Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Cellule 33



Saint-Sylvestre, 31 décembre 1944.

QUE LA GRÂCE DE NOTRE SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST, L'AMOUR DE DIEU ET LA COMMUNION DU SAINT-ESPRIT SOIENT AVEC NOUS TOUS. AMEN.

Nous méditerons cette parole du cantique de Siméon, Luc 2: 29-32:

Seigneur, tu laisses ton serviteur s'en aller en paix, selon ta promesse ; car mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé pour être, à la face de tous les peuples, la lumière qui doit éclairer les nations et la gloire de ton peuple Israël.

L'année approche de sa fin. Dans quelques heures elle sera derrière nous, et nous entrerons dans une année nouvelle, encore enveloppée d'obscurité. Il est naturel qu'en ce moment nos pensées fassent un retour en arrière et que nous essayions d'établir une sorte de bilan, afin de savoir ce que nous pouvons emporter dans la nouvelle étape qui s'ouvre devant nous.

Ce qui ne fait de doute pour aucun de nous, c'est que l'année qui finit se solde par un déficit. Nous avons attendu, des jours, des semaines, des mois, nous avons mobilisé toutes nos réserves de patience, afin de pouvoir chaque jour atteindre le lendemain. Mais quel fut le résultat de notre attente ? Nous avons espéré, nous nous sommes imaginé que le moment devait être proche où notre sort s'améliorerait, qu'une fois ou l'autre la porte de notre prison devait s'ouvrir, et nous avons fait appel à toute la force de notre foi, à toutes nos capacités d'optimisme, pour ne pas désespérer. Mais à quoi tout notre espoir a-t-il abouti ?

Que de fois, quand notre coeur agité était près d'éclater de douleur, n'aurions-nous pas voulu pouvoir le prendre dans nos mains pour l'apaiser. Vaine entreprise, car ce qui nous accablait, ce n'est pas seulement notre propre misère, mais la détresse du monde entier qui du fond de ses tourments appelait à grands cris la paix. Sans doute, par-ci par-là, de rares éclaircies nous ont procuré quelques heures de détente, suivies tôt après de nouveaux événements douloureux qui enveloppèrent nos jours d'une ombre d'autant plus épaisse.

Bref, pour autant que nous pouvons en juger, il n'en est point parmi nous qui n'ait pu enregistrer en fin de compte un solde actif. Aussi sommes-nous tentés de faire passer toute l'année 1944 dans la colonne des pertes et de partir à frais nouveaux avec le timide espoir que l'année nouvelle sera meilleure et ne réservera pas à nos voeux et à notre attente de nouvelles déceptions. Tel d'entre nous a peut-être plus de confiance en l'avenir que tel autre, mais aucun, sans doute, ne doit en avoir gardé beaucoup : nous en avons trop vu, trop enduré, et notre force intérieure n'est pas inépuisable.

Ainsi désemparés en cette fin d'année, nous en sommes à nous demander s'il vaut encore la peine de vivre, d'attendre et de lutter ?
Et voici que l'Évangile nous met en présence d'un homme dont toute la vie n'a été qu'une longue attente, c'est le vieillard Siméon. Nous savons peu de chose sur son compte. Il n'apparaît que dans ce passage du récit évangélique et disparaît aussitôt après, définitivement. Et pourtant, bien que nous ignorions tout de son ascendance, de sa profession et de ses circonstances personnelles, il est parmi les figures bibliques les plus impressionnantes.

Tout ce qui nous est dit de lui, c'est qu'il était pieux et qu'il craignait Dieu. Il semble avoir été du nombre de ces âmes recueillies et attentives aux promesses de Dieu, comme on en comptait beaucoup en ce temps-là. On peut, en outre, conclure du récit qu'il fut un homme d'âge assez avancé. Mais, en somme, il n'y a rien là qui fasse de lui une personnalité exceptionnelle.

Un seul trait de sa physionomie nous fascine, le seul que l'évangéliste ait retenu de la vie de ce vieillard et qu'il ait jugé digne de mention : « Il attendait ». Et cette attente, qui parait avoir duré des années et des dizaines d'années, n'a pas été vaine, puisqu'elle se termine par un chant d'actions de grâces et de louange. Nous avons l'impression saisissante d'être en présence de l'un des très rares hommes véritablement heureux qu'il y ait eu et qu'il y ait sur cette terre. Car celui qui peut dire : « Seigneur, tu laisses ton serviteur s'en aller en paix », mérite d'être appelé heureux, Pour lui, la vie a pleinement tenu ses promesses.

Nous savons bien, assurément, qu'il n'en va pas ainsi de n'importe quelle attente, et maintes expériences amères nous ont appris qu'il y a parfois loin de l'espérance à sa réalisation et que la plupart du temps d'ailleurs elles ne se rencontrent pas.
Mais l'attente du vieux Siméon avait un caractère très spécial. « Il attendait la consolation d'Israël », c'est-à-dire son espérance avait pour objet la consolation promise par Dieu à son peuple malheureux. Elle se fondait donc sur ces voix prophétiques qui parlèrent de la délivrance à venir, de l'Élu de Dieu qui ramènera le peuple déchu, ce qui ne se rapporte pas seulement au peuple d'Israël, mais aux païens dont il est écrit qu'ils marcheront à sa lumière.

Dans son attente, Siméon se fie à cette parole de Dieu. De plus, il avait reçu du Saint-Esprit la promesse personnelle qu'il ne mourrait pas avant d'avoir vu le Christ. Il a vécu dans cette espérance, année après année, avec la certitude : Dieu lui-même l'a dit. D'autres, autour de lui, ont pu depuis longtemps cesser d'espérer, il n'en est pas ébranlé. Les années peuvent se succéder, le doute ne l'effleure pas. Lui-même a beau avoir déjà un pied dans la tombe, cela ne trouble en rien soin attente joyeuse ; au contraire, elle ne regarde qu'avec plus de ferveur vers l'accomplissement promis. C'est ainsi qu'il attend et espère, et que pour lui se réalise la parole de l'Écriture :
« L'espérance ne confond point ».

Cette attente du vieux Siméon peut-elle nous être de quelque secours dans notre détresse ? Certainement pas dans le sens de la conclusion que nous pourrions en tirer : Ne cesse pas d'espérer ; tout finira bien par s'arranger. Beaucoup tiennent ce propos, quittes à être d'autant plus convaincus, le lendemain, que tout espoir est vain. Quand l'apôtre Paul parle de l'espérance qui ne rend pas confus, il ne formule pas une vérité toute générale dont chacun peut faire l'essai suivant les circonstances, comme d'ailleurs de toutes les paroles bibliques auxquelles on attribue une portée universelle. Celle de Jésus, par exemple : « Qui cherche trouve - qui demande reçoit et l'on ouvre à celui qui frappe ». Or plus d'un cherche et ne trouve pas - demande et ne reçoit pas, frappe et n'obtient pas de réponse.

Il est une chose cependant que l'attente de Siméon nous enseigne avec netteté : Quiconque attend ce que Dieu lui a promis, n'attend pas en vain. Il peut, avec une joyeuse et tranquille espérance, patienter jusqu'à ce que vienne le jour où la promesse s'accomplit.


Voici donc la question qui nous est posée : Qu'attends-tu ? Quel est l'objet de tes espoirs ?

Pour la nouvelle année, nous nous souhaitons la liberté ? Rien de plus compréhensible. Mais nous n'avons aucune promesse de Dieu de nous faire ce cadeau. Il nous a été dit plutôt que nous aurons à « passer par beaucoup de tribulations pour entrer dans le Royaume de Dieu ».

Nous espérons pour 1945 le retour de la paix pour nos peuples et pour nous-mêmes. Très bien. Dieu veuille nous la donner. Mais s'il ne le fait pas ? Il n'est lié par aucune parole à cet égard. Il nous a plutôt fait savoir par le Seigneur Jésus-Christ que, dans les derniers temps, avant la venue de son règne, le monde retentirait de guerres et de bruits de guerre.

Mais alors, si aucune de ces choses qui nous tiennent le plus à coeur ne nous est garantie par Dieu, nous pouvons nous demander s'il vaut la peine vraiment de s'en remettre entièrement, comme Siméon, à une promesse de Dieu. Si Dieu ne nous vient pas en aide dans notre détresse la plus accablante, quel sens cela peut-il bien avoir d'attendre et d'espérer de lui quoi que ce soit ? Ainsi raisonne l'obstination humaine qui veut aller son propre chemin, le découragement humain qui se fie aussi peu à Dieu qu'à sa propre faiblesse. Nous serions plus avisés de chercher dans la Parole de Dieu, à l'instar de ces croyants pieux dont faisait partie Siméon, ce qu'elle promet à ceux qui persévèrent dans une obéissance confiante et dans une attente patiente.

Nous désirons la liberté ? Mais la liberté n'est pas nécessairement le bonheur. En vertu de la toute-puissance de Dieu, il nous a été dit : « Si le Fils vous affranchit, vous serez véritablement libres ». Nous soupirons après la paix ? Mais nous ne savons pas si la paix à venir ne sera pas pire que toute la misère de cette guerre. De la bouche du Christ nous entendons la parole : « Je vous laisse ma paix ; je ne la donne pas comme le monde la donne ». Et l'apôtre, en parlant de cette paix, dit qu'elle est plus « haute que toute intelligence », c'est-à-dire que tout ce que les hommes peuvent se représenter par ce mot de paix. Ne vaudrait-il pas la peine, après tout, d'attendre cela ?

En Siméon, toutefois, nous ne voyions pas seulement l'homme qui attend, mais l'homme dont l'attente s'est réalisée, dont l'espérance est devenue réalité, comme en témoigne son cantique de louange. Cette longue attente a pu lui apparaître comme une servitude. Mais le voici affranchi de ce joug. Cette paix manquait à sa vie ; il l'a maintenant trouvée, Ses chaînes sont tombées, la paix a fait son entrée chez lui.

Qu'est-ce donc qui a provoqué ce changement, ou mieux, ce miracle dans la vie de ce vieillard ? Lui-même le dit : « Mes yeux ont vu ton salut ». Que s'est-il donc passé en réalité ? Siméon est venu au temple, poussé par quelque impulsion intérieure. Il y a trouvé un homme et une femme sur le point d'offrir pour leur premier-né le sacrifice prescrit par la loi. Il a pris l'enfant dans ses bras et a entonné le chant de louange.

Je suis persuadé que les spectateurs de cette scène ont été étonnés de l'étrange attitude du vieillard, et ceux qui le connaissaient, se sont dit : Voilà bien la folie à laquelle on arrive à force de s'entêter dans l'espoir. Mais le vieillard a d'autres yeux que ces gens. Ses yeux se sont ouverts comme s'étaient ouverts ceux des bergers à l'ouïe du message des anges, et il le sait : Cet enfant n'est autre que le Christ promis par Dieu.

C'est pourquoi son regard de voyant, dépassant le temps et l'espace, pénètre l'avenir et s'étend à la terre entière. Il n'y va plus maintenant de la fin vers laquelle tend son espérance personnelle, mais de la réponse à l'attente anxieuse de la création tout entière. La promesse que Dieu a faite aux pères se réalise, et voici qu'il est là celui que les nations ont appelé de leurs voeux : le salut de Dieu, ou, selon la traduction libre de Luther : le Sauveur.

Mais est-ce bien un accomplissement ? Pour Siméon oui - l'enfant qu'il tient dans ses bras, il l'appelle : « lumière des nations » et « gloire du peuple d'Israël ». Il en est convaincu : dans cet enfant il y a celui qui dissipe les ténèbres qui empêchent les hommes de voir Dieu, et de discerner ses voies ; l'Envoyé pour la venue duquel Israël glorifiera la fidélité de Dieu.


A-t-il raison ? L'obscurité plane toujours encore sur les peuples. Il se peut que nous l'ayons contesté naguère, parce que nous croyions au progrès humain. Au terme de cette année, nous n'y croyons plus. Le peuple d'Israël, d'autre part, n'a rien su faire de mieux que d'intenter un procès à ce Sauveur et de le livrer aux bourreaux « Les siens ne font pas reçu ».

Et pourtant C'est bien l'accomplissement. Siméon l'a vu et il ne fut pas le seul - Jean-Baptiste l'a vu, lorsque le ciel s'est ouvert au-dessus de celui qu'il baptisait et qu'une voix lui a dit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ». Les disciples l'ont reconnu, lorsque par la bouche de Pierre ils ont rendu ce témoignage : « Nous avons cru et nous avons connu que tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ». D'autres, beaucoup d'autres, ont fait de même, depuis la femme adultère au bord du puits de Jacob jusqu'au capitaine païen au pied de la croix.

Certes, tous ces témoignages ont quelque chose de particulier. Ils ne procèdent pas d'une sorte de phénomène naturel qui s'imposerait aux hommes, bon gré mal gré. Ils sont plutôt comme une question à laquelle chacun doit donner une réponse personnelle. Ici c'est un enfant dans la crèche ou dans les bras de sa mère ; là c'est un rabbin qui parle en paraboles du Royaume de Dieu ; ailleurs, un homme cloué sur une croix, torturé dans son corps et dans son âme. Et dans chaque cas Dieu demande : « Veux-tu l'accepter comme le Sauveur ? » L'un répond : « oui », et trouve ce qu'il cherchait ; les autres s'écrient : « Ôte-le, nous ne voulons pas qu'il règne sur nous » et en attendent ensuite un autre, en vain, indéfiniment.

Siméon peut rendre grâces : « Mes yeux ont vu ton salut » ; les disciples en témoignent : « Nous avions vu avec les yeux de la foi, que Dieu leur avait ouverts. D'autres n'ont rien vu, alors même que leurs yeux voyaient exactement ce que voyaient un Siméon ou un Jean-Baptiste. Ainsi se consomme le jugement, le départ entre la foi et l'incrédulité, selon la parole de Jésus : « Je suis venu dans le monde pour un jugement, afin que les aveugles voient et que ceux qui voient deviennent aveugles ». Mais quiconque croit, trouve dans cet accomplissement la paix après laquelle son âme est altérée : « A tous ceux qui l'ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu ». Et Jésus, parlant de lui-même, déclare : « Celui qui m'a vu a vu le Père ». Or, là où nous voyons Dieu comme notre Père, il y a la liberté et la paix.

Cet accomplissement, perçu par Simon et dont les apôtres ont témoigné, il est aussi à notre portée, en tout temps, au sein de notre captivité, et de cette guerre qui ébranle le monde. Ce n'est pas un accomplissement qui supprime nos soucis et nos détresses, mais qui leur enlève toute amertume, de sorte qu'avec l'apôtre Paul, nous pouvons dire « ... nous sommes regardés comme des inconnus, et pourtant bien connus ; comme mourants, et voici que nous vivons comme châtiés, et nous ne sommes pas mis à mort comme affligés, et nous sommes toujours joyeux comme pauvres, et nous faisons beaucoup de riches ; comme n'ayant rien, et nous possédons toutes choses ! »

Ce qu'est devenu dans la suite ce vieillard Siméon, nous n'en savons rien. Peu importe. Qu'il ait vécu assez pour voir ce qu'il adviendrait de cet enfant, cela est secondaire. Certain que Dieu est fidèle, il est prêt à mourir ou à vivre ; il a vu le salut de Dieu : il sait que même les promesses de Dieu qui tardent à se réaliser, finissent par s'accomplir.


Ainsi donc, nous pouvons prendre congé de la vieille année avec reconnaissance : Dieu n'a-t-il pas envoyé le Sauveur et ne l'a-t-il pas envoyé pour nous aussi ?
Quelles que soient nos détresses passées ou futures, notre foi est notre soutien. Par telle nous sommes libres, car Dieu nous a faits ses enfants. Plaçant en lui notre espérance, nous avons la paix, car nul ne peut nous ravir de sa main.

Nous pouvons ainsi commencer la nouvelle année avec confiance, même en ignorant ce qu'elle nous réserve. Ce que nous attendions, ce n'est pas notre libération de cette captivité terrestre ni la fin de cette guerre atroce. Par delà toutes ces circonstances nous avons le droit d'attendre les grands actes définitifs de Dieu, qui nous sont promis, l'heure où Dieu établira avec puissance son règne, où nous connaîtrons la glorieuse liberté des enfants de Dieu et la paix sans fin, quand le Seigneur Jésus-Christ reviendra pour faire participer à son héritage glorieux tous ceux qui auront cru en lui sous sa forme de serviteur.

« Il l'a dit, mon coeur s'y fie,
joyeux, plein d'assurance,
et libre de toute épouvante. »
Amen.

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