LE VRAI BONHEUR
JANE RATCLIFFE.
Jane Ratcliffe naquit en 1638. La grandeur de sa
foi et de sa piété la rend digne
d'attirer notre attention.
Dans sa jeunesse, elle se livra aux folies
et aux vanités de son âge ; mais,
réveillée par le sentiment de leurs
fâcheuses tendances, elle les abandonna, pour
s'attacher à ce qui peut seul procurer des
jouissances solides et durables. Nous ne
raconterons ici que ses derniers moments, et nous
rapporterons seulement ses dernières
paroles. Remarquons toutefois que, lorsqu'elle
manifestait son désir d'être
délivrée des soucis et des dangers de
la vie terrestre, ce désir était
sûrement limité par une humble
soumission à la volonté de Dieu.
« Je désire de mourir,
disait-elle, parce que je ne puis jouir ici-bas de
la présence glorieuse de Dieu après
laquelle mon coeur soupire, ni de la douce
compagnie des anges qui seraient aussi contents de
me voir avec eux que je le serais de les voir
autour de moi.
» Je désire de mourir, parce
qu'ici-bas je ne suis pas dans
l'élément qui convient à ma
nature - je suis comme un enfant
éloigné de la maison paternelle.
» Je désire de mourir, parce que
je ne voudrais plus offenser un Dieu si
miséricordieux et contrister son
Saint-Esprit ; car son amour est meilleur que
la vie, et sa main est pleine de grâces pour
moi. La crainte de l'offenser pèse souvent
sur mon coeur comme un lourd fardeau.
» Je désire, de mourir, parce
que ce monde tout entier est souillé de la
lèpre du péché et que je suis
moi-même atteinte du même mal de sorte
que, pendant cette vie, je suis en danger
d'être infectée et d'infecter les
autres. Et si le monde me hait, parce que je
désire suivre le bon chemin, combien ne se
réjouirait-il pas si je venais à
tomber ! combien ma vie serait malheureuse si
je lui donnais l'occasion de
blasphémer ! Il y a chez moi, tant
d'imperfections, de fautes et de
péchés, que je puis dire avec
David : Des maux sans nombre m'ont
environnée ; mes iniquités m'ont
atteinte, et je ne les ai pu voir, elles surpassent
en nombre les cheveux de ma tête
(Ps. XL, 13). Aussi je désire
d'aller au ciel, afin de ne plus pécher et
d'avoir part à la sainteté parfaite
des esprits glorifiés.
» Je désire de mourir, parce que
rien dans ce monde ne peut donner une jouissance
solide et durable.
» Si je pense à mes enfants, je
ne suis pas
inquiète ; car ce
Dieu, qui leur a donné pendant ma vie tout
ce qu'ils ont, peut bien prendre soin d'eux
après ma mort. Mon Dieu sera leur Dieu,
s'ils se donnent à lui ; et s'ils ne le
cherchaient pas, quelle consolation y aurait-il
pour moi de vivre pour en être
témoin ? La vie me serait amère,
si je les voyais abandonner ce Dieu que j'ai tant
aimé.
» Je ne crains pas la mort, parce
qu'elle n'est que la séparation du corps et
de l'âme La véritable mort est celle
qui sépare l'âme de Dieu par le
péché.
» Je ne crains pas la mort, car elle a
été souvent vaincue, et je suis
armée pour la combattre. Dieu donne la force
à mes armes et m'assure la victoire.
» Je ne crains pas les souffrances qui
accompagnent la mort, car certainement j'ai
enduré dans ma vie des souffrances aussi
grandes que celles-là, et la mort me
guérira de toutes sortes de maux.
D'ailleurs, Christ a souffert une mort terrible,
afin que toute espèce de mort soit une
bénédiction pour moi. Certainement ce
Dieu, qui m'a tant aimée pendant ma vie, ne
m'abandonnera pas à cette heure ; mais
par son Esprit il me soutiendra et me renforcera
pendant le combat.
» Comment louerais-je Dieu,
s'écriait-elle, pour tous
les bienfaits dont il m'a comblée ? Il
m'a convertie à lui, il m'a fait aimer sa
Parole, et m'a procuré par elle de
merveilleuses consolations. Il a exaucé mes
prières ; il m'a placée au
milieu de ses fidèles enfants ; il m'a
réjouie par son Saint-Esprit ; il m'a
donné de désirer la mort et de
mépriser le monde ; par son secours
puissant, j'ai pu combattre avec
persévérance contre mes
péchés et contre les tentations
extérieures, et j'ai été
préservée de tomber dans des
péchés grossiers, même avant ma
conversion. »
Pendant sa dernière maladie, Jane
Ratcliffe ressentait si profondément combien
il y a de dangers et de misères
attachés à une longue vie, qu'elle
priait souvent Dieu de la retirer dans un monde
meilleur. Elle disait avec David :
Hâte-toi de venir à mon secours,
Seigneur, qui es ma délivrance !
Éternel, veuille me délivrer !
Éternel, hâte-toi de venir à
mon secours
(Ps. XL, 14). Sa mort fut si
paisible, que l'on crut la voir s'endormir.
JOHN
OWEN (1633).
Voici ce qu'on rapporte sur les derniers moments
de cet éminent théologien :
Il avait livré depuis peu son dernier
ouvrage à l'imprimeur. Celui-ci entra dans
sa chambre le jour de sa mort, et
lui dit : « Je viens de mettre sous
presse votre livre sur la gloire de
Christ. » John Owen répondit -
« Je suis charmé d'apprendre cette
nouvelle ; mais, ajouta-t-il enlevant au ciel
les mains et les yeux comme dans une espèce
de ravissement, le jour que j'ai longtemps attendu
est enfin arrivé : ce jour où je
verrai la gloire de Christ bien mieux que je n'ai
pu le faire ici-bas. »
JOHN ELLIOT
(1690).
Parmi ceux qui, dans l'Eglise de Christ, ont
brillé d'un éclat presque
apostolique, l'on doit compter au premier rang John
Elliot, l'apôtre des Indiens de
l'Amérique. Il vécut aimé, il
mourut pleuré, et il vit maintenant d'une
vie bien plus excellente, entouré des
multitudes à qui Dieu l'envoya annoncer la
bonne nouvelle du pardon et de la vie
éternelle.
Né en Angleterre, en 1604, il chercha
Dieu de bonne heure, et, après avoir
trouvé le chemin de la paix, il se consacra
au ministère évangélique. Il
fut chassé d'Angleterre par la
persécution qui a marqué d'une tache
indélébile le règne de Charles
1er et il émigra en 1631 dans les affreux
déserts de l'Amérique, choisissant
plutôt, comme Moïse, d'être
affligé avec le peuple de Dieu, que
de jouir pour un temps des
délices du péché
(Hébr., XI, 25). Il y demeura
jusqu'à sa mort, qui arriva en 1690.
Sa piété avait commencé
dès sa jeunesse ; aussi devint-il une
lampe ardente et brillante comme chrétien,
comme ministre et comme missionnaire. Il faisait
ses délices de la prière, et passa sa
vie dans une communion intime avec Dieu.
Non-seulement il priait journellement son
Père en secret, mais encore il consacrait
souvent des journées entières
à des exercices de dévotion. Il
pensait que, lorsqu'on a de grandes choses à
accomplir, la meilleure politique est d'employer
des moyens cachés au monde. S'il apprenait
quelque nouvelle importante, il disait :
« Frères, prions pour
cela. » S'il visitait un ami, il avait
coutume de dire : « Allons, que nous
ne nous visitions pas sans prier ; implorons
la bénédiction du ciel sur votre
famille, avant de nous séparer. »
S'il se trouvait avec d'autres ministres, il leur
rappelait que le Sauveur prend garde à ce
que font et à ce que disent ses serviteurs,
et il les invitait à prier ensemble avec
lui.
Dans les circonstances les plus ordinaires
de la vie, il montrait combien son coeur
était tourné vers les choses
d'en-haut. Un jour, comme il arrachait quelques
mauvaises herbes, tout en se
promenant dans son jardin,
un de
ses amis lui dit :
« Monsieur, vous nous dites qu'il
faut s'affectionner aux choses célestes. -
Sans doute, répliqua Elliot, et ce que je
fais maintenant n'est point un obstacle à ma
vocation spirituelle ; car, si j'étais
sûr d'aller demain au ciel, je ne laisserais
pas de me livrer à la même
occupation. » Une autre fois, en
présence d'un de ses amis qui
écrivait pendant qu'il parlait, il fit la
paraphrase suivante de ces paroles Notre
conversation est dans les cieux
(Phil., III, 20)
(1).
« Contemplez, dit-il, l'excellent
caractère du vrai chrétien, ce que
saint Pierre appelle de saintes conversations
(2
Pierre, III, 11). Un fidèle
disciple de Jésus doit être toujours
disposé à s'entretenir des choses du
ciel.
D'abord, la septième partie de notre
temps est toute consacrée à Dieu,
quand nous sommes fidèles à observer
le jour du Seigneur. De plus, Dieu a écrit
dans la loi, au sujet du sabbat :
Souviens-toi, ce qui nous reporte avant et
après, de sorte qu'une partie de la semaine
y est employée. - C'est bien,
dira-t-on ; mais pour le reste du temps ?
Vous allez reconnaître que nous le passons
aussi dans les cieux ; car nous consacrons
plusieurs jours au jeûne ou aux
actions de grâces, et ce
sont autant de sabbats.
Nous avons de plus nos réunions de la
semaine, et les personnes pieuses ne les
négligeront pas puisqu'elles y trouvent du
profit.
Nous avons encore les occasions
particulières où nous pouvons prier,
chanter et parler ensemble des choses de Dieu, de
sorte que nous sommes presque tous les jours dans
le ciel.
Mais il nous reste encore à parler de
notre culte du matin et du soir, où,
après avoir lu les Écritures à
nos familles, nous invoquons avec elles le nom de
Dieu.
Nous avons encore nos dévotions
particulières dans notre cabinet, où
nous devons joindre à la prière
quelque méditation sérieuse de la
Parole de Dieu ; David ne le faisait pas moins
de trois fois par jour.
De plus, nous trouvons, partout où
nous allons, l'occasion de donner quelques moments
au Seigneur.
Nous pouvons ajouter à tout cela, nos
entretiens sur des sujets spirituels, et nos
oeuvres de charité par lesquelles nous
agissons comme des habitants du ciel.
Jusque dans l'exercice de notre profession,
nous pouvons conserver un esprit tourné vers
les choses d'en-Haut, même quand nous
mangeons et que nous buvons, en sorte que tout en
nous se fasse à la gloire de Dieu.
En employant ainsi notre temps, il n'en
reste plus pour la chair, puisqu'il est tout entier
consacré à Dieu. Et,
pourtant, nous n'avons pas
parlé de la guerre continuelle que nous
avons à soutenir contre les ennemis de notre
âme, ce qui élève sans cesse
notre coeur vers Celui qui nous soutient et qui
nous dirige du haut des cieux.
Que l'on ne dise pas qu'une telle vie est
impossible, car nous avons connu des hommes qui
l'ont réalisée et qui même ont
écrit sur ce sujet, en ne parlant que
d'après leurs propres expériences.
Mais, hélas ! chez un grand nombre de
chrétiens, les distractions de ce monde
obscurcissent la beauté de cette sainte
conversation. Bref, notre place est au
ciel ; si nous nous demandons le matin :
Où serai-je aujourd'hui ? notre
âme doit répondre : Au ciel. Si
nous nous demandons le soir : Où ai-je
été aujourd'hui ? notre
âme doit répondre encore : Au
ciel. Si vous croyez, vous n'êtes pas
étrangers au ciel pendant votre vie, et
après votre mort le ciel ne sera pas pour
vous un lieu étranger ; non, car vous y
êtes allé des milliers de fois
auparavant. »
Là où le jour du Seigneur est
aimé et observé, la religion
fleurit ; là où il est
négligé, la religion ne tarde pas
à languir. Elliot aimait beaucoup ce
jour-là et cherchait à le sanctifier
par ses paroles et par ses pensées. Il le
mettait à profit, non seulement pour
lui-même, mais encore pour les autres.
Avant de quitter l'Angleterre, il avait
promis à quelques
chrétiens de leur servir de pasteur, s'ils
émigraient en Amérique, avant qu'il
se fût chargé d'une autre
congrégation. Ils vinrent en effet
s'établir à Roxbury, où ils
formèrent une église que M. Elliot
desservit avec fidélité pendant
près de soixante ans. Pendant la
durée de ce long ministère, il se
montra plein de sollicitude pour le sort des
enfants, et prit des peines incroyables pour les
instruire ; le succès de ses efforts
fut proportionné à ses travaux. Il
montrait en toutes choses l'esprit qui
l'animait ; ainsi il dit un jour à un
ministre qu'il consacrait : « Mon
frère, aimes-tu le Seigneur
Jésus ? alors, je te prie, pais ses
brebis. »
Mais il ne borna pas aux membres de son
troupeau les soins de son ministère :
sa sollicitude s'étendit aux tribus
d'Indiens idolâtres qui errent dans les
déserts du Nouveau-Monde. Il travailla avec
activité à leur
évangélisation de la même
manière que les missionnaires de nos jours.
Il leur prêchait la Parole, faisait imprimer
des livres pour eux, établissait des
écoles parmi eux, et traduisait les saintes
Écritures dans leur langue.
Elliot était même plus
remarquable comme missionnaire que comme pasteur.
Vivement préoccupé du bien
éternel des malheureux Indiens de son
voisinage, il commença en 1616 à leur
prêcher l'Évangile Il rencontra
beaucoup d'obstacles
décourageants, il endura
beaucoup de fatigues, il s'exposa à beaucoup
de dangers. Mais il poursuivit son oeuvre
jusqu'à ce que le désert se
réjouit, et que la solitude
s'égaya
(Esaïe.
XXXV, 1) En parlant d'un
voyage qu'il avait fait parmi les Indiens, il dit
dans une lettre : « Je suis
resté trois jours sans pouvoir sécher
mes vêtements, même pendant la
nuit ; car j'ai beaucoup voyagé. Chaque
soir je tirais mes bottes et je tordais mes bas,
puis je les remettais et je continuais ma
route ; mais Dieu me soutient et me garde.
J'ai médité sur ces paroles :
Supporte les travaux comme un bon soldat de
Jésus-Christ
(2
Tim., II, 2). »
Il traduisit dans la langue des Indiens la
Bible et plusieurs ouvrages de piété,
entre autres la Voix de Dieu aux pécheurs
inconvertis, de Baxter. Un jeune chef indien,
sur son lit de mort, se mit à lire ce
dernier ouvrage aussi longtemps qu'il en eut la
force et en versant un torrent de larmes. Mais tous
ne se montrèrent pas aussi bien
disposés : plusieurs chefs indiens
devinrent les ennemis déclarés de
l'Évangile, et dans le désert, loin
des Européens, Elliot fut plusieurs fois
menacé, et même traité d'une
manière barbare par quelques-uns d'entre
eux. Mais Celui qui le protégeait, lui
inspira la pensée de leur dire :
« Je travaille à l'oeuvre de mon
grand Dieu, et mon Dieu est avec moi ; aussi
je ne crains ni vous ni tous les
autres sachems du pays. Je continuerai ;
touchez-moi si vous l'osez. » En
entendant cela, les Indiens se retiraient
toujours.
La conversion d'un grand nombre d'Indiens
fut la récompense que Dieu accorda à
tant de persévérance. Ils apprirent
à prier et renoncèrent à leurs
vices ; les méchants devinrent pieux,
les sauvages furent civilisés. Le philosophe
incrédule regarde de tels travaux comme le
fruit de l'enthousiasme : il oublie que les
vérités qu'il méprise ont
civilisé ses propres ancêtres et des
millions d'autres sauvages, tandis que la
philosophie dont il se glorifie n'en a jamais
tiré un seul de la barbarie. Enflé
par l'orgueil de sa fausse sagesse, il se rit de
l'Évangile et de ceux qui y croient ;
mais les anges contemplent dans le sauvage converti
un futur habitant de ces régions
éternelles, où la doctrine de la
croix peut seule conduire les âmes.
La Parole de Dieu dit, dans un passage que
l'on peut appliquer à tous les
fidèles : qu'ils apprennent avant
toutes choses à exercer leur
piété envers leur propre famille
( I
Tim., V, 4 ). C'est ce que fit le
pieux apôtre des Indiens : il
épousa, en 1632, une jeune anglaise, et
marcha avec elle devant le Seigneur pendant plus de
cinquante ans. Madame Elliot était
remarquable par sa piété et par ses
qualités domestiques ; aussi
fut-elle en grande
bénédiction à sa famille et
à ses voisins. Elliot prenait beaucoup de
soin de l'instruction religieuse de ses
enfants : il lisait avec eux l'Écriture
sainte en attirant leur attention sur les
vérités qui y sont
révélées, surtout afin de les
faire tourner au profit de leur coeur. Dieu
bénit ses efforts, car plusieurs de ses fils
devinrent des ministres fidèles de
l'Évangile, et ses autres enfants
donnèrent des marques si évidentes de
la réalité de leur
piété, que leur vieux père
disait après la mort de plusieurs d'entre
eux. « J'ai eu six enfants, et je
bénis Dieu de la grâce qu'il m'a
faite : ils sont tous avec Christ ou en
Christ. Mon esprit est maintenant en repos à
leur égard. » Comme on lui parlait
de ceux qu'il avait perdus, il
répondit : « Mon désir
était qu'ils servissent Dieu sur la
terre ; mais si Dieu veut qu'ils le servent
dans le ciel, je n'ai rien à y
opposer : que sa volonté soit
faite ! »
Animé d'une ardente charité,
il sympathisait aux souffrances des malheureux, et
cherchait à les soulager par toutes sortes
de moyens ; il donnait même des sommes
considérables aux pauvres, quoiqu'il
eût peu de fortune. Si ses voisins
étaient affligés, il allait les voir
et cherchait à les consoler avec affection.
Quelquefois, il engageait plusieurs personnes
à passer plusieurs jours avec lui dans le
jeûne, pour prier en faveur de ceux dont les
malheurs avaient touché
son coeur compatissant. Il avait peu d'ennemis, et
une personne, qui avait été du nombre
de ses auditeurs, l'étant devenue, il la
ramena par sa bonté. S'il entendait des
ministres se plaindre de quelques membres de leurs
troupeaux, il leur disait :
« Frères, pesez bien ces
paroles ; apprenez la signification de ces
trois mots : Supporte, patiente,
pardonne. » Un jour, dans une
assemblée de ministres, il jeta dans le feu
une liasse de papiers relatifs à quelques
disputes, et dit ensuite :
« Frères, ne soyez pas surpris de
ce que je viens de faire ; je l'ai fait
à genoux ce matin, avant de venir parmi
vous. »
Il employa, de cette manière, sa
longue vie à l'avancement du règne de
Dieu et au bien temporel et spirituel de ses
frères. Il marcha tous les jours à la
clarté de la face de Dieu et jouit sans
doute longtemps de l'assurance de l'amour
divin ; aussi n'avait-il aucune crainte de la
mort. Une personne, qui vint le voir un jour qu'il
souffrait de la fièvre, lui dit :
« Ne craignez point. » Elliot
lui répliqua aussitôt
« Craindre ! non, non, je ne crains
point ; je rends grâces à Dieu de
ce que je n'ai pas peur de la
mort. »
L'âge affaiblit enfin ses
facultés. À ceux qui lui demandaient
comment il allait, il répondait
quelquefois : « Hélas !
j'ai tout perdu, mon intelligence
m'abandonne, ma mémoire me
manque, j'ai de la peine a parler ; mais je
remercie Dieu de ce que ma charité tient
encore : je trouve même qu'elle augmente
plutôt que de diminuer. » Quand il
sentit que la vieillesse le rendait incapable de
travailler au bien de son église, il tourna
son attention vers quelques nègres du
voisinage, et quand il ne put plus sortir, il se
mit à enseigner un pauvre enfant
aveugle.
Quelques mois avant de mourir, il disait
souvent, avec l'accent de la joie, qu'il irait
bientôt au ciel et qu'il y porterait beaucoup
de bonnes nouvelles, faisant allusion à
l'état alors prospère des
églises de la Nouvelle-Angleterre. Mais ce
qui occupait le plus ses pensées,
c'était la venue du Seigneur : il en
faisait le sujet de ses entretiens, de ses
prières, de ses méditations, et
quelle que fût, la tournure de la
conversation, on pouvait être assuré
qu'il la dirigerait vers ce glorieux
avènement. Il disait au sujet des
progrès de l'Évangile parmi les
Indiens. « Que le Seigneur fasse
prospérer cette oeuvre et qu'il lui donne de
vivre après ma mort. C'est une oeuvre que
j'ai faite longtemps ; mais,
hélas ! comme je le disais
dernièrement, mes oeuvres ont
été bien pauvres et bien petites, et
je serai celui qui jettera la première
pierre contre elles. » À sa
dernière heure, il s'écria -
« Oh ! quelle
douce joie. » Et il expira en
disant : « Priez, priez,
priez. »
Cher lecteur, prenez garde à l'homme
intègre, et considérez l'homme droit,
car la fin d'un tel homme est la paix
(Ps. XXXVII, 37). Comparez à
cette sainte vie et à cette mort paisible,
la vie et la mort d'un Hobbs, d'un Hume, d'un
Rousseau, d'un Voltaire ou d'un Payne -
sûrement un esprit impartial trouvera que, si
la vie de l'un ressemble à la vie d'un ange,
la vie des autres ressemble à celle des
démons.
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