VOIR JÉSUS
SAINT JACQUES ET SAINT PIERRE
-
Sermon prêché
à l'Oratoire du Louvre,
-
le 6 juin 1937
-
par le pasteur WILFRED MONOD.
« Vous
êtes un édifice fondé sur les
apôtres le Messie Jésus restant la
pierre angulaire ».
(Éphésiens
2/20).
MES FRÈRES,
Le Nouveau Testament est comparable à un
sanctuaire éclairé par quatre rosaces
de couleurs diverses : les évangiles.
Au centre de chaque verrière brille la
figure de Jésus, présentée
chaque fois différemment. Dans une
récente méditation, nous avons
tenté de contempler ces aspects
nuancés du Sauveur.
Or, les évangiles se
continuent par le livre intitulé :
Actes des Apôtres, c'est-à-dire des
envoyés, des missionnaires, en qui revivait
l'esprit de leur Maître. Mais là
encore, en ce pittoresque et sublime récit,
quelle extraordinaire variété dans
l'unité !
De nouveau, l'Eglise possède
quatre portraits à examiner : Jacques,
Pierre, Paul, Jean. Chacun de ces personnages est,
pour sa part, l'un des soubassements de
l'édifice chrétien,
Jésus-Christ restant la pierre
d'angle.
Aujourd'hui, nous regarderons
seulement les deux premiers : saint Jacques et
saint Pierre.
Le livre des Actes est
prodigieux.
D'abord, par son atmosphère marine ; il
est sillonné de navires à voiles et
de mouettes ; on y sent l'odeur des cordages
goudronnés, on y hume la brise du
large ; on y perçoit les hurlements de
l'effroyable tempête qui priva la
Méditerranée du soleil et des
étoiles. Voilà pour le cadre. Et pour
le sujet, quel mystère ! Il s'agit d'un
cinquième évangile, puisque le
héros du livre est le Ressuscité, le
Glorifié spirituellement présent
parmi les siens, et que l'écrivain
sacré nomme tantôt l'Esprit de
Jésus, tantôt le Saint-Esprit...
« Au, milieu de vous se tient quelqu'un
que vous ne connaissez pas », affirmait
déjà le Baptiste.
Et enfin, quelle
« actualité » dans le
livre des Actes ! Aujourd'hui la
chrétienté est troublée par un
problème immense, pareil à celui qui
agita l'Eglise primitive ; à cette
époque, une antique et glorieuse religion,
celle de Moïse, était menacée
par les missionnaires de l'Évangile :
dans quelle mesure les chrétiens
devaient-ils rompre avec la piété de
leurs pères ? Or des questions
analogues nous aiguillonnent ; seulement,
cette fois, la religion qui semble vieillir est un
certain christianisme traditionnel. Parmi les
disciples de Jésus, fervents,
passionnés, beaucoup se demandent si le
remède efficace à la paganisation
sociale et politique de l'Europe consiste à
réchauffer les dogmes de Luther et de
Calvin. En réalité, il faudrait
remonter plus loin dans la direction des sources
primitives. Il faudrait rebrousser chemin
jusqu'à l'Évangile, à
l'Évangile apostolique - mais
interprétée à la
lumière des prophètes
israélites, non à celle des
philosophes grecs et des théologiens
moyenâgeux.
Donc retour total et courageux,
non
pas à tel ou tel catéchisme
ecclésiastique, mais au Nouveau
Testament ; à la pleine et simple
Révélation biblique
manifestée, d'abord, dans les voyants
hébreux ; et plus tard,
éblouissante, en celui qui annonça le
Royaume de Dieu, et qui reste la Lumière du
monde.
Pressentez-vous ce que signifie
un
tel programme ? Il se résume dans le
credo suivant, légué par les saint
Jacques et les saint Pierre, les saint Paul et les
saint Jean, credo que bien peu comprennent dans sa
magnifique et bouleversante originalité :
Jésus est le Christ ; autrement dit : le
Messie, autrement dit : le Chef
prédestiné du genre humain...
Écrire Jésus-Christ, avec un trait
d'union entre les deux mots, c'est écrire,
littéralement :
Sauveur-Seigneur.
Voilà mes frères ce
qu'il faut rappeler à la
chrétienté ; et voilà ce
que la chrétienté doit annoncer au
monde. Alors disparaîtraient beaucoup de faux
problèmes ; alors les masses
égarées comprendraient mieux, et
même écouteraient davantage, le
pathétique appel du bon Berger :
« Venez à moi, vous les
travaillés et les chargés ! J'ai
pitié de la multitude sans
guide. »
Eh bien ! ces questions
dramatiques furent précisément celles
que l'apôtre Jacques propose à notre
méditation, car il fut l'agent de liaison
entre la Synagogue juive et l'Eglise de la
Pentecôte. Dans l'histoire humaine, comme
dans l'histoire naturelle, on assiste à des
métamorphoses assurées par des formes
transitoires ; voilà ce qui fait le
prodigieux intérêt du type religieux
incarné dans saint Jacques. Il appartient
tout ensemble au judaïsme et au
christianisme : sa légendaire
autorité doit s'expliquer par le double
caractère de sa personnalité morale.
Le passé, mais aussi l'avenir se
conciliaient dans le présent, inattendu,
où rayonnait son influence.
Songez à toutes les
énergies spirituelles qui bouillonnaient
dans l'Eglise primitive à Jérusalem.
Songez à l'essai d'existence commune qui
restera l'éternel honneur de l'équipe
sociale fondée par les disciples du
Nazaréen. Songez à ce jaillissement
spontané de vie, d'enthousiasme et d'amour,
à ce geyser brûlant dans la banquise
du glacial césarisme romain. Le bondissement
de ce torrent irrésistible marquait une
orientation prédestinée, inscrite en
la substance même de l'Évangile,
liée à l'élan instinctif de
l'Eglise.
Et puis, à côté
de ce christianisme social, s'affirmait un
christianisme cultuel, vibrant d'adoration et de
joie, riche en éléments liturgiques,
puisqu'il empruntait les cadres du temple juif en y
ajoutant ce joyau surnaturel : la Sainte
Cène ! Oui, le « repas du
Seigneur ! » La Table de communion
à côté de la Table
communautaire ! L'eucharistie
évangélique à
côté de l'agape
apostolique !
Voilà le milieu où
respirait saint Jacques. Fut-il ou non un
frère de Jésus ? La question
reste controversée. Mais, dans la
première épître aux
Corinthiens, on le désigne comme ayant
reçu le privilège d'une apparition
particulière du Ressuscité. Il
jouissait d'un prestige énorme et dirigeait,
pratiquement, la communauté
chrétienne de Jérusalem ;
l'apôtre Paul, dans sa lettre aux Galates, en
énumérant les chefs de l'Eglise
mentionne Jacques avant Pierre et Jean. C'est dans
sa maison à lui que le Conseil des Anciens,
le Conseil
« presbytéral », fut
convoqué pour accueillir des mains de saint
Paul une somme collectée en Asie Mineure, en
faveur des frères indigents de
Jérusalem.
Au près et au loin, Jacques
bénéficiait d'une réputation
de pur ascète ; on admirait son
rigorisme de pharisien ; on
vénérait sa
persévérance dans les exercices de
piété, ses heures consacrées
à l'oraison, genoux ployés sur la
pierre, et sa pratique de la pauvreté
choisie. Dans les conflits entre le riche et
l'indigent, entre le patron et l'employé, il
s'exprimait en avocat du faible ou du spolié
ses invectives contre les oppresseurs font revivre
les violentes dénonciations des voyants
israélites, dressés contre, les
hommes de proie, thésaurisateurs et
meurtriers.
C'est pourquoi Jacques était
surnommé « le
juste » ; on l'appelait aussi
« la muraille du peuple ».
Pareille attitude lui coûta cher ; et
ses anathèmes, probablement, comme ceux de
Jésus, le conduisirent au supplice ; on
assure que, malgré sa vieillesse
extrême, il fut précipité dans
l'abîme, du haut du temple de
Jérusalem, sur l'ordre du souverain
sacrificateur. « Heureux les
persécutés pour la
Justice ! »...
D'ailleurs, pour connaître son
âme vaillante, il suffit de méditer sa
brève épître. Quelle
poésie, quel pittoresque, et quel incisif
humour si j'ose dire ! D'autre part, ses
brillants ou mordants paradoxes semblent
empruntés aux évangiles mêmes,
et en particulier au sermon sur la montagne...
Évidemment, l'écrit n'est pas
composé, au sens littéraire ;
son absence de plan, son allure
primesautière, ses développements en
zig-zag, font de la lecture de cette courte
épître une promenade qui rappelle un
peu les itinéraires de l'école
buissonnière. Et pourtant, ne vous y trompez
point, ces pages ont leur logique intense,
née de la foi chrétienne. Car saint
Jacques, s'il maintient la loi de Moïse,
l'interprète par l'Évangile ;
telle est la savoureuse originalité de
l'apôtre. Alors l'antique Loi prend un accent
transfiguré, elle devient - et je cite avec
émotion - la « loi
royale » de l'amour, la « loi
de la liberté », la
« loi parfaite » ... C'est
splendide !
Sans doute on ne trouve pas,
dans
ces pages printanières, les fleurs et les
fruits du futur verger apostolique ; la
doctrine de la croix, non encore
élaborée, n'est point
prêchée ; c'est l'heure des
bourgeons, dans une atmosphère qui devra
tiédir pour favoriser les
épanouissements nécessaires. Mais
comment ne pas admirer la présence, dans le
Nouveau Testament, d'un livre comme
celui-là, concret, sobre, loyal, vaillant,
et donnant plus qu'il ne promet ? Il
correspond aux besoins de certaines âmes,
plus morales que mystiques, moins
tourmentées, moins déchirées,
que les véhémentes âmes d'un
Pascal ou d'un Luther, - mais qui existent quand
même (sincères, obéissantes,
persévérantes) - qui ont droit au
respect, à notre estime pleine de tendresse
- et dont la personnalité intime, dans le
sanctuaire de la conscience, est aussi une Parole
de Dieu.
Arrêtons-nous maintenant devant
l'apôtre Pierre, ce robuste rameur,
chéri de l'Eglise romaine, laquelle
s'intitule poétiquement « la
barque du Pêcheur », et qui se
réclame en celui-ci d'un
« pape » marié. Le
Vatican sait gré, en réalité,
à Simon Pierre d'avoir si peu
écrit ; sa brochure, très mince,
réserve une marge excessive aux additions et
aux commentaires de la tradition orale,
étirée durant le cours des
siècles successifs.
Mais nous aussi, les
protestants,
nous aimons l'apôtre, Pierre, cher à
tout chrétien, à tout lecteur des
évangiles. Ses qualités
particulières produisirent sur Jésus
une impression immédiate et vive ; elle
se traduisit par le surnom que lui donna le
Maître : « je t'appellerai le
Roc ». Pourquoi une telle
désignation ? Les traits de son
caractère primesautier n'évoquaient
point la comparaison avec un rocher.
Peut-être au contraire, Jésus lui
offrait-il ainsi une image à méditer,
un programme à réaliser, un
idéal à compléter ? Et de
fait, à travers ses erreurs, ses fautes, ses
chutes, Simon retrouva toujours, fixement, le
courage de la foi et de la consécration dans
le témoignage
héroïque.
Le temps me manque pour citer
ici
tous les passages qui, soit dans les
évangiles, soit dans les Actes des
apôtres, soit dans les épîtres,
ont sculpté pour jamais au grand soleil de
l'Histoire, avec tant de finesse à la fois
et de netteté, un visage humain inoubliable
- si humain ! oui, car le
« surhumain » n'y ajouta rien
d' « inhumain ».
Faites l'expérience
vous-mêmes. Groupez les textes si nombreux
qui, rassemblés, nous émeuvent
jusqu'aux larmes, devant l'humanité d'une
semblable figure : ce frère-là
nous contemple avec des yeux de pécheur,
mais avec un regard de sauvé.
Suivez-le à la piste !
Sans cesse il déconcerte. C'est
l'imprévu personnifié. Tantôt
sublime, tantôt naïf, il fait sourire,
il fait prier. Et toujours, il faut que
celui-là parle, même trop vite ;
il faut qu'il agisse, et qu'il s'agite, et qu'il
coure. Et puis, comme les enfants, il faut qu'il
sache : « Combien de fois
pardonnerai-je ? - Celui-ci que lui
arrivera-t-il ? - Maître, le figuier a
séché... - Maître, observe ces
moellons ! ... » (Quand il ne peut
parler, il fait des signes, pour appeler
l'attention de Jean dans la chambre haute). Il ne
craint même pas de contredire le
Maître : « Comment ! tous
te pressent, et tu demandes : Qui m'a
poussé ? - Non, tu ne me laveras pas
les pieds. - Non, tu ne périras point
crucifié. » Oh !
consternation, il finira par s'écrier :
« Non, je ne connais pas cet
homme ! » Avait-il pressenti,
inconsciemment, cette minute infernale, quand il
jeta cette supplication au Sauveur :
« Retire-toi de moi, car je suis un
pêcheur ! » En tous les cas,
il n'avait point prévu que le Maître,
à son tour, lui crierait de
s'éloigner :
« Arrière,
Satan ! »
Et pourtant, et pourtant,
quelles
radieuses nappes de lumière, à la
voix de Simon, recouvrent la nuit !
« À qui d'autre irions-nous ?
Tu as les paroles de la vie éternelle. - Tu
es le Christ, le Fils du Dieu vivant. - Seigneur,
tu sais toutes choses, tu sais que je
t'aime ! »
Je m'étonne moins, alors, de
ces paroles du Sauveur lui-même :
« Tu es Pierre, et sur cette pierre je
bâtirai mon Église. - J'ai prié
pour toi, afin que ta foi ne défaille point,
et quand tu seras revenu, affermis tes
frères. Pais mes agneaux ! Pais mes
brebis ».
Dans la liste des apparitions du
« Ressuscité », Paul
affirme que le Vainqueur se montra
séparément, expressément,
à Pierre avant qu'aucun apôtre
eût aperçu le
Glorifié.
Tout cela est d'accord avec
d'autres
notations bien significatives. Parmi les douze, il
est l'un des trois privilégiés que
Jésus admet dans son intimité pour
des occasions solennelles : la
« résurrection » de la
fille de Jaïrus, la scène de la
Transfiguration, l'agonie de
Gethsémané. Il fut même le
premier à se précipiter, hors
d'haleine, dans le tombeau vide, au matin de
Pâques, et le premier à
reconnaître le Ressuscité, dans l'aube
grise, après la pêche
miraculeuse ; - comme il fut le seul à
s'élancer vers lui en marchant sur les
flots, et le seul à brandir
l'épée pour le
défendre.
Ne nous étonnons point que
l'évangile de Marc soit, par excellence,
palpitant de vie, d'action, de puissance,
d'entrain, d'enthousiasme, puisqu'il fut
rédigé sous l'influence de Pierre et
dans la vibration de ses propres souvenirs. De
là, dans cet évangile seulement, un
trait unique, poignant, et d'une délicatesse
infinie : l'ange dit aux femmes, après
la résurrection : « Allez
prévenir les disciples - et Pierre (le
renégat !) - que Jésus vous
précède en
Galilée. »
Or, nous possédons un autre
miroir de sa personnalité, le
livre-même des Actes, où le trembleur,
le dénégateur, repenti et
transformé, devient brusquement un chef,
dès la Pentecôte, harangue les foules,
brave les autorités juives, les
prêtres rouges du sang de Jésus, et se
laisse emprisonner pour l'amour d'un
crucifié, sans craindre la menace du
martyre.
Enfin, voici un dernier miroir
de
son âme, très précieux :
sa merveilleuse épître. Dans cet
écrit, l'apôtre n'apparaît
point, comme saint Paul, sous les traits d'un
penseur, ni comme saint Jean sous les traits d'un
contemplatif ; on y découvre surtout
les signes étincelants d'une conversion
totale à l'Évangile et le rayonnement
de la nouvelle naissance.
Quelles étapes, depuis sa
révolte inintelligente contre l'idéal
d'un Christ souffrant ! D'abord, il avait
osé clamer, en contradiction avec le Messie
Jésus : « À Dieu ne
plaise, que tu périsses
vaincu ! » Plus tard même,
après la Pentecôte, quand il
mentionnait dans ses discours la mort du
Maître bien-aimé, il était
surtout préoccupé d'écarter
les objections que les Juifs tiraient d'un pareil
scandale, contre la dignité divine d'un
prétendu messager d'En-haut, exposé
au pilori de la croix pour crime de
blasphème. Et maintenant, dans son
épître, illuminé par le
Saint-Esprit, il entonne un hymne véritable
en hommage à la sainte victime :
« Est-ce par des choses
périssables, comme l'argent et l'or, que
vous avez été rachetés de la
vaine manière de vivre que vos pères
vous avaient transmise ? Non, c'est par le
sang précieux de Christ, comme de l'Agneau
immaculé, pur de tache,
prédestiné avant la création
du monde et manifesté en cette fin des temps
- à cause de vous - qui, par lui, croyez en
Dieu. »
Écoutez bien ! c'est
déjà le « cantique nouveau
« de l'Apocalypse, l'universel Hymne
à la joie sous l'arche triomphale des cieux
ouverts. Et en même temps, quelles solides et
graves paroles accompagnent cette musique !
Est-ce que la créature humaine, sur notre
planète, avait jamais employé un
pareil vocabulaire ? Quelle vigueur, quelle
substance, quelle condensation de la pensée,
quel ruissellement de la poésie ! Et
puis, quel panorama des choses et quel horizon des
idées ! Quelles intuitions
illimitées ! Quels espaces, où
battent les ailes d'un lyrisme
grandiose !
J'en demeure confondu. Les plus
téméraires flèches de
cathédrales ne sont qu'un débile jet
symbolique vers le même infini, où
l'âme apostolique s'élance et
disparaît en chantant.
Et l'on douterait d'une
inspiration
divine dans l'histoire, à ce moment
privilégié, unique dans les annales
humaines, ? Pourtant, saint Pierre
lui-même ne s'est pas impose pour
l'enseignement de l'Eglise autant que les saint
Paul et les saint Jean ; quand nous
méditerons sur la foi religieuse et
l'expérience chrétienne de ces
géants, nous irons de surprise en surprise
avec une admiration croissante. Mais
déjà, mes frères, à
supposer que le Nouveau Testament ne
renfermât en tout et pour tout qu'une seule
épître, celle de Pierre, elle fixerait
l'attention scrupuleuse des chercheurs, des
penseurs.
De même que l'éclair
jaillit entre deux pôles électriques
de signe contraire, cette courte lettre palpite
comme une brusque étincelle entre deux
sentiments antithétiques et conjugués
- joie et souffrance, souffrance et joie. Elle fut
écrite à Rome, sous
l'étouffante ombre de César, sous la
menace de la persécution ; et pourtant,
vous venez d'entendre les accents de
l'écrivain sacrée. Il s'écrie
encore : « Les anges mêmes
désirent plonger les regards dans
l'Évangile qui vous fut
annoncé. » Et encore :
« Publiez les vertus de ce Dieu qui vous
a appelés des ténèbres
à sa merveilleuse lumière. Soyez
saints dans toute votre conduite, car Celui qui
vous appela est saint. » Et encore :
« Après que vous aurez souffert un
peu de temps, le Dieu de toute grâce vous
soutiendra, vous fortifiera, vous rendra
inébranlables ». Et encore :
« Béni soit le Père de
notre Seigneur Jésus-Christ, car nous
possédons une espérance vivante, un
céleste héritage, incorruptible.
Voilà pourquoi vous êtes dans la joie,
malgré l'épreuve de votre foi,
essayée au feu. Oui, vous vous
réjouissez d'une joie ineffable et
glorieuse ». Alors, prophétisant,
exaltant la victoire de Jésus-Christ dans
l'avenir, il s'écrie en extase :
« Lui que vous aimez sans l'avoir vu, en
qui vous croyez sans le voir
encore ».
Voilà un des plus hauts
sommets de la littérature universelle, et
surtout l'une des Cimes les plus
élevées du Nouveau Testament...
« Lui que vous aimez sans l'avoir
vu ! »
Pendant la guerre mondiale, un
prêtre mobilisé, grièvement
blessé, perdit l'usage de ses yeux. Il fut
comblé de soins par un médecin
dévoué dont il n'apercevait jamais la
figure ; il quitta le docteur avec un espoir
d'amélioration, mais frappé de
cécité. À la longue, pourtant,
le traitement agit ; la lumière du
soleil fut rendue à l'aveugle. Alors
Celui-ci, l'âme gonflée de gratitude,
se mit à la recherche du praticien. Ayant
découvert sa demeure, il entra, le coeur
battant ; il essaya d'expliquer, à une
personne qui l'interrogeait sur sa présence,
le motif d'une démarche insolite... Soudain
une porte s'ouvrit, et le docteur accourut, les
bras tendus : « je reconnais votre
voix ! »... Le prêtre en
larmes l'étreignit contre sa poitrine :
« Mon sauveur, mon sauveur ! jamais
je n'avais pu contempler votre
visage ! »
Au premier siècle de notre
ère, l'apôtre Pierre écrivait
déjà aux disciples du Seigneur
Jésus : « Vous l'aimez, sans
l'avoir vu ; et vous croyez en lui, sans le
voir encore ».
En vérité, en
vérité, mes frères, nous qui
possédons l'insigne honneur et le
privilège immérité
d'appartenir à l'Eglise chrétienne,
osons répéter la déclaration
inspirée : « Nous sommes un
édifice établi sur les
apôtres ».
Amen.
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