LA
CRÉATION ou LA PREMIÈRE PAGE DE LA
BIBLE
CHAPITRE II
LA TERRE
« La
terre était sans forme (ou :
chaos) et vide et les
ténèbres étaient sur
la face de l'abîme, et l'Esprit de
Dieu se mouvait (ou : planait) sur la
surface des eaux ».
(Gen. I, 2.)
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Les résultats de la science sont d'accord
avec ces paroles de l'Écriture. Les savants
et les astronomes disent que le globe terrestre,
avant d'être solidifié, flottait dans
l'espace à l'état de sphère
d'abord gazeuse, puis incandescente, mais
enveloppée d'épaisses vapeurs.
À mesure que la terre se refroidissait, ces
vapeurs durent se condenser et former
l'Océan, mais il en restait encore assez
pour que le globe terrestre fût
enveloppé « de
ténèbres sur la face de
l'abîme », comme le dit le second
verset de la Bible. De grands et terribles
phénomènes marquèrent cette
naissance d'un monde habitable, auquel Dieu
« donnait la nuée pour couverture
et l'obscurité pour langes »
(XXXVIII, 9) ; « quand
les fils de Dieu
(Job II, 1 et
XXXVIII, 7) chantaient en
triomphe ». Cet abîme
bouillonnant sur lequel roulaient
d'épaisses nuées, couvert de
ténèbres impénétrables,
devait être bouleversé jusque dans ses
profondeurs par des forces tumultueuses ;
aussi le mot hébreu : abîme ou
profondeur, signifie-t-il aussi des
« eaux profondes, agitées,
mugissantes ». Et dans ces
ténèbres se mouvait, planait,
mystérieux comme un aigle divin aux vastes
ailes, l'Esprit de Dieu, couvant la tempête
et vivifiant l'abîme. Nous avons dans l'oeuf
une image de cette action vivifiante. Le contenu de
l'oeuf est un liquide aussi, enfermé dans
l'obscurité. La chaleur en dégage les
forces mystérieuses de la vie et en fait une
création admirable. De même l'Esprit
de Dieu se mouvant (le mot hébreu renferme
aussi l'idée de couver) sur les eaux,
infusait à la matière les germes des
forces que maintenant nous voyons en jeu sur la
terre. Tel qu'un artiste, sculpteur ou architecte,
qui veut entreprendre une grande oeuvre en
détermine mentalement d'avance les formes,
les dimensions, les proportions et voit en esprit
l'ouvrage achevé, avant même qu'en
soient posés les premiers fondements, tel
l'Esprit de Dieu, se mouvant sur les eaux,
inspirait à ces eaux et à la terre,
par une action indéfinissable, les forces,
les qualités et les quantités
nécessaires, afin qu'au commandement divin
cette terre pût plus tard (produire l'herbe
et la plante et des âmes vivantes selon leur
espèce ». « Et la
terre produisit »
(Gen. I, 11 et
24).
« J'exaucerai les cieux, dit aussi le
prophète Osée
(ch. II, 23 et 24), et eux exauceront
la terre, et la terre exaucera le froment et le
moût et l'huile ».
Il est évidemment question ici de
forces vitales que nous ne connaissons pas. Mais
savons-nous ce que c'est qu'une force, et y a-t-il
une matière sans force et une force sans
matière ? Nous ne connaissons de la
matière que les phénomènes que
nous offrent ses forces et son mouvement. Non
seulement un morceau de plomb est soumis à
des mouvements incessants de dilatation et de
contraction par la température ambiante
toujours variable ; mais la chimie nous dit
que tous ses atomes, peut-être relativement
aussi éloignés les uns des autres que
les corps célestes, tourbillonnent
incessamment les uns autour des autres. Une
matière sans mouvement serait une
matière morte et absolument imperceptible
à nos sens ; en d'autres termes, elle
n'existerait pas pour nous. Nous ignorons leur
rapport et l'union intime de la matière et
de la force. La matière nous est une chose
aussi inconnue que l'esprit ! Nous la voyons
autour de nous sous mille et mille apparences, nous
nous en servons continuellement, nous ne pouvons
vivre sans elle et sommes nous-mêmes
matière quant au corps. L'enfant joue avec
elle ; l'homme la force à le servir, la
transforme, la fond ou la volatilise, la rend
solide ou liquide ou gazeuse et lui fait prendre
toutes les formes voulues pour servir à ses
desseins. Mais quand il essaie de la saisir par
l'esprit et d'en pénétrer la nature,
elle s'y refuse et lui échappe. Nous avons
inventé l'atome pour nous aider à
comprendre la matière, mais nous n'avons
fait en cela que nous poser de nouvelles
énigmes.
Comment un atome peut-il avoir une
certaine grandeur et pourtant être
indivisible ? Comment « un
absolu » peut-il différer d'un
autre ? En quoi, et comment et pourquoi un
atome d'or n'est-il pas un atome de fer ? Ici
déjà apparaît la
personnalité ? Comment ces atomes
inaltérables et indivisibles peuvent-ils par
leur seule position relative former des corps
absolument différents, et pourquoi enfin ces
affinités entre eux ? Un atome
d'oxygène se jette avec passion sur un atome
de fer et dédaigne l'atome d'or. Que de
mystères !
Avec ces atomes et les molécules
qu'ils composent, nous arrivons déjà
par suite de diverses observations à des
chiffres effrayants. Une goutte d'eau, disent les
savants, est faite de quelque chose comme 64 mille
billions de molécules. D'après
Gaudin, une tête d'épingle en laiton
contient au moins 8 mille millions de millions
d'atomes. Si donc on en ôtait chaque seconde
mille millions, on ne finirait que dans 250,000
ans ! Et le soleil, pour comparer le petit au
grand, contient autant de kilomètres cubes
que cette tête d'épingles
d'atomes ! (Flammarion, Astronomie
populaire, p. 303.)
Mais que parlons-nous d'atomes ou
même de molécules ? Ils ne sont
plus le dernier mot de la chimie. « Pour
nous, disent J. Perrin, J. -J. Thompson, le Dr W.
Meyer et d'autres savants, un atome est maintenant
un soleil simple, double ou multiple, autour duquel
évoluent avec la vitesse de la
lumière, c'est-à-dire 300,000
kilomètres par seconde, des milliers
de planètes ou ions, qui
sont en grandeur ou plutôt en petitesse
à un bacille invisible à l'oeil nu ce
que ce bacille est à la terre
entière ! Cela explique comment,
quoique quelques éléments, par
exemple le radium, lancent incessamment dans
l'espace des millions de ces ions, ils ne
paraissent absolument rien perdre de leur poids.
J.-J. Perrin a évalué à un
quatrillionième de seconde le temps
de révolution ou l'année d'une
pareille planète autour d'un atome ou soleil
d'aluminium ! et plusieurs savants estiment
que 288 quatrillions de molécules
d'hydrogène pèsent un gramme. (Revue
des Deux Mondes, janvier 1904.) Mais savons-nous
maintenant ce que sont ces ions ou les terribles
forces qui les agitent ? Non. Et de ces
infiniments petits, à jamais invisibles et
insaisissables, est construit le monde visible tout
entier; la terre avec ses montagnes et ses plantes,
ses mers et tous ses animaux et les corps de seize
cent millions d'humains, et au ciel les soleils,
les étoiles, les nébuleuses, les
comètes! Immensités de Dieu dans
l'infiniment petit et dans l'infiniment grand, qui
vous saisira ?
« Le fait
indiscutable », dit H. Dominique (Die
Woche 1907, p. 1529), « qu'un
milligramme de radium puisse avec le temps
produire autant de lumière, de chaleur, de
force que la combustion de la charge de houille de
25 wagons, est quelque chose qui dépasse
toutes nos conceptions et contredit toutes nos
théories sur la force et la
matière ». « Ce qu'il y
a ici d'absolument inexplicable », dit le
Dr Köthner du radium,
« c'est la production permanente de
nouvelles quantités de matière et de
force par une matière
élémentaire, dont les atomes peuvent
produire d'autres
éléments ! » Donc
possibilité après de longs espaces de
temps d'un monde absolument nouveau et absolument
inconcevable. Les savants anglais, Rutherford et
Sir William Ramsay, ont émis une nouvelle et
grandiose hypothèse pour expliquer l'univers
actuel, en s'appuyant sur les expériences
des chimistes allemands, Elster et Gestel, qui
croient avoir décomposé l'atome de
cuivre. D'après ces savants, une immense
force, une énergie absolument incalculable
aurait lié, coagulé - il y a
peut-être cent mille millions
d'années, des quantités
d'éther et en aurait fait des atomes,
c'est-à-dire des mondes composés de
millions de ions, et de ces ions elle aurait
édifié la nature actuelle.
« Au commencement Dieu
créa les cieux et la terre ».
Actuellement commencerait la dissociation, la ruine
de l'univers. Les atomes tombent en pièces,
se désagrègent en lançant dans
l'espace et perdant ainsi des milliards de
ions ; et d'un atome de radium il ne restera
avec le temps qu'un résidu de hélium.
Quand celui-ci se dissoudra aussi, l'univers
redeviendra pur éther, c'est-à-dire
qu'il aura cessé d'exister :
« Les cieux et la terre
passeront. » Plus nous étudions la
matière et ses forces, plus elles nous
deviennent inexplicables. Celui qui l'a
créée, s'est réservé de
la connaître.
Pourtant nous connaissons maintenant
avec étonnement quelque
peu des forces terribles, grandioses, incalculables
que l'Esprit de Dieu infusa, insuffla un jour dans
la matière ; mais, parce que l'homme
déchu les emploie toujours plus à
nuire à son semblable, elles deviennent
inquiétantes et même sinistres. Pour
les anciens, pour les Romains et les Grecs, cette
matière était quelque chose d'inerte,
de docile qui obéissait à tous les
caprices de l'homme, qui la forgeait ou la
sculptait à son gré.
Pour nous, elle devient toujours plus
une chose qui a des colères terribles, qui
est pleine de mystères effrayants, qui
frémit dans ses chaînes. Des poudres
toujours plus violentes jettent à huit
kilomètres d'énormes projectiles, ou
font sauter les plus gros canons ; quelques
litres d'un liquide jaunâtre, par leur
combustion, poussent contre vent et marée
une lourde barque chargée de huit cents
quintaux de pierres, ou lancent par monts et par
vaux une automobile et ses voyageurs ; la
vapeur, ce peu d'air invisible, elle aussi,
s'impatiente quelquefois et brise chaudière
et machine. Quelques prises d'une poudre
blanchâtre pulvérisent par leur
explosion une maison et ses habitants : dynamite,
mélinite, poudre-coton, mines sous-marines,
torpilles, bombes infernales! ces noms seuls nous
remplissent d'effroi. « Une goutte d'eau,
dit H. Drysdale (Modern Puritan, 1907, p. 276.),
contient toutes les forces d'un
éclair » ; quels amas de
foudres ne renferment donc pas les océans
pour le jour où la terre et tout ce qui est
en elle périra par le feu ?
La première manifestation de la
vie sur la terre, lorsque l'Esprit de Dieu se
mouvait sur les eaux, dut être une grande
cristallisation de diverses matières,
jusqu'alors en suspension dans la mer chaude. C'est
une belle chose que le cristal, si universellement
répandu sur la terre ; nos montagnes,
nos rochers, sont des cristaux ; les glaces,
qui couvrent les pôles, sont de l'eau
cristallisée, et les plantes mêmes
contiennent des cristaux dans leurs cellules.
Astreints à des lois inflexibles, ils
croissent et meurent ; mais où
réside la force individuelle qui contraint
des milliers d'atomes à bâtir, sans
varier d'un centième de millimètre,
ces formes si diverses ? La chaux
carbonatée, par exemple, cristallise en deux
cents formes différentes, mais pas une ne
peut s'égarer dans un autre système.
Le cristal est la forme normale de la
matière, et celle à laquelle elle
tend sans cesse, ainsi une barre de fer ou l'essieu
d'un wagon, finissent toujours par se cristalliser.
La neige qui couvre en une nuit des pays entiers,
se compose de cristaux dont tout le monde
connaît par la gravure les formes
élégantes, appartenant toutes, sans
exception, au système hexagonal. Ce sont
là les formes de l'eau ; quelles
richesses de formes et de forces ne renferme donc
pas le verre d'eau que nous buvons ! Et, comme
une forme inférieure de la création
renferme toujours en germe la forme suivante et
plus parfaite, le cristal, qui croît lui
aussi, annonce la plante dans ses ramifications,
par exemple dans les fougères et les palmes
que la gelée dessine sur nos vitres.
Quand commencèrent à
croître les superbes cristaux dans les
grottes de nos Alpes, cristaux dont quelques-uns
pèsent jusqu'à trois quintaux et ceux
encore plus gros, de vingt pieds (sept
mètres) de longueur, dont le professeur
Quenstedt dit qu'ils étincellent au soleil
sur les rochers inaccessibles de Madagascar ?
Nous l'ignorons. Si nous pouvions sonder
l'intérieur des montagnes et descendre,
comme dit Job, jusqu'aux racines de la terre, nous
découvririons, probablement, dans ces
profondeurs des grottes plus grandes encore que
celle d'Attendorf en Westphalie, avec ses belles
stalactites de diverses couleurs ou celles
d'Adelsberg, en sel de roche, de soixante-dix
kilomètres de longueur ; nous y
trouverions d'immenses palais souterrains, aux
voûtes tapissées de magnifiques et
énormes cristaux de toute espèce et
de couleurs différentes, de malachite et de
fluorspath, peut-être aussi de topazes et
d'émeraudes, d'opales et de rubis.
N'est-ce pas chose étrange que
l'indifférence de l'homme déchu, non
seulement pour les choses divines, mais pour les
phénomènes naturels qui
l'entourent ? Combien de millions
d'êtres humains peuplent la terre ?
C'est le domicile qui leur est assigné et la
mère qui les alimente. Tirés de la
poussière, c'est à la
poussière que tôt ou tard ils
retourneront tous ; et, pourtant, comme sont
peu nombreux ceux qui s'intéressent à
cette grande et sublime création dont ils
font partie, ou qui réfléchissent
à leur origine et à leur
destinée future ! Ils vaquent
fiévreusement à leurs affaires et
à leurs plaisirs et
préfèrent les plus fades
divertissements, les bavardages les plus insipides,
une partie de cartes ou de billard à
l'étude des grands faits et gestes du Dieu
Créateur. Ils voudraient presque tous aller
un jour au ciel ; mais la principale
occupation des bienheureux est de louer Dieu et
d'admirer ses oeuvres
(Apoc. IV, 11 ;
V, 13 ;
VII, 12 ;
XIX, 7). Alors ils feraient bien de
s'y préparer déjà ici et
d'étudier cette création dans
laquelle Dieu les a placés, afin d'y
chercher le Créateur. « Car ce
qu'on peut connaître de Dieu, dit
l'apôtre Paul dans son épître
aux Romains, est devenu manifeste, Dieu l'ayant
révélé, attendu que ses
perfections invisibles, sa puissance
éternelle et sa divinité se voient
comme à l'oeil depuis la création du
monde, quand on le considère dans ses
ouvrages. »
(Rom. I, 20.)
Qu'il est vaste ce domicile
assigné à l'homme ! Ce point
dans l'espace qui, de Saturne ou Neptune nous
serait invisible, est un globe énorme,
volant autour du soleil dans une orbite de neuf
cent trente millions de kilomètres. Il ne
nous est guère possible de nous figurer un
monde de quarante mille kilomètres de
circuit et de nous représenter tout ce qu'il
porte à sa surface ! Des océans
sur lesquels des vaisseaux peuvent naviguer pendant
des semaines et des mois, sans voir autre chose que
le ciel et l'eau ; puis des déserts,
autres étendues où le chameau, ce
navire du désert, avance pendant des
semaines sans en atteindre la limite ; et,
sous d'autres cieux, d'immenses steppes, des
prairies, où paissent en liberté des
millions d'animaux
sauvages ; enfin, aux deux pôles, des
espaces grands comme l'Europe, couverts de neiges
et de glaces éternelles, et de nombreux pays
habités, et des chaînes de montagnes,
des glaciers, des lacs, des fleuves ! Et tout
cela flotte librement dans le vide et à
travers l'incommensurable espace ! Job
déjà le savait : « Il
suspend la terre sur le néant. »
(Job, XXVI, 7.) Mais, ici encore,
notre savoir est superficiel et ne
pénètre pas jusqu'à
l'intérieur des choses. Nous croyons la
connaître cette terre, notre demeure, et peu
d'entre nous ont vu la cent millième partie
de sa surface. Mais qu'est-ce que cela en
comparaison de son immense intérieur de
mille fois mille millions de kilomètres
cubes ? Que nous cachera-t-il toujours ?
Des océans de lave, de métaux, de
fer, d'or liquides, d'immenses cavernes
cristallines, dont les voûtes en
s'écroulant font trembler l'écorce
que nous habitons, des lacs, des fleuves, des
cataractes d'eaux bouillonnantes, d'où
jaillissent nos sources minérales ; ou
tout cela ensemble ? « Es-tu
allé, demande Dieu à Job, aux sources
de la mer et t'es-tu promené dans les
profondeurs de l'abîme ? Les portes de
la mort se sont-elles découvertes à
toi et as-tu vu les entrées de l'ombre de la
mort ? Ton regard a-t-il
pénétré jusque dans les vastes
espaces de la terre ? Dis-le, si tu connais
tout cela ? »
(Job, XXXVIII, 16-18.)
Mais cette terre ne repose pas immobile
dans l'espace. Non ! cet énorme globe, avec
son poids inconcevable de 5,875 sextillions de
kilogrammes (Flammarion,
Astron. pop., p. 306.), vole sans
trêve dans l'orbite, dans le sentier que Dieu
lui a assigné. Qu'est-ce que la
rapidité d'un boulet lancé de la
gueule d'un canon en comparaison de la vitesse de
cette immense boule ? Ce globe que nous
habitons avec 1,600 millions d'êtres humains
et qui renferme une énorme fournaise
toujours active, dont nous ne sommes
séparés que par une croûte
relativement mince, ce globe, avec ses mers et ses
continents, ses fleuves et ses montagnes,
dévore l'espace de deux millions et demi de
kilomètres par jour, vole mille fois plus
vite qu'un train express, cinquante fois plus vite
qu'un boulet de canon, et pourtant sa course est si
tranquille, si égale, que nous ne nous
apercevons nullement de ce déplacement
continuel. Et sa course si rapide autour du soleil
n'est qu'une fraction du grand voyage à
travers l'immensité qu'accomplit sans
relâche la terre entraînée par
le soleil vers un but inconnu. À quelle
distance prodigieuse un homme âgé de
50 ans a-t-il laissé derrière lui le
point de l'espace où il est né, et
où il ne retournera jamais ?
Quel spectacle s'offrirait à nos
yeux si, placés en dehors de notre
planète, nous pouvions assister à
cette course vertigineuse ! ... Tout d'abord
nous verrions poindre dans le lointain la terre
comme une petite étoile qui grandirait
toujours, occuperait bientôt la moitié
du firmament et se rapprocherait encore. Alors,
devant nos regards étonnés,
effrayés, passerait comme un tourbillon
notre monde, océans houleux et
continents, sommets majestueux,
neiges éternelles, sombres forêts,
villes populeuses, campagnes verdoyantes et
déserts. Tout cela roulerait, tournerait
dans une atmosphère brumeuse ou
ensoleillée, passerait en quatre à
cinq minutes devant nous, puis s'éloignerait
de nouveau en diminuant graduellement
jusqu'à redevenir peu à peu le petit
astre que nous avions vu poindre à l'horizon
et disparaîtrait enfin dans les abîmes
de l'immensité : une des innombrables
oeuvres de Dieu aurait passé devant
nous.
Une seulement, car, de même que
notre sphère terrestre, des milliers et des
milliers de mondes et de soleils circulent dans
l'espace, volant avec une vitesse effrayante dans
les orbites tracées par le Créateur
et dont la moindre déviation occasionnerait
d'épouvantables catastrophes.
L'homme, cet être doué
d'intelligence et de raison, ne devrait-il pas
s'appliquer à considérer ces
merveilles de la création, à
méditer la grandeur infinie du
Créateur, en répétant avec le
psalmiste : « Qu'est-ce que l'homme
mortel que tu te souviennes de
lui ? » plutôt que de se
laisser absorber par tant de petitesses,
d'intérêts puérils,
d'occupations mesquines ou nuisibles, qui tiennent
captif l'esprit auquel pourtant Dieu a
prêté des ailes.
Revenons à la terre dans sa forme
primitive, c'est-à-dire vide et
déserte encore, enveloppée
d'épaisses ténèbres sur
l'abîme, et déjà cependant
objet d'admiration pour les fils de Dieu et les
étoiles du matin d'après
la question de Dieu à
Job : « Où étais-tu,
quand je fondais la terre ? Lorsque les
étoiles du matin poussaient des cris de joie
et que les fils de Dieu chantaient en
triomphe ? »
(Job XXXVIII, 4, 7.) Aujourd'hui la
terre poursuit la même course, mais elle nous
offre un aspect bien différent. Alors,
à l'état de sombre chaos et sans un
être vivant ; aujourd'hui, une merveille
de beauté et partout le spectacle d'une vie
étonnamment variée ; seize cent
millions d'êtres humains sur sa surface, dans
les airs des milliers d'oiseaux et dans les
profondeurs des eaux d'innombrables poissons !
Et toutes ces créatures, Dieu les voit. Le
Créateur connaît sa
création ; il serait insensé
d'en douter. Oui, dans cet instant même, Il
lit sur cette terre que son souffle lance à
travers l'espace, jusqu'au fond de ton coeur et du
mien et de celui des millions d'êtres qui
habitent l'autre hémisphère et que
nous appelons nos antipodes. Son oeil repose sur le
sauvage Africain, poursuivant avec ses
flèches empoisonnées quelque proie
féroce ou inoffensive et sur l'Esquimau qui
chasse la baleine ou le phoque embarqué sur
l'Océan orageux dans son frêle cajak.
Et pendant qu'Il sonde nos coeurs et nos reins,
lisant nos plus secrètes pensées, Il
sait ce qui se passe au fond de l'âme de
chacun des 400 millions d'êtres qui peuplent
la Chine et le Japon, et connaît mieux
qu'eux-mêmes tout leur passé. Toujours
ses yeux contemplent sur cette terre volant,
roulant à travers les mondes, les pauvres
dans leur détresse, les riches
dans leur abondance, les rois sur
leurs trônes, les mendiants dans leur
misère, ceux qui luttent, ceux qui
souffrent, ceux qui travaillent, les paresseux, les
malfaiteurs, les criminels.... Il entend toute
parole, les chants et les prières, les
louanges et les supplications, les propos joyeux et
les plaintes douloureuses, les accents de gratitude
et les jurements, les blasphèmes et les
imprécations ; aucun soupir ne lui
échappe, ni aucune de ces paroles inutiles
dont l'homme devra rendre compte au jour du
jugement.
Mais qui de nous réalise ces
choses et y réfléchit ? Dieu
enveloppe le monde entier de sa présence. Il
voit le lion au désert, l'oiseau dans son
nid, l'insecte qui bourdonne dans l'air et le
poisson dans les mers les plus profondes, et il les
compte tous. Il voit la fleur s'épanouir et
se colorer, connaît la forme de chacune des
feuilles de nos arbres, compte les cheveux sur
notre tête et veille au destin de chaque
passereau. Et tandis qu'Il gouverne et nourrit
cette immense création avec tout ce qu'elle
contient, Il voit dans chaque goutte d'eau les
milliers d'animalcules que l'oeil humain ne
discerne qu'à l'aide du microscope, et leur
fournit à eux aussi leur pâture ;
car « c'est par Lui que toutes choses
ont la vie, le mouvement et
l'être ».
(Actes XVII, 28.)
Et ce regard divin, ces yeux de flamme
(Apoc. 1, 14) ne contemplent pas
seulement les choses de notre terre, ils plongent
dans les espaces infinis, dans leurs
moindres détails, dans
chacun de leurs atomes et considèrent les
myriades de corps célestes, planètes,
soleils et étoiles, qui s'y croisent et s'y
entrecroisent. Pendant que ce Créateur
entend le chant incessant des
chérubins : Saint, Saint, Saint est
l'Éternel ! Il considère les
Trônes, les Seigneuries, les Puissances
célestes
(Col. I, 16) dans leur force et leur
majesté et « l'immense multitude
des anges » qui l'adorent. Il voit,
à la fois, sur la terre l'enfant qui joue au
bord du ruisseau et les princes de la
lumière qui conduisent la grande Ourse et
ses petits et les soleils de l'Orion dans leurs
orbites éternelles. « Les yeux de
l'Éternel sont en tout lieu contemplant les
bons et les méchants »
(Prov. XV, 3 ) « ses yeux
observent les nations »
(Ps. LXVI, 7 ), et, du plus haut
des cieux, ils pénètrent jusqu'au
plus profond des enfers et y voient la rage
impuissante de ses adversaires.
Adorons donc ce Dieu dont l'Esprit de
vie planait au commencement sur la face des eaux
bouillonnantes, alors que la terre était
sans forme et vide.
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