Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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LE VRAI BONHEUR



LES MARTYRS DE VIENNE ET DE LYON (177).

Ce qui montre bien le secours surnaturel que les disciples de Christ trouvent dans l'Évangile, c'est la joie que des multitudes de personnes ont manifestée en souffrant même le martyre pour la cause de leur Maître. Si le christianisme était une fable ingénieuse, il eût été facile aux premiers chrétiens de découvrir l'imposture ; et cependant ils croyaient avec une entière conviction que leur religion venait de Dieu. Et même des milliers d'hommes sacrifiaient, pour l'Évangile, tout ce qu'ils avaient de plus cher, et souffraient même des tourments si longs et si cruels qu'ils eussent regardé comme une grâce d'avoir la tête tranchée d'un seul coup. Le nom de chrétien suffisait souvent pour assurer leur perte. Ainsi s'accomplissaient ces paroles de Jésus-Christ : « Vous serez haïs de tous, à cause de mon Nom. » Les châtiments, l'ignominie, l'exil, les tortures et la mort, voilà la perspective offerte à tous ceux qui voulaient embrasser la foi chrétienne ; et cependant, en présence d'un si sombre tableau, ces multitudes abandonnaient les délices de la vie pour affronter les plus rudes orages, braver les plus terribles dangers et périr enfin dans d'affreux supplices. Les consolations de l'Évangile les ont soutenus dans leurs souffrances ici-bas, et depuis longtemps la couronne de gloire les a largement récompensés dans les cieux.

Les progrès du christianisme furent très-rapides dans le premier siècle qui s'écoula après l'ascension de notre Seigneur. Dans l'Orient, il se répandit jusque dans l'Inde, on croit même jusqu'en Chine ; dans l'Occident, les apôtres le portèrent en Espagne, dans les Gaules et en Bretagne. Dès les premiers temps, il y eut des églises chrétiennes à Lyon et à Vienne. Ces églises endurèrent une forte persécution vers l'an 177. Beaucoup de martyrs moururent pour le Nom de Christ et l'histoire de leurs souffrances a été proclamée par le savant Lardner, « la plus belle chose de ce genre dans toute l'antiquité. » Un autre savant illustre, Joseph Scaliger, disait que dans l'histoire ecclésiastique rien ne l'avait transporté comme ce récit et celui du martyre de Polycarpe. Cette histoire est contenue dans une lettre que les églises de Vienne et de Lyon écrivirent à celles d'Asie et de Phrygie. En voici la traduction :

« Les serviteurs de Christ qui séjournent à Vienne et à Lyon, dans la Gaule, aux frères de l'Asie et de la Phrygie, qui ont la même foi et la même espérance de rédemption que nous, paix, grâce et gloire, de la part de Dieu le Père et de Jésus-Christ notre Seigneur.

» Il n'est pas possible de décrire avec exactitude la grandeur de l'affliction que les saints ont eu à supporter ici, l'animosité des païens contre eux et les souffrances inouïes des bienheureux martyrs. Notre grand ennemi nous a attaqués avec toute sa puissance, et dès ses premières tentatives il a manifesté l'intention d'exercer une méchanceté sans bornes ; il n'a rien négligé pour entraîner ses sectateurs dans son oeuvre sanguinaire et pour les préparer d'avance à agir contre les serviteurs de Dieu. On a absolument défendu aux chrétiens de paraître dans les bains, les marchés et tous les lieux publics, ne leur laissant que leurs propres maisons. Cependant la grâce de Dieu a combattu pour nous, préservant les faibles et exposant les forts qui, semblables à des colonnes, étaient capables de résister avec patience et d'attirer sur eux toute la fureur de nos adversaires. Ils sont entrés dans la lutte et ont souffert toute espèce de maux et d'outrages. Ce qui était pesant pour d'autres était léger pour eux, pendant qu'ils se hâtaient d'aller à Christ, prouvant véritablement que les souffrances du temps présent ne sont point comparables à la gloire à venir qui doit être manifestée en nous Rom., VIII, 18).

» Le peuple a commencé la persécution par des insultes, des coups et toute espèce de mauvais traitements. On a pillé les biens des chrétiens, on leur a jeté des pierres, et ceux-ci ont souffert avec courage toutes les indignités que peut commettre une multitude furieuse. Ils ont ensuite été conduits au forum par le tribun et les magistrats ; on leur a demandé devant tout le peuple s'ils étaient chrétiens, et sur leur réponse affirmative, on les a mis en prison jusqu'à l'arrivée du gouverneur.

» Ils ont été enfin amenés devant lui, et comme il les traitait avec une grande dureté, une sainte indignation s'est emparée de Veltius Epgathus, un des frères, homme rempli d'amour pour Dieu et pour les hommes. Quoiqu'il fût très-jeune, sa conduite était si exemplaire qu'on pouvait justement le comparer au vieux Zacharie, car il marchait dans tous les commandements du Seigneur, étant sans reproche (Luc, I, 6 ) ; il se montrait fervent d'esprit et infatigable dans les oeuvres de bienfaisance (Rom., XII, 11). Il ne put supporter de voir ainsi pervertir la justice, et demanda à être entendu pour la défense des frères, s'engageant à prouver qu'ils n'étaient ni athées ni impies. Ceux qui entouraient le tribunal poussèrent de grandes clameurs contre lui. Le gouverneur, irrité de ce qu'un homme d'un rang aussi distingué lui fit une telle demande, se contenta de lui dire : « Êtes-vous chrétien ? » - Il le confessa avec la plus grande franchise et fut mis à l'instant au nombre des martyrs. On l'appela, il est vrai, l'Avocat des chrétiens ; mais il avait au-dedans de lui un puissant avocat, le Saint-Esprit, et il le prouva la plénitude de cette charité qui le porta à renoncer avec joie à sa vie pour défendre les frères ( 1 Jean, III, 16 ), car il était et il est encore un véritable disciple de Christ, et il suit l'Agneau partout où il va ( Apoc., XIV, 4 ).

» On commença alors à faire comparaître les autres accusés. Les principaux martyrs répondirent sur-le-champ avec beaucoup de fermeté. Les autres, qui n'étaient pas aussi bien préparés, semblèrent peut exercés, encore faibles et incapables de soutenir une semblable lutte. Parmi ces derniers, dix succombèrent. Leur conduite nous remplit d'une douleur inexprimable et affaiblit le courage de ceux qui n'avaient pas encore été arrêtés. Ceux-ci, quoique exposés à toutes sortes d'indignités, n'abandonnèrent pas les martyrs dans leur détresse. Nous fûmes tous fort alarmés à cause de l'issue incertaine du combat, non que nous fussions effrayés des tourments dont ou nous menaçait mais parce que nous craignions le danger de l'apostasie.

D'autres furent chaque jour arrêtés, et furent jugés dignes de remplacer ceux qui avaient succombé ; ainsi l'on choisit les plus excellents des deux églises, et ceux-là même dont les travaux les avaient fondées. On arrêta en même temps quelques-uns de nos domestiques païens, car le gouverneur avait ordonné des recherches générales contre nous. Les impulsions de Satan, la crainte des tourments infligés aux saints, et les suggestions des soldats, les portèrent à nous accuser de manger de la chair humaine, et de commettre divers autres crimes contre nature, et de choses qu'il n'est pas convenable de dire et qui n'ont sûrement jamais été pratiquées parmi les hommes. Ces accusations se divulguèrent et rendirent le peuple furieux contre nous ; et si quelques-uns s'étaient montrés plus modérés par suite de liaisons de parents ou d'amitié, leur indignation ne connut dès-lors plus de bornes. Ainsi fut accomplie cette parole du Seigneur : « Le temps vient que quiconque vous fera mourir croira rendre service à Dieu (Jean, XVI, 2). » Les saints martyrs furent alors exposés à des tourments qu'on ne peut décrire, Satan s'efforçant ainsi d'extorquer des calomnies contre les chrétiens.

» La rage du gouverneur, des soldats et de la multitude s'exerça d'une manière particulière sur Sanctus, diacre de Vienne ; sur Marturus, qui, bien que nouveau converti, fut un magnifique combattant dans la lutte spirituelle ; sur Attale de Pergame, qui avait été la colonne et le soutien de l'Eglise, et enfin sur Blandine. Christ montra en elle que les choses qui sont faibles et méprisables aux yeux des hommes sont les plus honorables à ses yeux (1 Cor., I, 27, 28 ; 2 Cor., V, 12), quand on prouve son amour pour son nom par une véritable énergie et non par de vains discours. Nous craignions tous, avec sa maîtresse selon la chair (Eph., VI, 5), qui faisait elle-même partie de la noble armée des martyrs, qu'elle ne fût pas capable de soutenir une bonne confession à cause de la faiblesse de son corps. Mais Blandine fut douée de tant de force, que ceux qui la torturaient depuis le matin jusqu'au soir, étaient accablés de fatigue et se reconnaissaient vaincus, après avoir fait usage de tous leurs appareils de torture. Ils voyaient avec étonnement qu'elle vivait encore, quoique son corps fût déchiré et tout ouvert. Ils déclaraient qu'un seul de ces horribles tourments aurait dû suffire pour la faire périr. Mais la sainte femme combattait généreusement et reprenait une nouvelle vigueur dans l'acte du martyre ; et l'on voyait évidemment que c'était pour elle un soutien, un rafraîchissement et un anéantissement de toutes ses douleurs, que de dire : « Je suis chrétienne, nous ne commettons aucun mal ( 2 Cor., IV, 16 ). »

» Sanctus supporta avec un courage plus qu'humain les traitements les plus barbares. Les impies espéraient, par la durée et l'intensité de ses souffrances, lui arracher quelques paroles injurieuses pour l'Évangile, mais il resta ferme ; et même il ne voulut dire, ni son propre nom ni celui de son pays, ni s'il était homme libre ou esclave, mais il répondait en latin à toutes les questions qu'on lui adressait : « Je suis chrétien : » il dit à plusieurs reprises que ce titre lui tenait lieu de nom, d'état, de patrie, de tout ; et les païens ne purent rien obtenir de plus. Cela excita au plus haut point la rage du gouverneur et des bourreaux ; de sorte que, ayant épuisé toutes les méthodes ordinaires de tortures, ils posèrent sur les parties les plus sensibles de son corps des plaques d'airain rougies au feu ; mais il resta ferme et inflexible dans sa confession, étant sûrement arrosé et rafraîchi par la source céleste d'eau vive qui découle de Jésus. Son corps n'était qu'une plaie ; il était tellement déchiré et contracté qu'il n'avait plus une forme humaine. La pensée des souffrances de Christ produisit en lui de grandes merveilles, confondit l'adversaire, et montra, pour l'encouragement des autres chrétiens, qu'on n'a rien à craindre quand on a l'amour du Père, et que rien n'est pénible pour celui en qui se manifeste la gloire de Christ.

» Quelques jours après, les impies renouvelèrent leurs tortures, s'imaginant que les mêmes tourments imposés sur son corps couvert de blessures vaincraient sa constance ou épouvanteraient les autres chrétiens, car ces blessures étaient extrêmement enflées et irritées, au point qu'il ne pouvait pas même supporter qu'on le touchât. Mais bien loin qu'il en fût ainsi, au grand étonnement de tous, son corps reprit sa position naturelle dans cette seconde torture, et il recouvra l'usage de ses membres. Ainsi, par la grâce de Christ, cette cruauté ne fut pas un châtiment, mais un moyen de guérison.

» Parmi ceux qui avaient renié Christ, était une femme nommée Biblias. Satan s'imagina avoir réussi à la perdre, et dans le but d'aggraver sa condamnation éternelle, en l'engageant à accuser faussement les chrétiens, il suggéra aux persécuteurs de l'exposer à la torture. Supposant qu'elle était une créature faible et timide, il la tenta de nous accuser d'horribles impiétés ; mais au milieu des tourments, elle revint à elle, et s'éveilla comme d'un profond sommeil. Ce châtiment temporaire lui rappela les dangers du feu éternel, et elle répondit aux impies : « Comment pourrions-nous manger des enfants, nous à qui il n'est pas permis de manger le sang des bêtes ? » Ayant ainsi confessé qu'elle était chrétienne, elle fut ajoutée à l'armée des martyrs.

» La puissance de Christ manifestée dans la patience de ses enfants ayant épuisé les moyens ordinaires de tortures, le démon chercha de nouvelles ressources. On jeta les chrétiens dans les endroits les plus sombres et les plus affreux de la prison, on leur serra les pieds dans des ceps, ce qui les forçait à se tenir debout ; et dans cette position, on leur fit souffrir toutes les indignités que pouvait infliger une malice diabolique. Plusieurs furent étranglés en prison, et le Seigneur manifesta sa gloire en les prenant à lui par ce genre de mort. Les autres étaient dans un état si affreux, qu'il semblait que les soins les plus tendres auraient eu peine à les rétablir : cependant ils demeurèrent, vivants bien qu'ils fussent privés de secours extérieur ; mais affermis et fortifiés par le Seigneur dans leur corps et dans leur esprit, ils encourageaient et consolaient les autres chrétiens.

» Quelques jeunes gens arrêtés depuis peu, et peu accoutumés aux souffrances, ne purent supporter les rigueurs de la prison et moururent bientôt. On traîna devant le tribunal le bienheureux Pothin, évêque de Lyon, il avait plus de quatre-vingt-dix ans, et était infirme et asthmatique, mais il était fort en esprit et il soupirait après le martyre ; son corps était usé par l'âge et par la maladie, mais il conservait une âme par laquelle Christ pouvait triompher. Il fut porté au tribunal par les soldats, la multitude le suivait en poussant des cris contre lui comme s'il eût été le Christ. Arrivé devant les magistrats, il fit une belle confession. Le gouverneur lui avant demandé quel était le Dieu des chrétiens, il lui répondit : « Tu le sauras si tu en es digne. » On le traîna alors sans pitié et on lui fit éprouver toutes sortes de mauvais traitements. Ceux qui étaient près de lui l'insultaient avec leurs mains et leurs pieds, sans montrer le moindre respect pour sa vieillesse, et ceux qui étaient éloignés lui jetaient tout ce qui se trouvait sous leurs mains.
Ils auraient cru manquer de zèle s'ils ne l'avaient pas outragé de quelque manière ; ils s'imaginaient venger ainsi la cause de leur dieu. Pothin respirait à peine quand on le jeta en prison ; il y mourut au bout de deux jours.

» La providence de Dieu et l'immense compassion de Jésus se manifestèrent à cette époque d'une manière très-remarquable. Plusieurs de ceux qui avaient abandonné leur Sauveur furent cependant jetés en prison et eurent à souffrir de cruels châtiments, de sorte que leur lâcheté ne leur servit de rien ; ceux qui avaient confessé Jésus avaient été arrêtés comme chrétiens sans aucune autre accusation ; mais les premiers, qu'on regardait comme des meurtriers et des incestueux, furent punis beaucoup plus sévèrement que les autres. D'ailleurs, ceux qui avaient confessé leur Sauveur étaient soutenus par la joie du martyre, par l'espérance fondée sur les promesses, par l'amour de Christ et par l'Esprit du Père ; les autres étaient accablés par les remords de leur conscience, au point que lorsqu'on les traînait aux tourments on les distinguait à leur démarche. Mais les fidèles se présentaient d'un air serein, la grâce et la gloire éclataient sur leurs visages, leurs liens étaient pour eux le plus bel ornement ; ils ressemblaient à une épouse qui va à la rencontre de son époux, tout en eux respirait le parfum de Christ. Les autres marchaient d'un air abattu, triste et découragé ; ils étaient regardés avec mépris et même insultés par les païens, qui les appelaient lâches et poltrons, et les traitaient comme des meurtriers. ils avaient perdu le titre glorieux de chrétiens qui aurait ranimé leurs âmes. Les frères qui observaient ces choses étaient affermis dans leur foi, la confessaient sans hésiter dès qu'ils étaient arrêtés, et n'écoutaient pas un instant les suggestions du démon.

» Les martyrs reçurent la mort de diverses manières, ou, en d'autres termes, ils tressèrent une guirlande de différentes fleurs et de diverses odeurs, et la présentèrent au Père. Il était dans la sagesse et la bonté de Dieu d'ordonner que ses serviteurs, qui avaient enduré un combat long et varié, reçussent, en qualité de vainqueurs, la grande couronne de l'immortalité. Marturus, Sanctus, Blandine et Attale furent livrés aux bêtes sauvages dans l'amphithéâtre, pour servir de spectacle à la barbarie des païens. Marturus et Sanctus subirent encore diverses tortures dans l'arène, comme s'ils n'avaient rien souffert auparavant. Ainsi ils furent traités comme ces gladiateurs qui, après avoir vaincu plusieurs fois, sont obligés de combattre de nouveau contre d'autres vainqueurs, jusqu'à ce qu'il y en ait un qui soit vainqueur de tous et qui reçoive le prix. Sur le point de recevoir la couronne, nos saints martyrs furent battus de verges, traînés et déchirés par les bêtes et en butte à toutes les cruautés que sollicitait à grands cris la populace furieuse ; puis on les plaça sur la sellette ardente dans laquelle leurs corps tout brûlés exhalaient une horrible odeur ; et ce ne fut pas tout, car leurs persécuteurs s'obstinaient toujours à vaincre leur patience. Mais on ne put arracher à Sanctus rien de plus que ce qu'il répétait : « Je suis chrétien ( 2 Cor., IV, 9 ). » Enfin, après avoir résisté longtemps, ils expirèrent tous deux, et donnèrent au monde un spectacle qui présenta toute la variété des combats sanglants des gladiateurs.

» Blandine fut attachée à un morceau de bois et exposée ainsi aux bêtes féroces. On la vit suspendue comme sur une croix et occupée à prier avec ardeur. Cela inspira beaucoup de courage aux combattants, car ils virent ainsi des yeux de leur corps la représentation de Celui qui avait été crucifié pour eux, afin que ceux qui croient en lui et qui souffrent pour sa gloire puissent toujours avoir communion avec le Dieu vivant. Aucune des bêtes n'ayant touché notre soeur, on la détacha du bois et on la remit en prison, la réservant pour de nouveaux combats, afin qu'ayant vaincu plusieurs fois, elle pût condamner pleinement le serpent ancien et animer les frères d'une noble émulation chrétienne. Quoiqu'elle eût paru bien faible, elle devint un athlète puissant et invincible. Dès qu'elle fut revêtue de Christ, elle remporta la victoire sur l'ennemi dans une multitude de combats et fut couronnée d'immortalité.

» Le peuple demanda aussi à grands cris qu'on fit comparaître Attale, car il avait une grande réputation parmi nous. Il s'avança avec toute la sérénité et toute la joie d'une bonne conscience : c'était un chrétien plein d'expérience, qui s'était montré toujours prêt et toujours zélé quand il s'agissait de confesser Christ. On lui fit faire le tour de l'arène, précédé d'un écriteau sur lequel était écrit en latin : « C'est Attale, le chrétien. » Le peuple voulait, dans sa rage, qu'on le mit à mort sur-le-champ ; mais le gouverneur, apprenant qu'il était citoyen romain, le fit reconduire en prison, et il résolut d'attendre les ordres de l'empereur, à qui il avait écrit pour lui demander comment il devait traiter Attale et quelques autres accusés qui étaient aussi citoyens romains.

» L'intervalle de repos ne fut pas sans fruit pour l'Eglise. La compassion infinie de Christ se manifesta par la patience de plusieurs. Des membres morts (1) furent rendus à la vie par ceux qui étaient vivants, et les martyrs firent beaucoup de bien à ceux qui avaient succombé ; car la plupart de ceux qui avaient renié Christ revinrent à lui et osèrent confesser leur Sauveur : ils sentirent de nouveau la vie divine dans leur coeur, et le Dieu, qui ne veut pas la mort du pécheur, étant de nouveau précieux à leurs âmes, ils s'approchèrent du tribunal, et désirèrent qu'il se présentât une nouvelle occasion d'être interrogés par le gouverneur.

» César ordonna que les confesseurs de Christ fussent mis à mort, et que ceux qui avaient renié leur divin Maître fussent relâchés. À cette époque avait lieu l'assemblée générale qui se tient annuellement à Lyon, et qui y amène une foule de personnes de tous les pays. Ce fut alors que les prisonniers chrétiens furent de nouveau exposés en présence de la populace. Le gouverneur les interrogea une seconde fois. Les citoyens romains eurent le privilège d'être décapités ; les autres furent livrés aux bêtes. Ce fut alors que notre Rédempteur fut glorifié en ceux qui avaient apostasié. On les interrogea séparément comme des gens qui allaient être relâchés ; mais, à la grande surprise des païens, ils confessèrent Christ et furent ajoutés aux martyrs. Un petit nombre demeura dans l'apostasie ; mais c'étaient ceux qui n'avaient aucune crainte de Dieu, aucune expérience des richesses de Christ et pas la moindre étincelle de foi : leur vie avait été une honte pour le christianisme et avait prouvé qu'ils étaient des enfants de perdition. Tous les autres revinrent à l'EgIise.

» Il y avait alors dans les Gaules un Phrygien nommé Alexandre, qui était médecin : c'était un homme généralement connu par son amour pour Dieu, par sa hardiesse a parler des choses du salut et par les dons apostoliques qu'il avait reçus. Pendant qu'on interrogeait les martyrs, il se tenait près du tribunal, et, par ses gestes, il encourageait les chrétiens à confesser leur foi. Ceux qui entouraient le tribunal s'aperçurent du vif intérêt qu'il prenait à la procédure, et la multitude, irritée de l'intégrité chrétienne que montraient ceux qui avaient auparavant renié Christ, poussa de grandes clameurs contre Alexandre, l'accusant d'être la cause de ce changement. Alors le gouverneur le fit amener en sa présence, et lui demanda qui il était. Il répondit qu'il était chrétien. Le gouverneur, animé d'une grande colère, le condamna sur-le-champ à être livré aux bêtes, et le jour suivant il y fut amené avec Attale, car le gouverneur désirant plaire au peuple livra celui-ci aux bêtes féroces, et ces deux chrétiens subirent toutes les tortures usitées dans l'amphithéâtre : leur agonie fut longue et pénible, et ils expirèrent enfin. Alexandre ne poussa pas un gémissement et ne prononça pas une parole, mais il s'entretint dans son coeur avec Dieu. Tandis qu'Attale était assis sur la chaise ardente et que son corps exhalait une odeur affreuse, il dit en latin à la multitude : « C'est véritablement VOUS qui dévorez les hommes ; mais nous, nous ne dévorons pas nos semblables, et nous ne commettons aucun autre crime. Comme on lui demanda quel était le nom de Dieu, il répondit : « Dieu n'a pas un nom comme les hommes. »

» Le dernier jour du spectacle, on fit paraître Blandine avec un jeune homme de quinze ans, nommé Ponticus ; on les avait amenés tous les jours pour les rendre témoins des supplices infligés aux autres chrétiens. On leur ordonna de jurer par les idoles ; et quand la populace vit qu'ils demeuraient fermes et qu'ils regardaient ses dieux comme rien, elle fut irritée au dernier point et ne montra aucune pitié pour le sexe de Blandine et pour la jeunesse de Ponticus. On les exposa à toute sorte de souffrances, et on ne leur épargna aucune torture ; mais les tourments ne produisirent pas plus d'effet sur eux que les menaces. Ponticus, animé par sa soeur qui le fortifiait et le soutenait, comme les païens eux-mêmes le remarquèrent, rendit l'âme, après un magnanime combat.

» Alors la bienheureuse Blandine, la dernière de tous les martyrs, semblable à une mère généreuse qui a exhorté tous ses enfants, et qui repasse dans son esprit la longue série de leurs souffrances au moment où elle vient de les envoyer victorieux à son roi, Blandine, dis-je, se hâta de passer elle-même par les mêmes tourments, joyeuse et triomphante à l'heure du départ, comme si elle eût été invitée à un festin de noces et non pas condamnée à être livrée, aux bêtes. Après qu'elle eut reçu un grand nombre de coups, qu'elle eut été déchirée, et qu'elle eut enduré la chaise ardente, elle fut enfermée dans un filet et jetée à un taureau. Au milieu de toutes ses souffrances, elle se montra supérieure à la douleur, soutenue par l'espérance, par la vue distincte de l'objet de sa foi, et par le sentiment d'une intime communion avec Christ. Quand le taureau eut épuisé sa rage sur elle, on l'égorgea finalement comme une victime. Ses ennemis avouèrent eux-mêmes que jamais femme n'avait tant souffert.

» Mais leur haine contre les saints n'était pas encore assouvie, car les hommes cruels ne s'apaisent pas aisément quand ils sont excités par l'ennemi du genre humain. Les persécuteurs commencèrent alors une autre guerre, et cette guerre fut dirigée contre les corps inanimés des saints.
Ils avaient été vaincus par leur patience, mais cette patience ne leur avait inspiré aucun remords. Le sens commun et tout sentiment d'humanité, semblaient éteints en eux : leur fureur s'augmenta de ce qu'ils n'avaient pas réussi à séduire les martyrs. Le gouverneur et la populace montrèrent également leur méchanceté afin que cette parole de l'Écriture fût accomplie « Que celui qui est injuste soit encore injuste, » et celle-ci : « Que celui qui est juste devienne encore plus juste (Apoc., XXII, 11). » Ils jetèrent aux chiens les corps de ceux qui avaient été étranglés en prison, et veillèrent exactement nuit et jour, de peur que quelque chrétien ne les dérobât pour accomplir les cérémonies funèbres. De plus, ils exposèrent ce qui avait échappé au fer ou aux bêtes sauvages, des membres déchirés ou brûlés, des têtes et des troncs sanglants, et les laissèrent plusieurs jours sans sépulture, en les faisant garder par des soldats. Les païens venaient se repaître de cet affreux spectacle ; les uns grinçaient des dents, comme s'ils avaient voulu faire éprouver à ces tristes restes les effets de leur malice ; les autres riaient d'un air insultant, célébrant leurs dieux et leur attribuant la punition infligée aux martyrs. Cependant, ils n'étaient pas tous aussi barbares ; mais ceux-là même qui se montraient plus doux, nous adressaient des reproches et nous disaient souvent : « Où est votre Dieu ? quel profit tirez-vous » de cette religion que vous préférez à la vie ? »

» Pour nous, nous étions bien affligés de ne pouvoir rendre les derniers devoirs à nos amis. Les ténèbres de la nuit ne purent nous favoriser, et nous ne pûmes rien obtenir, ni par nos prières, ni par nos offres. Les soldats gardèrent les corps avec une vigilance infatigable, comme si ç'eût été pour eux une chose essentielle que de les priver de sépulture. Quand les restes des martyrs eurent été outragés et exposés pendant six jours, ils furent brûlés, et les cendres furent jetées dans le Rhône, afin qu'il n'en restât pas la moindre trace sur la terre. En agissant ainsi, ils s'imaginaient pouvoir l'emporter sur Dieu, empêcher la résurrection des martyrs, et détourner les autres chrétiens de l'espérance d'une vie future : « Car, disaient-ils, c'est en se reposant sur cette espérance, qu'ils introduisent une religion étrange et nouvelle, qu'ils méprisent les plus affreux tourments et qu'ils meurent avec joie - voyons maintenant s'ils se relèveront, et si leur Dieu pourra les aider et les délivrer de nos mains. »

Voilà quelles souffrances les disciples du Fils de Dieu eurent à endurer. Par la foi, ils contemplèrent la couronne immortelle qui leur était réservée, et ils saluèrent la croix ou le poteau, les bêtes ou la chaise ardente, comme des moyens d'arriver plus tôt à la gloire et à Dieu. Ils combattirent le bon combat de la foi ; en succombant, ils furent vainqueurs, et leurs esprits triomphants, abandonnant leurs corps mutilés, s'élevèrent au ciel pour devenir les compagnons des anges. Plus de seize siècles se sont écoulés depuis le jour de leur tourment, mais ces seize siècles sont moins qu'un clin-d'oeil, comparés a l'éternité de bénédiction dans laquelle ils sont entrés en mourant. Oh ! bienheureux sont ceux qui ont choisi la bonne part ; elle ne leur sera point ôtée !


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(1) Morts dans leurs affections spirituelles.

 

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