Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LE SERMON SUR LA MONTAGNE
Transposé dans notre langage et pour notre temps



CHAPITRE II

LA MORALE NOUVELLE
(Matthieu V, 20-48.)

SON CARACTÈRE POSITIF
4. La spontanéité de ses manifestations.

«Vous avez entendu qu'il a été dit aux anciens : Tu ne te parjureras point, mais tu t'acquitteras envers le Seigneur de tes serments. Mais moi je vous dis de ne pas prononcer de serment du tout, ni par le ciel parce que le ciel est le trône de Dieu, ni par la terre parce que la terre est l'escabeau de ses pieds, ni par Jérusalem parce que Jérusalem est la ville du grand roi, Ne jure pas non plus par ta tête, parce que tu ne saurais rendre un seul de tes cheveux blanc ou noir; mais que votre langage soit : Oui, oui; non, non. Ce qu'on y ajoute vient du Malin.»

Il ne s'agit pas ici du serment indispensable au maintien de l'ordre, serment prêté au drapeau ou devant le tribunal - comment Jésus qui n'a point voulu abolir y eût-il porté atteinte? - mais de celui qui sert de sanction dans la vie ordinaire. La casuistique juive établissait une distinction entre les serments plus ou moins sacrés, selon que l'on jurait par Dieu lui-même ou par quelque objet précieux. Jésus commence par proscrire ces distinctions subtiles et ces procédés hypocrites, en déclarant que toutes les choses auxquelles nous en appelons se ramènent en définitive à Dieu, et que, par conséquent, tous les serments lient celui qui les prête. Puis il conclut : Vous, ne jurez nullement; que votre langage soit sobre et véridique.

Si cette recommandation de Jésus n'avait trait qu'au serment lui-même, il serait à peine nécessaire aujourd'hui de la prendre en considération, car autant cet abus était fréquent chez les Juifs, autant il nous est étranger. Mais il suffit de la dépouiller de son vêtement israélite pour constater qu'elle nous concerne aussi. En effet, les Juifs recouraient au serment, soit en affaires, soit dans la vie privée afin de garantir la vérité de leurs assertions, et la sincérité de leurs intentions. C'est à cet effet qu'ils prenaient Dieu à témoin, jetant ainsi comme atout parmi la futilité des choses humaines l'auteur de l'univers. Procédé aussi grotesque qu'insolent! Cependant n'en use-t-on point aujourd'hui encore, sans tomber toutefois dans les exagérations de la mentalité orientale?

Que de gens ne savent rien faire sans protester de leurs bonnes intentions, rien dire sans attester leur véracité! C'est contre cet abus que Jésus s'élève en nous ordonnant de parler simplement et sans détours.

Que nous soyons tenus d'être véridiques, cela n'est pas nouveau. Mais ce devoir est souvent compris d'une manière toute formelle, en sorte que l'apparente vérité n'est en réalité qu'un mensonge. Que de fois notre phrase est construite de manière à donner le change à notre interlocuteur, que de fois elle n'est vraie qu'au prix d'une restriction mentale ! Les vérités compliquées sont toujours intrinsèquement fausses, quelque inattaquable qu'en soit la formule. Ceux « qui ont le coeur pur» ne sauraient énoncer des vérités partielles, équivoques et trompeuses, mais uniquement la franche vérité, expression directe de ce qui est.

Cependant ici aussi, le cas particulier exposé par Jésus n'est qu'un exemple destiné à illustrer un principe général. C'est dans notre vie tout entière que le oui doit être oui, et le non, non. Tout doit y sonner franc, tout doit être la révélation sincère de notre être, l'expression non déguisée de nos sentiments et de nos intentions, l'effet immédiat de notre impulsion intérieure, l'épanouissement naturel de notre vie personnelle. Il faut qu'en tout et partout nous nous affirmions comme «étant de la vérité». Sois toujours ce que tu es dans ton for intérieur et en réalité, fais toujours ce que tu dois, ce que tu dois véritablement : telle est la consigne. Mais, les âmes inertes en sont incapables. La vérité ne peut être pratiquée que par ceux dans lesquels elle a pris vie.

Comment les hommes au coeur droit ne se montreraient-ils pas honnêtes et probes dans leur vie? Ils ont le parler net et l'action résolue. Les situations troubles et les rapports douteux leur sont insupportables. La clarté ne peut manquer de se faire, où qu'ils apparaissent; à plus forte raison ne sauraient-ils laisser les autres dans l'incertitude ni les leurrer par des demi-vérités. Tout procédé captieux, diplomatique, équivoque ou sournois leur est étranger. On peut compter sur eux sans réserve, car chez eux le oui signifie toujours oui, et le non toujours non. Leur abord ouvert, leur regard limpide annoncent d'emblée ce qui confirme leur vie : en eux règnent la vérité et la clarté.

Cette vérité de l'être et de la vie, nettement exprimée, n'est possible qu'en vertu d'une spontanéité complète. Comme le son succède au choc, il faut qu'à l'intuition succède immédiatement la manifestation extérieure, à l'impulsion l'action, à l'impression l'expression, à la révélation intérieure l'expérience féconde. Dès que nous nous laissons arrêter par des arrière-pensées ou des hésitations, par des précautions inquiètes, par la réflexion ou le calcul des conséquences possibles, la vérité se voile et la clarté se trouble. De l'immédiateté de notre vie intime dépend donc la droiture de notre caractère, de celle de nos manifestations dépend la sincérité de notre conduite.

Une vie pareille a nécessairement un caractère de simplicité et de sobriété. Nous devons dire la vérité sans apprêt, sans ambages, sans commentaires comme sans insistance, car dans ce domaine tout ce qui est superflu est mauvais, et tout ce qui n'est pas indispensable est superflu. Lorsque nos allégations procèdent de nos réflexions ou d'intentions particulières, il faut bien pour éviter tout malentendu et pour rester parfaitement honnêtes, expliquer ce que nous avons en vue. Mais quand nous exprimons spontanément et sans aucune arrière-pensée ce que nous éprouvons, cela n'est point nécessaire, car nos paroles donnent l'impression immédiate de la vérité et manifestent directement notre disposition intérieure. Cette expression primesautière de notre sentiment est une révélation élémentaire de notre être qu'il n'est nécessaire d'appuyer ni de garantir par aucun éclaircissement complémentaire. Car, malgré l'insuffisance des termes, elle est cependant l'indication évidente de ce que proclament sans paroles notre attitude, notre regard, nos gestes, notre physionomie.

Analyser et démontrer après coup ce qui s'exprime ainsi en toute simplicité, ce serait agir contrairement à la nature même de notre être originel qui est naïf et sans détour, et dont les manifestations sont aussi sobres, simples et inapparentes que les phénomènes de la vie dans la nature. Y toucher serait enlever au fruit son duvet, à la fleur sa fécondité.

Cela est vrai non seulement de nos paroles, mais de tout le langage de notre vie. La moralité nouvelle est la manifestation immédiate de l'être originel qui vit en nous. Si elle règne en nous, tout s'y passe droitement et se transmet de même. Nous nous donnons pour ce que nous sommes, nous vivons ingénument comme le coeur nous en dit, nous nous présentons nus et désarmés, c'est-à-dire avec la simplicité et la probité absolues qui conviennent à l'être nouveau. Les façons conventionnelles, les circonlocutions compliquées aussi bien que les explications et les atténuations altèrent l'impression nette et claire que doit produire notre personnalité et en compromettent l'effet. Elles en troublent l'intégrité et l'originalité naïve. Un style pur exige une expression sobre.

Il n'est pas possible cependant d'ordonner à tous indistinctement de vivre sans apprêt et de se donner tels qu'ils sont. Ce serait déchaîner leur nature barbare et mettre au jour toute sa laideur et toute sa vulgarité. On ne peut laisser libre cours à la spontanéité personnelle que là où elle est l'épanouissement nécessaire de la vie originelle. Aussi Jésus n'adresse-t-il ces paroles qu'à ceux qu'il a caractérisés dans les béatitudes.

Lorsque toutes les manifestations de notre vie sont vraies, simples et nettes, l'idée de faire usage du serment ne nous aborde même pas. Il devient non seulement inutile, mais inadmissible et inconvenant. Il n'est en effet qu'un expédient nécessaire à la nature misérable qui ne porte en elle-même aucune garantie, et ne possède point la puissance persuasive de la vérité. Les enfants de Dieu sont au-dessus de ces procédés. La noblesse que leur confère leur vérité intime, prête tout naturellement à leurs assertions et à leurs actes une valeur irrécusable qui les soustrait à la honteuse nécessité d'entasser les protestations pour leur donner du prix.

La spontanéité des manifestations vitales propres à la moralité nouvelle a, dans la vie des chercheurs, une autre conséquence encore. La «justice» ancienne ne pouvait se passer du serment, car on ne jurait pas seulement relativement au présent ou au passé, mais encore en vue de l'avenir. On s'engageait d'avance à tenir une conduite déterminée. Ne pouvant se fier sans plus les uns aux autres, on réclamait réciproquement comme garantie de solennelles promesses, et pourvu qu'on les tînt scrupuleusement l'idéal de justice était satisfait.

Il en est encore ainsi de nos jours. L'humanité restée barbare ne peut se passer des garanties que donne le serment. Sans elles il n'y aurait aucune sécurité mutuelle, et la vie commune se disloquerait. Il faut que les fonctionnaires prêtent serment au gouvernement et à la loi, que les ecclésiastiques s'engagent solennellement à rester attachés à leur profession de foi, que les époux se jurent fidélité devant l'état-civil ou à l'autel. Dans leur commerce personnel, les hommes se lient et s'enchaînent réciproquement par leur parole d'honneur. Impossible autrement de confier un secret, d'obtenir une caution, à moins qu'on ne consente à s'abaisser davantage encore en fixant des amendes ou des peines éventuelles.

Tout cela est barbare et sans aucun rapport avec l'ordre de choses nouveau. Aussi Jésus ne dit-il pas : Tenez votre parole d'honneur, mais: Ne la donnez pas du tout. Que votre parole soit : oui, oui; non, non! Ne vous laissez sous aucun prétexte entraîner plus loin; vous êtes trop augustes pour cela. Que les autres se lient réciproquement; vous, restez librement fidèles l'un à l'autre. C'est dans la liberté que réside votre honneur. Votre caution, c'est votre être même. Toute autre garantie serait mensongère, car elle passerait les limites de votre pouvoir. L'avenir n'est pas entre nos mains, nous n'avons donc pas le droit de l'engager. Il appartient à Dieu, comment en disposerions-nous? Nous pouvons déclarer notre intention d'agir de telle ou telle manière, mais non certifier que nous le ferons quoi qu'il arrive. Dans le premier cas, nous manifestons notre disposition actuelle, dans le second, nous arrêtons d'avance la conduite à suivre. C'est ce que nous ne pouvons ni ne devons à aucun prix. Car notre attitude future pourra et devra être modifiée par les circonstances, puisque notre jugement est le plus souvent, en face du fait concret, tout différent de ce qu'il est dans la simple prévision du cas donné; et il est possible, par conséquent, que nous nous trouvions alors à son égard dans un tout autre rapport que nous ne le serions aujourd'hui.


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