Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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Sermons et Méditations




Gagner Christ.

Pourvu que je gagne Christ.
Philip. III, 8.

Gagner ! Connaîtriez-vous une pensée plus puissante dans le coeur de l'homme ? Il faut gagner, voilà le mobile de la fiévreuse activité qui dévore d'innombrables créatures humaines qui semblent ignorer le repos. Il faut gagner afin de vivre, de s'enrichir, de pouvoir jouir plus tard. Il faut gagner, aussi longtemps que les forces ne trahissent pas le travailleur ou qu'il ne se déclare pas satisfait du fruit de son labeur. Jamais, peut-être, la course au gain ne fut plus générale, ni plus difficile qu'aujourd'hui. Les habitudes de simplicité ont disparu, et comment pourvoir aux besoins toujours nouveaux qui naissent et se multiplient ? Gagner ! Tel est le mot d'ordre que s'est donné la société, qu'elle déclare nécessaire et qui la fait souffrir, parce qu'il la remplit d'agitation et d'amertume. Elle soupire sous son fardeau, en attendant un jour de délivrance qui ne vient pas. Plus elle se fatigue, plus aussi elle rive la chaîne qui la lie à la terre, et plus la terre produit pour elle des ronces et des épines qui blessent et qui déchirent. Gagner ! L'Évangile aussi connaît et emploie ce mot. Il a été sur les lèvres de St-Paul ; il a occupé une grande place dans la vie de l'apôtre ; il a donné à sa pensée et à ses aspirations une orientation nouvelle ; il revient sous sa plume, qui veut en instruire d'autres sur leur devoir. Possédé du désir de gagner. St-Paul donne son temps, ses forces, ses talents. Il court, il travaille, il lutte pour arriver au but qu'il s'est proposé. Il oublie les choses qui sont derniers lui, il tend vers celles qui sont devant lui. Un seul et grand désir le remplit : gagner !

Gagner, mais quoi donc ? De l'argent ? Les biens de la terre ? Le pain quotidien ? St-Paul se dit que, lui aussi, a besoin de tout cela, et il saura mettre la main à l'oeuvre, afin de n'être à charge à personne. Il accomplira, avec simplicité de coeur et beaucoup de fidélité, les devoirs que lui impose la terre. Mais le but de sa vie, mais l'objet de ses plus grands efforts, non, il ne sera pas là. Il sait que Dieu pense à lui et qu'il doit suffire à un homme d'avoir la nourriture et le vêtement. Il sait surtout que ce serait une folie que de livrer et de vendre son coeur à la matière. Jamais il ne croira, lui, désillusionné, que ce monde puisse satisfaire les besoins de son âme immortelle. Son âme, mais n'est-elle pas d'en haut ? N'est-elle pas d'origine divine, faite pour un monde meilleur que celui où elle loge pour quelques courtes années, faite pour le ciel et pour Dieu qui l'a donnée ? Son âme, tout le lui affirme, ne trouvera son repos, sa paix, une vie digne d'elle que dans la communion de Jésus-Christ. Pourvu que je gagne Christ, écrit-il à ses frères de Philippes.

Heureux apôtre ! Son choix a été excellent ! Qu'il ne craigne pas d'en arriver là où finiront les luttes de l'homme qui ne vit que pour la terre et auquel la poussière ne pourra jamais donner autre chose qu'une poignée de poussière. L'enfant du siècle présent moissonnera, comme fruit de ses labeurs, la déception et la perdition. Sa vie s'en ira dans un douloureux soupir. Mais l'apôtre, loin de lui ressembler, jouira des vrais biens que Dieu accorde, son âme aura la paix, et sa fin, ce sera la joie, le bonheur, un cantique de louange et d'actions de grâce.

Mes frères, gagner le monde, gagner Christ. J'ai rapproché l'un de l'autre ces deux désirs, puissant, le premier, dans la génération à laquelle nous appartenons ; puissant, le second, dans le coeur de St-Paul. Il y a là deux tendances qui se tournent le dos, deux chemins qui se séparent, deux existences, deux avenirs, deux fins, une voie qui descend et une voie qui monte. Je pourrais dire qu'il y a là, au point de vue moral et spirituel, la mort et la vie. Le fait, après tout, est fort connu. fort simple et fort clair. Il trouve tous les jours et devant les yeux de qui veut voir, sa confirmation. Nous sommes obligés de nous déclarer d'accord, et cependant, pleins d'inconséquence, nous ne choisissons pas réellement la bonne part. Nous ne suivons pas réellement l'exemple que nous a donné cet homme pour lequel gagner Christ était devenu l'ambition suprême. Vraiment, quand je compare nos vies à celle de l'apôtre, je vois qu'elles ne sont pas ce qu'a été la sienne. Subtilement et sans nous l'avouer à nous-mêmes, ou bien ouvertement, nous emboîtons si souvent encore le pas de ceux qui veulent gagner la terre ! La terre, pour nous aussi, se place au premier rang, la terre avec ses exigences, ses attraits, ses obligations, oh ! combien multiples et multipliées de nos jours ! La terre avec le pouvoir qu'elle sait exercer sur la pensée, l'esprit et le coeur ! La terre avec ses flots de paroles et d'impressions, ses voix sans nombre qui nous arrivent de près, de loin, de toutes parts et sous les formes les plus diverses ! La terre avec l'ouvrage qu'elle a soin de tenir prêt pour nous chaque matin et les occupations que crée notre bon plaisir ! Il y a là comme un envahissement de notre être qui se renouvelle sans cesse, et le fait est que nous ne lui résistons pas toujours.

Est-ce par oubli que les choses se passent ainsi ? Par oubli, dis-je, des intérêts de notre âme et des profonds besoins de nos coeurs ? Par oubli de cette parole du Maître lui-même : Il ne servirait de rien à un homme de gagner le monde entier, s'il perdait son âme ? Par oubli de ce mot de l'apôtre, c'est que le monde passe avec sa convoitise et que seul l'homme qui aura fait la volonté de Dieu demeure éternellement ? Par oubli ? - Peut-être. - Mais d'où vient donc que notre mémoire soit si bonne là où il s'agit pour nous de la terre, de gagner le monde, de pourvoir aux besoins de la journée, de répondre aux appels de nos goûts et de nos souhaits ? D'où vient qu'elle ne nous rappelle pas, avec une égale fidélité, que la grande affaire pour nous, c'est de gagner Jésus-Christ ? D'où vient qu'elle ne nous place pas, chaque matin, en face de cette question : Christ est-il à toi, es-tu à Christ ? Faudrait-il chercher ailleurs l'explication de ce fait que, tout bien considéré, nous sommes dominés encore par les affaires, entraînés par la vie présente, si bien que nous sommes pris, esprit, âme et corps, dans un engrenage qui nous serre de près, - la terre, toujours la terre pleine de trouble et ignorant la paix ? Il se pourrait qu'en présence de ces deux objets qui attirent nos regards et appellent nos désirs, - Jésus-Christ et le monde, - nous ayons voulu faire la part de chacun. Que de raisons pour ne pas oublier le premier ! Un engagement pris à l'heure solennelle de notre vie où, saisissant en connaissance de cause la main de Christ, nous lui avons promis de ne pas le quitter, de l'aimer et de le servir ; les appels de la prédication chrétienne et de la Bible ; l'expérience, qui ne cesse de nous fournir des preuves de la vanité des choses d'ici-bas et de la fragilité de la vie humaine ; le souvenir aussi du bonheur que donne au pauvre pécheur la communion de Jésus-Christ, le Sauveur. Ne plus désirer Jésus-Christ ? Ne plus le chercher, lui, qu'on appelle la perle de grand prix, lui, le plus fidèle des amis ?

Qu'on ne s'attende pas de notre part à une erreur si grave et si impardonnable ! - Mais que de bonnes raisons aussi pour garantir au monde la place qu'il réclame ! Elles apparaissent si nombreuses et si plausibles ; elles savent si bien naître de nos circonstances et en tirer leur force, qu'à peine ont-elles besoin d'un effort pour triompher de nos résistances. Il leur est si facile de nous arracher cette heure, ces quelques instants de recueillement, de prière, d'édification domestique ou publique, de lecture et d'étude de la Bible auxquels notre âme avait droit. Si facile encore de nous faire croire que l'homme peut vivre, au moins un jour ou deux, de pain seulement, qu'il peut se passer de la parole sortie de la bouche de Dieu et de l'appui que lui donne la communion de Jésus-Christ ! Si facile de nous convaincre que nous sommes en règle avec le ciel, et qu'il n'y a pas pour nous de danger à mettre ce qui nous reste de temps et de forces à l'accomplissement des devoirs de la terre ? Si facile aussi de nous détourner de notre vocation de témoins de Jésus-Christ ! N'y en a-t-il pas d'autres pour parler, pour avancer le règne de Dieu, pour donner et pour travailler ? Et nous entendons par là des gens plus libres de leurs mouvements et moins retenus par la terre que nous. - Mes frères, quand de la sorte le ciel et la terre, Jésus-Christ et les choses d'ici-bas, ont demandé tour à tour votre temps, vos forces, votre coeur, ne vous serait-il pas arrivé d'agir comme si vous étiez en face de deux maîtres également légitimes, ayant chacun le même droit de se faire écouter et obéir ? Vous avez voulu partager alors, donner à chacun la part qui lui revenait, et qu'en est-il résulté ? La part de Jésus-Christ a été faite bien petite, toujours plus petite, jusqu'à ce que, par une parole de sa bouche, par un coup imprévu, par un appel plein de puissance, le Souverain Pasteur et Gardien de notre âme ait fait valoir ses droits suprêmes. Gagner Christ : Dieu veut que ce soit là le grand, le premier but de notre vie !

Je le disais naguère, l'homme auquel nous devons ces deux mots : Gagner Christ, a su compter aussi avec les obligations d'ici-bas. Sa main, la même qui a écrit la touchante lettre aux Philippiens, a fabriqué plus d'une tente, fait plus d'une couture, coupé plus d'une pièce d'étoffe. Elle a su travailler pour la terre, gagner le pain quotidien et se fatiguer par le labeur. Elle a tracé, afin de combattre une funeste erreur, cette ligne sévère : Si quelqu'un ne veut pas travailler, il ne doit pas non plus manger. Personne, mieux que l'apôtre, n'a compris l'ordre de Dieu, donné aux premiers habitants de ce monde : Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front. Personne, mieux que lui, ne s'est courbé, avec une pleine docilité, sous cette dispensation des premiers jours. Mais, en même temps, oh ! comme St-Paul a bien su se dire qu'il est une aspiration qui doit occuper en nous le premier rang, un désir qui doit primer tout autre désir, un travail auquel nous devons le meilleur de nos forces et de notre temps, une oeuvre qu'il faut accomplir avant toute autre oeuvre : Gagner Christ et être trouvés en lui. Écoutez-le, rendant devant ses frères de Philippes ce témoignage qui sort des profondeurs de son âme chrétienne et de son coeur vaincu par l'amour de Jésus-Christ : Je regarde toutes les autres choses comme une perle, en comparaison de l'excellence de Jésus-Christ, mon Seigneur, pour qui je me sais privé de toutes ces choses et je ne les regarde que comme des ordures, pourvu que je gagne Christ et que je sois trouvé en lui.

Il y a là un homme qui connaît la vérité et qui la pratique. Ce n'est pas un rêveur, croyez-le bien, ce n'est pas un exalté, un pieux fanatique ; ce que nous disions tout à l'heure de ce travailleur en fait foi. Mais il y a là un chrétien qui a vu clair et qui a su marcher à la lumière répandue sur son chemin, Pourvu que je gagne Christ et que je sois trouvé en lui : voilà le but que cet homme s'était proposé à lui-même, le but qui rayonnait aux yeux de son âme, et auquel, pour lui, demeurait subordonné tout le reste. Ce qui le rapprochait de Jésus-Christ, ce que Jésus-Christ lui ordonnait, ce que Jésus-Christ lui offrait, il l'acceptait. Ce qui l'aurait éloigné de Jésus-Christ, il le repoussait. Son bonheur présent et futur, il le savait étroitement lié à la personne de ce Jésus qui, sur le chemin de Damas, l'avait pris à lui, et, avec beaucoup de conséquence, il cherchait à affermir le lien invisible qui l'attachait à ce Sauveur. Nourrir sa foi, croître dans la connaissance de Jésus-Christ et suivre ce Maître toujours plus fidèlement : telle fut la grande, la constante préoccupation de l'apôtre.

Mes frères, ni dans les exigences de ce siècle, ni dans nos obligations personnelles envers nos semblables, ni dans nos circonstances, ou dans nos travaux multipliés, nous ne trouverions une excuse qui nous justifiât, si nous nous refusions à suivre l'exemple de St-Paul. Les temps ont changé, je le veux bien. Mais si nous sommes aujourd'hui comme emportés par un tourbillon ; si ni notre temps, ni nos forces ne semblent plus suffire ; si les affaires d'ici-bas ont l'air de se précipiter au-devant de je ne sais quelle issue, ne seraient-ce pas là autant de voix qui nous crient, en appuyant celle de St-Paul : Pourvu que tu gagnes Christ et que tu sois trouvé en lui ! Christ et son règne survivront à tout ce qui passe. Seuls ceux qui l'auront gagné, lui, le Sauveur et qui seront trouvés en lui, ne périront pas dans l'effondrement général. Gagner Christ et être trouvé en lui : mon frère, que ce soit donc là la devise de chacune de tes journées et que tout ce que tu fais, soit fait à la lumière et sous la discipline de cette parole ! Amen.



Réjouissez-vous de ce que vos noms sont inscrits dans les cieux.
(Lire Luc X, 17-24.)

Mes frères, nous avons surpris, en ouvrant la page de l'Évangile selon St-Luc que nous venons de lire, une heure peut-être unique dans la vie de Jésus. Ils pourraient, en effet, avoir raison ceux qui disent que cette vie a été enveloppée de tristesse et qu'il n'y a pas eu en elle beaucoup de joies. Parcourez les écrits des auteurs sacrés. L'impression qui s'en dégage, c'est que Celui qui apportait, partout où on le voyait paraître, le remède aux maux dont souffrait le peuple, la consolation et la paix, Celui par lequel s'accomplissait cette antique parole du prophète : L'Eternel m'a oint pour annoncer la bonne nouvelle aux affligés, pour guérir ceux qui ont le coeur brisé, pour présenter à ceux de Sion qui sont dans le deuil et pour leur donner le diadème au lieu de la cendre, l'huile de joie au lieu du deuil, le manteau de louange au lieu d'un esprit abattu, si bien qu'on les appellera les chênes de la justice, les arbres plantés par l'Eternel pour le glorifier, - je dis que l'impression que nous laisse la vie de cet Envoyé de Dieu est celle d'une existence riche en larmes plutôt qu'en joies. Cet homme qui a fait tant d'heureux et qui en fera jusqu'à la consommation des siècles, a été l'homme de douleur. Sa vie s'est résumée dans cette chose effroyable qu'on appelle la croix. Il y a eu là le renoncement, l'angoisse et la lutte, il y a en là jusqu'à la plus amère des souffrances, celle infligée par des mains amies, et peu de jouissance, peu de satisfaction, peu de joie visible, éclatant à la vue de tous. Ah ! je ne soutiens pas que Jésus n'ait pas été heureux. Heureux, on le sera toujours quand on aime Dieu et que l'on marche dans ses voies. Et qui, sinon Jésus, aurait aimé et obéi ? Heureux, il est possible de l'être jusqu'au milieu des larmes. Versées aux pieds du Seigneur, elles n'auront pas le pouvoir de détruire la paix du coeur. Mais la joie telle que nous l'entendons, la joie sous l'effet de laquelle l'être tout entier s'épanouit et qu'on voit rayonner sur la figure de celui qui l'éprouve, cette joie-là, Jésus ne l'a guère connue. Une fois cependant, nous l'apercevons illuminant ses traits, et ce moment, c'est celui où, aujourd'hui, le Maître se présente à nous entouré de la foule de ses disciples, le moment où s'échappe de ses lèvres cette parole : Réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans les cieux !

Nous sommes réunis ici, mes frères, pour entendre de la bouche de Jésus, tressaillant de joie, cet appel à la joie. Mais pour bien le comprendre et pour savoir y répondre, il nous faut, avant tout, examiner de plus près et selon l'Écriture, les circonstances qui l'ont fait naître. Chose frappante ! La joie qu'il éprouve, ce moment de bonheur qui passe comme un rayon de lumière sur sa personne, Jésus l'a dû à ses disciples, et voici comment.

Un jour, il y avait de cela, selon toute probabilité, assez longtemps, Jésus avait envoyé soixante-dix de ses amis au milieu des tribus d'Israël. La vocation dont il les avait chargés avait été semblable à celle de Jean-Baptiste. Par leur parole, par leur oeuvre, ils devaient préparer le chemin du Maître, annoncer sa venue, proclamer son nom. Lui-même les avait suivis, complétant leur travail, apportant le dernier mot et les grâces suprêmes, se donnant lui-même, l'ami, le docteur, le pasteur sans pareil. Enfin, leur tâche accomplie, les disciples s'en retournent vers Celui qui les avait fait partir. Les messagers de la bonne nouvelle rentrent au foyer. Ils ont vu ce qu'il est permis de faire à l'homme que Jésus emploie, qu'il accompagne de sa bénédiction, qu'il a outillé pour son service et rempli de ses dons et de sa puissance. Ils reviennent pénétrés d'une joie qu'ils expriment naïvement : Seigneur, disent-ils, les démons nous sont assujettis par ton nom ! Aurait-on cru que l'étendue du pouvoir dont ils avaient été revêtus fût si grande ? Se serait-on attendu, pour ces hommes faibles, peu instruits, manquant, d'expérience, à des victoires si belles ? Alors, dans ce cercle des premiers témoins dont le Père avait béni le ministère au delà de ce qu'ils avaient osé espérer et demander, la joie des disciples se communique au Maître. Devant eux, un coin du rideau, cachant les magnifiques bontés de Dieu, s'est levé. Devant lui, tout le plan divin se découvre et dans les premiers succès, remportés par la foi et l'obéissance, s'annonce pour lui le triomphe final. Il contemple l'oeuvre du salut accomplie, le Prince de ce monde détrôné, la gloire rendue à Dieu et le bonheur rendu aux hommes. Quel avenir que celui-là ! Quelle lumière, quelle vie, quelle paix ! Et tressaillant d'allégresse, il s'écrie : Je te loue, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents et de ce que tu les as révélées aux enfants ! Oui, mon Père, cela est ainsi, parce que tu l'as trouvé bon !

Mes frères, il est des situations qui ne se renouvellent pas. C'est parmi elles qu'il faut ranger, peut-être, celle des soixante-dix ayant achevé leur ministère et apportant leurs gerbes aux pieds du Maître de la moisson. Et cependant, il peut y avoir eu, et il peut y avoir encore des analogies entre leurs expériences et les nôtres. J'évoque le souvenir des jours où il a plu à Dieu de nous faire sentir que notre travail n'était pas vain auprès de lui, qu'il regardait, dans sa condescendance, à nos intentions plutôt qu'à la valeur de notre oeuvre et que, dans nos intentions mêmes, il démêlait, pour s'y arrêter et pour y prendre plaisir, ce qui était vrai, pur et bon, d'avec ce qui ne supportait pas la flamme de ses yeux. Oh ! le bonheur d'avoir senti alors son approbation, d'avoir pu nous dire : Tu as été quelque peu utile, la force du Seigneur s'est accomplie dans ta faiblesse, il s'est servi de toi pour faire quelque bien à un frère, pour porter à ceux qui en avaient besoin, une parole d'encouragement, de consolation et de paix, pour terrasser, dans un coeur dont ils se disputaient la possession, les démons du mécontentement, de l'envie, de la jalousie, de l'orgueil et de la médisance, et pour faire triompher Jésus-Christ, le Saint et le Juste, le Sauveur du pécheur repentant et le Médecin de ceux qui se portent mal. Vraiment, il y a eu là comme un écho lointain de ce cri de joie d'il y a vingt siècles : Seigneur, les démons mêmes nous sont assujettis par ton nom !

J'évoque le souvenir de ces jours, moins semblables encore à ceux des soixante-dix dont nous parlions tout à l'heure, mais qui, me semble-t-il, peuvent aussi être nommés ici, où toute la bonté de Dieu s'est fait sentir dans nos vies, sur nos personnes et au sein de nos familles. Ne sont-elles pas bien rares parmi nous, les existences humaines pour lesquelles jamais et d'aucune façon les paroles du patriarche Jacob, rentrant dans sa patrie après un long et pénible exil, n'ont été éclairées d'une lumière qui les rendait nouvelles et les transformait en une confession personnelle du lecteur de la Bible : Éternel, je suis trop petit pour toutes les faveurs et pour toute la fidélité dont tu as usé envers ton serviteur ; car j'ai passé le Jourdain avec mon bâton et maintenant je forme deux camps ! Que de dangers écartés de notre route, que de bienfaits semés sur notre chemin, que de grâces libéralement accordées à ceux qui n'avaient mérité que le châtiment, que de témoignages d'une sollicitude toute paternelle et divine pour des enfants de col raide, quelle abondance de miséricorde, quelle sagesse et quelle puissance manifestées dans les moyens ! Mes frères, ne vous seriez-vous donc jamais tenus sur quelqu'un de ces sommets où la main de Dieu place quelquefois ses enfants et où il ramènera bien souvent ceux qui s'y laisseront conduire pour voir ce que leur Seigneur a fait pour eux ? Et puisqu'il me semble impossible que jamais, de là-haut, vous n'ayez jeté un regard étonné sur votre passé, sur l'oeuvre de vos mains bénies par Dieu, sur quelqu'une de ces bontés spéciales dont, dans telle circonstance particulière, il a usé envers vous, ou bien sur l'ensemble des gratuités dont il a couronné vos jours ; - puisque je ne puis croire que jamais vous n'ayez été frappés de la manière d'agir de Dieu à votre égard, dites ce que vous avez éprouvé à la vue de tant d'ennemis mis sous vos pieds, de tant de délivrances accordées et de tant de miracles accomplis en votre faveur ! Vous n'avez pas songé, sans doute, à répéter sans en changer les mots, le cri des soixante-dix, envoyés par Jésus-Christ : Seigneur, les démons mêmes nous sont assujettis par ton nom ! Mais ce qui s'est retrouvé en vous, c'est leur surprise, leur allégresse et leur hommage rendu à Celui dont le pouvoir et la bonté avaient dépassé leurs espérances les plus hardies !

Et nous voici, mes frères, malgré la distance qui nous sépare d'eux et la diversité que présentent les situations, associés aux témoins de la première heure dont la joie fit naître dans le coeur et jaillir des lèvres de Jésus cette parole : Ne vous réjouissez ; pas de ce que les esprits vous sont assujettis, mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans les cieux. Elle nous regarde donc comme elle regardait les disciples, et vous me demandez quelles ont été, en la prononçant, la pensée, les intentions, la volonté du Seigneur à l'égard de ceux qui l'écoutaient.

Je ne pense pas, mes frères, que le Maître ait voulu dire que l'objet qui avait jeté ces hommes dans le ravissement ne fût pas digne de leur attention et de leur admiration. Eh quoi ! La victoire que les soixante-dix avaient remportée sur les démons, le bonheur que leur succès leur faisait éprouver, la joie dont débordaient leurs coeurs, tout cela n'avait-il pas ouvert devant Jésus lui-même ces perspectives glorieuses qui le font tressaillir en son esprit ? Non, je ne pense pas que Jésus ait voulu formuler un blâme, qu'il ait voulu désapprouver l'étonnement et l'allégresse de ses serviteurs, frappés de ce qu'ils avaient vu. Il comprend, il approuve, il partage leur pensée ; elle s'empare de lui aussi, elle lui fait du bien et lui arrache une parole admirable d'adoration et d'actions de grâce. Mais jusque dans cette heure belle et grande entre toutes, il est une chose que le Fidèle et le Véritable n'oublie pas, c'est de veiller sur les âmes des siens, c'est d'écarter ce qui pourrait, par la force des circonstances, se transformer pour elles en piège, et de les mettre en face de la vérité complète, seule vraiment bienfaisante. Il est, en effet, pour le serviteur de Jésus-Christ, pour l'enfant de Dieu, un sujet de joie élevé bien au-dessus de tous les succès qu'il remporte, comme au-dessus de toutes les grâces qu'il recueille le long de la route, c'est le fait d'être sauvé. Que son oeil ne se laisse donc pas éblouir et fasciner par ce qu'il contemple, que son coeur ne soit pas satisfait de ce qu'il lui est donné de faire et de posséder ! Il pourrait y avoir là des pièges dont il ne se doute pas. Une chose meilleure, une chose sans laquelle aucun succès, ni aucun bienfait de la terre ne pourrait être pour lui un sujet de joie, une chose grande entre toutes lui est destinée et lui est assurée par la grâce divine : Réjouissez-vous, s'écrie Jésus, de ce que vos noms sont écrits dans les cieux.

Aurons-nous de la peine à comprendre la signification de l'image ? On portait, dans la ville antique, les noms des citoyens sur les registres d'un livre. L'inscription garantissait le droit de bourgeoisie avec ses privilèges. L'inscrit était certain d'être de la famille, d'avoir sa place au pays, d'être accueilli et protégé par ses compatriotes. S'emparant de ces usages, la Bible en a fait une image qui lui est familière. Moïse s'écrie : Pardonne leur péché, sinon efface-moi de ton livre que tu as écrit, ! Et dans l'Apocalypse, parlant de la cité de Dieu, nous lisons ces paroles : Ceux-là seuls qui sont écrits dans le livre de vie de l'Agneau y entreront.
Lorsque donc, se tournant vers les soixante-dix, Jésus les appelle à se réjouir de ce que leurs noms sont écrits dans les cieux, que peut-il avoir voulu leur dire, sinon qu'il est pour eux une grâce suprême, plus enviable et plus excellente que n'importe quelle autre, c'est de posséder l'assurance de leur salut personnel.

On a demandé, mes frères, si le chrétien, dont le pied chancelle encore au contact du monde d'iniquité qui l'entoure, peut avoir l'assurance d'être sauvé ? On lui a contesté le droit de croire à son salut comme à une chose certaine. En l'entendant affirmer qu'il possède sa place parmi les serviteurs de Dieu dans les cieux, on l'a accusé de témérité. Mais Jésus ne partage pas cette opinion. Réjouissiez-vous, dit-il, de, ce que vos noms sont écrits dans les cieux. Encouragés par lui, nous déclarons qu'il est une assurance du salut, légitime et voulue de Dieu. Elle ne s'achète à aucun prix, mais elle peut être donnée à l'homme, elle sera accordée à quiconque la prend comme un don des mains meurtries du Rédempteur ; elle sera, de la part du Dieu vivant, le suprême témoignage de sa grâce gratuite en Jésus-Christ. Nul ne pourra rien recevoir, ni rien posséder de plus grand et de plus beau qu'elle. Elle dépasse en valeur tout le reste. Elle est, après Celui qui en est l'auteur, le trésor de grand prix.

Frères, auxquels Dieu, par son St-Esprit, a dit que vous êtes sauvés, vous, pauvres et misérables pécheurs, réjouissez-vous ! Sauvés : là est la chose digne d'être à tout jamais l'objet de la joie de vos coeurs. Il n'en est pas d'autre, qui, mieux que celui-là, mérite de vous posséder tout entiers. Pas d'autre auquel vous puissiez vous livrer plus complètement, sans crainte et sans danger, puisqu'il n'y en a pas d'autre qui vous dise avec autant de force que tout est grâce, et que la grâce, avec toute son excellence, sera la part de qui est assez humble pour l'accepter à deux genoux.

Réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrite dans les cieux ! O Seigneur qui as prononcé cette parole, qui nous l'as rappelée dans ce jour, qui as voulu qu'elle fût écrite pour nous, donne-nous de la comprendre et de la mettre en pratique ! Amen.


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