VOIR JÉSUS
UNE BAGUE AU DOIGT
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Sermon prêché
à l'Oratoire du Louvre,
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le 19 Décembre 1937
-
par le pasteur WILFRED MONOD.
« Mettez-lui
un anneau au doigt, et des souliers aux
pieds ».
Luc XV, 22.
Mes frères, pourra-t-on
célébrer Noël avec joie ?
Les journaux du monde entier sont devenus de
lugubres faire-part, annonçant que la
Société des Nations est morte, que la
Paix agonise, et que les serpents brûlants de
la guerre se glissent déjà dans les
ténèbres, vers nos foyers. Eh
bien ! l'Eglise plus que jamais, chantera le
cantique de Zacharie, celui qui fut
« rempli du Saint-Esprit »,
déclare l'évangéliste, et qui
prophétisa en ces mots : « Le
soleil levant nous a visités d'en haut, pour
éclairer ceux qui sont assis dans l'ombre de
la mort, et pour diriger nos pas dans le chemin de
la paix. »
Oui, c'est à bon droit que
nous célébrerons Noël,
fête des âmes, fête du salut,
fête qui appartient au domaine des
réalités surnaturelles, fête de
la Parole devenue chair, et du Père
manifesté dans le Fils.
Il convient donc d'examiner avec
soin quelle révélation de Dieu nous
apporte Jésus. Or, il a
interprété lui-même sa
présence ici-bas, quand il raconta le retour
de l'enfant prodigue, et quand il plaça dans
la bouche du père, accouru vers le vagabond,
ce cri pathétique - « Mettez-lui
un anneau au doigt et des souliers aux
pieds. »
Pour empêcher tout malentendu,
j'insiste d'abord sur le fait qu'il s'agit
effectivement d'une parabole, non d'une fable ou
d'un apologue. Par exemple, un fabuliste refuse de
se conformer à la vraisemblance, il
prête un langage aux bêtes ;
d'après les règles du genre, le veau
gras prendrait la parole, tout comme l'ânesse
de Balaam, pour protester contre l'injustice de son
propre sort. La parabole, au contraire, ne renferme
aucun trait en désaccord avec l'observation
concrète. Dès lors, si le Christ nous
montre un père de deux enfants, il s'agit
bien de deux fils engendrés par lui,
nés dans sa maison de cultivateur.
Transformer ce propriétaire rural en
Divinité suprême, en Créateur
du ciel et de la terre, c'est commettre une erreur
grave non plus celle qui consiste à changer
la parabole en « fable », mais
celle qui consiste à métamorphoser la
parabole en « apologue »
celui-ci, en effet, échappe également
à la réalité c'est un
récit artificiel, tenant de la poésie
et de la philosophie, où chaque
détail est censé renfermer une
signification mystérieuse, qu'il faut
s'efforcer de découvrir. La parabole n'est
point cela ; elle contient une leçon
d'ensemble qui s'en dégage, mais à
condition de situer les mots, les faits, les
personnages, dans la réalité
quotidienne.
Donc, pour interpréter la
parole que nous examinons, prenons-la d'abord en
toute simplicité ; elle est mise, par
le Christ, sur les lèvres d'un père,
mais qui n'est pas (au fil même du
récit) le « Notre
Père » de l'oraison dominicale. En
l'histoire contée par Jésus le
Tout-Puissant reste invisible, dans
l'au-delà ; preuve en soi que le
prodigue s'écrie : « J'ai
péché contre le ciel et contre
toi », c'est-à-dire contre un Dieu
qui règne là-haut, et contre toi qui
vis sur la terre. Le père de l'enfant
prodigue a pu s'agenouiller avec son fils, au soir
d'une mémorable journée, pour prier
ensemble un même Dieu,
l'Éternel.
Il faut que ce point-là
devienne très clair, très solide,
pour que nous puissions découvrir la pleine
originalité de l'enseignement de
Jésus, quand il fait dire au héros de
la parabole, qui est bien le père :
« Mettez-lui un anneau au doigt et des
souliers aux pieds ». Ce trait de
caractère, magnifique, est emprunté
par Jésus à l'observation de la
nature humaine ; et voici où il veut en
venir : si le coeur d'un homme pécheur
est capable d'une telle grandeur, d'une telle
beauté, oserez-vous encore douter que Dieu
lui-même, à plus forte raison, puisse
être Lumière et Amour ? C'est en
vertu d'un raisonnement analogue, souvent
usité dans l'Évangile, que
Jésus déclarait : Quand votre
enfant pleure de faim et demande un oeuf, lui
glisserez-vous dans la main un scorpion ?
Non ! Alors ne blasphémez plus contre
Dieu, en le faisant plus mauvais que vous !
Même un juge cynique finirait par
céder à l'importunité d'une
veuve ; et Dieu, le Dieu saint et pitoyable,
refuserait d'exaucer vos prières ?
Telle était la méthode
employée par Jésus pour
dévoiler, ici-bas, la véritable
nature de la Divinité annoncée dans
l'Évangile. Et voilà pourquoi le
passage que nous méditons fuse comme un
rayon lumineux, tout chargé des
clartés de Noël.
Contemplons, maintenant, divers aspects de la
parole merveilleuse proposée à notre
méditation. Nous la comprendrons d'autant
mieux que nous scruterons, de plus près, le
caractère de l'homme extraordinaire
dressé au premier plan du récit. Ses
dispositions profondes, soit natives, soit
acquises, prennent un relief inouï dans ces
deux notations très significatives :
quand il aperçoit le prodigue, il
« court » ... à sa
rencontre ; et d'autre part, quand il
n'aperçoit pas le fils aîné au
banquet, il « sort » de la
maison... à sa rencontre. C'est, à
deux reprises, le même élan de
spontanéité.
Voilà un homme
âgé envers lequel ont failli des
jeunes, ses propres fils, qui l'ont méconnu,
lésé, malmené
moralement ; mais il refuse, lui, de prendre
une attitude guindée, hautaine ; il
n'allonge pas une chaîne d'arpenteur, entre
lui et ses enfants, afin de mesurer exactement
l'espace que ses fils doivent encore franchir pour
qu'il aille, lui, au devant d'eux. Il n'a pas une
dignité raide à sauvegarder, un point
d'honneur à maintenir, un orgueil à
couler en bronze pour l'ériger en statue. Ce
père-là, il
« court » au devant de l'un, il
« sort » à la rencontre
de l'autre ; il est père, absolument
père ; il lui importe peu, en
définitive, de maintenir les
distances ; il aspire à les supprimer.
À quoi bon se bouffir, alourdir son poids,
se gonfler d'importance ? Pourquoi se montrer
susceptible, emphatique, sentencieux ? Le
père, dans la parabole,
« court » vers le dissipateur
pour le baiser ; il
« sort » vers le grincheux et
le coléreux pour s'expliquer avec patience,
plaider avec tendresse, écarter des
malentendus, apaiser des rancoeurs. Et dans cet
oubli de soi, dans cet abaissement qui s'ignore,
quelle grandeur, quelle victoire !
Notons ce premier trait dans le
caractère paternel : nulle fausse
dignité. Voici le second : aucune
froide sévérité. Or une telle
particularité semble encore plus
étonnante ! Si un homme admet qu'on lui
manque d'égards et qu'on le bafoue, sans
réagir, sans riposter, libre à lui de
déprécier sa propre valeur et de se
ridiculiser ; mais s'il renonce à sa
dignité (attitude qui le concerne), il n'a
pas le droit de renoncer à la
sévérité, attitude qui
concerne autrui ; s'il dédaigne les
sanctions qui s'imposent, le châtiment
pédagogique, il dédaigne un
devoir ; la douceur envers le
délinquant mène à la
complicité ; l'indulgence envers le
coupable est immorale. Sur un terrain pareil, le
frère aîné prétend
demeurer inflexible ; il estime que le
rigorisme est une vertu. À ses yeux, les
balances de la justice ne sont pas une vaine
image ; celui qui triche avec les poids se
ravale au niveau d'un faux monnayeur : ouvrir
la maison à un déserteur, c'est
trahir la loi de Dieu. Que chacun porte la peine de
son péché, voilà ce qui est
normal, rigoureux, mais tonique. Autrement, par le
flegme ou l'apathie à l'égard du Bien
et du Mal, on devient le coadjuteur du rebelle,
voire le partenaire du pécheur.
Voilà ce que le frère
aîné pense de son père mais
celui-ci n'est pas atteint par de telles calomnies.
On l'accuse de fermer les yeux sur l'inconduite
notoire du cadet ! Toutefois, son pardon
a-t-il été de la négligence,
de l'indulgence, de l'insouciance ? On
pourrait le soutenir, si nulle souffrance
expiatoire n'avait accompagné le drame. Au
contraire, depuis la fuite ingrate et ignominieuse
de son enfant, son coeur paternel a
supporté, jour et nuit, une agonie
cachée : le père a pleuré
son fils, il s'est courbé lui-même
sous le poids d'une faute écrasante ;
au nom de la solidarité familiale, il s'est
humilié du péché de son fils,
il a intercédé pour lui dans ses
insomnies. Afin d'oublier un peu la torture morale,
il a essayé de remplacer le fugitif dans le
labeur des champs ; il s'y est
usé ; d'ailleurs une
irrésistible impulsion l'arrachait,
plusieurs fois par jour, au travail rural ; il
s'en allait d'un pas lourd vers le chemin que
l'évadé avait suivi pour
s'échapper ; ou bien, le père
gravissait une colline d'où l'on apercevait
un large horizon ; il explorait
l'étendue, il appelait le disparu par
l'intensité de sa prière, par ses
larmes, par les cris silencieux de son âme,
exerçant de loin sur le fuyard une poignante
influence de fascination, une puissance
d'attraction continue qui était
déjà une force de sauvetage ; et
voilà pourquoi il a discerné
« de loin » la tragique
silhouette.
Hélas ! quelle
rencontre : le père et le fils, presque
méconnaissables l'un pour l'autre ; le
père à cause de ses rides et de ses
cheveux blanchis, et de son dos
voûté ; le fils, à cause
de sa pâle maigreur de famélique, et
de ses pommettes rouges de tuberculeux, et de sa
démarche claudicante ; car il boitait,
les pieds tuméfiés, troués
d'abcès, tachés de poussière,
de pus, de sang. Et cette souffrance physique
était peu de chose, auprès de la
douleur morale qui battait, avec son coeur, sous
ses haillons de porcher malodorant... Le fils
éleva sa voix enrouée pour murmurer,
dans un sanglot : « J'ai
péché ». Le père ne
lui répondit rien, car il serrait le
malheureux contre sa poitrine. Ainsi la parabole ne
contient pas une seule phrase du père au
prodigue ; ses bras paternels avaient tout
dit. Mais il prononça quand même des
mots, en s'adressant aux serviteurs de la
ferme : « Mettez-lui une bague au
doigt et des souliers aux
pieds. »
Ici rayonne le caractère du
père sous de nouveaux aspects. Notons
d'abord que, malgré son émotion
violente, qui l'a presque subjugué, il ne
cède nullement à une romantique
sentimentalité. Sans doute il délire
de bonheur, il suffoque de joie, il balbutie des
paroles d'allégresse ineffable, qui
résonnent comme le refrain d'un chant
à deux strophes : « Il
était mort et il vit ! Il était
perdu et le voilà retrouvé !
Vite une bague, une bague de fête !
Mettez-lui au doigt l'anneau
d'or ! » Toutefois, dans son extase,
il n'oublie pas les pieds
ensanglantés ; sans quoi il serait le
prototype de l'hypocrite odieux que l'apôtre
stigmatise en ces termes : « Si vous
dites à un frère dans le
dénûment : Va en paix,
chauffe-toi, mange ! sans rien lui donner,
à quoi cela sert-il ? » Non,
le fils est là qui vacille, appuyé
sur un bâton ; en cours de route, afin
d'acheter du pain, il a vendu sa dernière
paire de sandales ; de cruelles épines
lacèrent et empoisonnent les chairs
envenimées, qu'il parfumait d'huile
odoriférante en compagnie de jeunes
débauchés ; les mouches bleues
bourdonnent sur les plaies vives. Ah ! certes,
le père ne parlera point d'anneau, sans
mentionner les souliers.
Peut-être même des gens
apitoyés, émules du bon Samaritain,
s'ils avaient assisté par hasard au retour
de l'enfant prodigue, eussent-ils
blâmé en secret le père, car il
s'inquiète de trouver « la plus
belle robe » et un
« anneau » - d'abord, et des
« sandales » ensuite... Qui,
sait ? l'un d'entre vous serait tenté
de leur donner raison, et de nous désigner
l'immense fresque de la parabole du jugement
dernier, où le Fils de l'homme,
paraît-il, ne demandera pas à ceux qui
défileront au tribunal : Combien as-tu
distribué d'anneaux de fête ?
mais tout crûment : Combien de fois
as-tu distribué des souliers pour chausser
des pieds nus ?
À ces prudents censeurs,
vraiment sages, pondérés,
bienveillants et prosaïques, à ces
excellents et solides plantigrades, je dirai :
« Attention ! Péril de
mort » pour la poésie de
l'Évangile. Gare à l'esprit du
frère aîné, calculateur et
ratiocinateur !
D'abord, une simple
remarque :
la parabole du jugement dernier
fut racontée par celui qui légua au
monde la parabole de l'Enfant prodigue : il
n'apercevait aucune contradiction entre l'un et
l'autre idéal. La preuve en éclate,
dans notre récit, puisque
précisément le père y
mentionne les souliers. Voilà dans quel sens
j'ai appelé votre attention sur le
troisième trait, bien remarquable, du
caractère de notre héros : il
n'est point submergé par une
sentimentalité romantique. Pas un instant il
n'oublie les souliers !
Mais on insistera il fallait
qu'ils
vinssent en première ligne... Oh laissez
donc ! Ne retouchez pas les paraboles !
N'en remontrez pas à
Jésus-Christ ! C'est lui qui a voulu,
expressément, décrire un exemple
inoubliable, surnaturel, de l'amour paternel
ici-bas. Et ce trait suprême, d'une
beauté indicible, est celui qui
m'éblouit.
Je dis l'amour
« paternel » ; il s'agit
en réalité de l'amour des parents,
celui du père, celui de la mère.
Celle-ci n'apparaît pas dans notre
parabole ; nous sommes dans la famille d'un
veuf. Pensez-vous que si l'épouse avait pu
être consultée, le père aurait
partagé son bien entre les deux fils ?
Elle aurait dit : « Prends
garde ! Avec les caractères de nos
garçons ! L'un va devenir un avare, et
l'autre un gaspilleur. »
Hélas ! un homme privé de la
lumière secourable des intuitions
féminines, et livré à la
coupante logique, peut commettre des erreurs
fatales ; le père a cru être
habile et juste en répartissant d'avance,
équitablement, sa fortune entre ses deux
héritiers. Les événements ont
déjoué ses calculs ; mais ils
n'ont pas altéré sa tendresse ;
au contraire, il est devenu tout ensemble
père et mère. La femme n'a point
cessé d'inspirer l'homme. N'en doutez
pas : en ce trait de génie, - l'anneau
avant les souliers, - c'est la mère qui
s'affirme ; oui, c'est la présence
maternelle, invisible au seuil de la maison
ouverte.
Il faut même dire davantage.
Le chapitre quinzième de l'évangile
selon saint Luc, - cette flèche de la Bonne
Nouvelle, flèche aérienne du message
rédempteur, - monte par étages
successifs jusqu'au niveau de notre parabole ;
on y chante la joie de retrouver la
« drachme » perdue, mais une
pièce de monnaie n'a pu souffrir ; on y
chante aussi la joie de soulager une
« brebis » perdue (l'animal
connaît la douleur) ; on y chante enfin
la joie de pardonner au
« fils » perdu, car l'homme est
capable de péché, de repentance et de
régénération, capable de salut
- à la différence du mouton et de la
drachme. Or, au niveau des deux premières
plateformes de la flèche,
l'évangéliste, écho de
Jésus, déclare chaque fois que la
conversion d'un seul pécheur fait jaillir de
la joie « dans le ciel », ou
encore : « parmi les anges de
Dieu ». Mais les cohortes
évangéliques disparaissent, quand il
s'agit de la repentance du fils prodigue ! Par
là, le récit devient plus
concret ; le tableau n'est plus suspendu entre
ciel et terre, dans une région inaccessible
où vibrent les harpes d'or de
l'Apocalypse ; non, la scène est
encadrée fermement dans le monde que nous
connaissons, puisque Jésus a l'intention
précise de nous révéler un
coeur paternel, un amour sans fraude et sans
bornes.
... « Mais alors,
demanderez-vous, que, sont devenus les
anges ? » - O aveugles que nous
sommes ! La place des anges est
signalée par l'anneau.
Et voilà pourquoi celui-ci
brille au premier plan. Nous disions tout à
l'heure : l'anneau marque la place de la
mère, l'amour parental, l'amour qui aime
sans raison et sans calcul, sans exiger un timbre
de quittance, - l'amour qui exalte l'amour, l'amour
qui exulte d'être l'amour - car cette
richesse-là, cette puissance-là,
c'est le surplus, le superflu, c'est le gratuit et
le surérogatoire, c'est le « vase
de parfum », c'est « l'or,
l'encens et la myrrhe » dans
l'étable de Bethléem, c'est
« la myrrhe et l'aloès »
dans la tombe, au jardin de Joseph
d'Arimathée.
Et maintenant, nous
ajoutons :
l'anneau marque la place des anges... Si
l'évangéliste ne les nomme pas, quand
il s'agit non plus seulement d'une monnaie ou d'une
brebis retrouvées, mais d'un pécheur
sauvé, c'est que les anges ne
désignent eux-mêmes que le ciel, et
que le ciel désigne Dieu. En se frappant la
poitrine, le dissipateur s'écrie -
« J'ai péché contre le ciel
et contre toi. » Dans cette parole
mystérieuse, il distingue entre le
Père qui est aux cieux et le père qui
est ici-bas ; et, en même temps, il les
réunit, puisqu'il n'a pu offenser l'un sans
offenser l'autre. En définitive, sur le plan
spirituel, il arrive à les identifier ;
car s'il a péché contre Dieu en
péchant contre son Père, il a
également reçu le pardon divin en
recevant le baiser paternel.
Désormais, nous tenons le
secret de la parabole, et nous découvrons
dans quel sens elle nous interprète
Noël ! Oh ! comment ne pas
célébrer bientôt la fête
avec des bougies, des carillons et des
cantiques ? C'est la fête des
« cieux ouverts », la
fête du Dieu qui s'abaisse, la fête de
l'incarnation, la fête de l'Esprit sauveur
qui va au devant d'une humanité
dévoyée
(« aperçue », mais
aimée, quand elle était
« encore loin »), et à
laquelle un Rédempteur tend les bras, - non
seulement du haut des cieux, mais du haut d'une
croix.
La parabole de l'enfant prodigue
s'élargit splendidement, jusqu'à
remplir la Bible entière. L'histoire
d'Israël est-elle autre chose que
l'épopée d'une conversion, la fuite
et le retour d'un peuple élu, rebelle, puis
repentant ? C'est trop peu dire encore :
la parabole de l'enfant prodigue recouvre en
réalité toute l'histoire humaine,
depuis les origines, sur notre planète, un
monde assurément fourvoyé, mais au
sujet duquel, d'après saint Jean, la Parole
faite chair déclarait :
« Dieu a tant aimé le
monde... », un monde où
trébuche et s'égare le fils
dissipateur, mais un monde aussi où
s'affirme la réalité de l'Amour
sauveur, l'amour transfigurateur, qui fulgure dans
le cri véhément :
« Mettez-lui un anneau au doigt et des
souliers aux pieds. » Car on ne peut
échapper à l'évidence :
l'anneau, c'est l'amour familial ; l'anneau,
c'est la joie des anges ; l'anneau, c'est la
présence ici-bas du Père
manifesté dans le Fils par la vertu du
Saint-Esprit, l'amour à l'oeuvre dans
l'Eglise pour hâter le Royaume de Dieu. Nous,
les Frères de l'égaré, sachons
interpréter les cloches dans la nuit de
Noël : elles annonceront la victoire
finale de l'Évangile éternel ;
elles chanteront l'hymne grandiose et solennel des
vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse :
« Seigneur ! le temps est venu de
juger les morts, de récompenser tes
serviteurs, les prophètes, les saints et
ceux qui craignent ton nom, les petits et les
grands, et de PERDRE CEUX QUI PERDENT LA
TERRE. »
Amen
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