Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LE SERMON SUR LA MONTAGNE
Transposé dans notre langage et pour notre temps



CHAPITRE II

LA MORALE NOUVELLE
(Matthieu V, 20-48.)

SON CARACTÈRE POSITIF
5. Elle témoigne de la souveraineté de l'être nouveau.

« Vous avez appris qu'il a été dit : Oeil pour oeil, dent pour dent. Mais moi je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu'un te frappe sur la joue droite, présente-lui encore la joue gauche; et si quelqu'un veut t'appeler en justice pour t'enlever ta tunique, cède-lui encore ton manteau; et si quelqu'un veut te contraindre à faire mille pas avec. lui, fais-en deux mille. Donne à celui qui te demande et ne te détourne pas de celui qui veut te faire un emprunt. »

Dans l'état actuel de l'humanité, le principe de la rétribution est indispensable au maintien de l'ordre. Dans le domaine du bien, comme dans celui du mal, tout repose sur la réciprocité. « Oeil pour oeil, dent pour dent », cette sentence en formule les droits. « Tu aimeras ton ami, et tu haïras ton ennemi», celle-ci en établit les devoirs. Mais l'ordre de choses nouveau ignore les représailles. II remplace cette déclaration : Tel tu seras pour moi, tel je serai pour toi, par cette autre : Ce que je suis, je le serai pour toi, en toute occasion, et comme que tu puisses d'ailleurs te conduire à mon égard.

Aussi Jésus dit-il aux siens, sans s'attaquer toutefois à la loi de la réciprocité et à ses effets salutaires parmi l'humanité barbare : Vous, ne résistez pas à l'injustice, mais subissez-la paisiblement et l'emportez sur elle par votre bon vouloir. C'est bien là, en effet, ce qu'il nous prescrit : offrir à l'offenseur l'occasion de nous donner un second soufflet, aller au devant et au delà des exigences de celui qui fait valoir injustement des droits sur nos biens, satisfaire doublement à des prétentions insolentes.

L'injustice doit donc pouvoir se donner carrière non seulement impunément, mais encore indéfiniment. Il faut que son effort s'épuise en présence de notre attitude tout opposée et que ses intentions mauvaises viennent échouer contre notre généreuse prévenance. C'est là une endurance qui ne se contente pas de tout subir sans résistance, mais qui s'efforce de donner satisfaction aux convoitises de l'adversaire. Il ne nous suffira point de nous abstenir de toutes représailles. Il faut que notre nature transformée oppose ses instincts nouveaux et ses manifestations spontanées aux caprices et à la perversité de la vieille nature qui s'acharne sur nous. Nous avons à réagir, et même énergiquement, mais conformément à notre caractère propre.

Nous n'en serons capables que lorsque l'être originel régnera dans notre vie, car cette attitude ne se commande pas, - même aux chercheurs. Elle n'est possible qu'à condition d'être spontanée; elle n'est authentique que si elle procède d'une nécessité interne. Pour se manifester involontairement, comme l'entend Jésus, il faut qu'elle soit devenue pour nous une seconde nature. Si elle n'est pas l'expression de la supériorité de l'être originel et de son caractère particulier, elle n'est que contrefaçon, affectation lamentable, mensonge enfin.

Gardons-nous donc de nous méprendre sur les intentions de Jésus. Il n'a pas voulu former des hypocrites, mais créer des êtres de vérité. Nous sommes hypocrites, strictement parlant, quand nous accomplissons un acte étranger à notre nature et qui nous oblige à la dompter préalablement. La morale ancienne consiste en victoires remportées sur notre moi; la morale nouvelle est l'épanouissement de notre moi, reposant sur une rédemption et une renaissance de sa vie originelle. Les paroles de Jésus sont des indications qui nous découvrent les lois fondamentales de la vie nouvelle. Ce n'est pas en les considérant comme des obligations qui nous seraient imposées, et en multipliant pour y satisfaire les efforts de notre impuissance, que nous les verrons prendre vie en nous, mais uniquement en veillant à la croissance de notre être originel et en permettant à ses impulsions de se réaliser librement dans notre vie.

Mais ce ne serait point favoriser le développement de la vérité dans notre âme, que de vivre hardiment selon les instincts de notre vieille nature, de peur de feindre ce qui n'existe pas en nous. Si nous nous sommes engages sincèrement dans la voie de la vie, notre conduite sera déterminée par le but auquel nous tendons et elle se rapprochera tout naturellement de la manière d'être propre aux enfants de Dieu. Celui qui cherche réellement et avant tout la terre nouvelle, lorsqu'il sera exposé aux attaques de la malveillance, éprouvera d'autres impressions et agira d'autre sorte qu'un homme ordinaire. De ses seules aspirations résultera nécessairement une orientation de sa conduite conforme aux indications de Jésus, et favorable aux progrès de l'être originel parce qu'elle lui est appropriée.

Toutefois la façon d'agir qui résulte de la plénitude et de la puissance de la vie nouvelle en nous est tout autre chose encore. C'est une réaction élémentaire de notre être originel en face du tort qui nous est fait. Ce n'est pas une résistance héroïque à l'attrait de la vengeance, mais un contre-coup instantané et involontaire, d'une tout autre nature, il est vrai. Car il procède du oui et jamais du non. L'être nouveau en effet, chaque fois qu'il est sollicité d'agir, le fait affirmativement, c'est-à-dire d'une façon salutaire et de manière à concourir toujours au bien des autres et au sien propre. Aussi ne saurait-il recourir à des mesures de défense ou à des représailles, mais se borne-t-il à réagir personnellement. En butte aux attaques malveillantes de ceux de l'ordre ancien, il se donne simplement et absolument tel qu'il est. Peu importent donc les agissements de nos adversaires : qu'ils demandent ou empruntent, qu'ils nous fassent violence ou nous extorquent légalement notre bien, cela ne modifiera aucunement notre manière d'agir. Les procédés injustes, aussi bien que les procédés honnêtes, ne pourront que mettre en lumière le nouveau mode de vie qui nous est propre.

Toutes les injustices qui nous atteignent ne sont que les manifestations du mal intérieur dont souffre notre adversaire, la suppuration de ses plaies cachées. Aussi la seule réaction qu'elles puissent provoquer chez l'être véritablement humain, la seule revanche à laquelle elles l'incitent inévitablement, c'est le secours et la rédemption. Or ce qui le rend capable de les dispenser, c'est le déploiement spontané de la vie nouvelle qui l'anime. Mais pour que cette vie exerce une influence positive et pénètre au-dessous de l'irritation superficielle de l'offenseur jusqu'au tréfonds de son être intime, il faut que ses appétits coupables aient d'abord été complètement assouvis. Qu'il leur donne donc libre cours et que ses exigences nous trouvent prêts à des concessions illimitées 1 Ce sera le moyen de calmer sa fièvre et de le faire entrer en contact avec la vie nouvelle.

La véritable nature humaine et la nature dégénérée se côtoient; rien ne dérobe l'une à l'action directe de l'autre. Rien n'empêche le bien portant de communiquer au malade l'impression immédiate de la santé et d'exercer sur lui son influence salutaire. Lui apporteront-elles la guérison? C'est une autre question. Cela dépendra dans une certaine mesure de la puissance de la vie nouvelle en nous. Si elle ne se déploie pas naturellement, nos intentions et nos efforts n'en sauraient tenir lieu. Au reste, ce qui nous est demandé, c'est simplement de manifester nettement et intégralement ce que nous sommes et non point de nous conformer extérieurement à l'exemple donné par Jésus dans des cas analogues. Une disposition intérieure semblable à la sienne s'exprimera peut-être tout différemment à l'occasion. Car bien que notre conduite doive toujours procéder de l'être' originel qui vit en nous, la forme et les apparences qu'elle revêt ne sont pas déterminées par lui seulement, mais par l'état de choses dans lequel il doit s'actualiser.

Or les choses ne sont pas aussi simples de nos jours qu'elles l'étaient au temps de Jésus. Aujourd'hui comme alors, notre empressement à secourir notre prochain doit être sans limite. Toutefois, nous ne donnerons pas indistinctement à quiconque demande et nous ne prêterons pas à tous ceux qui sollicitent un emprunt. Car nous ne ferions qu'aggraver ainsi le fléau de l'arbitraire, au lieu de contribuer à l'élaboration de l'humanité nouvelle. Notre générosité ne connaîtra pas plus de bornes que celle que Jésus décrit ici, mais elle sera tenue en bride par une fidélité scrupuleuse veillant à l'emploi judicieux des biens qui nous sont confiés, et déterminée par la loi nouvelle selon laquelle celui-là seul est notre prochain qui se trouve remis à nos soins d'une façon spéciale à ce moment précis.

Jésus entendait sans aucun doute recommander aux siens une libéralité, une obligeance inépuisables et sans arrière-pensée. Mais il était moins nécessaire alors qu'aujourd'hui d'en indiquer les postulats raisonnables. Il est peu probable qu'un riche bourgeois de Jérusalem reçût des lettres de mendicité de gens entièrement inconnus, habitant toutes les localités possibles de la Palestine. Par la force des circonstances, l'indigent s'adressait tout naturellement aux parents et aux voisins qui le connaissaient et qui étaient au courant de sa situation. Sa requête avait ainsi pour point de départ une relation personnelle qui en garantissait la dignité, et l'on ne courait guère le danger de nuire plutôt que d'obliger en donnant ou en prêtant sans discernement. Il n'en va plus de même aujourd'hui. Les demandes de secours se multipliant sans aucun contrôle, le fait qu'assistés et donateurs restent étrangers les uns aux autres, la complication extraordinaire de nos conditions d'existence, nous obligent à examiner avec le plus grand soin toutes les sollicitations qui nous sont adressées. Il va de soi que si nous sommes animés de l'esprit des béatitudes, nous ne nous en tiendrons pas moins à la disposition absolue de tous les nécessiteux, comme Jésus nous le donne à entendre ici. Il ne faut point que la sagesse qui tient compte des circonstances diminue en rien notre empressement à servir notre prochain. Autrement nous tombons dans l'hypocrisie. Nous nous trompons nous-mêmes en usant d'une prudence que nous inspire l'amour de l'argent plutôt que la charité et le désir de bien faire.

Ce qui importe, c'est que la disposition intérieure propre à la morale nouvelle revête dans chaque circonstance spéciale la forme particulière qui, tout en révélant intégralement l'être originel, s'adapte cependant en toute liberté à la situation donnée. Cette nécessité intérieure qui régit toute l'activité des hommes nouveaux et se fait sentir à eux spontanément, découle du contact immédiat et vivant avec le problème spécial qu'il s'agit de résoudre et opère toujours, par conséquent, d'une manière originale et appropriée au cas particulier.

Le généreux bon vouloir, la prévenance illimitée que la morale nouvelle oppose à toutes les animosités comme à toutes les importunités affirment, en somme, la suprématie intérieure de l'être nouveau. Il est aussi supérieur à l'ordre ancien que la vérité l'est au mensonge, la force à la faiblesse, la vie à l'inertie, la liberté à la contrainte, l'intuition au raisonnement, la nécessité de nature à l'arbitraire, et l'harmonie au chaos. Aussi tous les assauts de la nature humaine dégénérée ne sauraient-ils l'ébranler ni l'affaiblir; le mal n'éveille en lui aucun écho, mais ne fait qu'évoquer les puissances du bien. Il demeure intangible : rien n'a de prise sur les hommes de vérité, car toute provocation met en évidence la souveraineté de leur vie nouvelle et l'inanité des menées de la malveillance.

Précisément parce qu'elle n'est pas l'effet d'une résolution préméditée, mais une vivante réalité se manifestant involontairement dans la mesure où l'être originel s'épanouit, la morale nouvelle témoigne d'une souveraineté intérieure absolue, non seulement lorsqu'elle se trouve aux prises avec l'injustice, mais d'une manière générale et dans tous les domaines.

C'est leur souveraineté intérieure qui permet aux hommes nouveaux de résoudre les conflits personnels les Plus douloureux, parce qu'elle leur communique la franche impartialité qui conduit à une entente apaisante et libératrice. C'est la souveraineté de leur nature nouvelle qui confère à ses lois innées une telle autorité qu'ils peuvent se passer de tout frein et de toute sanction, parce que ses sommations intérieures suffisent à les guider et à les maintenir. C'est sur la souveraineté de la vie originelle que se fonde la rigueur inflexible de ses exigences. C'est la souveraineté de la vérité qui permet à ceux qu'elle anime de vivre directement de leurs intuitions immédiates; car sa puissance triomphe de tous les obstacles, comme de tous les malentendus qui pourraient résulter de leur façon d'agir sincère et catégorique.

Sur la souveraineté de l'être nouveau en face de toutes les obligations de la vie reposent l'originalité, la force victorieuse, la certitude instinctive, la spontanéité et la fraîcheur de sa vie morale, qui font de lui une manifestation du royaume des cieux.


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