Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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Sermons et Méditations




Mourir tranquille.

 Père, je remets mon esprit entre tes mains.
Luc 23, 46.

À la veille de son martyre, dans la chambre haute où il venait de manger la Pâque avec ses disciples, Jésus avait dit à son Père : Je t'ai glorifié sur la terre ; J'ai achevé l'ouvrage que tu m'avais donné à faire. Sur la croix, devant un grand nombre de témoins, il avait rendu le même témoignage. De ses lèvres mourantes était tombé ce cri de victoire et de foi : Tout est accompli ! Après cela, il ne lui restait plus qu'à mourir.

Comment Celui que nous appelons notre Sauveur est-il mort ? Qu'a-t-il dit au moment suprême ? On l'a entendu jeter un grand cri, et on a vu sa tête s'incliner et retomber sur sa poitrine. C'est là ce que racontent, d'un commun accord, plusieurs évangélistes. Un seul d'entre eux, Luc, nous a conservé une parole, la dernière que Jésus ait prononcée avant de quitter ce monde. Jésus, criant à haute voix, dit : Père, je remets mon esprit entre les mains. C'est nous apprendre que Jésus est mort, une parole de l'Ecriture et le beau nom de Père sur les lèvres, en pleine paix, en pleine confiance, sous le rayonnement du ciel.

Père, je remets mon esprit entre les mains ! Connaîtriez-vous, pour la mettre dans la bouche d'un mourant, quelque parole à la fois plus simple et plus belle que celle-là ? Ce qui, en lui, est d'ici-bas, le corps de son humiliation, le vase de terre, brisé par des mains cruelles et impies, Jésus l'abandonne aux hommes. Ses amis s'en empareront, le descendront de la croix, le déposeront dans le tombeau et Dieu veillera sur cette dépouille. Mais ce qui est d'en haut, son esprit, Jésus le confie, à l'heure du départ, à ces mains paternelles sur lesquelles, jour et nuit, il avait fixé ses regards et par lesquelles il s'était laissé guider, d'étape en étape, jusqu'à cette après-midi du Vendredi-Saint. C'est ainsi qu'il règle ses affaires. Il sent la possession de lui-même échapper à son pouvoir, il en appelle aux mains du Père. Voilà tout. Lequel d'entre ceux qui, trente-trois années auparavant, avaient vu le ciel resplendir de lumière sur le berceau de l'enfant de Bethléem et entendu les chants d'allégresse des anges, lequel se serait attendu à une fin pareille ? Une croix, un pauvre supplicié qui succombe, un mourant auquel la terre n'a laissé que quelques clous qui déchirent ses mains et ses pieds et, dans la bouche de cette victime délaissée, une parole de confiance et d'abandon filial, voilà tout !
Mais dans ces quelques accents, quel repos de l'âme, quelle humble assurance, quelle paix céleste !

Après les abîmes de la souffrance, après la fournaise ardente, après les eaux débordées, après les angoisses mortelles, il y a là l'apaisement et le calme, un avant-goût du Paradis de Dieu s'ouvrant pour le Vainqueur. Ce martyr qui vient de la grande tribulation réalise en plein cette parole du psalmiste : Quand même je marcherais dans la vallée de l'ombre de la mort, je ne craindrais aucun mal ; c'est ton bâton, ô Éternel, c'est ta houlette qui me consolent. Il se souvient, pour en faire sa suprême prière, d'une parole de l'Écriture. Il la répète, plein de foi ; il la dépose sur le coeur de son Dieu, retrouvé après les ténèbres de l'abandon, présent pour faire sentir au Fils son amour et sa puissance ; il la laisse, précieux souvenir, adieu inoubliable, à tous ceux qui, comme lui, regardant à lui, soutiendront le bon combat ; elle se retrouvera sur les lèvres de ses rachetés, elle sera pour l'amour de lui, leur cri de triomphe à eux aussi. Père, Je remets mon esprit entre tes mains ! Oh ! quelle fin ! Ils ne comprenaient rien à ce qu'entendaient leurs oreilles ; ils ne savaient pas ce qui se passait sur cette croix, ce centenier, ces soldats, ces gens qui stationnaient sur la colline du Calvaire. Mais cette issue d'une vie qui leur avait semblé frappée de malédiction ; cette fin exceptionnellement belle, tout cela les impressionna. Ils éprouvaient ce que jamais jusqu'alors ils n'avaient éprouvé. Ils rencontraient la paix du ciel là où, par le passé, ils n'avaient vu que les terreurs de l'enfer. La croix même, ce n'était plus la croix.
Le bois maudit s'était transformé, sous leurs yeux étonnés, en une porte s'ouvrant sur une éternité de bonheur et de gloire. Quelque chose leur disait que Dieu était tout près de ce pauvre mourant et que cette âme qui s'échappait de ses liens était tout près de Dieu. L'air vivifiant du monde nouveau passait sur le Calvaire. Le grand au-delà s'annonçait et faisait frémir le lieu du supplice. Et lorsque, à ce moment même, la terre se mit à trembler sous les pieds de la foule et que les rochers se fendirent ; lorsque, comme sur les ailes du vent, la nouvelle du signe accompli dans le temple parcourut la sainte cité ; lorsque, au cri du Sauveur, se furent joints ce cri de la nature bouleversée jusque dans ses entrailles et la voix du Tout-Puissant parlant avec autorité, les spectateurs de la croix ne retinrent plus leur témoignage. Le centenier donne gloire à Dieu et dit : Certainement tel homme était juste ; il était véritablement le fils de Dieu. Et tout le peuple qui était assemblé, voyant les choses qui étaient arrivées, s'en retourna en se frappant la poitrine.

Que de fois, mes frères, ne nous sommes-nous pas arrêtés, nous aussi, saintement émus en face de cette dernière scène de la passion de Jésus ! Elle nous parle, à nous, plus clairement, plus puissamment encore qu'à ceux qui en ont été les témoins oculaires. Elle fait naître en nous quelque chose de mieux que de vagues pressentiments. Interprétée par le Saint-Esprit de Dieu, elle nous apprend ce que sera la fin du croyant de la nouvelle alliance, la fin du chrétien, attaché par le coeur à son Sauveur, ayant lavé sa robe dans le sang de l'Agneau et arrivant aux portes de l'éternité à la main de Jésus-Christ son Sauveur. À cette pauvre et misérable créature qui aura cru en Celui qui justifie les pécheurs, il sera donné, pour l'amour de Jésus-Christ, de s'en aller de ce monde à son tour, la paix au coeur, dans une sainte assurance et cette parole de confiance filiale sur les lèvres : Je remets mon esprit entre les mains ; tu m'as racheté, ô Éternel. Dieu de vérité !

Qui donc ne le sentirait ? Il y a là le don le plus magnifique et le plus gratuit qui puisse nous être accordé. Pouvoir mourir tranquille, dans la joie que donne la possession du salut, il y a là le plus beau des fruits mûrissant, pour l'enfant de Dieu, sur la croix de Jésus-Christ. Il y a là la grâce des grâces qui m'est offerte à moi qui en suis indigne, et vers laquelle jamais, en dehors de mon Sauveur, je n'oserais porter mes désirs.

Il faut le constater en effet, au pied de la croix et en face du Sauveur mourant : autant il était naturel que Jésus mourût en paix, autant il serait naturel que moi, pécheur, je mourusse dans l'angoisse et les ténèbres. S'éteindre en paix, sur le coeur du Dieu d'amour, être recueilli par ses mains fidèles, c'est la fin qui convient aux existences dans lesquelles l'obéissance a fait loi. Et Jésus, à l'heure même où nous contemplons sa sainte figure, n'achevait-il pas le sacrifice journellement offert à Dieu de sa vie innocente ? N'accomplissait-il pas sa propre immolation, s'offrant soi-même à Dieu, par l'Esprit éternel, sans aucune tache ? Obéissant Jusqu'à la mort, il s'en allait, sous le regard de Dieu qui fait vivre. - Mais notre cas à nous diffère du sien. Quelles ruses pour échapper à la volonté du Seigneur, quelles erreurs, quelles illusions dans nos vies à tous ! Quelles taches jusque dans nos oeuvres de charité ! Quelle recherche subtile ou grossière de nous-mêmes ! Quelle ardeur dans la poursuite de ce qui n'est que pour un jour et quel oubli des choses qui ne périssent point !
Je ne parle pas ici des vies souillées de péché sur lesquelles le monde même jette son blâme. Je ne parle que de ce qui se voit dans les rangs, dans les vies de ceux-là mêmes qui se réclament de Jésus-Christ, et je demande ce que devrait être, selon la justice et d'après le cours normal des choses, la fin de chrétiens qui ont si peu glorifié le Seigneur et tant désobéi à sa loi ? Je demande quel devrait être notre sort à cette heure suprême où, échappés au bruit qui nous environne, arrachés au tourbillon des affaires qui nous entraîne, nous verrons le silence s'établir à notre chevet et l'éternité s'ouvrir à nos regards ? Ah ! mes frères, si, dans ce jour-là qui nous dira que tout est fini pour la terre, qu'il n'y a plus aucune possibilité de réparer nos fautes, et que, tels que la vie nous a faits, nous devrons paraître devant le tribunal du Dieu vivant ; si, dans ce jour redoutable, nous ne possédions que nous-mêmes et, tout au plus encore, la bonne volonté de nos bien-aimés prêts à nous faciliter le dernier pas ; si, dans ce jour, nous étions sans Christ, il s'ouvrirait devant nous, dans son effrayante largeur, l'abîme qui nous sépare, nous, les pécheurs, d'avec la paix de Dieu et la gloire du ciel.

Mais, à ces misérables pécheurs que couvre la honte, que remplissent des souvenirs humiliants, qui sont incapables de plaire à Dieu, s'offre un Sauveur qui leur promet d'être avec eux à l'heure du départ. Il les appelle à la foi, il les presse d'accepter son sacrifice expiatoire, de se laisser mettre à l'abri du destructeur. Il s'engage à effacer, aux yeux du Dieu vivant, tous leurs péchés, fussent-ils aussi nombreux que les grains de sable qui couvrent la plage. Sa justice, ô mystère insondable pour la raison, compréhensible pour le coeur seul, couvrira leur injustice. Sa grâce engloutira leurs offenses. Toi donc, mon frère, coupable comme moi, acceptes-tu la main de ce seul Rédempteur ? Regardes-tu du sein de ta faiblesse et de ta corruption, à cet unique rocher de ton salut ? Veux-tu appartenir à ce Jésus qui est venu mourir pour toi de la mort d'un malfaiteur ? Je te dis que, si tu le choisis pour ton Sauveur, tu pourras t'écrier, toi aussi, à ta dernière heure, malgré ton péché qui t'accuse et malgré la sainteté de Dieu qui te condamne : Je remets mon esprit entre tes mains ; tu m'as racheté, ô Éternel, qui es le Dieu fort de vérité !

Pouvoir mourir tranquilles, pouvoir mourir comme ceux dont l'Eternel aura payé la rançon ; pouvoir nous en aller de ce monde, témoin de nos fautes et de nos misères, sans crainte, en paix, comme s'en est allé le seul juste que la terre ait vu ; pouvoir laisser ce qui est visible, dans la certitude d'hériter de ces choses que l'oeil n'a pas vues, que l'oreille n'a pas entendues et que Dieu réserve à ceux qui l'aiment : pouvoir nous endormir comme s'endort sur le sein de sa mère un enfant fatigué qui se réjouit du lendemain, nous savoir à l'abri, au moment même où, pour tant d'autres, tout s'écroule, tout est perdu, tout cesse - quel Évangile ! Quel don de Dieu ! Quelle grâce ineffable ! Quel fleuve de vie naissant au pied de la croix de Christ ! Quel couronnement de cette oeuvre de miséricorde et d'amour que nous nommons le salut !

Et qu'on ne croie pas que j'établisse ici quelque belle théorie à laquelle contredirait l'expérience chrétienne. Ces choses dont je parle et que je promets au nom de Jésus-Christ, elles se sont vues. Je remets mon esprit entre tes mains ; lu m'as racheté, ô Éternel qui es le Dieu fort de vérité : le regard fixé sur leur Sauveur crucifié, l'âme délivrée de ce qu'ils avaient redouté, le coeur rempli de paix, les serviteurs et les servantes de Jésus-Christ de tous les âges et de toutes les conditions l'ont répété dans une humble et ferme assurance. Étienne, le martyr, ne regarde pas aux pierres sous lesquelles une foule délirante le fait succomber selon la chair. Au travers de l'épaisse nuée des haines et des cruautés humaines, il voit le ciel ouvert et le Fils de l'homme debout à la droite de Dieu. Seigneur Jésus, reçois mon esprit, dit-il en se jetant dans les bras de ce Sauveur, puis il s'endort. Condamné au bûcher, Jean Huss méprise la flamme qui va consumer son corps et répète les mêmes paroles. Mourant à Eisleben, Luther prononce, lui aussi, cette dernière prière du Sauveur.

On a retrouvé la paix, la confiance, la ferme assurance qui ont rempli ces héros de la foi chrétienne, même chez les tout-petits du royaume de Dieu de la nouvelle alliance. Que de chambres mortuaires oubliées, ignorées, dans lesquelles s'est répandue à flots la douce lumière d'une éternité de bonheur et de paix céleste ! Ceux qui y combattaient le dernier combat, ont balbutié, eux aussi, ces quelques syllabes qu'ils avaient apprises, à l'école du Saint-Esprit et aux pieds de Jésus-Christ : Je remets mon esprit entre les mains ; tu m'as racheté, ô Dieu fort de vérité !

C'est ainsi que nous les avons vus quitter cette terre avec joie et certains de leur salut, eux, pauvres pécheurs couverts de confusion. Ah ! le pouvoir merveilleux de la croix de Christ acceptée par le pauvre pécheur ! Je ne connais rien de plus grand, de plus beau, de plus admirable que ces miracles d'amour et de puissance qu'elle accomplit pour le chrétien à l'heure suprême. Et vous, mes frères, auxquels, comme moi, Dieu veut donner d'avoir votre part de ce grand salut; nous tous que Jésus appelle à rencontrer la vie - et quelle vie ! - au bord même de la tombe ; nous que l'Évangile enrichit d'espérances si glorieuses, attachons-nous, par une foi vivante et personnelle, à ce Sauveur qui nous est donné. Renouvelons l'alliance qu'il a plu à Dieu de traiter avec nous sur le Calvaire. Revêtons-nous du Seigneur Jésus-Christ, et lui, de sa main percée un jour pour nous, achèvera tout ce qui nous concerne, bannira la frayeur et répandra la paix même sur notre lit de mort. Amen.


 
Je sais que mon
Rédempteur est vivant.
(Job XIX, 25.)


DISCOURS POUR LE JOUR DE PÂQUES

Sur le sommet du mont Nébo qui domine non seulement le territoire de Moab auquel il appartient, mais aussi la terre voisine de Canaan, je vois un vieillard plus que centenaire. Il plonge un regard ravi sur le pays de la promesse dont les plaines et les coteaux s'étalent devant lui. La main de Dieu lui montre ce but où tendent ses désirs. De loin, il salue la patrie dans laquelle aurait dû se reposer son pied fatigué. Hélas ! jamais il n'y dressera sa tente. Un obstacle lui barre le chemin. Moïse a péché, et Canaan demeure fermé pour le coupable.

Chrétien qui traverses, avec le peuple de Dieu de la nouvelle alliance, le désert de ce monde où tes pieds se déchirent aux épines du chemin et où tu soutiens la lutte contre plus d'un terrible ennemi, ne te semble-t-il pas que tu es, toi aussi, dans ce jour de Pâques, sur une lumineuse hauteur ? Des yeux de la foi, tu aperçois, s'étendant devant toi, les campagnes d'un monde nouveau, les remparts et les tours de la Jérusalem d'en-haut, le monde invisible enfin, où tout sera santé, force, victoire et paix à toujours. Sublime vision, où il n'y a plus d'ombre pour toi ! Ces choses vers lesquelles tu regardes, le péché ne pourra plus te les ravir. Plus riche, plus privilégié que Moïse, tu as un Sauveur dont l'oeuvre, dans un jour semblable à celui-ci, a reçu le sceau divin. Réjouis-toi, bénis Dieu, répète ce cri de Job, fais-en le cri de triomphe du croyant de l'alliance de la grâce : Je sais que mon Rédempteur est vivant ! 0 sainte assurance du chrétien, don de Dieu dont la valeur est immense, trésor qu'aujourd'hui nous recevons, une fois de plus, des mains du divin Ressuscité, - que nous sommes heureux de te posséder !

Je sais que mon Rédempteur est vivant ! Remarquez, mes frères, à quel point cette parole respire la certitude personnelle, à quel point aussi notre vie reçoit ici une orientation nouvelle, un but nouveau, et je dirai à quel point elle change d'aspect et de caractère. Vraiment, il n'est sur la terre pas de différence de situation ou de position plus grande que celle qui existe entre deux hommes dont l'un confesse que son Rédempteur est vivant et dont l'autre ignore ou nie ce fait.

Il est une belle et grande chose qu'on appelle l'espérance chrétienne. Que de croyants n'a-t-elle pas déjà soutenus ! Que de cas désespérés où elle a répandu comme un dernier rayon de lumière ! Pouvoir espérer, encore espérer là où l'oeil ne voit pas d'issue, où la faiblesse humaine plie sous son lourd fardeau, où tout semble perdu ; pouvoir espérer contre espérance en l'intervention, le bon secours, la délivrance, le salut de l'Éternel : c'est là un bienfait que nous devons à la bonté et à la miséricorde du Seigneur et que nous demanderons à sa grâce ! Mais s'il y a là un objet digne de nos désirs et de nos prières, il est un autre don plus excellent encore, plus dégagé des infirmités et des imperfections de la terre, plus consolant et plus fortifiant. Je bénis celui qui m'apprend à espérer ; mais je rends grâce avec effusion à celui qui me donne de savoir. Savoir, c'est plus qu'espérer. Savoir, être certain, tenir des preuves qui anéantissent le doute, c'est la grande lumière, versée à flots sur le sentier de la foi !

Je sais que mon Rédempteur est vivant ! L'Israël de l'ancienne alliance ne nous eût-il laissé que cette seule parole, nous n'en dirions pas moins : Voilà le peuple de Dieu ! Où donc, si ce n'est sous le souffle et à l'école de l'Esprit de Dieu, aurait pu naître dans la poésie sacrée une figure telle que celle de Job, immensément malheureux, renié par les siens, banni de la terre des vivants, abandonné, selon les apparences, de Dieu même, succombant dans la lutte désespérée qu'il soutient contre le malheur et la malédiction qui le frappent, mais s'écriant, du sein même de cet effondrement général : Je sais que mon Rédempteur est vivant ! Or, ce savoir, divinement donné, je le retrouve nouveau, purifié, grandi à tous égards dans le disciple de Christ. Je le retrouve dans les croyants de la première heure, sortis de l'épreuve du Vendredi-Saint, proclamant devant le monde la victoire de leur Maître, parcourant la terre, le nom du Ressuscité sur les lèvres, acceptant tout, endurant tout, souffrant tout, laissant leur vie en disant : Je sais que mon Rédempteur est vivant ! Je le retrouve, aujourd'hui encore, chez le plus humble même d'entre ceux qui, en toute vérité, se sont donnés à Christ. Sur la foi de l'Écriture, mais tout autant sur la foi des expériences que le Ressuscité leur a fait faire de sa vie, de sa présence, de sa puissance et de son amour, ils répètent à leur tour cette parole : Je sais que mon Rédempteur est vivant ! Jamais ils ne se contenteraient de nommer la résurrection de leur Sauveur une doctrine de l'Eglise ; il y a ici pour eux plus et mieux qu'une doctrine bien appuyée et qu'ont prêchée les générations chrétiennes qui se sont succédé sur la terre ; il y a ici un savoir qui leur a été donné par Dieu, qui a été nourri dans leur coeur bien plus que dans leur intelligence par ce Sauveur qui les a conduits et qu'ils ont suivi, qui les a tour à tour humiliés et relevés, qui a été tout pour eux tant dans les bons que dans les mauvais jours, qui a entendu leurs cris, adouci leurs afflictions, sanctifié leurs joies.

Essayez de leur dire que leur Maître et Sauveur est demeuré dans le tombeau ; accumulez, si vous le pouvez, les preuves dont se sont emparés le doute et l'incrédulité pour nier la résurrection de Jésus-Christ ; vous ne détruirez pas dans ces âmes, dans lesquelles le Père et le Fils sont venus établir leur demeure, la certitude que leur Rédempteur est vivant. Non, mes frères, s'il est vrai que nous soyons, non pas des chrétiens de nom seulement, mais des chrétiens de fait, l'Évangile de ce jour de Pâques ne planera pas vaguement au-dessus de nous. Il nous appartiendra personnellement. Il sera au-dedans de nous une certitude personnelle. Comme Job, mais sur un ton plus ferme encore que celui de Job, avec une assurance plus grande que la sienne, à la lumière de ce jour nouveau qu'ont ignoré les fidèles d'autrefois, nous confesserons : Je sais que mon Rédempteur est vivant ! Et si, sous l'effet de je ne sais quel nuage qui passe, de quelle douleur qui nous a envahis, de quelle heure de crise morale ou spirituelle, l'assurance du racheté de Christ se trouvait ébranlée dans l'un ou l'autre d'entre nous, ce que je demanderais au Seigneur pour ce frère, cette soeur dont le coeur a cessé de savoir ce qui fait le bonheur et la force du chrétien, c'est que, dans ce jour même, le divin Ressuscité s'approchât de lui, comme jadis il s'est approché de Marie-Madeleine. de Pierre, de Cléopas, de Thomas, de Jacques, des onze, des cinq cents et de Paul, et qu'il se manifestât avec puissance à son disciple. Je sais que mon Rédempteur est vivant: ô Jésus, inscris, de ta main percée pour nous, ce mot sur les tables de nos coeurs ! Fais rayonner sur nos vies cet Évangile-là ! Éclaire par lui ce passé qui voudrait nous accuser, nous condamner, et cet avenir qui nous échappe ou nous trouble ! L'assurance personnelle, individuelle, que tu vis, ô Rédempteur, et que tu vis pour nous, oh ! donne-la à nous tous qui nous réclamons de ton nom !

Vous êtes-vous rendu compte du changement qui s'opère dans la vie du pécheur qui a appris à dire : Je sais que mon Rédempteur est vivant ? Je ne doute pas que vous n'ayez été frappés, en lisant les Écritures, de la transformation accomplie, dans les premiers disciples et sous l'influence du Saint-Esprit, par la résurrection de leur Maître. C'est dans ce fait incontestable pour eux, accepté par eux avec un cri d'allégresse, cru et prêché par leur coeur et par leur bouche, qu'ils puisent, jour après jour, courage, force, assurance et joie nouvelle. Seuls, ignorants selon le monde, pauvres, courant mille dangers, souffrant, pleurant, mis à mort, ils se disent heureux et capables d'en enrichir plusieurs. Leur témoignage est celui d'hommes absolument sûrs de leur affaire. Le monde entier se placerait sur leur chemin pour leur barrer la route, qu'ils déclareraient néanmoins pouvoir passer et qu'ils proclameraient la victoire. Devant les regards de l'un d'eux se déroulent, dans une sublime vision, les siècles à venir. Il voit le Ressuscité achever son oeuvre dans ce monde : la fin viendra quand il aura remis le royaume à Dieu le Père et qu'il aura détruit toute dénomination, toute autorité et toute puissance. Il faut qu'il règne jusqu'à ce qu'il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds. Le dernier ennemi même sera détruit, la mort. Et quand toutes choses lui auront été assujetties, alors aussi le Fils même sera assujetti à Celui qui lui a assujetti toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous. - Voilà pour la foi apostolique, journellement nourrie et fortifiée par ce divin savoir : Mon Rédempteur est vivant ! Je n'insiste pas, je ne dis là que des choses que vous vous êtes dites à vous-mêmes. Mais ce que je tiens à répéter avec plus de détails, parce que les uns et les autres nous avons besoin de ces instructions, c'est que, pour l'homme qui confesse : Je sais que mon Rédempteur est vivant ! la vie n'est plus ce qu'elle est pour l'enfant de ce monde. Toutes choses prennent en Jésus, le Ressuscité, un nouvel aspect. Et ceci concerne l'ensemble de l'Eglise qui se groupe autour de sa sainte personne, aussi bien que tout croyant pris individuellement, quelque humble, quelque oublié, quelque pauvre et misérable qu'il soit.

Qui ne le saurait ? L'horizon de ce monde s'est assombri sur plus d'un point. Nous assistons, en spectateurs attristés, humiliés, à des scènes de violence et d'injustice dont la voix crie de la terre au ciel. Quel sera le dénouement final de ce drame sanglant qu'on a vu se dérouler et qui se déroule toujours dans l'Orient ? Sera-ce cette conflagration générale que notre vieille Europe semble attendre avec angoisse et à laquelle se préparent les puissants qui la dirigent ? Qu'adviendra-t-il de la société contemporaine, minée qu'elle est par tant d'ennemis de sa sécurité et de sa paix ? Qu'en sera-t-il de l'Eglise de Christ, si partagée entre son Maître divin et le prince de ce monde qui l'entraîne, par ses séductions, sur le chemin des rivalités, de l'indifférence religieuse, des compromis et de l'erreur ? Ta vie et la mienne dans lesquelles l'inquiétude et le souci ont leur place marquée et dont le lendemain sera toujours voilé, que nous amèneront-elles ? Ah ! je comprends que l'homme ignorant Jésus-Christ, le Ressuscité, croie que tout va mal et que la ruine est à la porte. Je comprends qu'il y en ait qui soutiennent que tout va finir tristement. Mais ce que je ne comprends pas, c'est que le chrétien soit, à son tour, un pessimiste, lui qui dit : Je sais que mon Rédempteur est virant ! Eh quoi ? tu confesserais cette vérité et tu pourrais admettre l'anéantissement de la justice, de la vérité, de la sainteté et de la miséricorde ici-bas ? Tu pourrais supposer l'Évangile trop faible pour sauver le monde ? Tu pourrais cesser de croire que tu as, dans le ciel, un ami sur lequel tu pourras compter, quoi qu'il arrive ? Christ ressuscité ne meurt plus, et s'il vit, il trouvera moyen, aujourd'hui et demain, de te le prouver par quelque manifestation de sa puissance et de son amour !

Peut-être me rappellerez-vous que le péché est un adversaire redoutable, qu'en nous comme en dehors de nous, il a conservé une bonne part de son effrayant empire et que c'est lui qui vous fait trembler ? J'admets vos craintes, je les partage, je dis comme vous que le péché est une chose terrible, que journellement il nous prive de la gloire qui vient de Dieu et que, si je regarde aux flétrissures dont il couvre mon âme et ma vie, je n'ai plus le courage de lever la tète. Et cependant, moi, homme perdu, je ne désespère pas. Je sais que mon Rédempteur est vivant ! La croix où le Sauveur a laissé sa vie pour expier mes fautes, m'apparaît inondée de la lumière de sa résurrection et je reprends courage. Mon salut est entre de bonnes mains ; elles achèveront - oeuvre de miséricorde et de grâce, - elles achèveront ce qui me concerne.

Vous nommez la mort ! Vous évoquez le souvenir du grand destructeur et de la sombre vallée ! Ah ! qui ne saurait que vous avez raison ? Il y a là la plus cruelle des réalités, le plus impitoyable ennemi de notre bonheur individuel et collectif. Mais, ici encore, ici surtout, je réponds : Je sais que mon Rédempteur est vivant ! Je dis que Pâques est la porte qui s'ouvre pour nous dans les cieux. Je confesse que mourir ce sera vivre. Je vis, vous vivrez aussi : Il l'a dit, lui qui a les paroles de la vie éternelle, lui qui a vaincu la mort même !

Ainsi, mes frères, la vie, à quel point de vue que vous l'envisagiez, cesse d'être pour vous une déchéance, une défaite, un immense malheur. À la main de Jésus, nous montons, nous allons au-devant de jours meilleurs, nous attendons le triomphe de la sainteté et de l'amour divin, nous sommes transportés déjà dans les lieux célestes. Heureux êtes-vous, chrétiens, qui dites : Je sais que mon Rédempteur est vivant ! C'est à vous qu'appartiendront, en Celui qui vous a sauvés, la terre et les cieux nouveaux que Dieu a promis, la Canaan céleste, la patrie ! Amen.


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