Sermons et
Méditations
Mourir tranquille.
Père, je remets mon
esprit entre tes mains.
Luc
23, 46.
À la veille de son martyre, dans la
chambre haute où il venait de manger la
Pâque avec ses disciples, Jésus avait
dit à son Père : Je t'ai
glorifié sur la terre ; J'ai
achevé l'ouvrage que tu m'avais donné
à faire. Sur la croix, devant un grand
nombre de témoins, il avait rendu le
même témoignage. De ses lèvres
mourantes était tombé ce cri de
victoire et de foi : Tout est accompli !
Après cela, il ne lui restait plus
qu'à mourir.
Comment Celui que nous appelons notre
Sauveur est-il mort ? Qu'a-t-il dit au moment
suprême ? On l'a entendu jeter un grand
cri, et on a vu sa tête s'incliner et
retomber sur sa poitrine. C'est là ce que
racontent, d'un commun accord, plusieurs
évangélistes. Un seul d'entre eux,
Luc, nous a conservé une parole, la
dernière que Jésus ait
prononcée avant de quitter ce monde.
Jésus, criant à haute voix,
dit : Père, je remets mon esprit entre
les mains. C'est nous apprendre que Jésus
est mort, une parole de
l'Ecriture et le beau nom de
Père sur les lèvres, en pleine paix,
en pleine confiance, sous le rayonnement du
ciel.
Père, je remets mon esprit entre les
mains ! Connaîtriez-vous, pour la mettre
dans la bouche d'un mourant, quelque parole
à la fois plus simple et plus belle que
celle-là ? Ce qui, en lui, est
d'ici-bas, le corps de son humiliation, le vase de
terre, brisé par des mains cruelles et
impies, Jésus l'abandonne aux hommes. Ses
amis s'en empareront, le descendront de la croix,
le déposeront dans le tombeau et Dieu
veillera sur cette dépouille. Mais ce qui
est d'en haut, son esprit, Jésus le confie,
à l'heure du départ, à ces
mains paternelles sur lesquelles, jour et nuit, il
avait fixé ses regards et par lesquelles il
s'était laissé guider, d'étape
en étape, jusqu'à cette
après-midi du Vendredi-Saint. C'est ainsi
qu'il règle ses affaires. Il sent la
possession de lui-même échapper
à son pouvoir, il en appelle aux mains du
Père. Voilà tout. Lequel d'entre ceux
qui, trente-trois années auparavant, avaient
vu le ciel resplendir de lumière sur le
berceau de l'enfant de Bethléem et entendu
les chants d'allégresse des anges, lequel se
serait attendu à une fin pareille ? Une
croix, un pauvre supplicié qui succombe, un
mourant auquel la terre n'a laissé que
quelques clous qui déchirent ses mains et
ses pieds et, dans la bouche de cette victime
délaissée, une parole de confiance et
d'abandon filial, voilà tout !
Mais dans ces quelques accents, quel repos
de l'âme, quelle humble assurance, quelle
paix céleste !
Après les abîmes de la
souffrance, après la fournaise ardente,
après les eaux débordées,
après les angoisses mortelles, il y a
là l'apaisement et le calme, un
avant-goût du Paradis de Dieu s'ouvrant pour
le Vainqueur. Ce martyr qui vient de la grande
tribulation réalise en plein cette parole du
psalmiste : Quand même je marcherais
dans la vallée de l'ombre de la mort, je ne
craindrais aucun mal ; c'est ton bâton,
ô Éternel, c'est ta houlette qui me
consolent. Il se souvient, pour en faire sa
suprême prière, d'une parole de
l'Écriture. Il la répète,
plein de foi ; il la dépose sur le
coeur de son Dieu, retrouvé après les
ténèbres de l'abandon, présent
pour faire sentir au Fils son amour et sa
puissance ; il la laisse, précieux
souvenir, adieu inoubliable, à tous ceux
qui, comme lui, regardant à lui,
soutiendront le bon combat ; elle se
retrouvera sur les lèvres de ses
rachetés, elle sera pour l'amour de lui,
leur cri de triomphe à eux aussi.
Père, Je remets mon esprit entre tes
mains ! Oh ! quelle fin ! Ils ne
comprenaient rien à ce qu'entendaient leurs
oreilles ; ils ne savaient pas ce qui se
passait sur cette croix, ce centenier, ces soldats,
ces gens qui stationnaient sur la colline du
Calvaire. Mais cette issue d'une vie qui leur avait
semblé frappée de
malédiction ; cette fin
exceptionnellement belle, tout cela les
impressionna. Ils éprouvaient ce que jamais
jusqu'alors ils n'avaient éprouvé.
Ils rencontraient la paix du ciel là
où, par le passé, ils n'avaient vu
que les terreurs de l'enfer. La croix même,
ce n'était plus la croix.
Le bois maudit s'était
transformé, sous leurs yeux
étonnés, en une porte s'ouvrant sur
une éternité de bonheur et de gloire.
Quelque chose leur disait que Dieu était
tout près de ce pauvre mourant et que cette
âme qui s'échappait de ses liens
était tout près de Dieu. L'air
vivifiant du monde nouveau passait sur le Calvaire.
Le grand au-delà s'annonçait et
faisait frémir le lieu du supplice. Et
lorsque, à ce moment même, la terre se
mit à trembler sous les pieds de la foule et
que les rochers se fendirent ; lorsque, comme
sur les ailes du vent, la nouvelle du signe
accompli dans le temple parcourut la sainte
cité ; lorsque, au cri du Sauveur, se
furent joints ce cri de la nature
bouleversée jusque dans ses entrailles et la
voix du Tout-Puissant parlant avec autorité,
les spectateurs de la croix ne retinrent plus leur
témoignage. Le centenier donne gloire
à Dieu et dit : Certainement tel homme
était juste ; il était
véritablement le fils de Dieu. Et tout le
peuple qui était assemblé, voyant les
choses qui étaient arrivées, s'en
retourna en se frappant la poitrine.
Que de fois, mes frères, ne nous
sommes-nous pas arrêtés, nous aussi,
saintement émus en face de cette
dernière scène de la passion de
Jésus ! Elle nous parle, à nous,
plus clairement, plus puissamment encore
qu'à ceux qui en ont été les
témoins oculaires. Elle fait naître en
nous quelque chose de mieux que de vagues
pressentiments. Interprétée par le
Saint-Esprit de Dieu, elle nous apprend ce que sera
la fin du croyant de la
nouvelle
alliance, la fin du chrétien, attaché
par le coeur à son Sauveur, ayant
lavé sa robe dans le sang de l'Agneau et
arrivant aux portes de l'éternité
à la main de Jésus-Christ son
Sauveur. À cette pauvre et misérable
créature qui aura cru en Celui qui justifie
les pécheurs, il sera donné, pour
l'amour de Jésus-Christ, de s'en aller de ce
monde à son tour, la paix au coeur, dans une
sainte assurance et cette parole de confiance
filiale sur les lèvres : Je remets mon
esprit entre les mains ; tu m'as
racheté, ô Éternel. Dieu de
vérité !
Qui donc ne le sentirait ? Il y a
là le don le plus magnifique et le plus
gratuit qui puisse nous être accordé.
Pouvoir mourir tranquille, dans la joie que donne
la possession du salut, il y a là le plus
beau des fruits mûrissant, pour l'enfant de
Dieu, sur la croix de Jésus-Christ. Il y a
là la grâce des grâces qui m'est
offerte à moi qui en suis indigne, et vers
laquelle jamais, en dehors de mon Sauveur, je
n'oserais porter mes désirs.
Il faut le constater en effet, au pied de la
croix et en face du Sauveur mourant : autant
il était naturel que Jésus
mourût en paix, autant il serait naturel que
moi, pécheur, je mourusse dans l'angoisse et
les ténèbres. S'éteindre en
paix, sur le coeur du Dieu d'amour, être
recueilli par ses mains fidèles, c'est la
fin qui convient aux existences dans lesquelles
l'obéissance a fait loi. Et Jésus,
à l'heure même où nous
contemplons sa sainte figure, n'achevait-il pas
le sacrifice journellement
offert
à Dieu de sa vie innocente ?
N'accomplissait-il pas sa propre immolation,
s'offrant soi-même à Dieu, par
l'Esprit éternel, sans aucune tache ?
Obéissant Jusqu'à la mort, il s'en
allait, sous le regard de Dieu qui fait vivre. -
Mais notre cas à nous diffère du
sien. Quelles ruses pour échapper à
la volonté du Seigneur, quelles erreurs,
quelles illusions dans nos vies à
tous ! Quelles taches jusque dans nos oeuvres
de charité ! Quelle recherche subtile
ou grossière de nous-mêmes !
Quelle ardeur dans la poursuite de ce qui n'est que
pour un jour et quel oubli des choses qui ne
périssent point !
Je ne parle pas ici des vies
souillées de péché sur
lesquelles le monde même jette son
blâme. Je ne parle que de ce qui se voit dans
les rangs, dans les vies de ceux-là
mêmes qui se réclament de
Jésus-Christ, et je demande ce que devrait
être, selon la justice et d'après le
cours normal des choses, la fin de chrétiens
qui ont si peu glorifié le Seigneur et tant
désobéi à sa loi ? Je
demande quel devrait être notre sort à
cette heure suprême où,
échappés au bruit qui nous environne,
arrachés au tourbillon des affaires qui nous
entraîne, nous verrons le silence
s'établir à notre chevet et
l'éternité s'ouvrir à nos
regards ? Ah ! mes frères, si,
dans ce jour-là qui nous dira que tout est
fini pour la terre, qu'il n'y a plus aucune
possibilité de réparer nos fautes, et
que, tels que la vie nous a faits, nous devrons
paraître devant le tribunal du Dieu
vivant ; si, dans ce jour redoutable,
nous ne possédions que
nous-mêmes et, tout au plus encore, la bonne
volonté de nos bien-aimés prêts
à nous faciliter le dernier pas ; si,
dans ce jour, nous étions sans Christ, il
s'ouvrirait devant nous, dans son effrayante
largeur, l'abîme qui nous sépare,
nous, les pécheurs, d'avec la paix de Dieu
et la gloire du ciel.
Mais, à ces misérables
pécheurs que couvre la honte, que
remplissent des souvenirs humiliants, qui sont
incapables de plaire à Dieu, s'offre un
Sauveur qui leur promet d'être avec eux
à l'heure du départ. Il les appelle
à la foi, il les presse d'accepter son
sacrifice expiatoire, de se laisser mettre à
l'abri du destructeur. Il s'engage à
effacer, aux yeux du Dieu vivant, tous leurs
péchés, fussent-ils aussi nombreux
que les grains de sable qui couvrent la plage. Sa
justice, ô mystère insondable pour la
raison, compréhensible pour le coeur seul,
couvrira leur injustice. Sa grâce engloutira
leurs offenses. Toi donc, mon frère,
coupable comme moi, acceptes-tu la main de ce seul
Rédempteur ? Regardes-tu du sein de ta
faiblesse et de ta corruption, à cet unique
rocher de ton salut ? Veux-tu appartenir
à ce Jésus qui est venu mourir pour
toi de la mort d'un malfaiteur ? Je te dis
que, si tu le choisis pour ton Sauveur, tu pourras
t'écrier, toi aussi, à ta
dernière heure, malgré ton
péché qui t'accuse et malgré
la sainteté de Dieu qui te condamne :
Je remets mon esprit entre tes mains ; tu m'as
racheté, ô Éternel, qui es le
Dieu fort de vérité !
Pouvoir mourir tranquilles, pouvoir mourir
comme ceux dont l'Eternel aura payé la
rançon ; pouvoir nous en aller de ce
monde, témoin de nos fautes et de nos
misères, sans crainte, en paix, comme s'en
est allé le seul juste que la terre ait
vu ; pouvoir laisser ce qui est visible, dans
la certitude d'hériter de ces choses que
l'oeil n'a pas vues, que l'oreille n'a pas
entendues et que Dieu réserve à ceux
qui l'aiment : pouvoir nous endormir comme
s'endort sur le sein de sa mère un enfant
fatigué qui se réjouit du lendemain,
nous savoir à l'abri, au moment même
où, pour tant d'autres, tout
s'écroule, tout est perdu, tout cesse - quel
Évangile ! Quel don de Dieu !
Quelle grâce ineffable ! Quel fleuve de
vie naissant au pied de la croix de Christ !
Quel couronnement de cette oeuvre de
miséricorde et d'amour que nous nommons le
salut !
Et qu'on ne croie pas que j'établisse
ici quelque belle théorie à laquelle
contredirait l'expérience chrétienne.
Ces choses dont je parle et que je promets au nom
de Jésus-Christ, elles se sont vues. Je
remets mon esprit entre tes mains ; lu m'as
racheté, ô Éternel qui es le
Dieu fort de vérité : le regard
fixé sur leur Sauveur crucifié,
l'âme délivrée de ce qu'ils
avaient redouté, le coeur rempli de paix,
les serviteurs et les servantes de
Jésus-Christ de tous les âges et de
toutes les conditions l'ont
répété dans une humble et
ferme assurance. Étienne, le martyr, ne
regarde pas aux pierres sous lesquelles une foule
délirante le fait succomber selon la chair.
Au travers de l'épaisse
nuée des haines et des cruautés
humaines, il voit le ciel ouvert et le Fils de
l'homme debout à la droite de Dieu. Seigneur
Jésus, reçois mon esprit, dit-il en
se jetant dans les bras de ce Sauveur, puis il
s'endort. Condamné au bûcher, Jean
Huss méprise la flamme qui va consumer son
corps et répète les mêmes
paroles. Mourant à Eisleben, Luther
prononce, lui aussi, cette dernière
prière du Sauveur.
On a retrouvé la paix, la confiance,
la ferme assurance qui ont rempli ces héros
de la foi chrétienne, même chez les
tout-petits du royaume de Dieu de la nouvelle
alliance. Que de chambres mortuaires
oubliées, ignorées, dans lesquelles
s'est répandue à flots la douce
lumière d'une éternité de
bonheur et de paix céleste ! Ceux qui y
combattaient le dernier combat, ont
balbutié, eux aussi, ces quelques syllabes
qu'ils avaient apprises, à l'école du
Saint-Esprit et aux pieds de
Jésus-Christ : Je remets mon esprit
entre les mains ; tu m'as racheté,
ô Dieu fort de
vérité !
C'est ainsi que nous les avons vus quitter
cette terre avec joie et certains de leur salut,
eux, pauvres pécheurs couverts de confusion.
Ah ! le pouvoir merveilleux de la croix de
Christ acceptée par le pauvre
pécheur ! Je ne connais rien de plus
grand, de plus beau, de plus admirable que ces
miracles d'amour et de puissance qu'elle accomplit
pour le chrétien à l'heure
suprême. Et vous, mes frères,
auxquels, comme moi, Dieu veut donner d'avoir votre
part de ce grand salut; nous tous que Jésus
appelle à rencontrer la
vie - et quelle vie ! - au bord même de
la tombe ; nous que l'Évangile enrichit
d'espérances si glorieuses, attachons-nous,
par une foi vivante et personnelle, à ce
Sauveur qui nous est donné. Renouvelons
l'alliance qu'il a plu à Dieu de traiter
avec nous sur le Calvaire. Revêtons-nous du
Seigneur Jésus-Christ, et lui, de sa main
percée un jour pour nous, achèvera
tout ce qui nous concerne, bannira la frayeur et
répandra la paix même sur notre lit de
mort. Amen.
Je sais que mon Rédempteur est
vivant.
(Job XIX, 25.)
DISCOURS POUR LE JOUR DE PÂQUES
Sur le sommet du mont Nébo qui domine non
seulement le territoire de Moab auquel il
appartient, mais aussi la terre voisine de Canaan,
je vois un vieillard plus que centenaire. Il plonge
un regard ravi sur le pays de la promesse dont les
plaines et les coteaux s'étalent devant lui.
La main de Dieu lui montre ce but où tendent
ses désirs. De loin, il salue la patrie dans
laquelle aurait dû se reposer son pied
fatigué. Hélas ! jamais il n'y
dressera sa tente. Un obstacle lui barre le chemin.
Moïse a péché, et Canaan demeure
fermé pour le coupable.
Chrétien qui traverses, avec le
peuple de Dieu de la nouvelle alliance, le
désert de ce monde où tes pieds se
déchirent aux épines du chemin et
où tu soutiens la lutte contre plus d'un
terrible ennemi, ne te semble-t-il pas que tu es,
toi aussi, dans ce jour de
Pâques, sur une lumineuse
hauteur ? Des yeux de la foi, tu
aperçois, s'étendant devant toi, les
campagnes d'un monde nouveau, les remparts et les
tours de la Jérusalem d'en-haut, le monde
invisible enfin, où tout sera santé,
force, victoire et paix à toujours. Sublime
vision, où il n'y a plus d'ombre pour
toi ! Ces choses vers lesquelles tu regardes,
le péché ne pourra plus te les ravir.
Plus riche, plus privilégié que
Moïse, tu as un Sauveur dont l'oeuvre, dans un
jour semblable à celui-ci, a reçu le
sceau divin. Réjouis-toi, bénis Dieu,
répète ce cri de Job, fais-en le cri
de triomphe du croyant de l'alliance de la
grâce : Je sais que mon
Rédempteur est vivant ! 0 sainte
assurance du chrétien, don de Dieu dont la
valeur est immense, trésor qu'aujourd'hui
nous recevons, une fois de plus, des mains du divin
Ressuscité, - que nous sommes heureux de te
posséder !
Je sais que mon Rédempteur est
vivant ! Remarquez, mes frères,
à quel point cette parole respire la
certitude personnelle, à quel point aussi
notre vie reçoit ici une orientation
nouvelle, un but nouveau, et je dirai à quel
point elle change d'aspect et de caractère.
Vraiment, il n'est sur la terre pas de
différence de situation ou de position plus
grande que celle qui existe entre deux hommes dont
l'un confesse que son Rédempteur est vivant
et dont l'autre ignore ou nie ce fait.
Il est une belle et grande chose qu'on
appelle l'espérance chrétienne. Que
de croyants n'a-t-elle pas
déjà
soutenus ! Que de cas
désespérés où elle a
répandu comme un dernier rayon de
lumière ! Pouvoir espérer,
encore espérer là où l'oeil ne
voit pas d'issue, où la faiblesse humaine
plie sous son lourd fardeau, où tout semble
perdu ; pouvoir espérer contre
espérance en l'intervention, le bon secours,
la délivrance, le salut de
l'Éternel : c'est là un bienfait
que nous devons à la bonté et
à la miséricorde du Seigneur et que
nous demanderons à sa grâce !
Mais s'il y a là un objet digne de nos
désirs et de nos prières, il est un
autre don plus excellent encore, plus
dégagé des infirmités et des
imperfections de la terre, plus consolant et plus
fortifiant. Je bénis celui qui m'apprend
à espérer ; mais je rends
grâce avec effusion à celui qui me
donne de savoir. Savoir, c'est plus
qu'espérer. Savoir, être certain,
tenir des preuves qui anéantissent le doute,
c'est la grande lumière, versée
à flots sur le sentier de la foi !
Je sais que mon Rédempteur est
vivant ! L'Israël de l'ancienne alliance
ne nous eût-il laissé que cette seule
parole, nous n'en dirions pas moins :
Voilà le peuple de Dieu ! Où
donc, si ce n'est sous le souffle et à
l'école de l'Esprit de Dieu, aurait pu
naître dans la poésie sacrée
une figure telle que celle de Job,
immensément malheureux, renié par les
siens, banni de la terre des vivants,
abandonné, selon les apparences, de Dieu
même, succombant dans la lutte
désespérée qu'il soutient
contre le malheur et la malédiction qui le
frappent, mais s'écriant, du sein même
de cet effondrement
général : Je sais que mon
Rédempteur est vivant ! Or, ce savoir,
divinement donné, je le retrouve nouveau,
purifié, grandi à tous égards
dans le disciple de Christ. Je le retrouve dans les
croyants de la première heure, sortis de
l'épreuve du Vendredi-Saint, proclamant
devant le monde la victoire de leur Maître,
parcourant la terre, le nom du Ressuscité
sur les lèvres, acceptant tout, endurant
tout, souffrant tout, laissant leur vie en
disant : Je sais que mon Rédempteur est
vivant ! Je le retrouve, aujourd'hui encore,
chez le plus humble même d'entre ceux qui, en
toute vérité, se sont donnés
à Christ. Sur la foi de l'Écriture,
mais tout autant sur la foi des expériences
que le Ressuscité leur a fait faire de sa
vie, de sa présence, de sa puissance et de
son amour, ils répètent à leur
tour cette parole : Je sais que mon
Rédempteur est vivant ! Jamais ils ne
se contenteraient de nommer la résurrection
de leur Sauveur une doctrine de l'Eglise ; il
y a ici pour eux plus et mieux qu'une doctrine bien
appuyée et qu'ont prêchée les
générations chrétiennes qui se
sont succédé sur la terre ; il y
a ici un savoir qui leur a été
donné par Dieu, qui a été
nourri dans leur coeur bien plus que dans leur
intelligence par ce Sauveur qui les a conduits et
qu'ils ont suivi, qui les a tour à tour
humiliés et relevés, qui a
été tout pour eux tant dans les bons
que dans les mauvais jours, qui a entendu leurs
cris, adouci leurs afflictions, sanctifié
leurs joies.
Essayez de leur dire que leur Maître
et Sauveur est demeuré
dans le tombeau ; accumulez, si vous le
pouvez, les preuves dont se sont emparés le
doute et l'incrédulité pour nier la
résurrection de Jésus-Christ ;
vous ne détruirez pas dans ces âmes,
dans lesquelles le Père et le Fils sont
venus établir leur demeure, la certitude que
leur Rédempteur est vivant. Non, mes
frères, s'il est vrai que nous soyons, non
pas des chrétiens de nom seulement, mais des
chrétiens de fait, l'Évangile de ce
jour de Pâques ne planera pas vaguement
au-dessus de nous. Il nous appartiendra
personnellement. Il sera au-dedans de nous une
certitude personnelle. Comme Job, mais sur un ton
plus ferme encore que celui de Job, avec une
assurance plus grande que la sienne, à la
lumière de ce jour nouveau qu'ont
ignoré les fidèles d'autrefois, nous
confesserons : Je sais que mon
Rédempteur est vivant ! Et si, sous
l'effet de je ne sais quel nuage qui passe, de
quelle douleur qui nous a envahis, de quelle heure
de crise morale ou spirituelle, l'assurance du
racheté de Christ se trouvait
ébranlée dans l'un ou l'autre d'entre
nous, ce que je demanderais au Seigneur pour ce
frère, cette soeur dont le coeur a
cessé de savoir ce qui fait le bonheur et la
force du chrétien, c'est que, dans ce jour
même, le divin Ressuscité
s'approchât de lui, comme jadis il s'est
approché de Marie-Madeleine. de Pierre, de
Cléopas, de Thomas, de Jacques, des onze,
des cinq cents et de Paul, et qu'il se
manifestât avec puissance à son
disciple. Je sais que mon Rédempteur est
vivant: ô Jésus, inscris, de ta
main percée pour nous, ce
mot sur les tables de nos coeurs ! Fais
rayonner sur nos vies cet
Évangile-là ! Éclaire par
lui ce passé qui voudrait nous accuser, nous
condamner, et cet avenir qui nous échappe ou
nous trouble ! L'assurance personnelle,
individuelle, que tu vis, ô
Rédempteur, et que tu vis pour nous,
oh ! donne-la à nous tous qui nous
réclamons de ton nom !
Vous êtes-vous rendu compte du
changement qui s'opère dans la vie du
pécheur qui a appris à dire : Je
sais que mon Rédempteur est vivant ? Je
ne doute pas que vous n'ayez été
frappés, en lisant les Écritures, de
la transformation accomplie, dans les premiers
disciples et sous l'influence du Saint-Esprit, par
la résurrection de leur Maître. C'est
dans ce fait incontestable pour eux, accepté
par eux avec un cri d'allégresse, cru et
prêché par leur coeur et par leur
bouche, qu'ils puisent, jour après jour,
courage, force, assurance et joie nouvelle. Seuls,
ignorants selon le monde, pauvres, courant mille
dangers, souffrant, pleurant, mis à mort,
ils se disent heureux et capables d'en enrichir
plusieurs. Leur témoignage est celui
d'hommes absolument sûrs de leur affaire. Le
monde entier se placerait sur leur chemin pour leur
barrer la route, qu'ils déclareraient
néanmoins pouvoir passer et qu'ils
proclameraient la victoire. Devant les regards de
l'un d'eux se déroulent, dans une sublime
vision, les siècles à venir. Il voit
le Ressuscité achever son oeuvre dans ce
monde : la fin viendra
quand
il aura remis le royaume à Dieu le
Père et qu'il aura détruit toute
dénomination, toute autorité et toute
puissance. Il faut qu'il règne
jusqu'à ce qu'il ait mis tous ses ennemis
sous ses pieds. Le dernier ennemi même sera
détruit, la mort. Et quand toutes choses lui
auront été assujetties, alors aussi
le Fils même sera assujetti à Celui
qui lui a assujetti toutes choses, afin que Dieu
soit tout en tous. - Voilà pour la foi
apostolique, journellement nourrie et
fortifiée par ce divin savoir : Mon
Rédempteur est vivant ! Je n'insiste
pas, je ne dis là que des choses que vous
vous êtes dites à vous-mêmes.
Mais ce que je tiens à répéter
avec plus de détails, parce que les uns et
les autres nous avons besoin de ces instructions,
c'est que, pour l'homme qui confesse : Je sais
que mon Rédempteur est vivant ! la vie
n'est plus ce qu'elle est pour l'enfant de ce
monde. Toutes choses prennent en Jésus, le
Ressuscité, un nouvel aspect. Et ceci
concerne l'ensemble de l'Eglise qui se groupe
autour de sa sainte personne, aussi bien que tout
croyant pris individuellement, quelque humble,
quelque oublié, quelque pauvre et
misérable qu'il soit.
Qui ne le saurait ? L'horizon de ce
monde s'est assombri sur plus d'un point. Nous
assistons, en spectateurs attristés,
humiliés, à des scènes de
violence et d'injustice dont la voix crie de la
terre au ciel. Quel sera le dénouement final
de ce drame sanglant qu'on a vu se dérouler
et qui se déroule toujours dans
l'Orient ? Sera-ce cette conflagration
générale que notre
vieille Europe semble attendre avec angoisse et
à laquelle se préparent les puissants
qui la dirigent ? Qu'adviendra-t-il de la
société contemporaine, minée
qu'elle est par tant d'ennemis de sa
sécurité et de sa paix ? Qu'en
sera-t-il de l'Eglise de Christ, si partagée
entre son Maître divin et le prince de ce
monde qui l'entraîne, par ses
séductions, sur le chemin des
rivalités, de l'indifférence
religieuse, des compromis et de l'erreur ? Ta
vie et la mienne dans lesquelles
l'inquiétude et le souci ont leur place
marquée et dont le lendemain sera toujours
voilé, que nous
amèneront-elles ? Ah ! je
comprends que l'homme ignorant Jésus-Christ,
le Ressuscité, croie que tout va mal et que
la ruine est à la porte. Je comprends qu'il
y en ait qui soutiennent que tout va finir
tristement. Mais ce que je ne comprends pas, c'est
que le chrétien soit, à son tour, un
pessimiste, lui qui dit : Je sais que mon
Rédempteur est virant ! Eh quoi ?
tu confesserais cette vérité et tu
pourrais admettre l'anéantissement de la
justice, de la vérité, de la
sainteté et de la miséricorde
ici-bas ? Tu pourrais supposer
l'Évangile trop faible pour sauver le
monde ? Tu pourrais cesser de croire que tu
as, dans le ciel, un ami sur lequel tu pourras
compter, quoi qu'il arrive ? Christ
ressuscité ne meurt plus, et s'il vit, il
trouvera moyen, aujourd'hui et demain, de te le
prouver par quelque manifestation de sa puissance
et de son amour !
Peut-être me rappellerez-vous que le
péché est un
adversaire redoutable, qu'en
nous
comme en dehors de nous, il a conservé une
bonne part de son effrayant empire et que c'est lui
qui vous fait trembler ? J'admets vos
craintes, je les partage, je dis comme vous que le
péché est une chose terrible, que
journellement il nous prive de la gloire qui vient
de Dieu et que, si je regarde aux
flétrissures dont il couvre mon âme et
ma vie, je n'ai plus le courage de lever la
tète. Et cependant, moi, homme perdu, je ne
désespère pas. Je sais que mon
Rédempteur est vivant ! La croix
où le Sauveur a laissé sa vie pour
expier mes fautes, m'apparaît inondée
de la lumière de sa résurrection et
je reprends courage. Mon salut est entre de bonnes
mains ; elles achèveront - oeuvre de
miséricorde et de grâce, - elles
achèveront ce qui me concerne.
Vous nommez la mort ! Vous
évoquez le souvenir du grand destructeur et
de la sombre vallée ! Ah ! qui ne
saurait que vous avez raison ? Il y a
là la plus cruelle des
réalités, le plus impitoyable ennemi
de notre bonheur individuel et collectif. Mais, ici
encore, ici surtout, je réponds : Je
sais que mon Rédempteur est vivant ! Je
dis que Pâques est la porte qui s'ouvre pour
nous dans les cieux. Je confesse que mourir ce sera
vivre. Je vis, vous vivrez aussi : Il l'a dit,
lui qui a les paroles de la vie éternelle,
lui qui a vaincu la mort même !
Ainsi, mes frères, la vie, à
quel point de vue que vous l'envisagiez, cesse
d'être pour vous une
déchéance, une
défaite, un immense malheur. À la
main de Jésus, nous montons, nous allons
au-devant de jours meilleurs, nous attendons le
triomphe de la sainteté et de l'amour divin,
nous sommes transportés déjà
dans les lieux célestes. Heureux
êtes-vous, chrétiens, qui dites :
Je sais que mon Rédempteur est vivant !
C'est à vous qu'appartiendront, en Celui qui
vous a sauvés, la terre et les cieux
nouveaux que Dieu a promis, la Canaan
céleste, la patrie ! Amen.
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