Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Cellule 33



Jeudi-Saint, 29 mars 1945.

QUE LA GRÂCE DE NOTRE SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST SOIT AVEC NOUS TOUS. AMEN.

L'apôtre Paul écrit dans la première épître aux Corinthiens, chap. 11, v. 26.

« Toutes les fois que vous mangez de ce pain et que vous buvez de cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne. »

La veille de ce Vendredi-Saint où les trois croix furent dressées sur la colline de Golgotha, notre Seigneur et Sauveur a réuni autour de lui ses disciples, les futurs apôtres pour célébrer avec eux une dernière fois le repas pascal par lequel le peuple de l'ancienne alliance commémorait la merveilleuse délivrance de la servitude égyptienne. Selon l'usage, ils ont mangé l'agneau pascal, bu à la coupe des bénédictions et chanté ensemble le cantique des louanges. La cérémonie terminée, les disciples attendent le signal du départ pour l'auberge située hors de la ville, près du Mont des Oliviers, où ils avaient coutume de se rendre chaque mois.

Mais Jésus ne se dispose pas à partir. Au repas pascal, il rattache un second acte solennel ; il prend le pain qui se trouvait encore là sur la table, le rompt en morceaux et le distribue aux disciples en disant : « Prenez, mangez, ceci est mon corps qui est donné pour vous : faites ceci en mémoire de moi ». Puis il prend la coupe, qui était restée devant lui, la tend à ses amis en disant : « Prenez, buvez-en tous ; cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang qui est répandu pour vous et pour plusieurs, pour le pardon des péchés ; faites ceci en mémoire de moi toutes les fois que vous en boirez ».

Dans la surprise du premier moment, les douze n'auront sans doute pas compris ce qui se passait. Mais il y a une chose qui ne pouvait leur échapper, malgré leur étonnement : le Seigneur, dans ces paroles, faisait allusion à sa mort. Son corps allait être rompu, comme le pain qu'il leur distribuait ; son sang allait être répandu, comme la gorgée de vin qu'il leur donnait à boire. Son oeuvre terrestre, à peine commencée, touche à sa fin ; leur maître prend congé d'eux.


Il ressort des récits évangéliques que ce n'était pas la première fois que Jésus parlait aux siens de sa mort plus ou moins prochaine. Mais il n'avait pas été compris. C'était une énigme pour eux quand Jésus leur disait que sa mort était une nécessité voulue de Dieu. Ils espéraient l'avènement du Royaume de Dieu annoncé par lui, et s'attendaient à voir leur Maître paraître devant le monde comme souverain et juge et instaurer un nouvel âge d'or.

Mais cette fois-ci il n'y a plus de malentendu possible. Tous ces rêves sont évanouis. L'un des douze s'éloigne pour trahir son maître ; les autres se disperseront ; le plus fidèle d'entre eux niera avoir jamais eu affaire à cet homme. Bref : c'est une catastrophe, un effondrement.

Il y a bientôt deux mille ans depuis ce certain soir et toujours encore, le Jeudi-Saint, les disciples de Jésus s'assemblent autour de sa table et rappellent le souvenir de l'heure où Jésus a laissé à ses disciples, comme un legs, cette recommandation : « Faites ceci en mémoire de moi ».
On en vient alors à se demander - et qui parmi nous ne s'est jamais posé la question ? - qu'est-ce donc, au fond, qui confère à cette cérémonie son pouvoir sans pareil sur les coeurs humains - d'où vient que, malgré toutes les discussions et divisions théologiques dont ce sacrement a été l'occasion, l'Eglise chrétienne continue à rompre le pain et à tendre la coupe, tout comme si ces débats ne la concernaient pas ?

En effet, chers amis, ces débats ne la regardent en aucune manière. Le Seigneur Jésus-Christ ne nous a pas donné une doctrine sur ce repas sacré, et n'a pas voulu nous en donner une. Mais toutes les doctrines par quoi nous essayons, nous autres hommes, de nous rendre compte du gouvernement de Dieu, sont sujettes à vieillissement et à variations. Ce qui intéressait particulièrement la curiosité des anciens Grecs, à savoir comment un homme pouvait en même temps être Fils de Dieu, cette question a fait pendant des siècles l'objet de disputes théologiques interminables. Aujourd'hui cela n'a plus d'intérêt pour nous, non parce que nous serions devenus plus indifférents en matière religieuse, mais parce que nous savons que ce n'est pas là une question suscitée par l'esprit du Nouveau Testament et par notre foi chrétienne.

D'autres générations se sont cassé la tête pour savoir comment il était possible que, pour l'amour de Jésus, Dieu pardonne les péchés de ceux qui croient. Dieu saint et juste, comment peut-il charger un autre de notre culpabilité ? Aujourd'hui, seuls des savants théologiens comprennent quelque chose à ces théories et à ces exercices de la pensée, tandis que les fidèles de l'Eglise savent depuis longtemps qu'un miracle ne s'explique pas et qu'il vaut mieux renoncer à tout essai d'explication.

Il en a été de même des discussions sur le repas sacré : comment du pain et du vin peuvent-ils être le corps et le sang de Jésus-Christ ? La principale division au sein de l'Eglise issue de la Réformation provient surtout des divergences entre Luther, Zwingli et Calvin, tous étant cependant unanimes à repousser la doctrine moyenâgeuse de la transsubstantiation, enseignée par l'Eglise catholique romaine. Aujourd'hui toutes ces différences théologiques sont si subtiles qu'il faut être un penseur au-dessus de la moyenne pour s'y retrouver. Et si notre salut dépendait de cette connaissance, le Royaume des cieux serait réservé aux savants, ce qui est en flagrante contradiction avec les intentions et les paroles de Jésus.

Non, dans la Sainte Cène, il y va de quelque chose de tout autre, de quelque chose que le plus intelligent avec toute sa science, ne peut comprendre, mais que le plus simple peut aisément saisir : le Seigneur Jésus annonce sa propre mort, et il le fait de manière à lever le voile de mystère qui enveloppe l'issue de sa vie. Ce qu'il dit alors du sens de sa mort est devenu pour ses apôtres, puis pour son Église de tous les temps, le noyau de la foi chrétienne et du message chrétien. Quand l'apôtre Paul veut résumer en une seule phrase le contenu de sa prédication missionnaire, il le fait en ces termes : « Je n'ai pas jugé que je dusse savoir autre chose (en matière religieuse) parmi vous, que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié ». Et quand l'Eglise chrétienne veut donner à sa foi l'expression à la fois la plus brève et la plus explicite, elle prend pour symbole la croix. La croix qui est dressée sur les autels de nos églises, qui nous salue sur les chemins de la patrie ; la croix, signe d'espérance sur les tombes de nos bien-aimés. Nous ne connaissons qu'une seule consolation, qu'un seul motif de confiance : Jésus-Christ le crucifié.

Rien de plus simple que l'explication que Jésus donne de sa mort aux disciples lors de la Sainte Cène.
Pour la comprendre, nul n'est besoin de philosophie ni de science littéraire. Il ne faut qu'un coeur ouvert, prêt à voir et à entendre.


Le Seigneur lui-même rompt le pain, lui-même tend la coupe : c'est dire qu'il donne lui-même son corps et son sang. Ce n'est donc pas qu'on lui enlève la vie contre son gré, comme pourrait le croire un spectateur détaché. Il en fait don librement, ainsi qu'il le dit dans l'Évangile selon Jean : « Nul ne m'ôte la vie, je la donne ». Mais il ne la jette pas comme quelque chose d'inutile dont on ne sait plus que faire. Il donne à ses disciples le pain et le vin, afin qu'ils en vivent. Sa mort est un cadeau dont ils doivent bénéficier. Enfin, le fait de manger ce pain et de boire cette coupe suscite une nouvelle espèce de communauté, la communauté de ceux que le Seigneur rend participants de son sacrifice, la communauté de la Sainte Cène. Voilà ce que nous dit l'acte que nous voyons s'accomplir sous nos yeux.

À cet acte, cependant, le Seigneur Jésus-Christ ajoute un mot d'explication, qui varie selon les récits, mais dont le sens est clair. En rompant et en distribuant le pain, Jésus a dit : « Prenez, mangez, ceci est mon corps qui est donné pour vous » et en tendant la coupe : « Prenez et buvez-en tous cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang qui est répandu 'pour vous et pour plusieurs pour le pardon des péchés ». Et chaque fois il ajoute : « Faites ceci en mémoire de moi ».

Il nous est donc dit par là que, par sa mort, le Seigneur ne s'éloigne pas de nous, surtout pas quand nous acceptons le don qu'il nous fait. Au contraire : c'est alors qu'il s'unit complètement à nous, se donne à nous entièrement, au point que son corps et son sang deviennent nôtres. Oui, c'est dans ce « pour vous » qu'est le vrai secret de sa mort sur la croix. Ce mot ne signifie pas que Jésus meurt pour les siens comme un soldat pour son peuple et sa patrie ou comme un sauveteur qui, en arrachant quelqu'un des flammes ou de l'eau, périt lui-même. Jésus le dit explicitement : « Pour le pardon des péchés ». Voilà ce qui fait de sa mort quelque chose d'unique : il meurt à notre place, lui le Juste pour les injustes, le Saint pour les pécheurs. Et nous voici à sa place, libérés de culpabilité et devenus par lui, par amour pour lui des enfants bien-aimés de Dieu.

C'est la fin de l'Ancienne Alliance, où les rapports entre Dieu et nous étaient basés sur le principe de la récompense et du châtiment. En mourant pour nous, Jésus inaugure la Nouvelle Alliance, fondée sur le pardon des péchés et qui enlève à notre mort son effroi, parce qu'un autre a pris sur lui notre châtiment. « Où il y a pardon des péchés, il y a vie et félicité. »

Cette explication que Jésus nous donne de sa mort est, comme nous l'avons dit, d'une grande simplicité. Mais elle est si merveilleuse qu'elle en devient incompréhensible et si profonde qu'elle est inépuisable. La raison humaine, d'ailleurs, n'en viendra jamais à bout. Mais pour tout coeur humain en détresse, qui soupire après la certitude d'un Dieu miséricordieux ; pour toute conscience oppressée sous le poids de la faute, le message de la croix et de la mort du Seigneur Jésus-Christ devient une source de joie : « Pour toi, pour le pardon des péchés ». Ce. n'est pas là une invention humaine. Lui-même s'est exprimé ainsi. Et il nous a donné le repas, de la Nouvelle Alliance afin que nous n'ayons pas seulement à entendre, mais que nous puissions « goûter et voir combien l'Éternel est bon ». « Faites ceci en mémoire de moi. »

C'est ainsi qu'avec l'Eglise de tous les temps nous célébrons le repas du Seigneur en mémoire de sa mort, entendant chaque fois sa voix qui nous met au bénéfice de sa mort : « Pour vous, pour le pardon des péchés ». Et nous mangeons le pain, nous buvons à la coupe en l'écoutant nous dire : « Mon corps donné pour vous, mon sang versé, pour vous ».

Ce message ne vieillit pas. Le temps ne lui enlève rien de sa force vivifiante. Car toujours en proie au même tourment et soupirant après Dieu, le coeur humain reste le même. Et si un jour tous les morts tombent dans l'oubli, l'Eglise ne cessera pas de prêcher la mort du Seigneur Jésus-Christ et d'en témoigner, parce que c'est là qu'est la source de sa vie. Elle continuera à se réunir autour de la table du Seigneur crucifié, dans la repentance, dans la reconnaissance pour son amour et en glorifiant Dieu pour sa miséricorde incompréhensible, jusqu'à ce que son Seigneur vienne, à la fin des temps et avec lui ce Royaume de Dieu, où ce qui est imparfait prendra fin, où nous le verrons tel qu'il est et où nous serons auprès de lui pour toujours.


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