Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LE SERMON SUR LA MONTAGNE
Transposé dans notre langage et pour notre temps



CHAPITRE II

LA MORALE NOUVELLE
(Matthieu V, 20-48.)

SON CARACTÈRE POSITIF
3. Sa rigueur inflexible.

« Il a été dit aussi : Quiconque répudiera sa femme, lui donnera une lettre de divorce. Mais moi je vous dis : Quiconque répudie sa femme, fait d'elle une adultère, et quiconque épouse une femme répudiée commet un adultère. »

Ce passage fait ressortir très vivement l'opposition établie par Jésus entre la morale des satisfaits, qui consiste à rester dans les limites du devoir et de l'honnêteté, et la morale des chercheurs, qui est la manifestation irrésistible de l'être originel en eux. Les premiers sont moralement obligés de régulariser le divorce devenu nécessaire. Pour les seconds, le divorce est une impossibilité; car quelle que soit la faute commise par l'un des deux époux, divorcer serait à leurs yeux violer la loi conjugale. En ajoutant par la suite à la déclaration de Jésus cette clause : «Si ce n'est pour cause d'inconduite », on en a tué le nerf. Car cet enseignement concernant le mariage a précisément pour but de nous montrer que les exigences de l'être nouveau sont catégoriques et ne souffrent ni exceptions, ni réserves. C'est qu'on n'a pas compris qu'ici, comme dans tout le Sermon sur la montagne, Jésus s'adresse spécialement aux élus, c'est-à-dire à ceux qui sont la lumière du monde. On a vu en Jésus le fondateur d'une religion mondiale, on en a conclu qu'il a voulu promulguer une loi morale parfaite et universelle, en opposition à la loi mosaïque imparfaite et insuffisante : dès lors, il fallait falsifier ses paroles afin de pouvoir interdire à tous le divorce, - sauf toutefois en cas d'adultère.

On ne s'est pas rendu compte qu'en prohibant le divorce d'une manière générale, Jésus eût annulé sa propre déclaration : « je ne suis pas venu abolir, mais accomplir ». En effet, il eût aboli une disposition bienfaisante qui, dans l'état actuel des hommes et des circonstances, est non seulement indispensable, mais souverainement morale et pédagogique. Car, cela n'est pas douteux, si ce «je vous dis » s'adresse à tous et non seulement à ceux que visent les béatitudes, Jésus proscrit absolument le divorce. Mais s'il donne ici une instruction spéciale à ceux qui cherchent le royaume de Dieu, il ne le supprime pas plus qu'il n'abolit les lois pénales en recommandant à ses disciples de n'en point faire usage et de supporter le mal sans résistance. Mais alors, pourquoi l'Église a-t-elle interdit le divorce, au nom de Jésus, tandis qu'elle permettait de faire poursuivre et punir l'escroquerie et la diffamation?

Au surplus, Jésus a expressément justifié le divorce dans une autre occasion. Comme il s'entretenait un jour avec les pharisiens de l'indissolubilité du mariage, ceux-ci lui demandèrent: «Pourquoi Moïse a-t-il commandé de donner à la femme un acte de divorce et de la répudier? » Notons que chez les Juifs, ce n'était jamais l'adultère qui déterminait le divorce, puisque dans ce cas la loi ordonnait la lapidation du coupable, mais d'autres raisons souvent insignifiantes, Jésus leur répondit : « C'est à cause de la dureté de votre coeur que Moïse vous a permis de répudier vos épouses, mais au commencement il n'en fut pas ainsi. » Là donc où les coeurs sont engourdis, pour la masse inerte que n'a point encore gagnée le mouvement de la vie, le divorce est inévitable, et une loi qui le justifie, indispensable. C'est une mesure éducative, un expédient nécessaire dans l'état chaotique de l'humanité. Mais la destination originelle du mariage, c'est l'union indissoluble de deux êtres. Le divorce devient donc impossible là où s'épanouit la vie nouvelle.

Dans les circonstances et parmi les hommes de notre temps, un grand nombre de mariages sont dès le début, et dans leur essence même, mensongers, intolérables et immoraux. Lorsque cet état de choses devient évident, il y a de la fausseté et de la bassesse à persévérer dans une vie conjugale qui tue peu à peu tous les sentiments délicats et transforme une source de vie en une source de tourments indicibles et d'irréparables désastres pour plusieurs générations. En cas pareil, le divorce est un devoir de vérité et une obligation morale, aussi bien qu'une mesure de légitime défense. Car une union semblable n'est plus un mariage, mais l'accouplement contre nature de deux êtres mal assortis, une prostitution obligatoire. Interdire la cessation d'une telle monstruosité, d'une pareille coercition de l'être intime, jusqu'à ce que l'un des époux se soit rendu coupable de relations sexuelles extra-conjugales, c'est une scélératesse diabolique dont la hideur peut à peine être augmentée par le fait qu'elle se commet au nom de Jésus.

Mais pour les chercheurs qui poursuivent avec pureté de coeur la vérité de l'être humain, qui, débordant de miséricorde, créent l'harmonie par leur seule présence, le mariage est indissoluble, car la vie nouvelle se manifeste là comme en toutes choses. Ils l'envisagent d'emblée comme celle de toutes les relations de la vie dont ils attendent la plus haute révélation de la vérité et de la grandeur de la nature humaine, comme celle où le paradis peut se faire réalité, comme le terrain favorable entre tous au progrès de l'évolution véritable. Chez ces époux, le vrai caractère du mariage apparaît nécessairement et se développe aussi longtemps qu'ils restent des chercheurs sincères. De cette union du mari et de la femme, résulte une unité d'existence pleinement humaine qui, par l'effet de la vie commune, croît de jour en jour en profondeur et en étendue, et déploie peu à peu toute sa splendeur. Alors l'indissolubilité n'est plus un devoir, mais une nécessité de nature. Comment une union semblable pourrait-elle être rompue? Supposons que, par impossible, l'un des époux trébuche et tombe, l'autre ne pourra que l'aider à se relever et le soutenir d'autant plus fortement. La clause intercalée tardivement dans le texte du Sermon sur la montagne témoigne donc d'une incroyable incompréhension de la nature même du mariage.

Mais que dire de deux époux dont l'un cherche avec persévérance le royaume de Dieu, tandis que l'autre reste stationnaire? Peut-être l'un des deux ne s'est-il réveillé qu'après s'être lié; peut-être leur communauté de sentiments n'était-elle qu'apparente. Quoi qu'il en soit, la réponse est très simple. Saint Paul l'a donnée déjà : « Si un frère a une femme incrédule et qu'elle consente à rester avec lui, qu'il ne se sépare pas d'elle.... Mais si l'incrédule veut se séparer, qu'il se sépare. Dans ce cas, le frère ou la soeur ne sont pas liés. » Tout dépendra donc pour eux de savoir jusqu'à quel point la vie conjugale conserve malgré tout son caractère originel, c'est-à-dire demeure une union intérieure.

Au reste, ce n'est point du divorce qu'il s'agit en réalité dans ce passage, mais bien de la morale nouvelle dont l'indissolubilité du mariage doit illustrer la rigueur illimitée, absolue et inexorable comme celle des lois de la nature. La moralité des satisfaits n'a point ce caractère. Les principes qui la déterminent doivent, pour s'appliquer à tous, tenir compte des hommes tels qu'ils sont : attachés aux biens qui ont du prix parmi eux, esclaves de leur nature faussée et de leurs instincts dénaturés, limités quant à leur vouloir et surtout quant à leur pouvoir. Aussi ne saurait-on leur imposer des obligations exagérées, mais faut-il mesurer au contraire ces obligations à l'état de ceux qu'elles doivent discipliner, au niveau de la nature inférieure dont notre «culture supérieure » elle-même n'a point encore triomphé. En leur en demandant trop, on ne ferait que les pousser à la révolte et manquer le but auquel tendent ces mesures protectrices de la morale.

Voilà pourquoi, parmi les hommes ordinaires, non seulement le divorce est permis, mais le droit de propriété demeure souverain, la rétribution du mal est autorisée, l'ambition et la lutte pour l'existence peuvent se donner carrière, et les intérêts familiaux égoïstes revêtir une importance prépondérante. C'est pourquoi aussi les lois morales y consistent surtout en défenses, et les commandements n'y représentent qu'un idéal non obligatoire. Il faut se contenter de voir l'individu éviter les désordres, on ne peut exiger de lui des sentiments et des actes opposés à sa nature. On se borne donc à empêcher les transgressions les plus flagrantes. On excuse, par exemple, l'irritation intérieure, et l'on se contente d'exiger qu'un homme ne se mette point en colère sans cause contre son frère.

C'est que, parmi les immobilistes, tout a ses limites; l'exagération de la vertu peut devenir un vice, l'observation scrupuleuse des commandements, une offense envers le prochain. Il faut équilibrer et accommoder, tenir compte des circonstances et ne rien pousser à l'extrême. Nécessité n'a pas de loi, et la justice ne doit point aboutir à fin contraire. Les préceptes de la morale ne peuvent prévoir et trancher des éventualités infiniment variées. S'il est des exceptions qui confirment la règle, d'autres l'annulent. Il s'agit donc de se tirer d'affaire le mieux possible. L'imperfection et l'insuffisance des lois morales laissent dans le vague une foule de cas où il est loisible d'agir d'une façon ou d'une autre : il est permis, par exemple, de divorcer ou de rester unis, d'ignorer le tort subi ou d'en exiger le châtiment.

L'art du possible préside à la discipline morale de l'être encore barbare. Mais c'est la loi de la nécessité intérieure qui régit sans réserve et sans conteste la moralité de l'être nouveau. Les impulsions et les exigences qui le sollicitent, les obligations et les devoirs qui se révèlent à lui, sont d'une précision inéluctable et doivent se réaliser à tout prix. S'il ne nous est point permis de copier une attitude, ni de nous contraindre à telle ou telle conduite, nous n'avons pas davantage le droit de refouler ni d'entraver sous n'importe quel prétexte les impérieuses manifestations de la vérité qui grandit en nous, de dévier de notre ligne de conduite, ni de nous soustraire en quoi que ce soit aux obligations de la vraie noblesse, celle des enfants de Dieu.

Peu importe quelles en seront les conséquences, ce n'est pas notre affaire. Quiconque objecte que cela est impraticable, prouve qu'il n'a point encore ressenti les impulsions puissantes de la vie nouvelle. Rien ne doit empêcher l'élan créateur de se transformer en action féconde. Les coeurs partagés ne sauraient s'emparer du royaume des cieux. La vérité qui veut se réaliser n'admet pas de marché. Il n'y a pas d'accomplissement approximatif : ce qui doit être exécuté, doit l'être intégralement, sans compromis, sous une poussée impulsive et irrésistible, bref, dans sa perfection.

Cette loi ne connaît ni exceptions, ni dispenses. Il s'agit de rester fidèle, dans les grandes choses comme dans les petites, et dût-il nous en coûter la vie, au moi véritable qui s'affirme en souverain. Ici, pas de champ libre, rien qu'une ligne droite. S'en écarter, c'est s'égarer; hésiter, c'est manquer le chemin. Rien n'est indifférent, car tout est déterminé pour chaque individu par une nécessité intérieure. Diverses éventualités peuvent surgir pour des personnalités diverses, mais il n'y en a qu'une pour chacun, celle qui s'impose à lui. Pas d'atténuation, pas de détours possibles. La vie originelle est rigoureuse comme la nature, car elle est notre véritable nature.

L'honnêteté des satisfaits est essentiellement faite de compromis, soit entre des inclinations barbares et des principes destinés à les dompter, soit entre des opinions individuelles et des usages reçus, soit entre l'instinct personnel de conservation et les égards dus à autrui. Les différents intérêts, les points de vue divers, les devoirs à prendre en considération se contredisent et se croisent. Force nous est de biaiser pour tomber juste. Cela donne à la conduite quelque chose de double et de compliqué.

La morale nouvelle, au contraire, est d'un style pur et sévère, simple et harmonieux dans ses proportions comme dans son expression. Dans la mesure où elle s'érige en nous, notre attitude et notre conduite lui deviennent conformes et l'accord intérieur règne dans notre personne et dans notre vie. il ne suffit pas cependant que le nouvel être surgisse pour que l'être ancien disparaisse. Détrôné du centre de notre vie consciente, il continue à faire valoir ses droits et nous incite à des accommodements auxquels il s'agit d'opposer une résistance inflexible. Lui céder, si peu que ce soit, ce serait entraver la manifestation pure, claire et puissante de la vie nouvelle. Nous avons reconnu à maintes reprises que les choses nouvelles doivent se produire naturellement, mais nous n'avons pas moins souvent constaté que, pour que leur progrès ne soit pas entravé, il faut que l'homme s'y consacre tout entier. Il s'agit d'opposer une résistance opiniâtre à toutes les séductions qui surgissent en nous ou qui nous viennent du dehors. Sinon jamais le caractère propre de l'être nouveau n'apparaîtra purement et puissamment dans notre conduite.

Nous ne pouvons servir Dieu et Mammon, donner à Dieu la place qui lui revient et chercher notre propre gloire, vivre comme les membres d'un tout et poursuivre notre avantage, la fortune ou une vie commode. Nous n'éprouverons jamais d'émotions pures, si nous tolérons les excitations malsaines. Nous ne saurions être vrais, si des arrière-pensées et des intentions accessoires viennent entraver notre spontanéité, ni rester fidèles au caractère de notre être originel si nous demeurons dans la dépendance de choses qui lui sont étrangères. Pas de concessions aux habitudes et aux opinions reçues, à la mode et aux conventions, aux usages et aux principes traditionnels : les impulsions de la véritable nature humaine qui germe en nous, doivent seules déterminer notre conduite. Fallût-il pour cela battre en brèche toutes les idées courantes et produire l'effet le Plus déplorable, obéissons sans sourciller aux injonctions de la voix intérieure. Conformons-nous en toute occasion aux indications divines, dussent-elles nous imposer l'extraordinaire. Peut-être au point de vue mondain nous rendrons-nous inadmissibles; qu'importe, pourvu que nous restions admissibles à la vie originelle!

Les égards dus à nos semblables ne sauraient nous arrêter davantage. Il se peut que notre conduite les froisse, les offense, leur fasse même du tort dans tel ou tel cas; que ce ne soit, du moins jamais intentionnellement! Impossible, par exemple, d'éviter toujours les malentendus et leurs funestes conséquences; il faudrait pour cela cesser d'être autres, de vivre autrement qu'eux. Les exigences de l'être nouveau sont inexorables et doivent être obéies sans réserve.
Toute considération étrangère retarde son épanouissement. La vérité est brutale comme la nature; si donc elle veut se manifester dans notre conduite, que tout ce qui lui fait obstacle vole en éclats.

Il y a cependant des conflits de devoirs, objectera-t-on peut-être. Oui bien, dans l'économie morale de l'être barbare, mais pas dans la vie de l'être nouveau. Toutes les contradictions y sont virtuellement supprimées et notre sens intime donne spontanément et simplement aux problèmes les plus ardus la seule solution naturelle et possible, parce qu'il les saisit dans leur profondeur et les vit en quelque sorte. Le vivant instinct de la solidarité humaine, par exemple, uni à celui de la personnalité triomphent de prime abord de l'opposition entre l'égoïsme et l'altruisme : dès lors tous les problèmes qui surgissent sur ce terrain, se résolvent d'eux-mêmes et sans le secours de la réflexion. Précisément parce qu'on ressent profondément les égards dus au prochain, on peut agir sans égards pour lui.

Mais surtout la morale nouvelle ne saurait nous autoriser à nous conformer occasionnellement aux principes de la morale usuelle, à faire abstraction de nos impulsions et de notre sentiment personnel, lorsque cela nous est plus commode ou plus avantageux. La force d'inertie subsiste toujours en nous. Ne nous y abandonnons pas. Notre nouvelle nature alliée à des éléments étrangers, recevrait l'empreinte de la nature barbare. La rigueur inflexible de la morale nouvelle exige que tous les phénomènes de la vie découlent constamment des sources mêmes de l'être originel. « Ce qui ne procède pas de la foi est un péché.» Tant que les manifestations de la vie nouvelle en nous ne sont que les échos intermittents d'une harmonie supérieure, aussitôt étouffés par une cacophonie sauvage, la divine mélodie de la vérité ne résonnera point dans notre existence.


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