PROMENADES À TRAVERS LE
PARIS DES MARTYRS
1523 -
1559
CHAPITRE V
L'Abreuvoir Popin
(Quai de la Mégisserie).
L'abreuvoir Popin. - Sa situation actuelle. -
Le quartier St-Séverin - Le martyre d'une
institutrice - La Catelle.
Si l'on se place rue des Lavandières
St-Opportune, à l'endroit où cette
rue débouche sur le quai de la
Mégisserie, on a devant soi à
quelques mètres à gauche,
l'emplacement de l'ancien abreuvoir Popin. On a en
face de soi le Palais de justice avec ses tours qui
rappellent tout un passé de douleur et de
larmes et à sa gauche le Pont au Change. Une
ruelle venant de la rue St-Germain-l'Auxerrois
conduisait à la Seine, en débouchant
sous le quai de la Mégisserie. Sur la
grève, il était bien facile de
dresser une potence et d'établir un
bûcher.
La ruelle Popin dépendait d'un
fief de ce nom qui existait déjà au
XIIe siècle et qui s'étendait fort
loin vers le nord de la ville et
ce fief avait une justice dont dépendaient
les habitants des ruelles étroites qui se
pressaient autour de la vieille église
St-Séverin. C'est un des quartiers de Paris
qui a le moins changé depuis le XVIe
siècle.
Auguste Vitu en donne la description
suivante : « En sortant de la rue
St-Julien-le-Pauvre sur la rue Galande, quelques
pas nous ramènent à la rue
St-Jacques, au débouché de la rue
St-Séverin, qui longe le mur septentrional
de l'église de ce nom. Elle est
placée et comme étouffée au
centre d'un lacis extrêmement curieux de rues
étroites et tortueuses, qui subsistent,
comme par miracle entre les larges voies de la rive
gauche. Une étroite place devant le portail
s'étrangle sur la gauche en une ruelle qui
s'appelle la rue des Prêtres, qui, en montant
vers le boulevard Saint-Germain, prend le nom de la
rue Boulebrie, s'adosse au tronçon qui
subsiste de la rue de la Harpe et traverse la rue
de la Parcheminerie, la plus étroite
peut-être de Paris. ».
(1)
L'Eglise St-Séverin était
déjà très ancienne. Elle porte
le nom d'un solitaire qui vivait à Paris
sous Childebert 1er. Séverin ayant
vécu comme un saint, des miracles se firent
sur son tombeau ; la tradition, du moins, le
veut ainsi. La piété des
fidèles, éleva un oratoire sur les
lieux mêmes où le saint avait
vécu. Détruite par les Normands,
cette église primitive fut remplacée
au XIe siècle par l'église dont la
plus grande partie subsiste aujourd'hui.
D'autres regardent comme fondateur de
l'église ce Séverin d'Agaune que
Clovis aurait fait venir de Savoie et qui l'aurait,
par ses prières, guéri d'une
fièvre mortelle.
Quoi qu'il en soit, il y avait à
Paris en 1535 un cordonnier qui habitait
près de l'Eglise St-Séverin. En
même temps que cordonnier, il était
aussi maître d'école. Sa femme que les
documents appellent aussi
« maîtresse
d'école » était
communément appelée la
Catelle. Le Martyrologe qui nous
fournit son nom déclare savoir peu de choses
sur elle. Il rapporte seulement qu'elle fut
emportée par la tempête
déchaînée par l'affaire des
placards et qu'elle fut brûlée vive
sur la place qui est au bout de la rue de la
Huchette, autrement dit la place St-Michel d'alors
(2) Mais nous
croyons qu'il y a ici une erreur. C'était la
justice de l'abbé de St-Germain des
Prés qui s'exerçait place St-Michel.
Or cette place se trouvait à la limite
extrême de cette justice et le quartier
St-Séverin n'en relevait plus.
Driart paraît, ici, mieux
informé et plus précis. Il dit que La
Catelle était maîtresse
d'école de la paroisse St-Séverin,
qu'elle avait 36 ans environ, qu'elle était
luthérienne, qu'elle fut menée dans
un tombereau devant Notre-Dame, puis,
ramenée à l'abreuvoir Popin où
elle fut pendue à une potence et
laissée choir au feu toute
vive. »
Le Journal d'un bourgeois de
Paris nous rapporte un des
crimes de la Catelle, elle mangeait de la chair aux
vendredis et samedis. Quant à la
Chronique du roy François 1er elle
ajoute qu'elle défendait à ses
écoliers de dire leur Ave Maria ni
aucune autre salutation à la Vierge Marie.
(3)
L'auteur de cette Chronique est un
prêtre qui n'aime pas voir les
« luthériens » mourir
impénitents. Il prétend que la pauvre
institutrice se repentit, qu'elle confessa avoir
erré avec plusieurs, qui depuis ont
été exécutés à
ce même temps, qui seraient longs à
nommer, tant de ceux qui avaient attaché les
placards que autres qui avaient erré en
notre foi. »
Nous verrons qu'Érasme repoussait
ces témoignages intéressés au
sujet de prétendues abjurations tardives.
Ici, la Chronique est prise manifestement en
défaut puisque, au dire de Driart
lui-même, la condamnée fut
brûlée vive. Si elle avait fait le
moindre acte de repentir, consenti seulement
à répéter une prière
à la Vierge, elle aurait, comme d'autres,
bénéficié de
l'étranglement préalable.
L'ARCHE ET
L'ABREUVOIR POPIN EN 1840.
LA PLACE DE
GRÈVE ET L'HÔTEL-DE-VILLE EN
1583.
|