Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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PROMENADES À TRAVERS LE PARIS DES MARTYRS
1523 - 1559



CHAPITRE IX

Au bout du Pont Saint-Michel
(Place St-Michel).

L'ancienne place St-Michel. - On y brûle, entre autres, un jeune inconnu. - Louis de Médicis. - Supplices de femmes hérétiques.

Au bout du Pont St-Michel couvert, de chaque côté, de maisonnettes qui cachaient au passant la vue du fleuve, il y avait une petite place plus étroite que celle d'aujourd'hui. C'était un lieu de passage très fréquenté. On y voyait des étaux de boucherie, un marché au pain, toutes sortes de boutiques. Les mercredis et samedis on y faisait les ventes ordonnées par la justice et c'est là aussi que s'exerça pendant plusieurs siècles la justice de l'abbé de St-Germain des Prés. Un poteau de justice s'y dressait comme un avertissement.

LE QUARTIER DE L'UNIVERSITÉ EN 1552 (région occidentale).
LE PONT ET LA PLACE SAINT-MICHEL. - LES AUGUSTINS.

L'ANCIENNE ÉGLISE SAINTE-GENEVIÈVE VERS 1516
(Dans le fond, la tour encore visible dans l'enceinte du Lycée Henri IV).

La place St-Michel actuelle occupe l'emplacement de l'ancienne agrandi de l'abreuvoir Macon et d'une partie des rues de Hurepoix, de l'Hirondelle, et de la Clef (1).

Le mois de décembre 1534 vit brûler à Paris beaucoup de luthériens. Des placards hérétiques « contre le saint sacrement de l'autel et l'honneur des saints » avaient été affichés aux environs du 24 octobre. La répression fut longue et cruelle. Il suffisait de receler les fameux placards pour être condamné au feu. Il y eut de nombreuses arrestations immédiates. Les prisonniers furent enfermés au Châtelet et les supplices suivirent.

Le samedi 5 décembre 1534, un jeune homme dont nous ignorons le nom fut condamné à faire amende honorable devant Notre-Dame, puis, il fut pendu et étranglé dans une poterne et finalement brûlé au bout du Pont St-Michel. C'était un « jeune fils enlumineur » qui travaillait au service d'un enlumineur du Pont St-Michel, c'est-à-dire qui avait sa boutique sur le Pont. Il était natif de Compiègne. C'est tout ce que nous savons pour l'instant sur ce jeune homme.

Le 26 février 1535, les habitués de la place St-Michel y virent de nouveau brûler un luthérien. C'était un jeune homme encore, mercier du Palais. Il s'appelait Louis de Médicis, originaire de Crual, au comté d'Asti. Il avait épousé la fille de Jodelle également mercier du Palais, et demeurait rue de la Callende. Le malheureux fut brûlé au bout du Pont St-Michel. Sa femme mourut de chagrin sept semaines après le supplice de son mari (2).

Le rédacteur du Journal d'un bourgeois de Paris sous François 1er paraît un peu étonné que cette femme d'hérétique soit morte « dans son lit ».

Il y avait des femmes qui mouraient autrement. Telle cette maîtresse d'école qui, le 11 avril 1535, fut menée en tombereau faire amende honorable devant Notre-Dame, après quoi, ramenée place St-Michel, elle y fut pendue au poteau de justice de l'Abbé, étranglée et brûlée (3).
Remarquons en passant que la peine du feu appliquée aux femmes hérétiques est déjà un progrès des moeurs. Précédemment, pour les crimes les plus graves comme pour les plus légers, on condamnait les femmes à être enterrées vivantes ! Cette peine de l'enfouissement de femmes vivantes est commune aux XIIIe et XIVe siècles. Des femmes furent ainsi traitées pour avoir volé des souliers, des effets, des poules. On ne pendait pas les femmes pour épargner la pudeur du temps. Mais on les brûlait déjà pour les crimes les plus graves (4).

L'enfouissement de femmes vivantes pour vols, mauvaises moeurs ou hérésies ne se pratiquait plus à Paris, au XVIe siècle. Par contre, dans les Pays-Bas et dans le Nord de la France, en plein XVIe siècle, on cite de nombreux cas de cet affreux supplice appliqué à des femmes simplement hérétiques (5). Le 10 septembre 1545, Mathinette du Buisset « notable et vertueuse » fut condamnée à être enterrée vive à Douai pour avoir maintenu en constante et intégrité la Parole de Dieu.

Nous devons bien un souvenir plein d'admiration et de pitié aux femmes héroïques qui ont accepté de pareilles souffrances, la fosse ou le bûcher, pour maintenir l'intégrité de leur foi et la liberté de leurs consciences.


CHAPITRE X

Le Carrefour du Puits Sainte-Geneviève

Son emplacement actuel. - Supplice de Jean Fouan.

L'église Ste-Geneviève fut fondée par Clovis entre 500 et 514. Il n'en subsiste plus rien aujourd'hui que la vieille tour carrée qui se trouve dans l'enceinte du lycée Henri IV (6). Elle était contiguë à St-Étienne du Mont élevé par les religieux pour servir d'église paroissiale aux habitants de leur bourg (7). C'est autour d'elle que se groupèrent les religieux de l'abbaye Ste-Geneviève. L'enclos de l'abbaye occupait un vaste emplacement qui se trouvait dans l'espace occupé aujourd'hui, en partie, par le lycée Henri IV et le Panthéon. Au dessous de cet enclos, se trouvait le carrefour Ste-Geneviève « au milieu duquel, dit un vieux texte cité par M. Tanon (8), il y a eu un puits auprès duquel était un poteau où était de tout temps et ancienneté, une échelle de justice. » (9). C'était là que s'exerçait la justice de l'abbé de Ste-Geneviève. Il faut croire qu'elle était peu populaire car le poteau et le carcan furent enlevés furtivement en décembre 1591.

Le faubourg St-Jacques dépendait de la justice de l'abbé de Ste-Geneviève et celle-ci n'était pas douce. Les auteurs ecclésiastiques qui se sont surtout occupés jusqu'ici de l'histoire religieuse du Moyen-Age, ne tarissent pas sur « les exemples d'humanité, d'indulgence et de miséricorde que, d'après eux, le clergé ne cessait alors de donner à ses contemporains. » Le savant continuateur de Lebeuf, Cocheris, cite pourtant un acte qui, entre autres, jette un jour sur la manière dont le peuple, était traité déjà par certains détenteurs de la justice ecclésiastique. Il cite un acte de 1303, terminant un conflit de juridiction entre l'abbaye de Ste-Geneviève et celle de St-Victor. Par cet acte, les moines de St-Victor reconnaissent que la haute, moyenne et basse justice sur une voierie déterminée appartient aux religieux de Sainte-Geneviève. Mais, en échange de cette concession, les religieux de Sainte-Geneviève promettent « de ne plus brûler les femmes, de ne plus les ensevelir vivantes, de ne point mutiler les hommes ou les femmes, et de ne point les traîner, sauf le cas de délit sur leur voirie ... »

Deux cents ans plus tard, on n'enterrait plus les femmes vivantes, à Paris du moins, où la coutume atroce s'était pourtant perpétuée jusqu'au XVe siècle, mais on les brûlait encore. Quant aux hommes, on sait qu'il suffisait de baptiser « blasphème » une opinion religieuse un peu indépendante pour mériter le bûcher à ceux qui avaient le courage de la professer.

Et c'est pourquoi le « luthérien » Jean Fouan ou Fonain, un simple cordonnier, originaire de Tournay fut condamné à faire amende honorable, à être pendu à une chaîne de fer et finalement brûlé dit le Journal d'un bourgeois de Paris « au carrefour du puits Ste-Geneviève. » Il mourut « misérablement » c'est-à-dire sans se repentir, et son procès fut brûlé avec lui. Le malheureux avait été banni de Tournay comme sectateur de Luther. Il demeurait au faubourg St-Jacques « devant la boucherie » (10) (5 mai 1535).


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(1) Berty, Topographie historique du Vieux Paris. Région occidentale de l'Université, p. 542 et suiv.

(2) Cf. Journal d'un Bourgeois de Paris, éd. Bourilly, 383. Bull. 1862, p. 258

(3) Nous disons dans le chapitre sur l'Abreuvoir Popin les raisons qui nous font penser que la Catelle fut brûlée en réalité à l'abreuvoir Popin, non loin, il est vrai, de la place St-Michel.

(4) Cf. L. Tanon, Histoire des justices de Paris, p. 30, 35.

(5) Cf. Paul Beuzard, La Réforme dans la région de Douai, d'Arras et au pays de l'Alleu, Le Puy, 1912, p. 155.

(6) Rue Clovis.

(7) Tanon, Histoire des justices de Paris, Larose, 1883, P. 231.

(8) Ibid., p. 245.

(9) Le « quarré » ou carrefour Ste-Geneviève, se trouvait au XVIe siècle, devant l'église Ste-Geneviève d'alors, dont en voit encore la tour dans les bâtiments du lycée Henri IV. Le collège de Fortet donnait sur cette place. On se trouve exactement sur l'emplacement de ce carrefour quand, après avoir dépassé la Bibliothèque Ste-Geneviève, on se trouve en face du Lycée Henry IV et devant la rue Clovis.

(10) Lebeuf, éd. Cocheris, Histoire de la ville de Paris, t. 2., p. 620. Cf. Bull. 1890, p. 259.

 

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