TITLE>MARTYRS - ÉPISODE DES PERSÉCUTIONS RELIGIEUSES sous RANAVANOLA 1 ère REINE DE MADAGASCAR

Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



MARTYRS
ÉPISODE DES PERSÉCUTIONS RELIGIEUSES
sous
RANAVANOLA 1 ère REINE DE MADAGASCAR



ACTE II
L'accusation

PERSONNAGES :

LA REINE avec un grand manteau de cour.
L'ESCLAVE, portant le parapluie rouge, insigne de la royauté. LE CONSEILLER,un vieillard affairé.
LES FILLES DE COUR, accompagnant la reine à son entrée et à sa sortie, et chantant, tout en marchant, avec des mouvements rythmés et des claquements de mains.

RAMANANA}

sorciers, plus costumés que précédemment.

RAMAHERY}

La scène peut représenter, au choix, une grande chambre mie, avec un siège élevé pour la reine, dans la cour devant la maison d'Andriampoinimerina, dont on pourrait faire un agrandissement pour le fond, avec une porte laissant passer le cortège royal.
Les femmes peuvent être coiffées des différentes manières malgaches et chargées de bijoux (verroterie). Quand elles vont s'asseoir, elles s'accroupissent, les mains étendues, tombantes, et les coudes sur les genoux.

Préparer une palette de bois mince, avec quelques signes. Elle est employée par le sorcier, qui étudie le destin des hommes.



SCÈNE PREMIÈRE

(La Reine entre, accompagnée de l'esclave au parapluie.
Les Filles de Cour chantent, tout en s'installant, divisées en deux groupes ;
elles chantent tour à tour, comme s'entre-répondant.
Elles répètent leur cantilène plus on moins vite, chantent ensemble la finale, pour recommencer, etc.).

E E E Voici no- tre rei- ne

E E E Notre bonne reine E



SCÈNE II

LE CONSEILLER (entre. Il s'incline profondément)
Vis à jamais, à Reine, vis à jamais ! Si ton serviteur trouve grâce devant toi, il se tiendra debout pour te faire entendre quelques courtes paroles. Tu es la Reine, et je suis ton serviteur.

LA REINE
C'est bien. Parle. Ne scelle point la vérité.

LE CONSEILLER
Depuis quelque temps, Je suis inquiet. Les étrangers aux oreilles rouges ont semé des idées bizarres dans l'esprit du peuple. Hier, un des aides de camp m'a fait savoir que deux hommes avaient à me parler au sujet de la couronne, l'un d'eux étant capable de dire ce qui tic se voit pas, et l'autre de lire dans le firmament. J'étais étonné, et incertain ... Mais la confiance, ô Reine, que tu donnes à ton serviteur m'a fait un devoir d'écouter ces hommes, et leurs révélations m'ont jeté dans un grand trouble. (Il met la main devant sa bouche en poussant l'exclamation : Ma ! ma ! ma ! crescendo.)
C'est si grave pour la sécurité de l'État, que j'ai cru devoir... Mais, si je n'ai point tort, ô Reine, vis à jamais, vieillis autant que le peuple sous le ciel ! (Il s'incline.)
Ne serait-il point à propos que tu entendes leurs déclarations étranges ?

RADAMA Ier en costume d'apparat. 1810-1828.

LA REINE
Qui sont ces hommes, et d'où sont-ils ?

LE CONSEILLER
Ils viennent du canton de la Ruse et sortent du village du Mensonge. Tu les connais l'un et l'autre. Ramanana, qui possède tous les secrets, et Ramahery, l'homme fort, car il garde les dieux.

LA REINE
C'est bien. S'ils disent vrai, qu'ils viennent déposer devant moi, la Reine, celle qui a succédé aux douze grands rois ayant régné sur les douze montagnes.

LE CONSEILLER (déjà inquiet pour lui-même et connaissant la versatilité de ses administrés.)
Mais, ô Reine, ils ont déjà parlé, ; la vérité est sortie de leur bouche, et peut-être que, devant toi, ...

LA REINE (vivement)
C'est bien, va ! (Geste impératif.)

(Le conseiller sort à reculons, en faisant de grandes révérences. La reine s'absorbe dans un court monologue.)



SCÈNE III

LA REINE
Voilà, certes, des choses nouvelles, et, tout au fond, qu'est-ce que cela peut-être ? Qui le sait, ? (Elle hausse les épaules.) Et qui pourrait le savoir ? S'agit-il d'un piège des étrangers ? D'une calomnie contre mes sujets ? D'une atteinte à mon autorité ? (Elle se tourne vers l'esclave au parasol.) As-tu entendu parler de ces choses ?

L'ESCLAVE (prudent)
Oui, maîtresse, mais les conversations et les contes...

LA REINE (à ses filles)
Et vous ?
LES FILLES (sur des tons divers)
On en parle beaucoup.

LA REINE (pensive)
Ah qu'il est difficile de savoir la vérité !... Comme ils sont longs à revenir ... (On entend du bruit.) Ah ! les voici, nous allons connaître le mystère, peut-être.



SCÈNE IV

LE CONSEILLER (grognon et dur)
Allons, entrez !

LES TROIS HOMMES (s'avançant, s'inclinent)
Vis à jamais, ô Reine ! Vieillis avec le peuple de la terre jetée au milieu les torrents. (Après une nouvelle révérence, ils se reculent.)

LE CONSEILLER
Voici, ô Reine, les hommes dont j'ai parlé.

LA REINE (qui veut les éprouver)
Savez-vous pourquoi je vous ai cités devant moi

RAMANANA
Vis à jamais, ô Reine, brille comme le soleil dans les cieux ! Ma main ne s'est pas avancée, mon pied ne s'est pas posé, que, déjà, je suis informé, Le fait de demain m'est révélé aujourd'hui. Ce que sera l'an prochain, je le dirai demain. Vis à jamais, ô reine, je sois ton serviteur. (Se tournant vers le conseiller.) Qu'on aille chercher la palette sacrée ! J'ai besoin de lire les anciens oracles.



SCÈNE V

(Un esclave va chercher la palette et la rapporte avec précaution et solennité. La scène est double dans sa première partie. Tandis que Ramahery parle, Ramanana fait le sikidy (1), que tous deux auront l'air de lire.)

Ramahery
Oui, Ô Reine, vis à jamais, la terre t'appartient. Ce qui n'a pas été nettoyé depuis longtemps, c'est la corne des dieux. Les cheveux les plus longs sont ceux qu'on n'a pas coupés. Quand ton père était là, j'étais déjà vieux. J'ai servi de support à son heureuse chance. Ton mari est venu, j'ai mis de la lumière dans ses ténèbres. Et, maintenant, à ton tour, tu es là, Ô Reine ! Vis à jamais, laisse tes mains se remplir de confiance, fais fuir l'inquiétude de toit coeur. Mes pouvoirs sont immenses. D'un bout de l'île à l'autre, j'entends les boeufs mugir, et Je distingue là-bas, sur la montagne, un moustique mâle d'un moustique femelle.

Ramanana (ayant fini le sikidy, se lève tout illuminé)
C'est clair, les ancêtres ont parlé Si ton serviteur n'a point tort à tes yeux, il parlera.

LA Reine (avec un peu d'impatience)
Eh ! parle donc !

RAMANANA (solennel)
Je lis dans les combinaisons du destin : Premièrement, ce que la Reine désire, c'est la paix du royaume, le bonheur des sujets, la sécurité du gouvernement ; deuxièmement, ce que veut la reine, c'est que le peuple soit aussi nombreux que les sauterelles pressées dans le panier, où elles ne peuvent remuer, troisièmement, ce que la reine désire, c'est l'union de tout le peuple dans une seule pensée de respect des ancêtres et d'unique corvée. N'est-ce pas cela ? (Il se tourne vers Ramahery qui fait semblant de lire avec lui dans le sikidy.)

RAMAHERY
oui, c'est bien cela.

RAMANANA
Aussi, ô Reine voici ce qu'il conviendrait.

RAMAHERY (à Ramanana, à part, et désirant jouer son rôle.)
Ah ! tais-toi, lit va trop vite.

LA REINE (qui n'a rien entendu)
Votre zèle pour les affaires de l'état me touche profondément. Je récompenserai un si grand dévouement.

RAMAHERY
Ce n'est pas cela seulement, ô Reine ! car, depuis le règne de ton glorieux père et celui de ton mari, c'est moi qui ai fait cuire même ce qui ne pouvait aller au feu, qui ai fait bouillir même ce qui n'entrait pas dans la marmite. À plus forte raison, ô Reine ! vis à jamais, ne sois jamais malade, souviens-toi du passé, de ce bon vieux temps où l'étranger n'avait point de place : le lait était doux comme le miel, le riz aussi nourrissant (tue lit viande, l'hiver aussi chaud que l'été, les hommes plus rusés que les bêtes, les noirs plus puissants que les blancs. (S'adressant avec emphase à Ramanana.) Révèle, donc, toi qui lis dans les cieux, qui sais ce qui ne se dit pas, qui devines ce (tue la montagne cache, oui, révèle les destins des temps passés, la force des charmes des, ancêtres, le bonheur des sujets, la majesté des rois ...

LA REINE (à part, emportée par la superstition)
Ils m'effraient, ces gens. Seraient-ils, en effet, les messagers des ancêtres ?

RAMANANA (montrant les charmes à chaque énumération)
Oui, reine et maîtresse de tous ceux qui habitent sous le ciel, dans le bon vieux temps :
Les sauterelles ne dévoraient point le riz : c'est que celui qui les arrête était là.
La foudre ne tuait personne : c'est que celui qui l'arrête était là.
Les hommes n'étaient point malades : c'est que celui qui protège l'ombre était là.
Les récoltes étaient abondantes : c'est que l'oeil du bien était là.
Et combien d'autres. (Il secoue les charmes.) Oui, Ô Reine ! vis à jamais, ne sois pas malade. En ce temps-là, les enfants étaient habiles, les hommes forts et courageux, les grands invincibles, le peuple sans désirs. Les morts dormaient en paix, les coeurs se nourrissaient de résignation, les estomacs étaient satisfaits, les épidémies fuyaient loin. On voyait beaucoup d'enfants, la terre couchait dans le silence, et le gouvernement. ...

LA REINE (à part, mais pour être entendue)
C'est peut-être vrai, ces choses.

BESAKANA
Case Royale dans laquelle Ranavalona 1 ère a été sacrée Reine.
Habitée auparavant par Andrianampoïnimerina.

RAMAHERY
Et maintenant, ô Reine ! pourquoi serais-tu frappée comme le riz par le pilon ? Pourquoi les mouches s'engraisseraient-elles de ta richesse ? Pourquoi y aurait-il mesure comble de douleur ? Pourquoi ne parlerait-on plus que de mort à celle qui doit vivre à jamais ? Est-ce que Je rêve ? Ton trône devrait-il chanceler, se coucher dans la tombe préparée par les étrangers, et toi-même, serais-tu couverte de lèpre ? Ce qui est vrai ne passera pas ici sans y demeurer.

LE CONSEILLER (pressant le mouvement)
Aussi bien, dites donc la vérité, et dites-la tout droit, et sans passer par les petits chemins.

LA REINE
Oui, finissons-en. Soyez sans crainte ; vous êtes mes enfants.

RAMAHERY
Si les paroles prononcées sont considérées, ô maîtresses de la terre jetée au milieu des torrents, il n'y a pas eu de détours, de longueurs ou d'erreurs. Aussi bien le soleil court à la maison et plonge à l'ouest. Maintenant, il faut donc tout dire. Est-ce sage ? Je ne sais. Mais je le dis pourtant, parce que c'est la faute aux « oreilles rouges ». Ils ont apporté ici des chiffons de papier sur lesquels sont des taches de mouches si nombreuses ! Des boeufs trop nombreux dans un parc ! Ces papiers ensorcellent les gens. Un grand nombre de sauterelles se sont laissé prendre. Elles ne savent plus distinguer entre l'épine qui transperce et le riz qui nourrit. Oh ! malheur effroyable ! (Il gesticule.) Nous serons bientôt envahis, submergés par les idées nouvelles. Déjà on en entend parler au marché, dans les rues, dans les cases. Ton palais même, ô Reine ! est infesté. On se montre dans le secret des écritures qu'on appelle « Saintes ». Ils disent : « C'est la Bible, c'est l'Évangile. » Et les gens deviennent prieurs, évangélistes. Et, depuis que la graine étrangère a été semée, il se lève une moisson de malheurs. La famine frappe à la porte, la peste se promène, la fièvre commande. Et que feras-tu donc, ô Reine ! La grêle détruit le riz. L'homme, affamé, maigrit, et les maisons des morts s'appellent des tombeaux. Tes ennemis vont te dévorer.

LA REINE
Y a-t-il, en réalité, des prieurs dans le pays ? Et de quoi, au juste, les accuse-t-on ?

(le conseiller fait un geste affirmatif.)

RAMANANA
Ils se réunissent la nuit, et, même, nous en avons trouvé dans une grotte. Ce sont des esclaves qui prennent la parole et font des enseignements, Les ordres des ancêtres sont rejetés. On ne sert plus Ranavalona, la reine succédant aux douze grands rois, mais un certain Jéhovah et un nommé Jésus. Le premier, c'est probablement le roi des Anglais, et Jésus est son vassal ...

LA REINE
Pourquoi ai-je ignoré tout cela, et pourquoi ne me l'a-t-on pas fait savoir ? (Fâchée.) Conseiller, leur avais-tu laissé la liberté ?

LE CONSEILLER
Vis à jamais, ô Reine ! Ne deviens pas malade ! Ces gens ne se cachent guère, et leur folie est douce. J'ai cru, les blancs t'ayant parlé à toi-même, que tu avais permis leurs charmes. N'as-tu pas aussi fait un édit ?...

LA REINE (fâchée et se tournant vers les sorciers et les conseillers)
Où donc as-tu l'esprit ? De quel édit parles-tu ? Jamais je n'ai voulu tolérer des pratiques contraires à celles des ancêtres. Ce serait ma mort et celle de mon royaume. C'est aujourd'hui que je ferai un édit, et, sous toute l'étendue du ciel, je veux que les prieurs aient la bouche fermée. Le peuple sera réuni ici, au palais, pour entendre la loi. Qu'on s'en souvienne ! J'ai parlé. (Elle s'apprête à sortir et se ravise.) Ce soir, nous invoquerons les ancêtres. C'est un honneur pour vous ... et pour moi un plaisir. . ...

Tous (levant les mains, s'agitant)
E E E. Merci. Vis à jamais. E E.

(La Reine sort, et ses filles d'honneur l'accompagnent en chantant et en battant des mains, comme précédemment. Jusqu'à ce que le groupe soit sorti, on chante. Les voix s'affaiblissent.)

E E E honneur à la Reine E E E E

LE CONSEILLER (sort, tandis qu'on entend encore le chant)
Ça brûle ! La colère de la Reine va éclater.

(Restent les deux sorciers.)



SCÈNE VI

RAMAHERY
Eh ! eh ! Qu'eu dis-tu ? (Il rit.)

RAMANANA (les mains sur les hanches, en se dandinant)
Vendre du mensonge - change les destinées.
Savoir Dire les contes - fait la vérité.
À qui défend les dieux - la ruse est bien permise.

RAMAHERY (élevant son idole et lui parlant)
0 charmes sacrés, puissance des ancêtres, encore une fois votre force s'est montrée. L'Erreur est vaincue. Ce que vous avez été pour les pères, vous l'êtes pour les enfants, vous le serez jusque là-bas. ... jusque là-bas. (Il pointe les lèvres vers un point désignant l'infini, tenant toujours son idole.)

RAMANANA (un peu moqueur)
Oui, tu as raison. Quand ou est heureux, c'est qu'ou est content. Allons dansons un peu.
(Ils dansent sur place, s'agitent, se plaignent. Ils sont en transes.)

RAMAHERY (paroles sans suite, comme dans un délire. Balançant le grand bâton qui l'accompagne toujours.)
Les dieux sont sur moi ... La lutte rouge ... Les blancs ... Poulets Folie ... Andriampoïnimerina ria, Leidama ... (Il tombe et soupire, étendu.)

RAMANANA (qui a suivi la scène en mimant, lui aussi, est hagard. Il lit dans l'espace comme les devins en transes.)

Le destin des hommes inscrit dans le firmament là. à l'est, le soir. Il est écrit sur la montagne, plus haut, à l'horizon. Les ancêtres contents ... Les blancs seront vaincus. (Il s'affaisse.)


Table des matières

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1 Le sikidy est le moyen de connaître et de corriger le destin. Les combinaisons des graines du sikidy forment l'oracle. Le sorcier arrange les combinaisons.

 

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