Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LE VRAI BONHEUR



RICHARD BAXTER.

Cet excellent chrétien passa sa vie dans les travaux, les chagrins et les persécutions pour arriver au repos éternel. Il vécut, il écrivit, il travailla comme en présence de l'éternité, et il disait de lui-même : « Je prêche comme si je ne devais plus prêcher, comme un mourant à des mourants. »

Il était si jeune quand son coeur s'ouvrit à la piété, que son père disait de lui, les larmes aux yeux : « Je crois que mon fils Richard a été sanctifié dès le ventre de sa mère. » Devenu ministre de l'Évangile, il travailla surtout à Kidderminster où ses efforts furent couronnés de succès étonnants. Après quelques années d'activité, il fut chassé par la persécution, mais il ne cessa pas de travailler au bien des âmes, quoique dans une sphère plus resserrée. Sa vie se passa ainsi dans les travaux de son ministère et dans les souffrances que sa piété lui attira. Les hommes de son temps ont été privés de beaucoup de bienfaits qu'ils auraient pu recueillir de la part d'un homme aussi éminent ; mais ce qu'ils ont perdu, les générations suivantes l'ont gagné, et Baxter, quoique mort, parle encore à des milliers d'hommes par ses inestimables ouvrages.

Comme Moïse, il choisit d'être affligé avec le peuple de Dieu, lorsqu'il aurait pu mener une vie paisible et honorable aux yeux des hommes : il refusa même un évêché qu'on lui offrait. Quand il vit la mort s'approcher, il employa ses derniers moments à se préparer et à préparer les autres à comparaître devant Dieu. Il disait à ses amis qui le visitaient : « Vous venez ici pour apprendre à mourir. Je puis vous assurer que toute votre vie, quelque longue qu'elle puisse être, est bien courte pour vous préparer à la mort. Soyez en garde contre le monde et contre les convoitises de la chair. Assurez-vous que vous choisissez Dieu pour héritage, le ciel pour patrie, la gloire de Dieu pour but et sa Parole pour guide ; alors vous n'aurez rien à craindre, et nous serons certains de nous retrouver dans la félicité éternelle. »

Jamais pécheur repentant ne fut plus humble en parlant de lui-même, et pourtant jamais chrétien ne fut plus calme. Il se disait le ver de terre le plus vil qui fût jamais allé au ciel ; il admirait la bonté de Dieu à notre égard et s'écriait : « Seigneur, qu'est-ce que l'homme ! Qui suis-je, moi, misérable ver devant, toi ? 0 Dieu ! aie pitié de moi qui suis un pauvre pécheur ! » Et il bénissait Dieu d'avoir mis ces paroles dans l'Évangile comme une véritable prière. Il disait : « Dieu peut me condamner avec justice pour la meilleure action que j'aie jamais faite ; aussi toute mon espérance est-elle en la miséricorde gratuite de Dieu en Christ. » Et il priait souvent dans ce sens. Il dit un jour en s'éveillant : « Je me reposerai de mes travaux. » Un ministre qui se trouvait là ajouta : « Et vos oeuvres vous suivront. - Pas mes oeuvres, répliqua Baxter, j'abandonne mes oeuvres, si Dieu veut m'accorder le reste. » Un de ses amis cherchait à le fortifier, en lui rappelant le bien que tant d'âmes avaient retiré de ses prédications et de ses écrits ; il lui répondit : « Je ne suis qu'une plume dans la main de Dieu, et quelle louange mérite une plume ? » Sa résignation fut très-grande pendant sa cruelle maladie.

Quand enfin la violence de la douleur le contraignit à prier Dieu sérieusement de le délivrer par la mort, il se reprit et ajouta : « Il n'est pas juste que je veuille te prescrire quand tu veux, ce que tu veux, et comme tu le veux. » Dans un moment d'angoisse, il s'écria - « Oh ! que ses jugements sont impénétrables, et que ses voies sont incompréhensibles ! Nous ne pouvons pas sonder les richesses de sa providence, » Et s'adressant à ses amis, il ajouta : « Ne pensez pas plus mal de la religion à cause, de ce que vous me voyez souffrir. » Comme on lui demandait quel était l'état de son âme, il répondit : « Je bénis Dieu de ce que j'ai en moi une assurance bien fondée de mon bonheur éternel, et de ce que je possède une grande paix et un puissant soutien. » Tout son chagrin était de ne pouvoir pas s'exprimer avec joie à cause de ses vives douleurs. Il disait : « La chair doit périr, et nous devons la sentir périr ; mais quoique notre esprit en soit convaincu, les sens souffrent et gémissent. » Il aimait beaucoup la description du ciel, contenue dans Hébreux, XII, et disait qu'elle méritait un million de pensées. Il trouvait beaucoup de consolation et de douceur à répéter l'oraison dominicale, et était fâché de ce que quelques chrétiens n'aimaient pas à en faire usage ; « car, disait-il, toutes les demandes nécessaires à l'âme et au corps y sont renfermées. »

Il donna d'excellents conseils à quelques jeunes ministres qui vinrent le voir, et pria avec beaucoup de ferveur pour eux et pour l'Eglise de Christ. La veille de sa mort, il reçut la visite d'un ami, et lui dit ; « Je souffre, il n'est pas possible d'étouffer la voix des sens ; mais j'ai la paix, j'ai la paix. » Son ami lui dit « Vous approchez de cette patrie que vous avez longtemps désirée. » Il répondit : « Je le crois, je le crois. »

Il montrait un grand désir de mourir ; quand on lui demandait comment il se trouvait, il disait ordinairement « presque bien », et quelquefois « mieux que je ne mérite, mais pas aussi bien que j'espère d'être. » Enfin, à sa grande joie, il sentit la mort s'approcher, et le 8 décembre 1691, il s'endormit dans la paix de son Sauveur.



ÉLISABETH ROWE. - (17 ... )

Dans tous les temps, la religion a trouvé un grand nombre d'amis dévoués dans le sexe le plus faible. Notre Sauveur, pendant les jours de sa chair, fut servi par des femmes, et ces femmes veillèrent près de sa croix, tandis que ses apôtres eux-mêmes l'abandonnaient. C'est à elles qu'il apparut d'abord, quand il fut sorti du tombeau ; et maintenant encore, dans la plupart des lieux où l'Évangile se répand, les coeurs des femmes se soumettent plus aisément au joug aimable de Jésus.

Elisabeth Rowe fut du nombre de celles qui, après avoir honoré l'Évangile par leur vie, ont joui de ses consolations à l'heure de la mort, et qui brillent sans doute comme des étoiles à toujours. Nous ferons surtout remarquer à nos jeunes lecteurs que la piété de cette femme fut une piété précoce, c'est-à-dire qu'elle marcha dès sa jeunesse dans le sentier de la paix. Aussi porta-t-elle pendant sa vie des fruits abondants à la gloire de son Sauveur.

Voici un passage d'une lettre que l'on a trouvée après sa mort dans ses papiers :
« J'en ai fini maintenant avec les choses de la terre, et je n'ai devant moi que la vaste perspective de l'éternité ! - L'éternité ! comme ce mot me transporte ! Tant que Dieu existe, mon existence et mon bonheur sont assurés, je n'en doute pas. Ces désirs infinis, que la création toute entière ne peut pas limiter, seront satisfaits pour toujours. Je boirai à la source même de toute félicité, et je serai rafraîchie par les émanations de la vie et de la joie elle-même. J'entendrai la voix de l'harmonie incréée parlant de paix et de consolation à mon âme.

» J'attends la vie éternelle, non comme une récompense, mais comme un pur don de la miséricorde divine. De quelque côté que je m'envisage, je ne puis que me détester ; je me jette aux pieds de mon Rédempteur, demandant d'être revêtue de sa justice et des mérites de son sacrifice expiatoire, pour obtenir mon pardon et mon salut. Voilà toute ma consolation et tout mon espoir. 0 Seigneur, n'entre point en jugement avec ta servante, car aucune chair ne sera justifiée devant toi. J'espère que le sang de l'Agneau me fera remporter une entière victoire sur le dernier ennemi. Quand vous lirez ces lignes, j'espère avoir atteint les hauteurs des cieux et m'être prosternée devant le trône de Dieu, là où la foi sera réalisée, et où ces désirs languissants seront satisfaits par la pleine jouissance de l'amour divin. Amen. »


HANNAH HOUSMAN.

Cette aimable personne connut son Créateur dès les jours de sa jeunesse. Née à Kidderminster, elle jouit de tous les avantages d'une éducation chrétienne ; aussi la bénédiction de Dieu reposa sur elle de bonne heure, puisqu'elle reçut de vives impressions religieuses dès l'âge de treize ans. Pendant vingt-quatre années elle marcha humblement devant le Seigneur, et à l'heure de la mort elle jouit des avant-goûts de la joie céleste. Cette mort triomphante nous montre combien les jeunes gens pieux doivent se réjouir de connaître le Seigneur dès l'entrée de leur voie. Nous allons raconter quelques détails sur sa dernière maladie et sur sa mort.

Pendant tout le cours de sa maladie, elle fut en proie à des douleurs si violentes qu'elle ne croyait pas pouvoir les supporter. « Mais, disait-elle, Dieu est bon ; oui en vérité, il est très-bon à mon égard. J'ai trouvé en lui un Dieu plein de miséricorde et de bonté. »

Quand ses souffrances diminuaient, elle disait : « Dieu est bon ; oui j'ai trouvé en lui une grande bonté, et quoiqu'il me tue je ne cesserai pas d'espérer en lui. Ce que je sens me fait aimer davantage le Seigneur Jésus, en me rappelant ce qu'il a souffert pour le rachat de mon âme ! Il a tant fait pour moi ! Et pourquoi pour moi, Seigneur ; pourquoi pour moi, la plus grande pécheresse ! pourquoi pour moi qui ai si longtemps refusé les riches dons de ta grâce et les douces invitations de l'Évangile ! Et pourtant les moyens de grâce ne m'ont pas manqué ! J'ai eu des parents pieux ; j'ai connu un digne ministre à qui je pouvais souvent ouvrir mon coeur en toute liberté ; j'ai vécu dans un âge d'or, dans des temps de paix, au milieu de mille avantages capables d'augmenter en moi ta communion avec Dieu et la paix de mon âme. Que de louanges ne dois-je pas rendre à mon Dieu pour tant de bénédictions ! O mon âme, bénis l'Éternel, et que tout ce qui est au-dedans de moi bénisse le nom de sa sainteté ! ô mon âme, bénis l'Éternel, et n'oublie pas un de ses bienfaits. »

Si quelqu'un pleurait et se lamentait à cause d'elle, elle lui disait : « Ne pleurez pas sur moi, mais plutôt réjouissez-vous, car c'est Dieu qui l'a fait. Si cela peut servir à sa gloire, il me conservera encore un peu de temps, sinon je suis pleinement résignée à tout ce qu'il voudra ordonner de moi. Je suis contente de rester ici aussi longtemps que j'aurai quelque chose à y faire ou à y souffrir, et je désire de m'en aller si c'est le bon plaisir de mon Père. Ainsi rassurez-vous, et dites : C'est le Seigneur, qu'il fasse ce qui lui semblera bon. »

Elle dit à une personne qui était venue la voir :
« Je crois que je vais mourir, et quelle consolation n'est-ce pas de sentir que la mort a perdu pour moi ses terreurs ! Le sang de Christ me purifie de tout péché ; mais notre foi est une foi morte, si nous n'y joignons pas une vie conforme à l'Évangile. Recherchez Christ pour votre ami, et ne mettez pas vos affections aux choses d'ici-bas. Les richesses, les honneurs et ce que le monde appelle plaisirs ; ne sont que des choses viles et périssables. » Elle étendit la main et ajouta : « Oh ! si j'avais là près de moi des millions de pièces d'or et d'argent, que pourrais-je en faire, moi qui vais mourir ! Écoutez le conseil d'une amie qui désire votre bien. Ne donnez pas votre coeur aux choses de la terre, mais souvenez-vous que la mort viendra bientôt, que vous soyez prêt ou non, que vous le vouliez ou que vous ne le vouliez pas. Je vous recommande à Dieu, et j'espère que bientôt nous nous retrouverons dans le ciel, ce lieu de paix, de bonheur et de repos parfaits. »

Pendant toute sa maladie, son âme fut remplie de joie et de gratitude. Quand elle avait froid et qu'on la couvrait, elle disait souvent : « Béni soit Dieu pour toutes ses grâces et pour les soulagements qu'il me donne dans mon affliction. » Un jour que la servante faisait chauffer un morceau de flanelle pour le mettre autour de ses mains, elle la remercia et dit : « Que de biens je reçois ! J'ai tout ce que je puis souhaiter. Je ne désire plus rien que de passer tranquillement dans la gloire. La grâce de Dieu m'a arrachée des portes mêmes de l'enfer, et cette même grâce m'a soutenue pendant toute ma vie. Oui, je puis bien dire que le Seigneur use de beaucoup de bonté et de gratuité à mon égard dans sa miséricorde il m'a gardée au milieu de toutes mes épreuves. Je reconnais que c'est pour notre bien qu'il nous afflige, car je puis dire qu'il m'est bon d'avoir été affligée. Cela m'a rendue capable de voir des choses que je ne pouvais pas voir quand je me portais bien. Ainsi j'ai mieux senti le vide de ce monde et de tous ses plaisirs trompeurs ; tout en lui est vanité, je puis le dire d'après ma propre expérience. »

Le jour de sa mort, elle dit à son mari : « Je crois que je partirai bientôt ; je désire que tu en sois content, puisque c'est la volonté de Dieu. Tu m'as toujours beaucoup aimée, tu as été très-bon à mon égard, et je t'en remercie de tout mon coeur ; maintenant sois résigné à me laisser aller auprès de Dieu. S'il juge qu'il vaut mieux prolonger ma vie sur la terre, je désire de vivre ; s'il voit qu'il vaut mieux me retirer à lui, je désire de mourir. Je désire ce qui peut le plus contribuer à sa gloire. »

Le soir du même jour, elle sentit que la mort approchait : « Bien, dit-elle ; encore un peu de temps, et mon oeuvre sera finie dans ce monde. Alors je ne prierai plus, ma seule occupation dans le ciel sera d'aimer et de louer. Ici je n'aime que faiblement, mais là mon amour sera parfait. Je contemplerai ta face en justice ; car je suis ta servante, ô Seigneur ! celle que tu as rachetée par ton sang Christ est mort pour procurer la vie à mon âme ; encore un peu de temps, et je chanterai ce doux cantique : À Celui qui est assis sur le trône et à l'Agneau soient louange, honneur, gloire et force aux siècles des siècles. »

Le visage, tout radieux, elle disait avec des transports de joie : « Viens, Seigneur Jésus, viens bientôt ! Pourquoi ton char tarde-t-il à venir ! 0 mon Sauveur béni, viens chercher mon âme pour la faire habiter à toujours avec Dieu, avec Christ, avec les esprits parvenus à la perfection. Si j'y arrive, mon bonheur ne finira jamais. Oh ! quelle gloire ! quelle gloire est répandue sur la source de toute foi et de tout amour ! »

Quelques minutes avant son délogement, elle demanda à être soulevée. Alors elle dit avec gaîté - « Adieu, péchés ; adieu, souffrances ! » Elle finit ainsi sa course avec joie.



BUTLER.

L'évêque Butler, à son lit de mort, appela son chapelain et lui dit : « Quoique je me sois efforcé d'éloigner de moi le péché et de plaire à Dieu autant que je l'ai pu, cependant je crains la mort à cause de mes constantes faiblesses. - Monseigneur, lui dit le chapelain, vous oubliez que Jésus-Christ est un Sauveur. - Oui, mais comment saurai-je qu'il l'est pour moi. - Il est écrit - Je ne mettrai point dehors celui qui viendra à moi. ( Jean, VI, 37). - Il est vrai, dit l'évêque, et je suis étonné de n'avoir pas encore senti jusqu'à ce moment la force de ce passage, quoique je l'aie lu mille fois ; maintenant je meurs heureux. »



WILLIAM LEEGHMANN.

À son lit de mort, cet éminent serviteur de Dieu disait à un jeune homme :
« Vous voyez mon état, je n'ai que peu de jours à vivre. Je suis content que vous ayez l'occasion de voir la paix de mes derniers moments ; mais que dis-je, la paix, c'est une joie, un triomphe, une complète allégresse. » Pendant qu'il parlait ainsi, ses traits s'animaient, sa voix était émue : « Et d'où vient cette allégresse ? De ce livre, ajouta-t-il en montrant la Bible, de ce livre beaucoup trop négligé en vérité, et qui contient des trésors inappréciables ! trésors de paix et de joie, car il nous rend certains que ce corps mortel sera revêtu d'immortalité (1 Cor., XV, 53). »



GEORGE NOIR.

Ce chrétien, peu connu dans le monde religieux, manifesta d'une manière frappante le pouvoir de la vérité évangélique, pendant sa vie et sur son lit de mort. Comme il regardait dans un miroir son visage altéré par une maladie longue et douloureuse, il fut frappé des signes de décomposition qu'il vit sur ses traits, mais il dit avec calme : « Ah ! la mort a mis son sceau sur mon corps ; mais Christ a imprimé le sien sur mon âme. »



MARGUERITE KLOPSTOCK (1738).

Le monde ne veut pas croire qu'un homme puisse contempler avec joie la mort et l'éternité, à moins peut-être que l'affliction ne lui ait rendu la vie à charge. Nous allons raconter les derniers moments d'une personne qui, au milieu de la jeunesse et du bien-être, regardait avec bonheur au-delà du tombeau, et qui soupirait après le monde invisible, quoiqu'elle fût environnée d'excellents amis ici-bas.

Marguerite Moller épousa, en 1754, le célèbre poète allemand Klopstock, l'auteur de la Messiade. Tous deux paraissent avoir connu la vraie piété dès leur jeunesse. Klopstock lisait très-fréquemment la Bible ; sa femme nous est représentée comme étant douée de beaucoup d'esprit et d'amabilité.

Ils avaient l'un pour l'autre la plus grande affection ; mais cet amour et un bonheur terrestre aussi élevé et aussi pur ne pouvaient enchaîner l'âme de Marguerite aux objets périssables ; elle regardait toujours vers l'éternité. Elle composa des lettres qu'elle supposait écrites par des morts à des vivants. Nous allons en citer quelques passages pour montrer ce qu'elle pensait de ce monde et des vérités les plus importantes de la religion. Voici ce qu'elle suppose que son mari lui écrit, après être arrivé à la vie éternelle :
« L'heure était venue qui devait m'enlever à toi et à votre monde pour toujours ; mais qu'il est court le pour toujours de votre monde ! »

« Ne crains point à cause des péchés qui troublent ta paix maintenant ; je ne les appellerai pas légers, car les péchés que nous appelons des défauts sont aux yeux du Saint des saints de grands crimes ; mais aucune expression ne peut rendre l'immensité de l'amour qui nous pardonne. »

Dans un autre de ses écrits, un mourant dit à un de ses amis :
« Sens que tu es un pécheur, et que Lui, Jésus de Nazareth, ce nom que tant de tes frères s'efforcent en vain d'avilir, Lui, le Dieu que maintenant j'adore, est ton Rédempteur, qui expia tes péchés. »

Quatre années de bonheur, passées avec son bien-aimé Klopstock, s'écoulèrent bien vite ; mais il ne lui fut pas accordé de finir la cinquième. Environ deux mois avant sa mort, elle écrivait à son époux : « Dieu nous donnera ce que dans sa sagesse il sait nous être bon, et si quelque chose manque à nos souhaits, il nous enseignera à nous résigner. »

Au mois de septembre de l'année 1758, ayant conçu l'espoir de devenir mère, elle eut quelques pressentiments de sa fin prochaine. Son mari, alors en voyage, lui écrivit, à ce sujet, en ces termes : « Dieu est où tu es, Dieu est où je suis ; nous sommes entièrement sous sa dépendance, beaucoup plus qu'on ne le croit ordinairement. Nous dépendons de lui dans toutes ces choses qui nous font le moins penser à lui. C'est lui qui entretient notre respiration et l'action de tous nos autres organes ; il a compté les cheveux de nos têtes. Mon âme est maintenant dans une douce tranquillité, mêlée d'un peu de tristesse. O toi que Dieu m'a donnée, ne sois pas en souci, ne sois pas en souci du lendemain ! »

Elle répondit : « Ne t'inquiète plus, je suis aussi décidée à mourir qu'à vivre, et je me prépare à l'un et à l'autre, car je ne puis regarder avec certitude à aucun des deux. Si je juge d'après les apparences, il est beaucoup plus probable que je vivrai ; mais je suis parfaitement résignée ; que la volonté de Dieu soit faite ! Je m'étonne souvent de mon indifférence au sujet de mon bonheur dans ce monde (1). Oh ! que notre religion est précieuse ! Que doit être cette vie éternelle dont nous savons si peu, mais que nos âmes sentent si bien ! C'est plus qu'une vie avec Klopstock. Il ne me semble plus si pénible de te laisser, toi et notre enfant ; je crains seulement de perdre encore cette paix de l'âme que j'ai déjà gardée pendant huit mois. Je sais bien que toutes nos heures ne se ressemblent pas, et surtout la dernière qui, dans ma situation, doit être bien douloureuse ; mais que cette dernière heure ne t'inquiète pas. Tu sais aussi bien que moi combien le corps accable l'âme. Quelle que soit la dispensation de Dieu envers moi, je serai encore heureuse, soit qu'il m'accorde une plus longue vie avec toi ou une vie éternelle avec lui ? Mais pourras-tu supporter cette séparation aussi facilement que moi ? Il te faut rester dans ce monde sans moi ! Tu sais que j'ai toujours souhaité de te survivre, parce que je sais bien que c'est le plus difficile ; mais Dieu ne le veut peut-être pas, et peut-être aussi as-tu plus de force. Oh ! pense où je vais, et tu peux le savoir autant que des pécheurs peuvent en juger d'ailleurs, l'humble espérance du chrétien ne peut tromper. Là, tu me suivras ; là, nous serons éternellement unis par un amour qui n'était sûrement pas fait pour cesser. »

Son mari revint bientôt auprès d'elle, mais il ne jouit pas longtemps du plaisir de la voir. L'événement solennel qu'elle prévoyait arriva, et elle entra dans l'éternité le 8 novembre 1758.

Klopstock écrivit les détails de cette mort dans la lettre suivante adressée à un ami.
« Il y a aujourd'hui huit jours que ma chère Marguerite est morte, et cependant je suis calme. Puis-je attribuer cela à Dieu de toute consolation pour tous les biens dont il m'a comblé. Remerciez notre Dieu avec moi, cher Cramer. Je vais essayer de vous faire un récit circonstancié de ses derniers moments.

» Elle souffrit beaucoup depuis le vendredi jusqu'au mardi à quatre heures du soir, mais surtout depuis le lundi au soir. Le dimanche matin, je lui répétai souvent que, sans la volonté de notre Père, pas un seul cheveu ne pouvait tomber de sa tête, et cette pensée nous fortifia beaucoup. Je lui récitai plusieurs fois les lignes suivantes de ma dernière ode. Une fois j'étais si ému, que je fus obligé de m'arrêter à chaque vers.

« Quoique invisible à l'oeil de l'homme, la main de mon Rédempteur est près de moi ; il a versé la lumière du salut bien avant dans la vallée de la nuit. Là, Dieu guidera mes pas ; là, sa présence bénira mon âme. Seigneur, quels que soient mes chagrins, enseigne-moi à regarder vers toi ! »

» Quand je commençai à craindre pour sa vie, je me mis à lui parler de Dieu de temps à autre, mais sans lui laisser apercevoir mes craintes. Je ne sais plus guère ce que je lui disais ; je me souviens seulement que je lui répétais combien j'étais fortifié par la vue de son courage, car il lui fut donné de montrer une patience extraordinaire. Un moment je lui dis avec beaucoup d'émotion : « Le Père de toute miséricorde est avec toi. » Je vis qu'elle sentait sa présence ; peut-être devina-t-elle alors quelles pensées agitaient mon coeur, du moins je crus le lire sur son visage. Toutes les fois que je pouvais entrer dans sa chambre et supporter la vue de ses souffrances, je lui disais combien la grâce de Dieu se manifestait en elle. Comment aurais-je pu ne pas lui parler de la grande consolation de mon âme !

» Comme on venait de la saigner, j'entrai dans sa chambre ; je vis alors distinctement le sceau de la mort sur son visage ; mais Dieu, qui agissait en elle avec tant de puissance, me soutint aussi dans ce moment. Je n'eus que peu de temps pour prendre congé d'elle ; Dieu me donna la force de lui parler, et je lui dis - « Je veux remplir ma promesse, chère Marguerite, et te dire que ta vie est en danger à cause de ton extrême faiblesse. » Je continuai à lui parler ; elle m'entendit très-bien et me répondit sans la moindre peine. J'invoquai sur elle le nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et j'ajoutai : « Que la volonté de Celui qui te soutient avec tant de force soit faite ! - Qu'il fasse selon sa volonté, et tout ira bien, dit-elle d'une voix qui exprimait la joie et la confiance. - Tu as souffert comme un ange, lui dis-je ; Dieu a été avec toi, il sera avec toi ; que son nom glorieux soit loué ! Le Père des miséricordes te soutiendra. Si j'étais assez malheureux pour n'être pas chrétien, je le deviendrais maintenant. » Et je continuai à lui parler d'une voix émue. Sa soeur Elisa lui dit : « Sois mon ange gardien, si notre Dieu le permet. - Tu as été le mien, dit-elle. - Sois mon ange gardien, répétai-je, si notre Dieu le permet. - Qui voudrait ne pas l'être ? me répondit-elle. Je voulais m'en aller. » Elisa me dit - « Donnez-lui encore une fois votre main. » Je ne sais si je lui dis quelque chose ; je me hâtai de sortir, j'allai dans ma chambre et je priai. Dieu me donna de prier avec beaucoup de ferveur, je lui demandai une résignation parfaite ; mais d'où vient, cher Cramer, que je ne priai pas pour elle, ce qui eût été si naturel ? Sans doute, parce que Dieu l'avait déjà exaucée au-delà de tout ce que j'aurais pu demander.

» Quand je fus sorti, elle demanda à sa soeur si sa mort était bien proche ; elle dit qu'elle souffrait un peu, et ajouta que Dieu avait beaucoup à lui pardonner, mais que toute sa confiance reposait sur son Rédempteur. Quelques moments après, Elisa lui dit que Dieu la secourrait : « Dans le ciel, » répondit-elle. Comme sa tête retombait sur son oreiller, elle dit avec beaucoup de vivacité : « C'est fini ! » Ses yeux se tournèrent avec tendresse vers Elisa, tandis que celle-ci priait ainsi : « Que le sang de Jésus-Christ te purifie de tout péché. »O douces paroles de la vie éternelle ! Le visage de ma chère Marguerite exprima un moment la douleur, puis il redevint parfaitement calme, et son âme s'envola dans le ciel....

» Je ne me plaindrai pas, je rendrai grâce de ce que, dans une épreuve aussi douloureuse, Dieu m'a fortifié.

» Quand je la quittai elle me dit avec beaucoup de douceur : « Tu me suivras. » Oh ! que ma fin soit semblable à la tienne ! Oh ! si je pouvais encore pleurer sur ton sein, ne fût-ce qu'un moment ; car je ne puis pas retenir mes larmes, et Dieu ne le demande pas.

» Ma chère Marguerite nous a fait connaître ce que nous devons mettre sur sa tombe ; ce sont deux passages du XIe livre de la Messiade. L'âme du larron repentant dit :
« Est-ce donc là la mort ? 0 changement si subit et si doux ! Comment t'appellerai-je ? Je ne t'appellerai plus la mort ; non, ton nom ne sera plus la mort. Et toi, toi-même, ô pensée si terrible de la corruption, comme tu as été changée en joie ! Dors maintenant, toi qui fus mon compagnon dans ma première vie, sois livré à la corruption comme une semence que Dieu fait germer et mûrir pour le jour de la moisson ! »

» L'âme du larron continue à parler, pendant qu'un corps éthéré se forme autour de lui :

« Oh ! comme je sens une nouvelle vie ! Être des êtres, comme je m'élève ! Je fais, non un seul pas, mais des milliers de pas, et je sens qu'en avançant dans la gloire je m'élèverai au-dessus de tout cet espace. Je m'approcherai de plus en plus de ces mondes resplendissants, oeuvre magnifique de ses mains ; mais ce sera l'Éternel lui-même que je contemplerai face à face ! »

» J'ai voulu mettre encore quelque chose sur sa tombe, et j'ai choisi les vers suivants de la seconde stance de mon ode :
« Quoiqu'invisible à l'oeil de l'homme, la main de mon Rédempteur est près de moi ; il a versé la lumière de salut bien avant dans la vallée de la nuit »

Voici quelques lignes que Giesecke, un des amis de Klopstock, lui adressait pour le consoler ; elles méritent notre attention à cause de la pensée qui les termine :
« Votre épreuve est grande ; mais, cher ami Dieu qui vous l'envoie ne vous laissera pas sans consolation. A*** m'a fait bien plaisir, en me disant que Dieu a déjà commencé à se glorifier en vous. Vous avez dit : Elle n'est pas loin de moi ; et certes, pour un chrétien, la distance n'est pas grande entre la terre et le ciel »

Après la mort de Mme Klopstock, son mari pour tromper sa douleur, feignait quelquefois de lui écrire. Il dépeint dans ces lettres les sentiments qui l'agitent ; nous allons en citer quelques fragments, pour montrer combien l'influence de la religion s'y manifeste :

« Je te dirai quelque chose de ce que je ressentis après t'avoir quittée, jusqu'à ce moment j'avais prié avec beaucoup d'anxiété, mais alors Dieu me donna de prier avec des sentiments tout différents ; je demandai une soumission parfaite. Mon âme était unie à Dieu ; j'étais rafraîchi et fortifié. Je fus ainsi préparé au coup qui m'attendait et que je ne croyais pas si proche ; je voulais, suivant tes désirs, prier encore une fois avec toi ; mais il arrive souvent que nos pensées ne sont pas les pensées de Dieu. Bientôt après la mort je pus dire : Elle n'est pas loin de moi ; et certes tu n'es pas loin de moi, nous sommes tous les deux dans la main du Tout-puissant.

» Je n'avais encore vu dans ta mort qu'une épreuve pour moi ; la seconde nuit elle m'apparut comme une bénédiction, que je ressentis très-vivement. Je passai plus d'une heure en silence et l'esprit ravi en extase. Je puis dire que je n'ai jamais éprouvé une plus grande paix ; cet état commença quand je méditais ces paroles de ton Sauveur et de mon Intercesseur :
« Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi, n'est pas digne de moi. » Il est impossible de décrire toutes les bénédictions dont je fus comblé pendant cette heure. Jamais je n'avais été aussi assuré de mon salut.

» Pour ce monde, c'est pour toujours, ma chère Marguerite. Certes, il est, bien court le pour toujours de ce monde. Comme tu m'as été bien tôt enlevée ! Mais jamais, non jamais, je ne me plaindrai, pas même de ce que le pour toujours de ce monde me parait encore si long. Comment pourrais-je me plaindre ? Pourrais-je oublier les gracieuses consolations qui ont ranimé mon âme, quand mon sentier était le plus raboteux, et que le désert où je passais ressemblait le plus à cette vallée ténébreuse que tu as traversée ?

» O toi, qui ne pouvais rester un seul jour loin de moi, c'est avec calme que tu m'as vu te quitter, et tu ne m'as pas fait revenir, bien que je t'eusse promis de prier encore avec toi. Quel changement ! Tu étais complètement détachée de ce monde, et l'éternité avait commencé pour toi. Quoique je sache que tu n'aies jamais cessé de m'aimer, cependant cela me serait pénible si je ne savais pour qui tu t'es ainsi séparée de moi. »

Klopstock vécut longtemps après sa chère Marguerite, et il en conserva le souvenir jusqu'à la fin. de sa vie. Sa mort fut un véritable triomphe ; dans son dernier combat, qui fut aussi le plus rude, il se leva sur son lit, joignit les mains, et levant les yeux vers le ciel il répéta ces paroles réjouissantes - : « La femme peut-elle oublier son enfant, en sorte qu'elle n'ait point pitié du fruit de son ventre ! Mais quand les femmes les auraient oubliés, encore ne t'oublierai-je pas, moi (Es., XLIX, 15). » Il se coucha, tomba dans un doux sommeil, et se réveilla dans l'éternité, le 14 mars 1803.


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(1) Elle était très-reconnaissante de son bonheur ; mais cela ne diminuait pas son désir de déloger. Elle écrivait dans son journal : « Que Dieu me donne d'être toujours prête à échanger une vie pleine de félicité contre une vie plus heureuse encore ! »

 

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