Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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Sermons et Méditations




La tourmente apaisée.

Ce même jour, sur le soir, Jésus leur dit : Passons à l'autre bord. Après avoir renvoyé la foule, ils l'emmenèrent dans la barque où il se trouvait ; il y avait aussi d'autres barques avec lui. Il s'éleva un grand tourbillon et les flots se jetaient dans la barque, au point qu'elle se remplissait déjà, Et lui, il dormait à la poupe, sur le coussin. Ils le réveillèrent et lui dirent : Maître, ne t'inquiètes-tu pas de ce que nous périssons ? S'étant réveillé, il menaça le vent et dit à la mer : Silence ! tais-toi ! Et le vent cessa et il y eut un grand calme. Puis il leur dit : Pourquoi avez-vous ainsi peur ? Comment n'avez-vous point de foi ? Ils furent saisis d'une grande frayeur et se dirent les uns aux autres : Quel est donc celui-ci à qui obéissent le vent même et la mer ?
Marc IV, 35-41.

Celui qui lit attentivement le livre des Psaumes, ce recueil de cantiques des fidèles du passé, est frappé de voir avec quelle humilité et quelle persévérance ces hommes cherchent le secours et la protection de Dieu. Peut-être aura-t-on raison de dire que les grandes questions de la vie chrétienne, celles du pardon et de la grâce divine, sont encore, pour quelques-uns d'entre eux, au second rang. Mais ce qu'on ne niera pas, c'est qu'il y ait eu en eux tous un sentiment profond de la faiblesse humaine, qui réclame à grands cris un soutien, un guide, un protecteur. Ce qui n'est pas moins certain, c'est que ces croyants de l'ancienne alliance ont su se réfugier avec une confiance touchante à l'ombre des ailes de leur Dieu ; qu'ils ont remis la direction de leur vie entre les mains du Tout-Puissant, et qu'ils nous ont laissé de magnifiques témoignages rendus à la fidélité de Celui qui, dans toutes leurs détresses, leur a tendu une main paternelle et secourable.

Pour nous, qui leur avons succédé dans les rangs des enfants de Dieu sur la terre, rien n'a changé quant aux conditions de la vie quotidienne. Notre existence, ici-bas, ressemble à tout point de vue à la leur. Elle n'est ni plus calme ni plus assurée. Peut-être aura-t-on raison de dire que les siècles écoulés ont ajouté aux jours de l'homme des incertitudes et des tourments inconnus autrefois. Quoi qu'il en soit, la consolation d'Israël existe aussi pour nous. Je dirai même que nous la possédons non seulement pleine et entière, mais augmentée, plus vivante, plus personnelle. Que vous dit cet admirable récit que nous avons lu tout à l'heure et dont les détails semblent avoir laissé une impression profonde dans l'âme des disciples de Christ, si ce n'est que Dieu, dans la personne de son Fils, est venu partager les dangers que court et les luttes que doit soutenir sa créature ? Que nous dit-il encore, si ce n'est que Dieu a donné à quiconque croit, dans la personne de Jésus, un ami tout-puissant qui, d'une main sûre, guidera la nacelle des siens à travers les éléments en fureur, jusque dans le port désiré ? Que nous dit-il, sinon qu'avec une assurance plus ferme encore que celle d'Israël, nous devons tout remettre à Celui que nous nommons notre bon et miséricordieux Sauveur ?

I

Peut-être, pour bien comprendre la valeur et la beauté de ces appels et de ces promesses, faut-il avant tout nous rendre compte, une fois de plus, des conditions du chrétien qui traverse la terre, envisager en face les réalités de la vie présente, dire les choses telles qu'elles sont. Pour ceux-là mêmes qui connaissent l'Évangile et qui ont cru au Sauveur du monde, le voyage de la vie ressemble d'une manière frappante à cette traversée du lac de Génézareth, si mouvementée, où la barque portant Jésus et ses disciples était exposée aux plus grands dangers.
Remarquez que la présence du Maître qui, à ce moment, était à l'apogée de son activité et qui venait d'accomplir toute une série de miracles plus beaux les uns que les autres, n'a pas garanti ses amis de l'accident que les évangélistes décrivent en ces termes : Et il s'éleva un grand tourbillon de vent, et les vagues se jetaient dans la barque, en sorte que la barque s'emplissait déjà. Quoiqu'il fût là, lui dont la réputation était sur toutes les lèvres et qui, en portant un regard d'amour sur la famille spirituelle qui l'entourait, avait dit : Quiconque fera la volonté de Dieu, celui-là, sera mon frère, et ma soeur et ma mère, - quoiqu'il fût là, Celui qui avait de la sorte épousé en plein la cause des siens, les disciples n'échappèrent pas à cette heure de suprême angoisse.

Remarquez encore que leur divin Ami, après avoir laissé venir la tempête, permet à celle-ci de se déchaîner dans toute sa fureur. Il était à la poupe, dormant sur un oreiller. Sa bouche qui avait su commander, avec autorité, à tant de malheurs, tant d'épreuves, tant de puissances de l'abîme, tant de désolations et tant d'épouvantes, ici, elle demeure muette. Sa main, qui s'était étendue pour guérir, pour délivrer, ici, elle repose inerte. Il est là, on le touche, lui, devant lequel tout avait plié, mais il a l'air d'avoir oublié, il sommeille !

Remarquez, enfin, que ces hommes qu'il abandonne à leur grande détresse, sont au bout des ressources que leur fournissaient leur habitude du lac, les années qu'ils avaient vécu sur ses eaux, toute leur vie de pêcheurs. Des lèvres de ces vaillants ; vous entendez sortir un cri désespéré. L'auraient ils poussé, s'ils avaient connu encore quelque moyen d'échapper à une mort qui leur paraissait certaine ? Et maintenant, dites, n'est-ce pas là l'image de la vie du chrétien, non pas telle que l'homme l'a rêvée, mais telle que le Maître l'a voulue pour n'importe lequel de ses disciples. Il s'en est trouvé, sans doute, qui se sont dit que le chrétien, vivant dans la foi au Fils de Dieu, occuperait au sein de l'humanité livrée à mille maux, constamment menacée dans sa prospérité, souffrante et saignante, je ne sais quelle place privilégiée, à l'abri des vagues, des vents et de la tempête. Le Seigneur permettrait-il que ses bien-aimés aussi fussent surpris par l'épreuve ? Ne veillerait-il pas à ce que l'homme qui s'est confié en lui, échappât à l'embarras, à l'heure sombre, aux atteintes de la maladie, aux humiliations d'une situation trop compliquée, trop difficile pour sa faiblesse, dépassant ses forces intellectuelles et physiques ? Vain espoir ! Pas plus que sur le lac de Tibériade, la présence de Jésus dans une maison, dans un coeur, dans une vie, ne garantit un ciel toujours serein, ni le calme d'un beau soir.
Les plus excellents d'entre ceux qui ont marché sur les traces du Sauveur, ne parlent-ils pas des souffrances du temps présent, et n'ont-ils pas vu éclater sur leur tête plus d'un orage qui les a fait trembler ? Pas plus que pour les premiers disciples, voguant sur une mer en fureur, le Seigneur n'est toujours intervenu au moment même où l'homme l'eût jugé opportun et nécessaire. Il a dormi dans la barque. Ne dirait-on pas qu'il dort encore, là où se prolongent les difficultés, où s'accumulent les obstacles, où chancellent les oeuvres chrétiennes, où l'iniquité triomphe, où le peuple de Dieu succombe, ou bien aussi lorsque quelque chrétien isolé attend d'année en année que le Maître agisse et délivre, lui, dont la Bible et l'expérience chrétienne proclament la bonté et la puissance ? Oh ! qu'elle est actuelle, dès lors, qu'elle est excellente, aujourd'hui encore, cette parole de l'auteur de l'épître aux Hébreux : N'abandonnez pas votre confiance qui doit avoir une si grande récompense, car vous avez besoin de patience, afin qu'après avoir fait la volonté de Dieu, vous remportiez l'effet de la promesse. Elle est grande enfin, de nos jours, autant qu'à l'heure où la troupe des disciples traversait le lac avec le Maître, elle est grande, la faiblesse de l'homme. Son insuffisance éclate de toutes parts ! Bien vite le plus habile trouve son maître. Bien souvent la journée amène l'imprévu et la perplexité. Nos aptitudes, notre savoir-faire, nos trésors d'expériences, nos plus sages précautions, les calculs de notre prudence les mieux combinés, aucune arme, prise dans cet arsenal, ne suffit pour combattre avec succès l'ennemi de notre bonheur ! Vraiment, la situation du chrétien, elle peut être, elle peut devenir, d'un instant à l'autre, celle de ces hommes que, tout à l'heure, nous avons vus voguer sur la mer galiléenne.

II

Mais voyez. Ce n'est pas là le seul trait de ressemblance qui existe entre eux et nous. Il en est un autre encore, et j'ai hâte de le signaler. Tout à coup, je vois se dresser cette figure qui reposait immobile et impassible au fond de la barque. En Celui qui, naguère, ne semblait être autre chose qu'un homme sujet aux mêmes infirmités que nous, un être fatigué, accablé sous le fardeau du jour, épuisé pour avoir trop donné, succombant, vaincu ; en ce Jésus se présente à mon regard étonné le Fils de ce Dieu dont le psalmiste avait dit : Sa voix retentit, sur les grandes eaux ; le Dieu de gloire, l'Éternel fait tonner sur les eaux ; la voix de l'Éternel est magnifique ; la voix, de l'Éternel est puissante ! Le Maître - oh ! c'est ici qu'il l'est plus que jamais - le Maître se lève, il réprimande le vent et dit à la mer : Tais-toi, fais silence ! Et devant la majesté de cet ordre s'inclinent les éléments. Le vent s'apaise ; il se fait un grand calme ! Les forces vives de la nature en convulsion sont domptées. Le péril est conjuré. Les disciples ont la vie sauve. L'incrédulité, ici, n'a vu qu'un langage figuré ; elle a déclaré les victoires de Jésus sur la création inanimée plus incroyables encore que ses guérisons de malades et ses miracles opérés sur la personne des possédés du démon. Pour nous, loin de nous laisser ravir un Sauveur dont la main n'est jamais trop courte pour délivrer, ni l'oreille trop pesante pour entendre, et pour lequel n'existe aucune de nos impossibilités humaines ; pour nous, qui ne lirons jamais cette page de nos Évangiles sans une émotion profonde, nous dirons que Jésus règne et qu'il mettra, aujourd'hui comme jadis et à l'heure favorable, sa divine puissance au service de l'homme qui croit et qui regarde à lui.
Eh quoi ? La vie du chrétien, l'histoire de nos familles, l'histoire des missions évangéliques, l'histoire de l'Eglise de Jésus-Christ, l'histoire de son règne sur cette terre, ne sont-elles pas là pour prouver que le temps des miracles semblables à celui du lac de Génézareth, le temps des délivrances signalées, merveilleuses, si grandes souvent et si inattendues que l'homme est resté muet d'étonnement, n'est pas encore passé ? Qu'ils s'éveillent pour rendre leur témoignage, ces souvenirs qui sommeillent au fond de nos coeurs et de nos mémoires. Arrachons à l'oubli où nous les avons laissées tomber, ces choses que nos yeux ont vues et qui nous ont parlé de la puissance et des compassions infinies de Dieu en Jésus-Christ ! Que de fois, au milieu des tempêtes déchaînées sur nos têtes et des vagues soulevées pour engloutir notre barque, n'avons-nous pas entendu, nous aussi, cette parole : Tais-toi, fais silence ! Nous avons compris alors la grandeur de nos privilèges. Assimilés aux enfants de ce monde dans l'épreuve qui nous a frappés tout aussi bien qu'eux, nous ne leur avons cependant pas ressemblé, nous autres sur les lèvres desquels Dieu a fait naître ce cantique de louange : Dans toutes leurs détresses, il a été en détresse et l'ange de sa face les a délivrés ; lui-même les a rachetés par son amour et par sa pitié ; il les a portés et il les a élevés et il a été leur Sauveur ! Le chrétien, c'est l'homme béni, l'homme heureux, l'homme au sort duquel il faut porter envie, parce que ses heures de tribulation et d'angoisse même servent à faire éclater la gloire du Dieu d'amour, du Seigneur tout-puissant qu'il sert.

III

Je sais, et il ne m'est point permis de taire qu'il a plu à Dieu et à Jésus-Christ de lier leur promesse à une condition : Si tu crois, a dit, sur la tombe de Lazare, le Maître à son amie en détresse. Si tu crois, il nous le redit à nous aussi. Mais la foi qui obtient la délivrance, qu'est-elle ? Je ne demande pas ce qu'elle devrait être, parce que votre coeur le sait : une foi qui ne doute pas, une foi trop ferme pour trembler, une foi qui, jusqu'au milieu de l'orage, repose, confiante, entre les bras de Dieu. Mais je demande quelle est cette foi à laquelle le Seigneur daigne déjà regarder, qu'il ne repoussera pas et qu'il ne déclarera pas absolument indigne de son bienfait. Je demande au récit qui nous occupe, et pour rassurer les âmes craintives et hésitantes, quelle est la foi dont, plein de condescendance, Jésus-Christ se contentera et à laquelle il répondra par la manifestation de sa puissance ? Effrayés, bouleversés, se croyant perdus, que font les disciples ? Ils réveillent le Maître endormi et ils lui crient : Ne te soucies-tu point que nous périssions ? Hélas ! dans leur manière d'être, dans l'accent de leur voix, dans la nature de leur appel, il découvre un élément impur qui l'afflige. Dans ces hommes dont il s'était tant occupé et qui avaient été les témoins de ses hauts faits, son regard trouve les restes du seul péché qui ferme devant la créature humaine le ciel avec toutes ses vertus. À cette foi qui s'élance au-devant de lui et qui lui demande le miracle, il voit mêlée l'incrédulité. pourquoi ? dit-il, êtes-vous ainsi craintifs ? Comment n'avez-vous pas de foi ? Néanmoins, - je constate le fait, - il sauve cette troupe de pauvres perdus ! Pour agir, il n'attend pas que leur foi soit parfaite. Il a compassion de leur faiblesse. Il se dit que c'est en le voyant les arracher à la mort, qu'ils apprendront à croire d'une foi plus digne de ce nom. Il les blâme, oui, mais avant de blâmer, il bénit et il délivre ! Et moi qui lis ces choses sur les pages du volume sacré, je prends courage, parce que je comprends que mon Sauveur ne brise pas le roseau froissé et n'éteint point le lumignon qui fume à peine. Je me dis qu'il me recevra, moi aussi, dont la foi est encore si petite et si entremêlée de doute. Tel que je suis, je me lève, je vais à lui et je lui dis : Sauve-moi, car je péris ! Et lui, qui n'a pas abandonné les disciples sur le lac, il ne m'abandonnera pas non plus. Comme eux, je verrai sa gloire et je comprendrai toujours mieux que tout est grâce et que ma foi même n'a rien mérité. Oh ! mes frères, qu'il grandit à nos yeux comme il a grandi, un jour, aux yeux de ses premiers disciples, le Sauveur qui agit de la sorte à l'égard du misérable qui le cherche. La majesté divine qui leur est apparue en Jésus, arrache à ceux qu'il a sauvés des flots ce cri d'étonnement : Qui est Celui à qui le vent et la mer obéissent ? Ce qu'ils ont dit, nous le répéterons sans doute ; mais nous ajouterons, confus et humiliés autant que réjouis : Qui est Celui qui attend de nous si peu et se plaît à nous faire de si grandes choses ? Amen.



Zachée le péager.

Il faut que je demeure aujourd'hui dans ta maison.
Luc XIX, 5.

Qui ne connaîtrait, qui n'aimerait le récit de la rencontre de Zachée, le péager de Jéricho, avec Jésus, montant à Jérusalem pour y mourir ? Peut-être n'y a-t-il, dans la Bible, pas beaucoup de pages qui nous parlent, d'une manière plus simple et plus touchante, de la bienveillance du Sauveur, de sa bonne volonté envers l'homme qui le cherche, de son empressement à aller au-devant des premières aspirations d'une âme qui se tourne vers lui. C'est devant ce beau trait que nous voudrions placer, non pas tout d'abord les chrétiens affermis, connaissant le Maître dès longtemps et ayant marché depuis nombre d'années sur ses traces, mais ceux-là plutôt, qui, ballottés entre la certitude et le doute, ont jeté sur lui un regard interrogateur. Nous voudrions amener ici les commençants dans la vie chrétienne, qui ont entendu parler de Jésus et qui, sur la foi de ce qui leur a été dit, se demandent s'ils ne feraient pas bien de se joindre à la troupe de ses disciples. Nous voudrions montrer ce Sauveur encore à quiconque aurait de la peine à supprimer la crainte de n'être pas assez avancé en connaissance, en amour, en foi pour pouvoir lui plaire et être digne de lui. Nous voudrions parler de lui, enfin, à l'homme qui, après avoir compris que le monde ne saurait lui suffire, ni le rendre heureux, ne sait pas encore que le bonheur, le salut, la paix et la vie sont dans la personne de Jésus et seront reçus par qui possédera ce Sauveur. Venez donc, vous qui hésitez encore, qui savez à moitié, qui avez éprouvé les premiers attraits de l'amour de Jésus-Christ, venez voir le Seigneur se portant lui-même au-devant de Zachée et accomplissant dans cet homme une oeuvre à peine commencée. Venez, voyez-le sauvant l'un de ceux qui étaient perdus, et qui, sans lui, eussent été perdus à toujours.

I

À deux lieues du Jourdain, à sept de Jérusalem, reposait, au sein d'une oasis délicieuse, Jéricho, la ville des palmiers. On y fabriquait un baume qui, très recherché, se vendait dans toutes les parties du monde alors connu, et le commerce très considérable de la localité - avait nécessité l'établissement d'un bureau de douanes romain. Or, avec celui-ci, l'armée des publicains de l'empire, gens dédaignés, redoutés, haïs, y avait fait son entrée et y exerçait son métier souvent plus qu'inique.

C'est dans ce milieu que vivait Zachée, juif d'origine comme le fait supposer son nom, directeur des péages, homme riche, St-Luc nous le dit. S'il souffrait de la défaveur du peuple qui répandait sur son existence une ombre noire, il possédait par contre ce qui, selon plusieurs, fait le bonheur de l'homme : une position assurée et de bons revenus. Cependant, il ne se sentait pas satisfait. On devine ici une âme qui cherche et demande autre chose. Je ne voudrais rien exagérer ; je me garderai de vous faire croire qu'il y avait en Zachée des dispositions et des désirs extraordinaires. Très sobre, le récit biblique ne nous dit que deux choses, c'est qu'il cherchait à voir quelle figure avait Jésus et que, étant, de petite faille, il monta sur un sycomore, sous lequel devait passer le cortège accompagnant le Rabbi de Nazareth. Bien évidemment, il avait entendu parler de cet homme dont chacun disait tant de bien. Peut-être lui avait-on rapporté ce trait particulier que ce Juif, si différent en cela de tant d'autres, portait dans sa poitrine un coeur plein de compassion, même pour des péagers. Il n'y a donc, au fond, rien d'étonnant à ce qu'il ait désiré connaître les traits de ce bon Maître. Mais ne pensez-vous pas qu'il nous soit permis de faire ici quelque supposition ?

Zachée me rappelle tel homme, telle femme qui, poursuivis par le sentiment que la terre n'est pas tout ce qu'il nous faut, éprouvant, en eux-mêmes, je ne sais quel vide, quelle inquiétude, quels besoins auxquels rien ne répond, quelle soif d'une eau meilleure que celle qui jaillit sous leurs pas, se sentent attirés, vaguement peut-être, et cependant irrésistiblement, vers ce Jésus que confessent et que prêchent les chrétiens. Vous les voyez sortir des rangs des indifférents et des moqueurs, accomplir, comme Zachée, un premier acte de courage, braver les qu'en-dira-t-on, s'exposer hardiment aux jugements des voisins, franchir le seuil d'un temple, d'une chapelle, se mêler au petit troupeau et écouter. Vous les voyez observer les confesseurs de Christ, afin de surprendre en eux quelques traits de la figure de Celui dont la voix s'annonce tout bas dans leur coeur. Qu'est-il, que dit-il, que peut-il, ce Jésus dont on parle tant ? Serait-ce le Christ ? Serait-il le chemin du bonheur ? Serait-il le repos et la paix du coeur et de l'âme ? Serait-il le but vers lequel tendent secrètement les aspirations les plus intimes de l'homme ? Je crois, mes frères, que ceux qui se posent ces questions sont plus nombreux que nous ne le croyons. Il est assez rare, tout bien considéré, de trouver des convictions arrêtées, des coeurs complètement donnés, des chrétiens formés. Mais ce qui est bien fréquent, c'est de rencontrer des Zachée, hommes et femmes accourant pour voir et pour entendre et se demandant ce qu'il faut faire.

Peut-être serions-nous disposés, nous autres, à estimer étrange qu'on puisse encore en être là, ou à dire que l'heure de la grâce et du salut ne sonnera pas encore de sitôt pour ceux dont le coeur n'est pas plus décidé à accepter la vérité. Nous ressemblons en cela à ces disciples que le Maître fut obligé de blâmer, parce qu'il trouvait en eux si peu de sa sagesse et de sa patience. Combien, en effet, n'a-t-il pas été bon, indulgent, plein de condescendance et rempli d'un savoir-faire qui n'habite pas en nous ! Je suis touché, ému, en voyant sa conduite, envers Zachée. Je me sens confus en constatant que c'est précisément la maison de cet homme, encore si peu digne de lui, qu'il a choisie pour s'y rendre.

Vous savez ce qui s'est passé. En s'approchant du sycomore qui cachait le péager, Jésus appelle celui-ci. Le nom de Zachée, découvert par la foule, courait-il, à ce moment, de bouche en bouche ? Tous les visages s'étaient-ils tournés vers lui ? Quoi qu'il en soit, Jésus qui avait vu Nathanaël sous le figuier, voit le publicain sur son sycomore. Il aperçoit en lui une âme qui le cherche. Il comprend que le Père a mis sur son chemin cette brebis perdue de la maison d'Israël et de sa bouche jaillit cette parole : Zachée, descends en hâte, car il faut que je demeure aujourd'hui dans la maison.

II

Eh quoi ! c'est donc à la table de Zachée que s'assiéra Jésus ? N'y en avait-il pas d'autres qui eussent mieux mérité cet honneur, et que leur passé, leurs conditions sociales, leurs dispositions morales et spirituelles eussent mieux préparés à recevoir cet hôte auguste ? Telle qu'est l'humanité, je m'explique les murmures qui s'élèvent dans la foule. Elle ne comprend pas, elle s'indigne. Elle dit très haut que le Maître vénéré fait mal en entrant chez cet homme de mauvaise vie pour loger chez lui. Mais Jésus ne s'arrête pas à tout cela. Il faut, dit-il, que je demeure chez toi. La loi de l'amour m'y contraint. Le Père me l'ordonne. C'est ton toit qu'il a choisi pour moi. Oh ! la grâce inattendue, grande, merveilleuse qui éclate ici. Gratuite, abondante, incompréhensible pour l'homme qui calcule ses mérites, elle vient embrasser l'existence du péager qui était venu pour voir. Elle saisit, comme au passage, cet homme pour lui faire faire un grand pas en avant. Que Zachée comprenne, qu'il se dise que le salut est maintenant près de lui, qu'il accepte l'offre du Maître, qu'il le reçoive, et un nouveau jour se lèvera sur son coeur et sa vie. - Mes frères, il y a ici, sous la forme d'un trait historique, l'image de la miséricorde et de l'amour divins tels qu'on les a vus se manifester tant de fois, depuis les jours de Zachée. Peut-être Jésus, sur l'ordre du Père, agit-il, à ce moment même et à l'égard de plus d'un d'entre nous, comme il agissait envers le publicain romain sur la route de Jéricho. Nous sommes venus écouter et voir. Mais voici, le Sauveur ne se contentera pas de nous donner le peu que nous avons demandé ou cherché.

Mon frère, ma soeur, pour qui Jésus n'est encore autre chose qu'un homme qu'on admire ou bien un Sauveur qui a fait beaucoup de bien à d'autres ; toi, qui t'es approché de lui, qui as voulu le saluer, dans ce jour du dimanche, avec la foule qui le bénit et l'adore, laisse-moi te dire qu'il a sur toi des intentions d'amour et de paix dont tu ne t'es peut-être pas douté. Que serait-ce, s'il te disait comme à Zachée, - et pourquoi ne le ferait-il pas ? - il faut que je demeure aujourd'hui dans ta maison. Mais rendons-nous compte de ce que cela signifierait. Ce serait Jésus, devenu d'un Dieu de loin qu'il était, un Dieu de près, l'hôte du foyer, l'ami de la famille, le confident du coeur, le Sauveur de l'âme perdue. Ce serait le pécheur jeté dans les bras de Jésus et Jésus prenant possession du pécheur. Ce serait un rapprochement qui amènerait les plus grandes conséquences. Que de détails devront changer dans la demeure devenue la demeure de Jésus ! Que de petits désordres devront disparaître en présence de l'hôte céleste ! Lui reçu, ce sera l'obligation de le confesser, de prendre des décisions devant lesquelles la lâcheté du coeur a toujours reculé. Pas moyen de cacher telvoyageur de distinction qui aurait franchi notre humble seuil ! Pas moyen non plus de cacher Jésus, une fois qu'il a fait son entrée chez nous ! - En face de cette situation, je me demande, mes frères, ce que nous ferions, je te demande, mon ami, ce que tu ferais, si Jésus te disait aujourd'hui : Il faut que je demeure dans la maison. Zachée, à l'appel du Maître, descendit rapidement de son sycomore et le reçut chez lui. Et toi, imiteras-tu le péager ? Éprouveras-tu la joie qu'il a éprouvée ? T'empresseras-tu d'accepter comme il a accepté ? Lui ouvriras-tu ta maison, je veux dire ton coeur, dans le pressentiment qu'enfin tu tiens le bonheur et que tu sauras, par expérience, ce que sont la vie chrétienne et le salut ? Oh ! n'hésite pas, ne permets pas aux objections de ta raison ou de ton coeur d'élever leur perfide voix. Il n'y a ici rien à perdre ; il y a ici tout à gagner. Jésus, logé sous ton toit ; ta maison, devenue sa maison ! je le répète : ce sera le bonheur, puisque ce sera la paix et le salut. Hâte-toi donc de lui ouvrir ta porte, et pour que tu sois encore mieux instruit de ce qui t'attend, suis-moi dans la demeure du péager ayant reçu le Sauveur.

III

Il est une erreur bien répandue, c'est de croire qu'une première rencontre de Jésus avec le pécheur suffit pour transformer celui-ci. Ce serait le coup de baguette du magicien. Mais la Bible ignore ces miracles-là. Elle ne cache pas, pour en revenir au récit qui nous occupe, que Zachée, même après avoir passé avec Jésus quelques heures, que sais-je ? une journée, n'a pas été un disciple de Christ accompli. Elles nous étonnent quelque peu, n'est-il pas vrai, elles nous scandalisent presque, ces paroles que le publicain prononce devant son hôte : Seigneur, je donne la moitié de mes biens aux pauvres, et si j'ai fait tort à quelqu'un en quelque chose, je lui en rends quatre fois autant. Il n'avait donc rien de mieux à dire ! Eh quoi ? Une petite apologie ! Un petit mot qui signifiait à peu près ceci : « Tu ne t'es pas mépris en acceptant l'hospitalité sous mon toit ; tout péager que je suis, j'ai mes qualités. » Et voilà la réponse de cet homme à la haute distinction, à la grâce magnifique dont il a été l'objet ! Oh ! combien il est difficile au coeur humain de ne pas dévoiler, même dans une heure bénie, quelqu'une des innombrables faiblesses qui le caractérisent. Coeur rusé, coeur désespérément malin, oui, c'est bien cela ! Mais s'il y a là un détail qui ne saurait manquer de me frapper, il est un autre fait qui m'étonne plus encore : c'est que Jésus, plein de patience et de support, ne se détourne pas avec un soupir de l'homme qui saisit si mal, si difficilement la vérité. Remarquez qu'il n'a pour Zachée pas le plus petit blâme, pas le plus petit mot trahissant son étonnement, sa surprise, sa déception. Au lieu de cela, j'entends sortir de ses lèvres cette belle parole : Le salut est entré aujourd'hui dans cette maison, parce que celui-ci est aussi enfant d'Abraham. C'est dire que ce Sauveur, quelque grande que soit encore, pour l'heure présente, l'oeuvre qui reste à faire dans Zachée, ne désespère pas ; non, il est plein d'espoir, car ce pauvre pécheur possède, lui aussi, les promesses de Dieu ; elles s'accompliront pour l'amour de Celui qu'il a accueilli à son foyer. Jésus, c'est le salut, et Zachée fût-il encore bien éloigné du royaume de Dieu, Jésus, son hôte, l'y amènera et le sauvera.

Mes frères, je m'empare et je vous supplie de vous emparer tous par la foi de cette pensée. Lorsque Jésus, dans quelque jour béni, dans quelque heure de grâce, tels que Dieu les donne, aura été reçu par le pécheur, lorsqu'il sera devenu l'hôte de la maison, le grand pas est fait. Qu'il reste là plus d'un triste souvenir qui rappelle ce que nous sommes de nature, plus d'une douloureuse humiliation, qui le nierait ? qui ne le saurait ? qui n'en aurait jamais pleuré ? Mais croyons-le, en Jésus nous tenons néanmoins le salut. Avec lui, le salut est entré dans notre maison. Nous le comprendrons en le voyant s'occuper de nous par son Esprit, nous reprendre, nous ramener à l'ordre, nous relever, nous instruire, nous consoler, nous fortifier, nous former pour son Royaume. Son oeuvre, il ne la laissera pas inachevée. Il l'accomplira en son temps et pour sa gloire, lui, venu pour chercher et sauver ce qui était perdu. Une seule chose importe, c'est que notre maison lui reste ouverte, qu'elle demeure sienne et que nous le recevions avec joie quand il nous dira comme à Zachée : Il faut que je demeure chez toi. Amen.


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