Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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Sermons et Méditations




Ne crains point, crois seulement.
Luc VIII, 50.

Ne crains point, crois seulement ! peut-être cette parole que Jésus adressa un jour au chef de la synagogue, Jaïrus, est-elle du nombre de celles dont le chrétien, aujourd'hui encore, a le plus besoin, Elle ne manquera dans aucun recueil de passages destiné à l'édification des fidèles. Vous la retrouverez sur la paroi de plus d'un intérieur chrétien. Elle fera toujours vibrer une corde dans le coeur de l'enfant de Dieu. Il y a là, tous le sentent, quelque chose qui fait du bien à ceux dont le pied foule cette terre pleine d'incertitudes, riche en difficultés et en douleurs. Il y a là comme un lieu de refuge et de salut s'offrant à notre faiblesse. Il y a là une main divine qui se tend au-devant de la nôtre et que nous sommes invités à saisir, afin qu'elle nous soutienne et nous sauve.

Ne crains point, crois seulement ! Vraiment, s'il est une parole qui nous prouve que celui qui l'a dite a compris la situation qui nous est faite ici-bas, c'est bien celle-là. Il sait de quoi nous sommes faits ; il se souvient que nous ne sommes que poudre. Les jours de l'homme sont comme l'herbe ; il se flétrit comme la fleur champs. Le vent ayant passé par-dessus, elle n'est plus, et son lieu ne la reconnaît plus. C'est par Jésus-Christ, parlant dans la maison de Jaïrus, qu'ont été confirmées ces assertions du Psalmiste. C'est par lui aussi que le Dieu des miséricordes a fait renouveler à l'âme croyante cette promesse de secours, qui faisait la consolation d'Israël : Mais la bonté de l'Éternel est de tout temps et à toujours sur ceux, qui le craignent, et sa justice sur les enfants de leurs enfants pour ceux qui gardent son alliance et se souviennent de ses commandements pour les accomplir.

Ne crains point, crois seulement ! Oui, voilà sur les lèvres du Fils du Dieu vivant, devenu notre frère, et dans les termes de la nouvelle alliance, la ratification de toutes les grâces du passé. Rien de plus simple, rien de plus touchant, rien de plus consolant non plus que cet appel. C'est l'Évangile dans toute sa beauté, l'Évangile adapté aux circonstances de notre vie de tous les jours, l'Évangile qui, après avoir éclairé de sa lumière le chemin spirituel du pauvre pécheur et guéri son âme, répand encore sa clarté sur la route souvent étroite et difficile, dans laquelle, étranger et voyageur ici-bas, le chrétien s'avance vers sa vraie patrie. Ne crains point, crois seulement ! Oh ! bénissons Dieu de nous avoir donné cette parole par Jésus, le Sauveur

I

Ne crains point ! Il est évident, mes frères, que Dieu ne demande pas à tous ses enfants le même dépouillement pénible. Sa sagesse cachée nous conduit, nous qui avons cru en son nom, par des sentiers qui ne se ressemblent pas.
Dans ses dispensations à notre égard, pas plus que dans aucune autre partie de son oeuvre, ne se trouve cette uniformité que la raison humaine a l'air de vouloir réclamer parfois de la part de la justice suprême. Autant de vies, de coeurs, d'âmes, autant d'éducations différentes. Il serait difficile, cependant, d'en découvrir, au sein de ces millions que Dieu, par les moyens dont il dispose, élève pour son céleste Royaume, un seul qui n'ait jamais éprouvé le besoin d'entendre ces trois mots : Ne crains pas !

Ah ! je le sais, il y eut un temps, il s'est trouvé même sur cette terre qui nous porte, un lieu où l'homme a ignoré la crainte. Mais au moment même où la créature, sortie heureuse et bonne des mains du Créateur, s'est livrée au péché, tout a changé ; la crainte a fait irruption dans le paradis, et le coupable, se cachant sous les arbres du jardin, a dit une première fois : J'ai craint ! Dès lors, l'inquiétude, le souci, le chagrin et la peur se sont attachés aux pas du pécheur. Pas un qui ne connaisse ces trouble-fête, ces ennemis du bonheur et de la paix. La lutte, et avec elle la crainte, a été la part de tous. Ne la rencontrons-nous pas à chaque instant, cette lutte qui nous fait toucher du doigt toute notre faiblesse, toute notre impuissance, et dont l'issue nous semble incertaine ? Nous sommes si peu de chose pour soutenir le combat contre les épreuves et les douleurs de la vie !

Prenez, à côté de tant d'autres, un exemple frappant entre tous. Voyez cette maison de Jaïrus, pour laquelle a été prononcée, un jour, cette parole : Ne crains pas, trois seulement ! Il y avait à Capernaüm une famille heureuse et respectée. Chacun la connaissait. Chacun se souvenait du beau jour où Dieu, par le don d'un enfant resté unique, avait couronné le bonheur qu'abritait le toit du chef de la synagogue. Et la jeune fille avait grandi, environnée de sollicitude humaine et sous le regard protecteur de l'Éternel. Elle avait atteint l'âge de douze ans, lorsque la maladie la saisit. Bientôt, il n'y a plus d'espoir et le père, laissant son épouse au chevet de la mourante, va se jeter aux pieds du puissant prophète dont le nom était sur toutes les lèvres. Il le supplie de venir dans sa maison. Le Maître se met en marche, mais une autre malheureuse, une femme malade depuis douze ans, l'arrête. Un temps précieux s'écoule et le terrible destructeur achève son oeuvre. Ta fille est morte ; ne fatigue pas davantage le Maître !

Terrifiant message ! Ah ! terre, terre d'exil où nous cheminons, courbés sous nos fardeaux, terre de détresse, c'est ici que tu apparais à nos yeux telle que tu es ! Les écoles de patience et de soumission, les attentes pleines d'angoisse, les espérances détruites, les coups sans remède, les chemins sans issue, les défaites et les larmes : voilà ce que tu nous réserves !
Et cependant, mon frère, ne crains pas ! Quels que soient ton souci, ta peine, ta crainte, ne crains pas ! Quelle que soit la nature de tes préoccupations, quelque forme qu'ait prise l'adversaire qui s'est placé dans ton chemin, ne crains pas ! Est-ce le présent qui t'inspire de l'inquiétude, la journée d'aujourd'hui avec son labeur, la tâche compliquée qu'elle t'a amenée, les grands besoins qu'elle te fait sentir. les épines qu'elle sème sur ton chemin, la douleur qu'elle t'appelle à porter, ne crains pas ! Est-ce l'avenir qui t'effraie, l'avenir qui ne t'appartient pas, l'avenir avec ses incertitudes et ses possibilités, l'avenir avec les épreuves de foi qu'il te réserve, l'avenir de ta famille, de ta maison, de l'Eglise, du royaume de Dieu sur la terre, ne crains pas ! La crainte, a-t-on dit, est une grande faiblesse, la grande arme de Satan ! Écoute donc l'appel de Celui qui voudrait te mettre à l'abri des traits enflammés de l'ennemi de l'âme rachetée : Ne crains pas ! Livre ta crainte entre les mains de ce Sauveur qui a le droit de te la demander, parce qu'il a la puissance de t'aider et qu'il est la délivrance même.

II

Mes frères, il peut être donné à un consolateur humain de faire beaucoup de bien à ceux qu'il trouve dans la tristesse. Elle est bonne à entendre, elle peut accomplir une oeuvre d'apaisement et calmer le coeur, cette parole : Ne crains pas ! alors même qu'elle ne serait prononcée que par l'un de nos semblables. Mais, tout bien considéré, qui sommes-nous pour la répéter ? Que pouvons-nous en faveur de nos frères ? Le plus souvent, leurs peines et leurs craintes semblent destinées à nous faire comprendre notre impuissance, plutôt que notre pouvoir de leur venir en aide. Ne crains pas ! Quel prix aurait eu ce petit mot pour Jaïrus, si quelqu'un de ses serviteurs, ou même l'un des disciples de Jésus, le lui avait dit ? Il aurait constaté, en l'entendant, la bonne volonté de ses amis, leur désir de soulager son coeur oppressé et de ramener dans son âme un rayon d'espérance. Mais au dedans de lui, une voix n'aurait cessé de murmurer : Ils ne peuvent rien faire ; ton épreuve, trop grande, échappe à leur faiblesse !

Ai-je besoin de rappeler qu'il en est tout autrement de ce Jésus que Jaïrus était allé trouver ? Ah ! mettez ces mots : Ne crains pas ! dans sa bouche à lui ; laissez-les tomber de ses lèvres dans l'âme troublée et angoissée. et ils auront leur grande, leur divine valeur. N'est-il pas le Sauveur auquel le Père a donné puissance sur toutes choses ? N'est-il pas Celui auquel obéissent les vagues et les vents et dont un mot suffit pour faire cesser la tempête ? N'est-il pas Celui dont la bénédiction, dans le désert, a multiplié quelques pains et quelques poissons si bien que des milliers en ont été nourris ? Sa main n'a-t-elle pas, rendu la santé aux malades ? N'a-t-elle pas ouvert les yeux des aveugles et brisé les liens du démon ? Sa parole n'a-t-elle pas suffi pour faire revivre les morts ? Ma fille, lève-toi ! dit-il, et l'enfant du chef de la synagogue revient à la vie !

Voyez, après ces temps où il marchait visiblement au milieu des hommes atteints de mille maux et de mille infirmités, ces autres temps où, élevé à la droite de Dieu, il accomplit la promesse d'être invisiblement présent au milieu des siens. Que de délivrances, que de miracles accomplis en faveur de son Église, de ses serviteurs, de ses servantes, des plus petits et des plus faibles même d'entre ceux qui avaient regardé à lui ! Que d'interventions de son amour et de sa puissance dans la vie d'innombrables chrétiens ! Quelles grâces, quels secours, quel appui accordés à ceux qui en avaient besoin ! Quels témoignages rendus à sa fidélité dans la vie de chacun !

Vraiment, mes frères, c'est ici celui qui a le droit de nous dire : Ne crains pas ! parce qu'il a le droit aussi de nous demander la foi en son nom puissant. Nous le sentons, n'est-ce pas ? La place ne peut rester vide au dedans de nous. Le lieu qu'occupait la crainte, qui nous a été enlevée, doit être occupé par un hôte nouveau, des sentiments nouveaux, des aspirations et des convictions nouvelles, Sinon, à peine bannie, la crainte rentrera dans sa maison qu'elle trouvera balayée et ornée pour la recevoir. Aussi Jésus a-t-il hâte de donner à Jaïrus, de nous donner à tous aujourd'hui, ce second conseil : Crois seulement.

III

Crois seulement. C'est dire que là où il y avait de la crainte, il doit y avoir la foi, - et la foi, c'est le regard détourné des vagues et des flammes, des difficultés qui augmentent, des obstacles qui se multiplient, des sujets d'effroi qui apparaissent, des douleurs qui surviennent, et jeté sur Jésus, le libérateur, le Sauveur ; - la foi, c'est la main tremblante de l'homme posée dans la main ferme et forte de Jésus-Christ ; - la foi, c'est cette confiance que, pour celui qui, en Jésus-Christ, est devenu enfant de Dieu, tout ira bien, alors même que son chemin semblerait obscur et sa route fermée.

Crois seulement ! Dirons-nous que cet ordre sera toujours facile à suivre ? L'était-il pour Jaïrus auquel on venait annoncer que tout était fini et que sa fille avait cessé de respirer ? L'était-il pour ce père que recevait, sur le seuil de sa maison, une agitation effrayante ? l'agitation de l'incrédulité et du désespoir qui se moque des affirmations de Jésus. L'agitation de la douleur, éclatant partout ; domestiques, employés, voisins, parents, tous se pressent en se lamentant, sous ce toit que l'épreuve a visité. Être calme, être ferme dans la foi au milieu de tout cela, non, ce n'était pas chose facile ! Et jusqu'à aujourd'hui, elle est restée vraie, cette parole de St-Paul, écrivant à l'Eglise de Thessalonique : Il n'est pas donné à tous d'avoir la foi. Ah ! si la foi n'était pas la foi ; si la foi, par je ne sais quelle métamorphose, se transformait en vue ; s'il était toujours possible au croyant de toucher de sa main et de voir de ses yeux ce qui, pour lui, doit demeurer invisible ; si les mystères se dissipaient pour sa raison et pour son coeur ; s'il n'y avait plus pour lui ni point d'interrogation, ni énigme, - nul doute qu'il ne trouvât son chemin facile! Mais puisque la foi sera toujours la foi, parce qu'elle sera, le plus souvent, une obéissance aveugle du coeur, parce que celui qui vit de foi, marche les yeux bandés et doit mettre le pied dans le vide, non, la foi n'est pas jeu d'enfant.

Mais à côté de cela, rappelons-nous que, selon la belle parole d'un chrétien éprouvé, la foi fut « en tout temps la force du faible et le salut du malheureux. » Nous affirmerons même, sur le témoignage de plusieurs, que seule elle donne du repos à l'âme et de la paix au coeur, que seule elle verra la victoire et la gloire de Dieu. Les choses se passeront-elles, en toute occasion, comme dans la maison de Jaïrus ? La lumière succédera-t-elle toujours, aussi vite qu'alors, aux ténèbres de la nuit noire ? Nous ne le pensons pas. Mais ce qui est certain, c'est que le chemin de la foi sera toujours le chemin qui monte, le chemin de la vie et du salut, le chemin du bonheur et de la joie, le chemin du ciel. Ne crains point, crois seulement: toi qui connais cette parole, toi auquel aujourd'hui elle a été redite, toi auquel Dieu l'a offerte comme un don de sa grâce, va avec cette force que tu as ! Va toujours, en bénissant le Seigneur Jésus d'avoir parlé un jour à Jaïrus, et en lui demandant de répéter, tous les jours, à ton coeur, son conseil et son ordre. Amen.



 
Où tu ne
voudrais pas.

En vérité, en vérité, je te le dis : Lorsque tu étais jeune, tu le ceignais toi-même et tu allais où tu voulais. Mais lorsque tu seras vieux, tu étendras tes mains et un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudrais point, Jésus dit cela pour marquer de quelle mort Pierre devait glorifier Dieu. Et après avoir ainsi parlé, il lui dit : Suis-moi !
Jean 21, 18.

Mes frères,
Ces paroles sont, sans doute, en tout premier lieu, une prophétie faite à Pierre touchant son avenir personnel. Le disciple qui, par son triple reniement, avait rompu le lien qui l'unissait à son Maître, avait été réintégré par Jésus dans sa vocation d'apôtre, et Jésus lui annonce ce que sera la vie qui l'attend. Cet homme qui, à trois reprises, avec autant d'humilité que de ferveur, avait affirmé être attaché à son Sauveur, sera appelé à prouver, au sein de grandes épreuves, la sincérité de ses intentions et de ses promesses. - Il sera permis, cependant, de voir dans la révélation donnée par le Maître à l'un de ceux qui devaient jouer un si grand rôle dans l'établissement de son règne sur la terre, autre chose encore qu'une instruction toute personnelle et individuelle. Elle est destinée aussi, nous semble-t-il, à répandre une lumière fort utile sur la vie chrétienne en général.
C'est à celle-ci, à quelque temps qu'elle appartienne et à quelque nom qu'elle soit liée, que s'applique cette parole : Lorsque tu étais jeune, tu le ceignais toi-même et tu allais où tu voulais. Mais lorsque tu seras vieux, tu étendras tes mains et un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudrais point.

Cela nous apprend qu'à mesure que le chrétien avance, se fortifie et mûrit spirituellement, son chemin se rétrécira, sa tâche se compliquera, sa volonté devra se courber plus souvent et devant des arrêts toujours plus inexplicables pour sa raison. Il ne descend pas, non, il monte ; mais dans ce sentier où il s'approche du ciel avec sa paix, sa joie, sa pleine lumière et ses grandes et saintes jouissances, dans ce sentier où il se sent toujours mieux aimé et toujours plus porté par ce Sauveur auquel il a donné son coeur, dans ce même sentier, il devra toujours davantage renoncer à lui-même, il sera appelé à une soumission toujours plus complète, il se verra à une école toujours plus difficile, il jouira toujours moins de cette liberté de mouvement et de cette indépendance qu'ambitionne la jeunesse et que le Maître, autrefois, ne lui a peut-être pas refusée

C'est là un sort qui pourra lui paraître étrange, et Jésus lui-même a l'air de s'attendre à ce que l'homme auquel arrivent ces choses, en soit troublé. Remarquez ces mots dont il fait précéder son instruction: En vérité, en vérité, je le le dis. Ce sont les mêmes qu'il emploie toutes les fois qu'il place ses disciples en présence d'un fait qu'ils auront de la peine à comprendre. Ils sont sur ses lèvres à l'heure solennelle où il parle à Nicodème de la nouvelle naissance par laquelle seule le pécheur trouvera grâce devant Dieu. Ils reviennent, lorsqu'il enseigne aux siens que, pour entrer dans le royaume des cieux, ils devront changer et être comme des enfants. Ils ne manquent pas non plus dans cet entretien par lequel Pierre est instruit quant à son avenir et qui nous redit, à nous, aujourd'hui, ce que sera la vie chrétienne. En vérité, en vérité, je te le dis : lorsque tu étais jeune, tu le ceignais toi-même et tu allais où tu voulais. Mais lorsque tu seras vieux, tu étendras les mains et un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudrais pas. Et nous, préparés ainsi par le Maître lui-même à apprendre ce que nous n'aurions pas attendu ou choisi, approchons-nous de sa parole et demandons-lui de bien vouloir nous l'expliquer par le Saint-Esprit.

I

Se ceindre soi-même, pouvoir s'attacher autour des reins, sans avoir recours pour cela à l'aide d'une main étrangère, le long costume flottant oriental, être prêt de la sorte pour la marche et pour le travail, c'est l'image de l'indépendance morale, de l'activité et de la force qui ne connaissent pas d'entrave ; c'est l'image aussi, fort bien trouvée, de ce qu'avait été Pierre alors que Jésus-Christ l'avait élu pour son service, l'image de ce qu'il était encore à l'heure où le Maître était venu lui parler dans ce même pays et sur ces mêmes rives, où, un jour, il l'avait appelé à quitter sa barque et ses filets pour le suivre. Quelle vivacité toute juvénile, quelle énergie indomptable, quelle indépendance de caractère, quelle force de volonté dans cet homme tel que nous le présentent les Évangiles ! Quand les autres se taisent, c'est lui qui parle ; quand ils hésitent on reculent, c'est lui qui s'avance ; quand ils demeurent assis dans la barque pour regagner le rivage en ramant, c'est lui qui, ceignant sa robe de dessus, se jette à l'eau pour aller au-devant de Jésus. Il y a là des qualités admirables à plus d'un point de vue ; il y a là une puissance dont la valeur sera grande au service de Jésus-Christ ; il y a là une flamme qui embrasera le monde ; il y a là une nature utile, généreuse, belle et riche, que l'Eglise appellera une de ses gloires ; mais il y a là aussi la nature et le caractère d'un homme qui trouvera plus difficile que d'autres de renoncer à sa volonté et de se voir mis dans la dépendance d'autrui. Et cependant, remarquez-le, ce n'est pas des aptitudes qu'il possède pour le service qui l'attend, ce n'est pas des succès de son apostolat que Jésus entretient Simon Pierre. Il ne craint pas au contraire de lui dire, avec une parfaite franchise, qu'il sera appelé à glorifier le Maître qu'il aime, dans un chemin diamétralement opposé à celui qui aurait eu ses faveurs. Lui, l'homme de l'action courageuse, l'homme né pour diriger et non pour dépendre, lui, Pierre, devra apprendre à attendre, à patienter, à faire taire sa volonté, à voir sa main réduite à l'inactivité, à laisser faire les autres au lieu d'agir lui-même, à sacrifier sa force et sa liberté, à accepter l'impuissance et les liens. Tu étendras les mains et un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudrais point !

Perspective pénible, chemin douloureux, plein de mystère et d'obscurité pour le coeur, la nature de cet homme ! Pourquoi ces dispensations divines ? Pourquoi cette épreuve, cette humiliation dont la pensée, depuis l'heure où elle lui avait été révélée par le Maître, n'aura plus quitté le disciple ? Pourquoi tout cela ? Simon Pierre, à l'école de Jésus et du Saint-Esprit, aura fini par le comprendre. N'est-ce pas en consentant à ce ministère de soumission, d'abnégation, de dépouillement et de souffrance, bien mieux encore que par les énergies et la vaillance d'un ministère actif, qu'il lui sera possible de prouver son amour pour le Seigneur ? L'amour ne demande-t-il pas, pour se montrer, la tâche la plus ingrate, et n'est-il pas heureux d'accomplir le sacrifice le plus grand ? Et si Jésus ne craignait pas de l'appeler, lui, le disciple qu'il connaissait de si près, à une tâche si difficile, ne lui faisait il pas sentir par là qu'il était plus content de lui que par le passé ? Un jour, Pierre, fort de sa force naturelle, s'était offert à aller avec le Maître et en prison et à la mort, et le Maître l'avait déclaré incapable de réaliser sa promesse. Tu laisserais ta vie pour moi ? Je te dis qu'avant que le coq ait chanté deux fois, tu m'auras renié trois fois ! Mais l'humiliation a porté son fruit. Pierre n'est plus le même qu'autrefois. Des larmes du repentir est né en lui un nouvel homme. Jésus le constate en honorant son disciple d'une mission de confiance. Il l'honore, dis-je, en lui demandant de renoncer à lui-même et de se charger de sa croix. Dites, si vous le voulez, qu'il y a là une étrange manière de témoigner sa satisfaction et de répondre à ce triple : Je t'aime, qui s'était échappé du coeur et des lèvres de Simon Pierre. Il n'en reste pas moins vrai que Jésus a su ce qu'il faisait et que sa manière d'agir envers ses rachetés n'a jamais cessé de ressembler à celle que nous constatons maintenant avec étonnement.

II

Je viens ici en appeler à l'expérience chrétienne. Quittant Simon Pierre, je me tourne vers ceux qui, comme lui, se sont attachés à Jésus-Christ, qui sont, comme lui, au service de ce Sauveur, et qui le connaissent. Qu'ont-ils vu, qu'ont-ils observé, soit chez d'autres, soit chez eux-mêmes, sinon le renouvellement des choses arrivées à Pierre ? Je ne dis pas que tous les détails de la vie de l'apôtre se soient retrouvés ou se retrouvent tels quels chez ses frères et soeurs dans la foi, et que tous aient passé ou soient appelés à passer exactement par le chemin qu'il a suivi. Mais, ici et là, les grandes lignes seront les mêmes.

Il est, en effet, un fait qui n'a pas manqué d'impressionner et de préoccuper plus d'un chrétien et qui, sur la route de plusieurs, a été une pierre d'achoppement et de chute, c'est que la vie, la tâche, le ministère du croyant, au lieu de se simplifier et de devenir plus faciles ou plus conformes à ses goûts naturels, se compliquent dans le cours des années qui se succèdent, et prennent quelquefois une tournure qui est fort loin de plaire à l'homme. Le matin, inondé de lumière et riche en promesses, fait place au crépuscule annonçant la nuit où personne ne peut plus travailler. L'horizon se charge de nuages. La route du pèlerin se resserre ; étroite, la porte par laquelle il doit passer, l'oblige à se courber et à laisser en arrière ce qu'il avait tenu à emporter. L'écharde, sous une forme ou sous une autre, s'enfonce dans sa chair ; et lorsque, humilié, troublé, il demande à en être délivré, il lui est fait cette réponse qui sera pour lui, de même qu'elle l'a été un jour pour Paul, un nouvel appel à la soumission aussi bien qu'un encouragement : Ma grâce te suffit, car ma force s'accomplit dans la faiblesse. Ah ! qui les dira, toutes ces écoles de dépouillement et parfois de souffrance et de douleur, où la volonté du Maître juge nécessaire de placer ses serviteurs et ses servantes ?
De mille manières, elle trouve son application pour eux aussi, cette parole dite par le Sauveur ressuscité à Simon Pierre : Quand tu étais jeune, tu te ceignais toi-même et tu allais où tu voulais. Mais lorsque tu seras vieux, tu étendras les mains et un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudrais pas. Et si, en présence de cette grande variété d'expériences humaines et de moyens employés par Dieu, je cherche à découvrir le but que poursuit sa sagesse, je trouve que ses intentions sont partout les mêmes. Ces chrétiens, par des chemins variés, mais chacun par celui qui est le meilleur pour lui, doivent être amenés à apprendre cette grande chose qui s'appelle le renoncement à soi-même, le renoncement à leur volonté, le renoncement à cette liberté de mouvement qui leur était accordée par le passé et dans laquelle se résumaient leurs ambitions et leur gloire, le renoncement même à la liberté de pensées que réclame l'homme naturel, mais qui sera refusée au chrétien dont toutes les pensées doivent être amenées captives et être soumises à l'obéissance de Christ. Le monde ici se récriera. Il reculera devant ce qu'il appelle l'insuccès le plus complet et une honteuse défaite. Lui qui rêve l'indépendance et dont tous les efforts tendent à se libérer de toute chaîne ; lui qui, par une illusion inconcevable, se flatte de réussir à s'affranchir, tandis que, de fait, il forge des liens qui le serreront toujours de plus près ; lui qui ne comprend rien aux choses de Dieu, le monde déclarera ne rien vouloir d'un Sauveur qui, au lieu d'ouvrir la route de la vie toute grande et toute large devant ceux qui l'aiment et de leur laisser une liberté complète, leur demande le sacrifice de leur volonté et de leurs forces naturelles.

Mais nous, mes frères, qui avons été instruits par l'Évangile, nous ne raisonnerons pas comme raisonne le siècle présent. Nous nous souviendrons que Jésus a donné à Pierre une preuve de sa confiance et qu'il a honoré l'oeuvre accomplie dans le disciple, en lui disant, dans un jour mémorable : Quand tu seras vieux tu étendras tes mains et un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudrais pas. Avant sa conversion, Pierre eût été indigne de ce message ; c'est pour s'être véritablement donné à Christ qu'il le mérite

Lors donc qu'à notre tour, nous recevrons de la bouche du Seigneur quelque appel semblable, et qu'il nous demandera le sacrifice de nos libertés et la soumission à sa volonté à lui, sachons que nous sommes montés en grade et que le Maître nous honore !

Ah ! mes frères, nous nous méprenons bien facilement au sujet de ce qui est grand aux yeux du Seigneur. Il nous arrive de penser qu'il tient, avant tout, à l'activité, aux succès éclatants, à des démonstrations de piété visibles pour chacun. Mais ce que nous oublions, c'est que l'oeuvre chrétienne par excellence sera l'obéissance, la soumission, le renoncement à la volonté qui voudrait se faire valoir en dehors de Christ et de la direction divine. Qu'est-ce qui est le plus beau, au point de vue moral et spirituel, dans la vie de Jésus-Christ ? Qu'est-ce qui est le plus grand dans ce Sauveur, et j'allais dire le plus divin ? Ce n'est pas son activité infatigable, ce ne sont pas ses paroles pleines de grâce et de vérité, ce ne sont pas ses miracles, tout étonnants qu'ils soient, ce n'est pas son héroïsme en face de la mort ; c'est plutôt ce petit mot qu'il prononça sous les oliviers du jardin, mais qui avait été le mot d'ordre de sa vie, la parole de son coeur : Que ta volonté soit faite et non pas la mienne ! Or, si Dieu cherche ce mot en nous aussi, si Jésus-Christ veut le trouver sur nos lèvres et le retrouver pratiqué dans nos vies, il demande le fruit le plus excellent que soit capable de produire l'arbre que sa main divine cultive. Suis-moi, consens à marcher sur la route que je tracerai, moi, et non pas sur celle que tu aurais choisie, toi. Suis-moi ! tel fut, un jour, l'ordre que Jésus donna à Pierre, régénéré pour une vie nouvelle. Il ne pourra non plus exiger de nous rien de plus conforme à l'Évangile, rien de plus grand, rien de mieux fait pour le glorifier et pour prouver que nous sommes à lui. Amen.


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