Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Voix Chrétiennes dans la Tourmente



LA TRADITION SPIRITUELLE DE LA FRANCE

Pasteur P. VERGARA
17 Novembre 1940

LECTURES BIBLIQUES

Après ces événements, voici ce qui est arrivé. Naboth, de Jizréel, y possédait une vigne voisine du palais d'Achab, roi de Samarie. Achab parla à Naboth et lui dit : « Cède-moi ta vigne, pour que j'en fasse un jardin potager ; car elle est tout près de ma maison. Je te donnerai en échange une vigne meilleure ; ou, si tu le préfères, je t'en paierai la valeur en argent. » Mais Naboth répondit à Achab : « Que l'Éternel me garde de te céder l'héritage de mes pères ! »

Jézabel, sa femme, vint le trouver et lui dit : « Pourquoi as-tu l'esprit chagrin et refuses-tu de manger ? » Il répondit : « J'ai parlé à Naboth, de Jizréel. Je lui ai dit : Cède-moi ta vigne pour de l'argent, ou, si tu le préfères, je te donnerai une autre vigne en échange ; et il m'a répondu : Je ne te céderai pas ma vigne ! »

Alors Jézabel, sa femme, lui dit : « Est-ce bien toi qui exerces sur Israël l'autorité royale ? Lève-toi, mange, sois sans inquiétude Je te la donnerai, moi, la vigne de Naboth, de Jizréel. »

Elle écrivit des lettres au nom d'Achab, les scella du sceau royal, et elle les envoya aux anciens et aux notables qui habitaient avec Naboth, dans la même ville. Voici ce qu'elle disait dans ces lettres : « Publiez un jeûne et faites asseoir Naboth à une place d'honneur ; puis mettez en face de lui deux scélérats qui témoigneront contre lui et qui lui diront : Tu as prononcé des malédictions contre Dieu et le roi ! Ensuite, menez-le hors de la ville, lapidez-le et qu'il meure ! »

Lorsque Jézabel apprit que Naboth avait été lapidé et qu'il était mort, elle dit à Achab : « Lève-toi, prends possession de la vigne que Naboth, de Jizréel, a refusé de te céder pour de l'argent ; car Naboth n'est plus en vie : il est mort. » À la nouvelle de la mort de Naboth, Achab se leva et se rendit à la vigne de Naboth, de Jizréel, afin d'en prendre possession.

Alors la parole de l'Éternel fut adressée à Elie, de Thisbé, en ces mots : « Lève-toi, descends à la rencontre d'Achab, le roi d'Israël, qui réside à Samarie. Le voilà dans la vigne de Naboth, où il est descendu pour en prendre possession. Tu lui diras : Ainsi parle l'Éternel Quoi ! tu as assassiné et maintenant tu prends possession ! Tu ajouteras : Ainsi parle l'Éternel : A cette même place où les chiens ont léché le sang de Naboth, les chiens lécheront aussi ton propre sang. »

Achab s'écria : « Tu m'as donc retrouvé, toi, mon ennemi ? » Elie répondit : « Oui, je t'ai retrouvé, Parce que tu t'es vendu pour faire ce qui est mal aux yeux de l'Éternel. »

I. Rois, CH. XXI, V. 1 A 20.


Naboth, de Jizréel, possédant une vigne voisine du palais d'Achab, roi de Samarie, Achab parla à Naboth et lui dit :
« Cède-moi ta vigne pour que j'en fasse un jardin potager ; car elle est tout près de ma maison.
Je te donnerai en échange une vigne meilleure ; ou, si tu le préfères, je t'en paierai la valeur en argent. »
Mais Naboth répondit à Achab :
« Que l'Éternel me garde de te céder l'héritage de mes pères ! »
I ROIS, CH. XXI, V. 1 A 4.

Nous voudrions ce matin, mes frères, donner une suite et un complément aux réflexions que nous vous avons présentées récemment. Dans l'incertitude où nous sommes actuellement sur le choix du chemin à suivre, nous vous avons conviés à un retour vers les sources premières de la vie chrétienne, telles qu'elles nous apparaissent dans l'Eglise apostolique ; nous vous avons dit qu'un tel retour en arrière était l'une des conditions essentielles d'une marche en avant et d'un relèvement véritable de notre Patrie. Des trésors de nos traditions, celui qui nous vient de l'Évangile est le plus grand, le plus précieux, mais il n'est pas le seul, il en est d'autres qui nous viennent du grand passé de notre peuple ; là aussi nous pouvons compter des valeurs d'un prix inestimable qui nous ont été léguées et que nous devons transmettre et sur lesquelles nous avons, plus particulièrement en ces jours d'extrême péril, le devoir de veiller jalousement, de crainte que le vent de la défaite ne les disperse à tout jamais comme des feuilles mortes.

Tandis que nous sommes sollicités à choisir une route nouvelle et à faire table rase de tout ce qui fut, je désire, pour ma part, plaider en faveur de nos traditions nationales les plus belles et les plus nobles, parce que j'ai la certitude que dans ce domaine également c'est par un retour vers notre passé le meilleur que nous assurerons le mieux notre marche en avant et notre relèvement.

Le grand patriote italien Mazzini, un de ces hommes qui n'appartiennent pas à un pays déterminé, mais à l'humanité tout entière, disait que « ceux-là seuls ont le droit de prononcer le mot sacré de progrès, dont l'âme contient assez d'intelligence et de foi pour comprendre le passé et en révérer la grandeur ». S'il est un passé qui mérite d'être compris et respecté, c'est bien le passé millénaire de notre Patrie.

Nous, partirons, pour vous présenter quelques réflexions sur ce sujet, du beau récit de nos Saints Livres que nous venons de lire et de la ferme réponse que fit l'Israélite Naboth à la convoitise de son souverain. Le roi Achab désirait la vigne de Naboth pour compléter l'ensemble des jardins qu'il était en train de créer autour de son palais. Mais Naboth lui opposa un refus résolu et courageux : « Que l'Éternel me garde de te donner l'héritage de mes pères ! » On ne résiste pas sans danger aux puissants. Naboth y perdit la vie.

Avant d'entrer plus profondément dans l'analyse de cette matière, nous pouvons, en termes généraux, affirmer qu'un semblable refus doit parfois trouver une place, quelque part dans notre vie, et qu'un homme qui n'en voit pas l'inéluctable nécessité, dans certaines occasions, a une vue bien superficielle des choses. On dira sans doute, et non sans raison, qu'une telle attitude est périlleuse pour le progrès, qu'elle a été invoquée dans des cas innombrables pour justifier tous les obscurantismes, toutes les institutions périmées, toutes les Bastilles de l'Histoire ; on dira que toutes les oppressions politiques, sociales, religieuses se sont tour à tour réclamées du caractère sacré de la Tradition pour s'opposer à tout changement libérateur. Les descendants des Huguenots savent ce qu'il en a coûté à leurs pères, pour se libérer de croyances et de pratiques, dites religieuses, que Jésus aurait rejetées comme il avait rejeté, de son temps, la « Tradition des Anciens ». C'est au nom de la sacro-sainte tradition que les savants ont été persécutés, la vérité étouffée, les injustices sociales les plus inhumaines maintenues, jusqu'à la catastrophe inclusivement. « C'est l'héritage de nos pères, Dieu nous garde d'en abandonner la moindre parcelle », disaient les privilégiés de tous ordres. La tradition a un tel passif d'absurdités, d'injustices et de crimes qu'elle est, par définition, devenue suspecte aux hommes libres et généreux.

Mes frères, les prédicateurs qui se sont succédé dans la chaire de cette Église depuis cinquante ans ont assez donné de gages de leur indépendance vis-à-vis de la pesante mainmorte des traditions révolues pour que, exceptionnellement, l'un d'eux attire votre attention sur l'aspect positif de la tradition et sur le respect qui lui est dû, lorsqu'il s'agit de grandes choses qui sont vraies toujours.

Mais revenons au récit. Le roi Achab, et la reine Jézabel son épouse, trouvent, dressé sur leur chemin d'accapareurs sans scrupules, un homme courageux qui leur tient tête et leur oppose, au nom de la tradition la plus respectable, un refus obstiné. Il est des moments et des circonstances dans la vie des individus et des peuples où l'attitude de Naboth est la seule possible, parce que, seule, elle est noble, courageuse et juste. Nous ne prétendons pas soutenir que cette attitude doive être la nôtre aujourd'hui dans tous les domaines, bien loin de là. Nous aurons à mettre le vin nouveau dans dés outres neuves, nous aurons, dans l'ordre civique et social, à créer ce qui n'a encore jamais existé ; dans les vingt-cinq années qui vont venir, la pensée philosophique et religieuse devra aborder des problèmes qui n'ont encore jamais été vraiment abordés, dont on soupçonne à peine qu'ils existent, et dont la solution est urgente si l'on veut faire entrer un peu d'ordre dans le monde et échapper à la fatalité de la guerre. Il y a, par exemple, une morale des rapports des grandes collectivités entre elles qui est à construire de toutes pièces ; nous aurons à accepter bien des changements, nous le savons, et nous y sommes courageusement disposés parce qu'il est devenu évident que l'humanité est dans une impasse où elle périra tout entière si elle ne s'en dégage pas.

À la vérité, je ne redoute guère d'avoir à m'adresser ici à des hommes et à des femmes tellement attachés aux formules du passé qu'aucune réforme vitale ne soit possible avec leur collaboration ; j'aurais plutôt la crainte inverse, la crainte que beaucoup d'esprits ne tiennent pour assuré que tout ce qui est nouveau est nécessairement vrai, et que tout ce qui est ancien est nécessairement périmé ; la crainte, en d'autres termes et pour utiliser les symboliques personnages du récit biblique, que certains ne soient tentés d'abandonner au premier Achab qui se présente, les convictions anciennes les plus nobles, les principes et les idéaux les plus éprouvés et les plus justes par lesquels ils ont vécu moralement et spirituellement dans leur patrie jusqu'à ce jour. Il y a là un immense danger, aux conséquences incalculables ; c'est ainsi qu'un vieux peuple abandonne son droit d'aînesse pour un plat de lentilles et risque de le regretter amèrement par la suite ; car cette triste aventure arrive aux peuples comme aux individus. Et c'est pourquoi il me semble que c'est d'abord, pour chacun de nous, en ce moment, l'heure du repliement, l'heure de l'examen attentif et respectueux de notre héritage national, et ensuite, le choix fait sérieusement, ce doit être aussi l'heure de l'inflexible Naboth qui refuse, quelles que puissent être les conséquences de ce refus, de vendre sa meilleure vigne, celle qui donnait le raisin le plus doux et le vin le plus généreux, parce qu'il ne se sent pas le droit de léguer à ses enfants un patrimoine dévalorisé.

Dans notre récit, Naboth paya de sa vie son refus. Sur l'ordre d'Achab, il fut lapidé jusqu'à ce que mort s'ensuive. Mais la fin de cette histoire est aussi grande que son début. Le supplicié devait trouver un vengeur en la personne du prophète Elie. Écoutez ces lignes épiques :
« Alors la parole de l'Éternel fut adressée à Elie, le Thischbite, en ces mots : Lève-toi, descends au-devant d'Achab, roi d'Israël à Samarie ; le voilà dans la vigne de Naboth, où il est descendu pour en prendre possession. Tu lui diras : Ainsi parle l'Éternel : Au lieu même où les chiens ont léché le sang de Naboth, les chiens lécheront aussi ton propre sang. Achab dit à Elie : M'as-tu trouvé, mon ennemi ? - Et il répondit :
Je t'ai trouvé, parce que tu t'es vendu pour faire ce qui est mal aux yeux de l'Éternel. » - (I. Rois, ch XXI, v. 17 à 20).

Ainsi Elie justifie le respect fidèle et héroïque de Naboth pour une grande tradition.

On a accoutumé de se représenter les prophètes d'Israël comme d'audacieux novateurs, comme des révolutionnaires avant la lettre. Rien n'est moins exact. Les grands prophètes de l'ancien Israël furent, avant tout, les gardiens vigilants d'une haute tradition morale et religieuse. Placés en sentinelles sur la tour et fermes comme des rochers, ils refusaient de céder au courant, aux entraînements d'un jour, à l'opportunisme, et ils sauvèrent ainsi un des éléments les plus précieux du patrimoine de l'humanité. Il était donc naturel que le prophète Elie approuvât le refus de Naboth.

Lorsqu'il s'agit des valeurs permanentes il y a un conservatisme qui est la seule condition du progrès, parce qu'il n'y a que le permanent qui soit capable de changer, de s'adapter et de faire jaillir du nouveau ; tout ce qui se bâtit, se bâtit sur de l'impérissable.
Il n'y a jamais de progrès réel et durable quand les liens avec le passé ont été rompus. Si une génération dans un peuple, à une heure d'affolement ou d'aveuglement, se met à tourner le dos à tout son passé, cette génération ne marque pas, dans l'histoire de ce peuple, une période d'avance, mais de régression.

Du domaine qui nous a été légué par nos pères nous pouvons aliéner ou échanger bien des parcelles, mais il y a quelque part une vigne qui ne doit pas être vendue parce qu'elle fait le fond solide de tout, parce qu'elle valorise tout, parce qu'elle assure la continuité vivante et féconde de tout. C'est pourquoi, aux heures de crise et d'incertitude, il faut des Naboth qui se lèvent et disent avec résolution : l'Éternel me garde de donner l'héritage de mes pères.

La France représente, par son passé une certaine tradition idéale vers laquelle elle a marché, en la trahissant parfois, mais en y revenant sans cesse avec une continuité de dessein et d'aspiration si émouvante, qu'on se prend à penser qu'il s'agit d'une mise à part, d'une vocation marquée par Dieu.
L'idéal national de la France moderne, et, à bien des égards, de la France ancienne, représente le plus grandiose effort qu'aucun peuple ait jamais fait vers un idéal humain et universel, vers la justice aimante, vers la liberté sous toutes ses formes et pour tous, même pour ceux qui voulaient lui arracher la sienne, vers le droit, vers la fraternité.

Ce fut une constante préoccupation de la France à travers les âges, par exemple, de créer en Europe une société juste entre les nations. Elle a persévéré dans cette recherche depuis Henri IV et son « magnifique dessein », jusqu'aux combattants de 1914, en passant par les réfugiés protestants de Hollande, par Pierre Nicole, l'Abbé de Saint-Pierre, Rabaud Saint-Etienne, Saint-Simon, Lamennais, Edgar Quinet et vingt autres qu'il faudrait nommer et où se retrouvent mêlés catholiques, protestants, libres penseurs. Sur tout cela il y a des textes admirables qu'on ignore ou qu'on a oubliés. Il faut les lire. En tous temps des penseurs, des prophètes, des artistes, des hommes d'État, des juristes, sont sortis de notre sol qui voulaient faire cesser l'atroce anthropophagie des guerres de domination et de conquête. La permanence d'une telle foi, à travers les vicissitudes les plus terribles, les sacrifices, le sang versé à flot, représente quelque chose de plus qu'une simple opinion, elle représente une mission historique et divine - le mot n'est pas trop fort - qui plonge ses racines dans le coeur même de la Nation tout entière.

Ce rêve de fraternité est peut-être une folie, mais c'est l'une de ces folies que Dieu a choisies pour confondre la prétendue sagesse du monde.

Aucun pays s'est moins enfermé dans l'égoïsme national que la France, aucun n'a ressenti autant qu'elle comme un coup en pleine figure, les violences faites aux autres, aucun n'a été plus prompt à leur porter secours, aucun n'a versé autant de sang pour sa propre liberté et pour la liberté des autres. Ce n'est pas par romantisme mais par souci de la vérité historique que Michelet fait dire à la France, parlant aux peuples de la terre : « Prenez, buvez, ceci est mon sang. »

C'est parce qu'il connaissait cette épopée de l'esprit et de la foi qu'un grand philosophe étranger écrivait : « Dieu veuille que jamais la France ne vienne à manquer au monde, le monde retomberait dans les ténèbres. » (1).

Je sais bien que certains désapprouvent cette vocation trop idéale de leur patrie ; ils voudraient la voir se mettre, enfin, un peu à l'école du cynisme et du pur intérêt, comme tant d'autres ; ils disent que les faits brutaux viennent s'inscrire contre l'idée et la démentir.

Sans doute, il y avait un risque à courir pour Naboth quand il refusait de renier la tradition de ses pères ; sans doute, dans toutes les grandes missions, il y a la Croix à faire entrer dans les prévisions, et il faut l'avoir réellement portée pour savoir comme elle peut être lourde ; mais si le crucifié ne maudit pas sa croix, s'il ne renie pas l'idéal pour lequel il y fut cloué, il y a aussi la résurrection, il y a l'idée qui ne meurt pas et qui se retourne, un jour, plus forte que jamais contre les faits pour les anéantir ; il y a Elie, le vengeur, qui vient, au nom du Dieu vivant, interdire la prescription.

D'ailleurs, lorsqu'on invoque les faits, il faut les voir tous, dans leur implacable succession. Or, l'examen des faits, de tous les faits, nous permet de dire que la France n'a pas été vaincue pour avoir trop rêvé de chimères, pour avoir trop aimé les grandes choses, mais pour les avoir trahies, en coupant certains fils qui assuraient la continuité avec le passé, en ne sachant plus se discipliner, en laissant libre carrière aux appétits individuels, aux égoïsmes de partis ; la France a été vaincue parce qu'elle a oublié les conditions morales et spirituelles indispensables à la pratique de la liberté, qui est un don magnifique mais infiniment dangereux, si l'on se contente « de l'aimer comme un droit et un plaisir et non comme un devoir et un ordre divin ». Quand une nation s'écroule, ce n'est pas, en général, par manque de règles légales extérieures, ou à cause des défauts de sa constitution, mais par la disparition de l'autonomie morale des citoyens, sans laquelle les meilleures lois ne jouent plus, c'est par l'absence dans les âmes de ces motifs, de ces convictions, de cet idéal, de cette foi, qui permettent à l'homme de se gouverner du dedans. La qualité du patriotisme s'abaisse à mesure que s'abaisse le sens des traditions spirituelles. Un sol n'est victorieusement défendu que si l'on sait ce qu'il représente dans l'ordre de l'invisible.
Mais un égarement passager n'amoindrit pas la valeur d'un idéal séculaire.

Les grandes traditions nationales que nous vous avons invités aujourd'hui à repenser, ne sont pas de celles dont on puisse rougir, et des chrétiens comme nous doivent savoir quelle étroite parenté relie ces traditions à l'Évangile fraternel et libérateur. Ne nous laissons donc décourager ni par les épreuves du dehors, ni par les erreurs du dedans ; restons fidèles au trésor dont nous sommes les dépositaires, comme l'homme du vieil Israël qui ne voulait pas vendre sa vigne à Achab.

Si le meilleur idéal de notre peuple, comme l'idéal chrétien d'ailleurs, rencontre aujourd'hui une brutale opposition dans le monde et marque un temps d'arrêt, c'est une raison de plus pour refuser de l'abandonner ou de le solder à vil prix, c'est une raison de plus pour nous accrocher au moindre arpent de terre que nous pouvons encore tenir.

TENIR. À certaines heures tout le devoir se ramène à cela et suffit à sauver l'honneur. « Tenez ferme, écrit saint Paul enchaîné, aux Éphésiens, ayant ceint vos reins de vérité, revêtu le casque de la Justice et le bouclier de la foi. »
« Tenez ferme, nous dit l'invisible nuée de témoins de ceux qui firent avant nous la Patrie.
« Tenez ferme, au nom de vos souffrances et de vos espérances, qui ont été les nôtres. »
Tenir ferme c'est quelque chose de plus qu'attendre passivement ; c'est un acte viril de l'être intérieur tout entier.

Si tenir ferme est parfois la seule chose qui reste à faire, c'est aussi, dans certaines circonstances, la plus difficile. Il est souvent plus aisé d'agir, de se battre, que d'endurer sans fléchir. Mais quelle récompense vient couronner la fidélité ! Les calamités perdent la moitié de leur terreur, et l'adversaire brise la pointe de son épée contre cette ferme cuirasse. Au XVIe siècle Luther a réellement triomphé, non point quand il affichait ses 95 thèses, ou qu'il faisait retentir l'Europe du bruit de ses attaques contre Rome ; il a triomphé à Worms, quand devant l'Empereur et les Rois et les Évêques, il a tenu ferme en disant simplement, avec la même sobriété que Naboth : « Me voici, je ne puis autrement ; que Dieu me soit en aide. »

Dans les grandes choses, il y a toujours un Dieu qui aide, et le plus faible devient fort quand il saisit sa main.


Table des matières


(1) Stuart-Mill.

 

- haut de page -