Sermons et
Méditations
Sommes-nous à l'abri ?
POUR LE JOUR DU JEUNE.
Quoi donc ? Sommes-nous
à l'abri ? (1)
Nullement.
Rom.
3, 9.
Dans ce jour du Jeûne, où notre
peuple tout entier est pressé de rentrer en
lui-même et de s'humilier, deux
pensées domineront en nous, si nous prenons
au sérieux l'appel qui nous est
adressé : la pensée que nous
sommes de pauvres et misérables
pécheurs, et la pensée que Dieu est
juste. Peut-être chacune d'elles, prise
séparément, pourrait-elle nous
laisser indifférents. Nous sommes si
habitués à convenir que nous sommes
coupables, si habitués aussi à parler
de la justice de Dieu. Mais nous serait-il bien
possible de nous placer, avec le
péché qui habite jusque dans les plus
excellents d'entre nous, en présence de
Celui dont les yeux sont trop purs pour voir le
mal ; nous serait-il possible de nous dire que
nous comparaîtrons un jour, et que, en
quelque sorte, nous comparaissons aujourd'hui
déjà, tels que le péché
nous a faits, devant le tribunal de Christ ;
nous serait-il possible d'unir
ainsi dans une seule et même réflexion
ces deux choses qui s'appellent notre
péché et la justice de Dieu ;
nous serait-il possible de faire cela sans
éprouver toute la gravité de notre
situation ? Faites abstraction, pour un
moment, des consolations que l'Évangile de
Jésus-Christ apporte à tout
pécheur qui se repent : restez-en
à ce fait brutal que le péché
bannit nécessairement du ciel tout homme et
le sépare d'avec Celui en qui seul existent
le bonheur, la paix et la vie.
N'y a-t-il pas là de quoi
troubler et faire réfléchir toute
âme sincère et droite ? Et tout
cela ne ramènera-t-il pas sur nos
lèvres la question que pose St-Paul au
chapitre III de son épître aux
Romains ? L'apôtre, après avoir
dévoilé, dans une page saisissante de
vérité, l'effroyable corruption du
monde païen, se tourne vers Israël, le
peuple élu, instruit selon Dieu, aimé
et béni par Dieu. Préoccupé du
sort de ces privilégiés, examinant
leurs conditions morales et spirituelles, se
demandant ce que deviendra Israël et ce qu'il
deviendra lui-même, lui, membre du corps
d'Israël, devant la justice du Saint des
saints, il s'écrie : Quoi donc ?
Sommes-nous à l'abri ? À quoi il
se voit obligé de répondre :
Absolument pas ! Tous les hommes, tant Juifs
que Grecs sont sous le
péché !
Sommes-nous à l'abri ? Je
relève dans ce jour la question de St-Paul,
je vous la pose, mes bien-aimés. Sommes-nous
à l'abri de la colère de Dieu qui
frappe le péché ? Il nous faut
le savoir.
I
Sommes-nous à l'abri ? Mettez le
monde d'aujourd'hui en face de ces quelques mots et
ils ne tarderont pas à recevoir, de la part
de plusieurs, une réponse bien propre
à nous tranquilliser. Le
péché, diront-ils, n'est autre chose
qu'une faiblesse innée à la nature
humaine ; comment donc pourrait-il nous
condamner ? Le péché, s'il est
un mal, est un mal inévitable ; comment
donc nous chargerait-il de
responsabilité ? Le
péché, mais ne voyez-vous pas qu'il
constitue un élément utile,
nécessaire dans le développement
moral de l'homme ; comment donc
s'inquiéter à son sujet ? Et la
foule, non seulement la foule irréligieuse
opposée à l'Évangile, mais
aussi la foule chrétienne de nom, la foule,
sans formuler de réponse, déclarera
par sa conduite, son indifférence
spirituelle, son laisser-aller, son contentement
d'elle-même, qu'elle ne croit pas au
péché et bien moins encore à
la culpabilité dont le péché
charge celui qui le commet. D'ailleurs, on le lui a
dit tant de fois : Dieu est si bon ! Et
elle en conclut qu'il ferme les yeux.
Mais l'Écriture est loin de
partager avec nous ces vues étranges. Elle
proteste, en élevant puissamment sa voix
contre ces erreurs. Elle affirme que le
péché existe, qu'il est un vice et
qu'il est une puissance. Un vice
qui se retrouve dans toute vie humaine, sans
exception aucune, un vice dont la gravité
est grande et qui doit être pardonné
et effacé. Une redoutable puissance encore,
à laquelle nul n'échappe. Qu'il est
noir en effet, qu'il est effrayant, ce tableau dans
lequel St-Paul décrit, en traits
généraux, la corruption
humaine : Il n'y a point de juste, non pas
même un seul. Il n'y a personne qui ait de
l'intelligence ; il n'y en a point qui cherche
Dieu. Ils se sont tous égarés, ils se
sont tous corrompus ; il n'y en a point qui
fasse le bien, non pas même an seul !
Dans cette humanité, qui lève
orgueilleusement la tête, il n'y a donc rien
qui puisse trouver grâce devant la justice
divine ! Notre parole, l'Écriture le
dit, est souillée et porte malheur. Leur
gosier, déclare-t-elle, est un
sépulcre ouvert ; ils se sont servis de
leur langue pour tromper ; il y a un venin
d'aspic sur leurs lèvres ; leur bouche
est pleine de malédiction et d'amertume. Nos
actes, l'Écriture en fait le procès.
Ils ont, dit-elle, les pieds légers pour
répandre le sang. La désolation et la
ruine sont dans leurs voies. Ils n'ont point connu
le chemin de la paix. Et si vous demandez encore
quelle est la cause de ces désordres
universels et effroyables, la Bible répondra
que la source du péché n'est pas dans
je ne sais quelles circonstances accidentelles,
mais dans le coeur même de l'homme.
C'est ainsi, mes frères, que
l'Écriture ferme la bouche à toute
l'humanité souillée par le
péché : Tout le monde, dit-elle,
sera reconnu coupable devant Dieu.
Et si c'est tout le monde, sommes-nous
à l'abri, nous, notre patrie, notre canton,
notre village, nos magistrats, nos Églises,
nos familles, toi, mon frère, et moi ?
Au milieu même de la paix dont nous jouissons
et des grandes bontés dont Dieu nous comble,
ne voyons-nous pas comme une épée
suspendue sur nos têtes ? Serait-il
impossible que le Juste et le Saint vint nous
frapper un jour ? Pas un juste, non pas
même un Qui donc serait à
l'abri ?
II
Peut-être cependant, tout en entendant
l'Écriture proclamer la grandeur et
l'universalité du mal, avons-nous fait, par
devers nous-mêmes, une réflexion qui
nous a quelque peu tranquillisés. Nous
sommes si habiles à nous soustraire aux
sentences de la Parole, à découvrir
quelque porte dérobée pour nous
sauver hors de l'édifice en feu ! Dans
le cas qui nous occupe, en particulier, il ne peut
nous avoir été difficile de trouver
que, malgré tout, les déclarations de
l'apôtre ne peuvent s'appliquer à
nous. Tout bien considéré, serait-il
vrai, en effet, que nul ne cherche Dieu, ne fasse
le bien ? S'il y a des gosiers qui peuvent
être nommés des sépulcres
ouverts, n'y en a-t-il pas aussi d'où
sortent la louange de Dieu et la
bénédiction ?
S'il est des pieds légers pour
répandre le sang, ne s'en trouve-t-il pas
aussi desquels il est dit : Qu'ils sont beaux
sur les montagnes les pieds du messager de bonnes
nouvelles ? S'il est des coeurs dans lesquels
la crainte de Dieu ne règne pas, n'en
connaissons-nous pas également qui aiment et
qui servent le Seigneur avec
fidélité ? L'Écriture, en
parlant comme elle parle, n'aurait-elle donc pas
généralisé des accusations qui
ne seraient justifiées que pour le grand
nombre ? Ses jugements se rapporteraient-ils
vraiment à nous aussi, à nous,
chrétiens, faibles, sans doute, mais
désireux de faire le bien ?
Ignorerait-elle en tenant un langage si
sévère, ce que sont nos institutions
et nos vies, et aurait-elle le tort de nous
associer sans distinction aux incrédules,
aux moqueurs, aux péagers et aux gens de
mauvaise vie ?
Non, l'Écriture sait tout ce que
nous savons ; elle sait qu'il y a des
degrés dans le mal qui règne
ici-bas ; elle sait que la grâce de Dieu
a préservé les uns de tomber aussi
bas que les autres ; elle sait qu'il s'en
trouve dans le nombre, dont le coeur veut le bien
et dont la conscience proteste contre le mal. Mais
elle se place, dans la page qui est ouverte devant
nous, au point de vue absolu de Dieu. Elle ne
s'arrête pas, pour le moment, à ce que
le Saint-Esprit peut avoir opéré, ici
ou là, dans quelque pauvre pécheur.
Elle constate le caractère du coeur naturel
de tout homme. Elle soutient que tout ce
péché, dont elle révèle
l'existence et l'empire, existe en germe
dans l'orgueil et dans
l'égoïsme de notre moi, elle nous rend
attentifs à ce fait humiliant entre tous,
que la moindre circonstance pourra suffire pour
faire sortir de cette mauvaise racine la plante et
le fruit mauvais qui nous condamnent. Aurions-nous
le courage de la contredire, sur ce point encore,
de l'accuser d'irréflexion dans ses
jugements, d'exagération et d'erreur ?
L'histoire de notre passé ne
vient-elle pas plutôt à l'appui de ce
qu'elle avance ? Et l'heure actuelle, avec ses
appels à l'humiliation, n'est-elle pas faite
pour réveiller en nous plus d'un souvenir
douloureux ? Qu'il a fallu peu de chose,
parfois, pour nous faire oublier nos devoirs et nos
engagements chrétiens ! L'occasion
donnée, la chute nous a surpris, comme elle
a surpris Pierre dans la cour du sacrificateur.
Qu'en pensez-vous ? Si, dans ce jour, ce Dieu
dont il est dit qu'il nous environne soit que nous
marchions. soit que nous soyons couchés,
qu'il découvre de loin nos pensées et
qu'il connaît parfaitement, toutes nos voies,
si le céleste Scrutateur des coeurs mettait
dans un des plateaux de la balance toute notre
bonne volonté, nos promesses de
fidélité, nos vertus même, et
dans l'autre tout le péché que nous
avons commis à l'heure favorable pour le
mal, à l'heure où quelque voix du
dehors appelait ou réveillait le
péché sommeillant en nous, à
l'heure où un manque de vigilance nous
rendait moralement faibles, - si le Dieu vivant
faisait ainsi le compte de nos voies, mes
frères, qui pourrait subsister ? Et
tout cela ne suffirait-il pas
pour nous ramener, malgré tout, à
cette question de l'apôtre : Sommes-nous
à l'abri ?
À l'abri de la colère de
Dieu, moi, qui, tant de fois et en dépit de
mes convictions chrétiennes, ai
manqué, à l'égard de mon
frère, d'amour, de patience et de
support ? Moi, qui souvent ai vécu pour
moi-même et non pour Celui qui est mort et
ressuscité pour nous ? Moi, dont le
coeur accueille encore si facilement tant
d'hôtes mauvais et impurs que
Jésus-Christ aurait voulu en chasser ?
Moi, qui, au service du Seigneur, ai manqué
de courage moral et qui n'ai été ni
le sel de la terre, ni la lumière luisant
devant les hommes ? À l'abri, moi, qui
en suis réduit à avouer que si le
Maître voulait plaider avec moi, je ne lui
répondrais pas une fois sur mille ?
Moi, qu'il a comblé de tant de
témoignages de sa faveur et qui en tant de
circonstances, lui ai refusé la preuve de
mon amour ? Suis-je à l'abri ?
Sommes-nous à l'abri ? nous dont les
responsabilités se sont accrues
d'année en année et dans la
même proportion où s'est
augmenté notre trésor de
connaissances et d'expériences
chrétiennes ? Que nous a-t-il
manqué pour pouvoir être des
chrétiens dignes, de toute façon, de
porter le beau nom de Christ ? Quelle
lumière, quelle grâce, quelle preuve
de la bonté de Dieu, quels soins du
souverain pasteur et évêque de nos
âmes ? Les cinq talents que le
Maître nous a confiés, qu'ont-ils
rapporté pour sa gloire et pour son
règne ? Sommes-nous à
l'abri ?
III
Et si, puisque tous nos mérites sont
anéantis, nous recevions pour réponse
le terrible : Absolument pas ! que
ferions-nous ? Si l'Écriture, parlant
au nom de la justice et de la sainteté de
Dieu, nous affirmait que nous ne sommes pas
à l'abri et que nous ne le serions pas alors
même que nous aurions moins de reproches
à nous faire, que ferions-nous ? Si
nous sommes obligés de nous dire que, tels
que nous sommes, nous tombons, avec le monde
entier, entre les mains de la justice divine, et
que c'est par la maison de Dieu que le jugement
doit commencer, que ferons-nous ?
Mes frères, il n'y a ici qu'un
seul conseil à donner ; il sera le
même sans distinction pour les grands et pour
les petits de ce monde, les princes et leurs
sujets, les savants et les ignorants, les jeunes et
les vieux, toutes les classes de la
société et tous les degrés de
l'intelligence. Vous voulez être à
l'abri de la colère de Dieu et de sa
justice ? L'abri que vous cherchez, vous le
trouverez à une seule et unique place, et
cette terre de refuge, ce lieu de salut, c'est la
colline où, il y a dix-neuf siècles,
les pécheurs ont traîné le seul
juste que le monde ait vu, c'est la croix de
Christ. Partout ailleurs, vous rencontrerez un Dieu
qu'aucune vertu humaine ne saurait satisfaire.
Seule, la croix du Rédempteur vous jette
dans les bras d'un Dieu qui fait
grâce pour l'amour du sang expiatoire de son
Fils bien-aimé. Les oeuvres les plus
parfaites ne changeraient rien à votre
situation désespérée, mais la
croix de Christ sauve parfaitement le
pécheur qui y apporte sa misère.
C'est ici son abri, c'est ici qu'il trouvera la
paix. Frères, ce jour de jeûne, sans
cet Évangile-là, serait un jour sans
issue. Mais puisque Dieu nous le donne
illuminé des rayons de son salut, allons
à Jésus pour être
pardonnés et lavés de nos fautes, et
bénissons Celui qui nous attend pour nous
faire grâce ! Amen.
La vision
du
ciel.
Après cela, je regardai et voici, il y
avait une grande foule que personne ne pouvait
compter, de toute nation, de toute tribu, de tout
peuple et de toute langue. Ils se tenaient devant
le trône et devant l'Agneau, revêtus de
robes blanches, et des palmes dans leurs mains. Et
ils criaient d'une voix forte, en disant : Le
salut est à notre Dieu qui est assis sur le
trône et à l'Agneau. Et tous les anges
se tenaient autour du trône et des vieillards
et des quatre animaux ; et ils se
prosternèrent sur leurs faces devant le
trône, et ils adorèrent Dieu, en
disant : Amen ! la louange, la gloire, la
sagesse, l'action de grâce, l'honneur, la
puissance et la force soient à notre Dieu,
aux siècles des siècles ! Et
l'un des vieillards prit la parole et me dit :
Ceux qui sont revêtus de robes blanches, qui
sont-ils et d'où sont-ils venus ? Je
lui dis : Mon Seigneur, tu le sais. Et il me
dit : Ce sont ceux qui viennent de la grande
tribulation ; ils ont lavé leurs robes
et ils les ont blanchies dans le sang de l'agneau.
C'est pour cela qu'ils sont devant le trône
de Dieu et ils le servent jour et nuit dans son
temple. Celui qui est assis sur le trône
dressera sa tente sur eux ; ils n'auront plus
faim, ils n'auront plus soif, et le soleil ne les
frappera plus, ni aucune chaleur. Car l'Agneau qui
est au milieu du trône les paîtra et
les conduira aux sources des eaux de la vie, et
Dieu essuiera toute larme de leurs yeux.
(Apoc. VII, 9-17.)
Mes frères ! Si jamais, dans un
de ces jours sombres et tristes où le
brouillard se traîne, lourd et froid, sur nos
campagnes, vous vous êtes tenus sur quelque
sommet de notre Jura, un spectacle d'une grande
beauté s'est présenté à
vous. Au-dessus de cette mer de
nuages, dans laquelle étaient ensevelis la
ville et les villages, vous avez contemplé
la chaîne de nos Alpes, étincelante de
lumière sous un ciel radieux. À la
vue de ces splendeurs, vous vous êtes sentis
revivre. Ah ! qu'il faisait beau
là-haut !
Peut-être y a-t-il là comme une
image de l'expérience que fit, sur le rocher
de l'île de Patmos,
l'évangéliste St-Jean, lorsque la
cité du ciel, émergeant soudain des
brouillards terrestres, apparut à ses yeux
étonnés. Travail et peine, angoisse
et douleur, séparation et deuil, tout ce que
la terre où nous vivons a de triste et
d'humiliant, tout ce qui nous trouble et nous
indigne, avait disparu pour le serviteur de Christ.
Dans cet instant, le monde avec ses bruits, ses
cris et ses détresses était mis sous
ses pieds. Il était en face du grand au
delà, du royaume de Dieu, venu plein de
justice, de lumière et de gloire.
Or, ce qu'il lui fut donné de
contempler dans une inoubliable journée, il
l'a légué, dans une page de son livre
de l'Apocalypse, aux générations
chrétiennes de tous les temps. Après
tant d'autres qui, du sein de leurs tribulations
ont levé le regard vers le tableau
déroulé par l'apôtre,
contemplons-le à notre tour. À
l'aspect des choses que vit, dans un lointain
passé, le disciple de Jésus-Christ,
apprenons quelles sont nos espérances
chrétiennes et quel est le chemin qui
conduit au ciel.
Nos espérances
chrétiennes : ce sont elles qui se
présentent à nous
sous la plume de Jean, non pas comme autant de
promesses dont nous attendrions encore la
réalisation, mais comme autant de faits
accomplis. Ce qui sera un jour pour ceux qui auront
gardé la foi, ce qui est aujourd'hui
déjà la part de ceux qui ont vaincu,
nous le touchons ici du doigt. Nous mettons le pied
sur la terre promise. Nous en possédons les
avant-goûts et notre âme renaît
sous le souffle d'en-haut. Voyez : dans la
scène pleine de grandeur qui se passe devant
nous, dans le ciel, plusieurs traits nous frappent,
et dans chacun d'eux, quel rassasiement de
joie ! Quelle réponse aux aspirations
les plus intimes de nos âmes et aux cris de
nos coeurs ! Quel exaucement dépassant
de beaucoup ce que nous avions eu le courage de
demander ! Quelle manifestation de la
puissance et de l'amour de Dieu ! Quelle
révélation sur le ciel !
Remarquons d'abord que ce ne sont pas
quelques rares élus seulement qui entourent
le trône de Dieu et de l'Agneau. Une grande
multitude, une foule que personne ne peut compter,
s'est réunie dans le sanctuaire
céleste. Toutes les tribus, tous les peuples
et toutes les langues y comptent des
représentants. C'est l'accomplissement de la
promesse faite à l'Homme de douleur :
Il jouira du travail de son âme, dit le
prophète, et il en sera rassasié. Mon
serviteur juste en justifiera plusieurs par la
connaissance qu'ils auront de lui, et le bon
plaisir de l'Éternel prospérera entre
ses mains. C'est la réponse aussi que Dieu
donne à nos craintes,
à nos doutes, à ce cri de ses
serviteurs découragés : Qui a
cru à notre prédication et à
qui le bras de l'Éternel a-t-il
été
révélé ? C'est le
dernier, c'est le plus éclatant
témoignage rendu à la puissance de
l'Évangile de Jésus-Christ. Que de
résistances n'a-t-il pas rencontrées
dans tout ce peuple qu'il a fini par vaincre !
Pas une de ces existences, pas un de ces coeurs,
où il n'ait fallu des miracles de la
grâce divine pour accomplir l'oeuvre du
salut ! Pas une de ces âmes
sauvées, dont l'histoire ne proclame la
fidélité, la patience, la
miséricorde, l'amour à toute
épreuve du Seigneur. Le petit troupeau
d'ici-bas devenu la multitude des cieux, quelle
victoire, quelle chose étonnante, quel
encouragement pour la foi ! Il vaut la peine,
dès lors, de travailler, de semer, de se
fatiguer au service de Jésus-Christ !
Il n'est plus permis de désespérer du
salut de personne. Église du Seigneur, mon
frère, ma soeur, retenez l'espérance
qui nous est proposée. Celui qui a fait la
promesse est fidèle !
Et la grande multitude est à l'abri
de tout mal. Tous les chemins qu'a parcourus ce
peuple, chemins infiniment variés,
étranges, obscurs, étroits,
difficiles, douloureux, ont abouti à un seul
et même bonheur, commun à tous. Ils
n'auront plus faim, ils n'auront plus soif, le
soleil ne frappera plus sur eux, ni aucune chaleur,
et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux !
Pour eux, plus de souffrances ; plus de
désir inassouvi ; plus de question
ouverte, manquant de
réponse, tourmentant
l'esprit ou le coeur ; plus de combat à
soutenir, plus de péché qui fasse
pleurer. plus de défaite humiliante. Ces
mains qui, jadis, portaient une croix, tiennent la
palme, emblème de la victoire. Et sur ces
corps, que couvrait naguère le
vêtement de la terre, déchiré
aux épines de la route, souillé au
contact du mal, resplendit le vêtement blanc
de la salle des noces de l'Agneau. Pour ces
heureux, le temps de l'attente a pris fin. La foi
et l'espérance se sont changées pour
eux en vue. Jésus a accompli pour eux cette
promesse qu'à la veille de la journée
de Golgotha, il avait faite aux siens : Je
reviendrai, je vous verrai de nouveau ; votre
coeur se réjouira et personne ne vous ravira
votre joie. Là où je suis, vous y
serez aussi avec moi ! Église du
Seigneur, aujourd'hui haïe du monde et
appelée au combat, frères
courbés sous le fardeau de la vie, assaillis
par les ennemis du dedans et les ennemis du dehors,
vous qui, portant la semence pour la
répandre, allez en pleurant, levez la
tête, regardez : Dieu, ramène les
captifs de Sion !
Et ce troupeau que la main du Tout-puissant
a fait sortir des déserts brûlants,
qu'elle a sauvé des grandes vagues
prêtes à l'engloutir, ce troupeau,
c'est le troupeau de Jésus-Christ. Dans la
gloire du ciel, elle se réalise, à la
vue de tous, cette parole du souverain
Pasteur : Il n'y aura qu'un seul troupeau et
un seul berger. L'Agneau qui est au, milieu du
trône les paîtra et les conduira aux
sources des eaux de la vie. Un
seul troupeau ! Au prix de ses douleurs, de
ses souffrances, de sa croix, Jésus s'est
acquis le droit de grouper, sous sa houlette,
l'Eglise qu'il a rachetée par son sang.
Disparus à jamais les noms et les titres des
Églises de la terre ; elles ont eu
chacune son ministère, chacune sa place
marquée dans le monde ; mais leur
tâche est achevée et ce qu'elles ont
compté, chacune, dans son sein, d'âmes
humbles, attachées à
Jésus-Christ, se trouve recueilli dans
l'Eglise de l'Éternité. La main du
Fils de l'homme a séparé le froment
d'avec la paille, et le froment a été
porté dans les greniers célestes.
Disparu à toujours aussi, ce qui divisait,
jadis, les membres du peuple de
Jésus-Christ. Ici, plus de
différences de race, plus de malentendus,
plus de rivalités honteuses, plus d'autel
dressé contre autel. Les taches ont
été effacées sur la robe de
l'Eglise. L'Eglise est une en Jésus-Christ
et, de la plénitude de son Chef, elle
reçoit les biens du monde nouveau. Le Berger
conduit son troupeau aux sources des eaux de la
vie. À longs traits, ses brebis s'y
désaltèrent et y boivent la vie. Que
sera-ce pour ceux dont le pied, sur cette terre de
péché, avait constamment
heurté la mort! Vivre ! Vivre !
Notre âme a faim et soif de vivre ; elle
est faite pour vivre ! Un jour, si Dieu
l'admet dans son Royaume, elle connaîtra le
rassasiement, dans la communion visible de
Jésus-Christ.
Et dans les lieux qui la réunissent,
l'assemblée des rachetés de Christ
célèbre le culte de
l'éternité. À
l'humanité sauvée
se joint, pour bénir Dieu, le ciel tout
entier. Le sacrifice de Golgotha a rapproché
l'une de l'autre la famille des hommes
arrachés à la perdition et la famille
des saints anges. Tout ce qui aime Dieu, tout ce
qui a compris les immenses miséricordes du
Seigneur, tout ce qui a goûté son
amour infini, est là pour chanter sa gloire.
Ils se tenaient devant le trône et devant
l'Agneau, et ils criaient à haute et
disaient : Le salut vient de notre Dieu qui
est assis sur le trône et de l'Agneau. Et
tous les anges se tenaient autour du trône et
des vieillards et des quatre animaux ; et ils
se prosternaient devant le trône sur le
visage et ils adoraient Dieu en disant : Amen,
louange, gloire, sagesse, actions de grâce
honneur, puissance et force à notre Dieu,
aux siècles des siècles. Amen. C'est
ainsi que le but de Dieu, en créant l'homme,
est enfin atteint. Notre destinée
s'accomplit. L'être sorti de ses mains sert
à la louange de sa gloire. C'est le jour de
la création nouvelle où Christ est
tout en tous. Ce sont ces choses que l'oeil n'a pas
vues, que l'oreille n'a pas entendues, qui ne sont
venues à l'esprit de personne, mais que Dieu
a préparées à ceux qui
l'aiment. Telles sont, mes frères, nos
espérances chrétiennes !
Oui, voilà ce que Dieu promet, ce que
Dieu a déjà donné à
ceux qui, d'entre les rangs des croyants, s'en sont
allés de ce monde, et ce que Dieu veut nous
donner à nous aussi, dans un jour qu'il
connaît lui seul. Sera-ce demain ou dans un
avenir lointain ? Qui le
dira ? C'est le secret du Seigneur. À
nous d'être prêts pour l'heure
où sa voix qui appelle prononcera le nom que
nous portons. Être propres pour le Royaume
des cieux, être dignes d'hériter /a
grâce de la vie, c'est là ce qui
importe !
En effet, mes frères, quelque
généreuses que soient les compassions
de Dieu et quelque ferme que soit sa volonté
de nous sauver dans son royaume céleste, il
n'est, pour monter au ciel, qu'un seul et unique
chemin. À l'heure même où Jean
tenait le regard fixé sur la vision divine,
un des vieillards du sanctuaire céleste, se
tournant vers lui, lui dit : Ceux qui sont
vêtus de robes blanches, qui sont-ils et
d'où sont-ils venus ? Et
l'apôtre : Seigneur, tu le sais. Et le
vieillard : Ce sont ceux qui sont venus de la
grande tribulation et qui ont lavé leurs
robes et les ont blanchies dans le sang de
l'Agneau. C'est pourquoi ils sont devant le
trône de Dieu et ils le servent jour et nuit
dans son temple.
C'est cette voix grave et solennelle qui
nous instruira à salut. Elle est le
témoignage de l'un de ceux qui ont franchi
le seuil des demeures éternelles. Par elle,
l'expérience nous éclaire, ouvre
devant nous la route. Ce vieillard nous rappelle
que nous passerons par l'épreuve. La grande
tribulation, c'était et c'est encore pour
plusieurs, la persécution pour l'amour de
Christ, le sacrifice de ses biens et de sa vie que
le chrétien peut être appelé
à faire. Mais la grande tribulation, c'est
non moins certainement la mesure
de renoncement, de souffrance, de luttes, que la
vie réserve, sur les traces du Maître,
à tout homme qui a cru en son nom. C'est la
croix, dont sa volonté nous ordonne de nous
charger chaque jour en le suivant. Ce sont les
écoles de patience, de soumission et de foi
qui se multiplient avec nos années. C'est le
chemin se rétrécissant devant nos
pas, toujours plus ardu et toujours plus solitaire.
Accepterons-nous ou n'accepterons-nous pas ces
dispensations divines ? Saurons-nous
obéir, nous courber, attendre avec patience
des jours meilleurs, persévérer dans
la foi sans douter ? Attristés pour un,
peu de temps par diverses épreuves, afin que
l'épreuve de la foi, beaucoup plus
précieuse que l'or périssable
éprouvé par le feu, nous tourne
à louange, honneur et gloire, lorsque
Jésus paraîtra :
consentirons-nous à un sort pareil ?
Serons-nous, un jour, du nombre de ceux qui sont
venus de la grande tribulation, patiemment et
constamment supportée, parce que Dieu l'a
voulu ?
Mais à côté de cette
première parole, vous en avez surpris une
seconde sur les lèvres du vieillard. Elle
vous a frappés par la hardiesse de l'image
qu'elle choisit et par le saisissant sérieux
de la pensée qu'elle exprime. Ce qu'il faut
faire pour être admis là-haut, dans
l'éternelle gloire ? Ce qu'ils ont
fait, tous ceux devant lesquels les portes d'or du
ciel se sont ouvertes ? Ils ont lavé
leurs robes et les ont blanchies dans le sang de
l'Agneau ! Étranges figures contre
lesquelles proteste ma raison, mais que mon
coeur admet !
Pensée
contre laquelle mon orgueil, ma propre justice, ma
complaisance pour moi-même se
révoltent, mais que ma conscience appelle et
que mon coeur approuve ! Laver ma robe,
souillée par le péché, la
blanchir dans le sang de l'Agneau, ce sera implorer
sur ma misère, ma culpabilité, ma
corruption, les vertus du sang de
Jésus-Christ, versé sur la croix en
rémission de mes fautes. Ce sera renoncer
à vouloir me sauver moi-même, et
accepter avec l'empressement et l'humilité
qui conviennent au coupable et au perdu, la
grâce offerte au pécheur pour l'amour
du seul juste. Ce sera croire à la
nécessité comme à la
réalité de l'expiation accomplie pour
les pécheurs sur Golgotha. Laver ma robe et
la blanchir dans le sang de l'Agneau, ce sera
retourner, tous les jours, à la source
ouverte pour le pêché et la souillure,
ce sera accomplir le grand acte de la vie
chrétienne sans lequel celle-ci n'est rien
et n'aboutira qu'à un irréparable
malheur. Vous voulez être sauvé, avoir
pour l'éternité une place dans les
tabernacles de Dieu, hériter des promesses
faites au peuple de Jésus-Christ ?
Sachez qu'à la lumière du monde
nouveau, on ne tolérera pas de taches sur
vos vêtements et que, pour les purifier
aujourd'hui qu'il en est encore temps, il n'y a
qu'un seul et unique moyen : le sang de
Jésus-Christ. Pas de tache, quelque petite
et insignifiante qu'elle nous paraisse, qui puisse
échapper au jugement ; pas une non plus
qui disparaisse par l'effort de nos mains.
C'est ainsi que sombrera la gloire humaine
pour celui qui a compris l'Évangile, et
qu'il ne lui restera que ces deux choses : un
chemin étroit et un sang qui sauve. Mais au
prix de ce dépouillement, accepté
avec soumission, le ciel même est
assuré au pauvre pécheur.
Après l'anéantissement de toute
gloire qui lui était propre, se
lèvera sur sa vie, sur son coeur, sur son
âme, la gloire de Dieu. Heureux qui vient de
la grande tribulation et qui a lavé sa robe
et l'a blanchie dans le sang de l'Agneau ! Il
verra la face de Dieu et le nom de Dieu sera
écrit sur son front ! Amen.
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