienheureuse
famille des rachetés, et jouit du repos
éternel que Dieu nous réserve.
On ne connaît pas exactement
l'époque de la conversion de
Darracott ; ce fut probablement de bonne heure
que son père, qui était ministre de
l'Évangile, jeta dans son jeune coeur les
semences de la piété. Risdon quitta
le toit paternel pour devenir l'élève
du pieux Doddridge, à l'académie de
Northampton. Après avoir terminé ses
études, il se trouva pendant quelque temps
dans une position précaire et fut
exposé à des épreuves
pénibles. Cependant, le grand Berger des
fidèles se souvint de lui et lui
désigna Wellington pour le champ de ses
travaux. Il s'acquitta de l'oeuvre de son
ministère avec zèle et
succès.
Le temps vint où Dieu allait rappeler
auprès de lui ce laborieux serviteur. Depuis
un mois le nombre des fidèles de son
église ne s'était pas
augmenté, ce qui lui donna un pressentiment
de sa mort : « Maintenant, dit-il,
je me crois près de ma fin ; mon oeuvre
est achevée ; j'irai bientôt me
reposer dans la maison de mon
Père. » Son âme était
réjouie par cette pensée, quand, le 3
décembre 1758, il administra pour la
dernière fois la Cène
du Seigneur. Le soir de ce
jour,
il composa la méditation suivante, qu'il
envoya dans une lettre à un de ses amis de
Londres :
« Est-ce là la voix de mon
cher Seigneur - Oui, je viens
bientôt ? Amen ! c'est tout mon
désir. Mon âme remplie de joie
répond : Oui, viens, Seigneur
Jésus ! viens, car il me tarde d'en
avoir fini avec cette misérable vie, avec
ses fardeaux, ses chagrins et ses tentations. Ce
retard me fatigue ; j'ai hâte
d'être dans ma patrie, j'ai hâte
d'être avec toi, afin que, là
où tu es, je puisse contempler ta
gloire.
Viens donc, Sauveur béni,
aussitôt que tu le voudras ; brise ces
liens d'argile qui me retiennent encore ;
abats ce mur qui m'empêche de te voir.
Je ne crains plus la mort, mais je la
désire. Je salue déjà le coup
décisif, la dernière, la plus
éclatante preuve de ton amour envers
moi ; en rompant mes chaînes, tu
ouvriras les portes de ma prison, tu mettras mon
âme en liberté, tu me
délivreras, ô délicieuse
pensée ! de tous ces restes du
péché qui habite en moi, de ce
péché sous le poids duquel j'ai si
longtemps gémi. J'ai sans cesse combattu
contre lui ; mais tous mes efforts, toutes mes
larmes, toutes mes prières n'ont jamais pu
m'en dégager entièrement. À
toi seul appartient de m'affranchir parfaitement et
à jamais de toutes mes misères.
Oh ! viens, réponds à mes
supplications, et donne-moi pour
toujours ce bonheur que j'ai si vivement
désiré et espéré, ta
douce et aimable présence, bien-aimé
Sauveur ! Oui, Jésus, je t'aime quoique
je ne t'aie pas vu, et quoique je ne te voie pas
encore ; je me réjouis en toi d'une
joie ineffable et glorieuse. Ce monde n'a plus
d'attraits pour mon coeur ; je ne
désire pas y rester un seul moment de
plus ; mon âme est prête. C'est
avec joie que je quitte cette enveloppe mortelle,
et que je prends congé de tous ceux que j'ai
aimés ici-bas.
Adieu, mes chers amis chrétiens, vous
m'avez donné pendant mon voyage de doux
encouragements, mais je vous quitte pour une
meilleure, pour une plus douce intimité.
Vous me suivrez bientôt, et alors notre
communion si réjouissante deviendra parfaite
et ne sera plus interrompue ; le lien qui nous
unit ne sera jamais brisé. Et toi surtout,
mon cher ***, adieu. Notre amitié a presque
atteint la maturité du ciel ; nos
coeurs se sont tendrement attachés l'un
à l'autre ; cette sainte union ne sera
pas dissoute par la mort, car étant unis
à Christ, nous serons unis ensemble pour
toujours. Avec quelle reconnaissance ne nous
rappellerons-nous pas ces paroles - Christ est
tout en tous
(Col.,
III, 11) ! Ne t'afflige
pas de me voir aller le premier à lui ;
encore un peu de temps, et tu viendras me
rejoindre. Pense avec quelle allégresse je
saluerai ton arrivée au
rivage du ciel, et je te conduirai à Celui
qui est si cher à nos âmes. Nous ne
nous verrons plus à Wellington, mais nous
nous embrasserons. Oui, nous nous embrasserons dans
l'éternité pour ne plus nous
séparer. Adieu jusques alors ! Je te
quitte le coeur inondé de reconnaissance
pour les marques de ton excellente amitié,
et avec le plus vif désir que tu jouisses de
toute espèce de félicité.
Adieu ! toi, mon épouse
chérie ! ma compagne la plus
affectionnée sur la route du ciel ; toi
que Dieu m'a donnée dans sa plus grande
miséricorde et qu'il m'a laissée
jusqu'à la fin de ma course ! Pour tous
tes soins, ton amour, tes prières, je
bénis Dieu et je te remercie au moment de
mon départ. Quoique tu sois ce qui m'est le
plus cher au monde, je trouve facile de te quitter
pour aller à Jésus, qui m'est
infiniment plus précieux. Je te remets avec
plaisir entre ses mains, ne doutant pas de ses
soins à ton égard, car il t'a
aimée et s'est donné lui-même
pour toi. Notre séparation sera courte, nos
âmes se réuniront bientôt, et
alors nous ne connaîtrons plus de
séparation. Comme nous avons
été unis dans la tribulation et dans
la patience, nous le serons aussi dans la gloire de
notre Seigneur.
Adieu, vous, mes chers enfants ! Je
vous quitte ; mais Dieu
s'est chargé, par la plus inviolable
promesse, de prendre soin de vous. Seulement
choisissez pour votre Dieu, Celui qui a
été le Dieu de votre
père ; alors la Providence,
l'éternelle et toute-puissante Providence,
vous dirigera et vous préservera au milieu
des écueils de ce monde dangereux et
méchant. C'est avec cet espoir que je vous
fais mes adieux, soutenu par la promesse de Celui
qui est fidèle, et disant avec le
patriarche : « Je meurs, mais Dieu
sera avec vous. » Je prie avec
humilité, pour que vos âmes et celles
de vos parents soient liées ensemble dans le
faisceau de la vie avec le Seigneur votre
Dieu.
Adieu, mon cher troupeau, mes
bien-aimés frères, à qui j'ai
prêché l'Évangile
éternel, l'Évangile qui fait
maintenant toute mon espérance et toute ma
joie. Beaucoup, beaucoup d'entre vous rendent ma
joie parfaite et formeront ma couronne
éternelle de gloire. En vous quittant, je
bénis Dieu pour tous les succès qu'il
a bien voulu accorder à mes travaux, et pour
toutes les grâces dont il m'a comblé
parmi vous. Adieu, mes chers amis ! Je prends
aujourd'hui congé de vous à la table
sacrée de notre Sauveur béni, avec la
confiance et l'espoir que, si je ne bois plus avec
vous ici-bas du fruit de la vigne, je le boirai
nouveau avec vous dans le royaume de notre
Père céleste. Seulement, mes
très-chers et
bien-aimés frères, qui êtes ma
joie et ma couronne, demeurez fermes de cette
manière en notre Seigneur, mes
bien-aimés. - Pour vous qui ne croyez point
encore, je m'afflige en pensant que je vous laisse
dans un misérable état. Vous
n'entendrez plus mes paroles qui ont si souvent
retenti à vos oreilles, mais inutilement.
Oh ! écoutez-moi cette fois ;
retenez l'exhortation d'un mourant ; ne restez
pas éloignés de Christ, et que je
n'aie pas la douleur de vous trouver à sa
gauche au grand jour du jugement.
» Et maintenant, adieu, vous aussi,
prières et méditations ; adieu,
sabbats et sacrements ! J'en ai fini avec vous
tous, et vous avez fait en moi tout ce que vous
aviez à y faire. Comme la manne et le rocher
d'Israël dans le désert, vous m'avez
fourni de délicieux rafraîchissements
pendant mon voyage ; aussi en vous quittant,
je remercie Dieu pour toutes les consolations et
pour tous les secours spirituels que j'ai
reçus par votre moyen. Je n'aurai plus
besoin de vous désormais : je vais
à Celui qui a institué tous ces
moyens de grâce ; je vais à la
fontaine qui a rempli les étangs
d'ici-bas ; je ne boirai plus aux ruisseaux,
mais je m'abreuverai à la source même
et pendant toute l'éternité.
» Adieu, mon pauvre corps ! tu ne
seras plus une prison pour mon âme, tu ne
l'empêcheras plus de se
consacrer au service de Dieu, tu ne l'enlaceras
plus et tu ne la souilleras plus de
péchés.
» Adieu pour toujours aux chagrins et
aux péchés, aux doutes et aux
craintes, aux tentations et aux combats !
Adieu à la terre et a toutes les choses de
la terre ! elles ne sont plus rien pour
MOI ; un monde infiniment plus brillant se
présente à mon âme
ravie. »
Sa maladie dura encore pendant trois mois,
et quoiqu'elle lui causât souvent des
douleurs très-violentes, elle n'eut pas la
puissance de lui arracher un seul murmure ; la
louange et l'action de grâce sortaient
continuellement de sa bouche. Aussi le
médecin qui le soignait écrivait-il,
dans une lettre où il annonçait la
mort de ce serviteur de Dieu : « Je
n'ai jamais vu, parmi les mourants que j'ai
assistés, un exemple aussi remarquable de la
sainte résignation et de la joie triomphante
qu'un chrétien peut montrer à son lit
de mort. »
Trois semaines avant son délogement,
Darracott disait. « Je vais à
Jésus que j'aime et que j'ai si souvent
prêché. Viens, Seigneur Jésus,
viens bientôt ! Pourquoi les roues de
ton char vont-elles si
lentement ? »
Il disait encore la veille de sa mort :
« Oh ! quel Dieu de bonté
j'ai en Jésus-Christ ! je voudrais le
louer, mais je ne le puis pas ;
l'éternité sera trop
courte pour raconter ses
louanges. » Après avoir dit
combien il avait éprouvé la
bonté de Dieu pendant sa maladie, il
ajouta : « Oh ! si j'avais
mille vies, je voudrais les consacrer toutes
à Christ ; j'ai jeté mon ancre
sur lui, je me repose sur ses mérites et je
vais lui confier le soin de tout ce qui me
regarde. » Voyant pleurer ses amis et sa
femme, il dit à celle-ci :
« Pourquoi pleures-tu, ma
bien-aimée ? Tu devrais te
réjouir. Confie-toi aux promesses
véritables et certaines du Seigneur ;
il ne te laissera pas et il ne t'abandonnera pas.
Pour moi, je quitte des amis qui pleurent, pour
aller vers les anges et les saints glorifiés
qui se réjouiront de me recevoir. Oh !
béni soit Dieu, il me comble de ses
bénédictions. »
« Combien de temps ma
délivrance tardera-t-elle ?
demanda-t-il. - Très-peu, lui fut-il
répondu. - Bien, je ne désire plus
rien sur la terre ; je suis ici dans
l'attente.... Quelle grâce d'être en
Jésus ! ... Il vient ! il
vient ! Mais est-ce bien là la
mort ? Comme le Seigneur m'adoucit ce
passage !
Jésus est trop bon, pour un
vermisseau tel que moi... Hâte les roues de
ton char ! pourquoi sont-elles si
lentes ? Il me tarde de partir. »
Enfin il s'écria, comme s'il
commençait une phrase : « La
foi et l'espérance » Mais la Parole
expira sur ses lèvres. À onze heures
du matin il se coucha, à
midi il s'endormit dans le sein de ce Jésus
qu'il avait tant aimé.
Mme Darracott finit sa vie dans le veuvage.
Elle soupirait souvent après l'heure de son
départ, qu'elle salua enfin avec un visage
calme et triomphant. Sur sa demande, son corps fut
enseveli à Wellington auprès de celui
de son mari. Quand on ouvrit la tombe pour l'y
placer, une personne se trouva là qui,
quarante ans auparavant, avait eu le coeur
touché par le ministère de M.
Darracott. Cette personne était
retournée dans le monde et avait
oublié Dieu pour les frivolités du
siècle. L'idée lui vint de revoir
« les restes de son pasteur ; mais
l'aspect de ces os lui rappela avec tant de force
les pensées et les sentiments que jadis la
voix de ce serviteur de Dieu avait produits en
elle, qu'elle fondit en larmes et exprima à
haute voix les craintes et les terribles angoisses
de son âme. Ainsi, le juste laisse
après lui une prédication
vivante ; quoique mort, il parle
encore, et de sa tombe sa voix
s'élève, terrible pour le
méchant, et consolante pour le disciple de
Christ.
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