Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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Cellule 33



 Noël, 24 décembre 1944.

QUE LA GRÂCE ET LA PAIX NOUS SOIENT DONNÉES DE LA PART DE CELUI QUI EST, QUI ÉTAIT ET QUI VIENT ! AMEN.

Écoutons le message de Noël, tel qu'il est contenu dans Luc 2: 10-12:

« Ne craignez point ; car je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera pour tout le peuple le sujet d'une grande joie : c'est qu'aujourd'hui, dans la ville de David, il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur. Et voici à quel signe vous le reconnaîtrez : vous trouverez un enfant emmailloté et couché dans une crèche. »

Célébrer Noël dans la captivité est chose plutôt triste. Cela se comprend aisément. Aussi, chaque année, sommes-nous heureux de pouvoir dire : les fêtes sont passées !... Rien de plus naturel, puisqu'aucune fête de l'année ne nous émeut autant et n'évoque autant de souvenirs très chers et très personnels, n'éveille aussi fortement la nostalgie de tout ce qui nous a été pris. Il arrive donc qu'en ces jours-ci nous nous sentions peu sûrs de nous-mêmes, et que nous craignions de perdre contenance. Nous risquons de nous laisser gagner par l'amertume, sous le poids qui nous accable, et de nous insurger contre notre sort. Une foule de sentiments contradictoires se combattent dans notre for intérieur. Nous en venons à nous réjouir de voir la monotonie des jours ordinaires reprendre son cours et s'apaiser les vagues des impressions qui nous ont troublés.

Dans ces conditions, il reste peu de place pour la joie du coeur telle que nous l'avons éprouvée naguère pendant les jours de Noël et qui remplissait nos âmes de clarté et de gratitude. Nous sommes bien « le peuple qui marche dans les ténèbres », selon le mot du prophète, des hommes ballottés de la crainte à l'espérance et qui, au bout du compte, ne peuvent rien de mieux que de laisser les choses suivre leur cours.

Voici pourtant que l'antique nouvelle retentit à nos oreilles, l'Évangile de Noël contenu dans le message que les anges ont adressé aux bergers, l'histoire touchante de l'enfant couché dans la crèche et qui doit apporter au peuple tout entier allégresse et salut. Les siècles y ont puisé consolation, joie, espérance. Or il semble aujourd'hui que le temps de la grâce soit révolu, que nos oreilles n'en perçoivent qu'un écho lointain, trop faible pour émouvoir des coeurs humains. Si nous demandons d'où elle vient, nous recevons la réponse lourde de sens : L'homme s'est habitué à vivre sans Dieu.

Entendons-nous bien, chers amis ; je ne vise pas les gens qui se disent « Sans-Dieu », qui pour des raisons soi-disant scientifiques, philosophiques ou politiques déclarent : « Il n'y a pas de Dieu », et dont nous ne sommes pas. Non, je pense à nous-mêmes, qui sommes ici présents, qui avons gardé l'habitude de commencer et de finir notre journée dans la prière, mais à qui Dieu paraît si lointain qu'il ne semble plus s'occuper du tout de notre planète. N'aurait-il pas, en effet, abandonné notre monde à lui-même, afin que les hommes l'anéantissent totalement ? Il s'en faut de peu que le doute nous assaille : Dieu se soucie-t-il vraiment de moi, pauvre, et chétif petit être humain, alors que des centaines de milliers et des millions périssent lamentablement ? N'est-il pas insensé et paradoxal de le croire ? Quand de telles pensées s'imposent à nous, il nous arrive de dissocier l'idée de Dieu de notre vie quotidienne. Nous ne voyons plus que les hommes et les circonstances terrestres, desquelles seules nous faisons dépendre nos espoirs et nos craintes. Voilà l'état d'esprit que j'appelle une « vie sans Dieu », qui nous empêche de trouver consolation, joie et espérance dans les récits de Noël, comme le firent nos pères.

Mais c'est précisément dans cette détresse que la bonne nouvelle de Noël apporte son secours, si du moins nous lui prêtons une oreille attentive et si nous l'acceptons comme la parole que nous adresse le Dieu vivant et que nous allons méditer.

Voici donc l'enfant couché dans la crèche. Poètes et peintres l'ont chanté ou représenté dans leurs oeuvres, et dès les jours de notre enfance nous le, voyons auréolé et transfiguré par le reflet romantique que l'art et la poésie humaine ont projeté sur l'étable de Bethléem.

Le réalisme du message évangélique ignore cette atmosphère de féerie. Dans l'annonce faite aux bergers, il n'y a que l'indication de deux signes qui sont deux traits caractéristiques de cet enfant et de sa destinée : il est « emmailloté » et « couché dans une crèche ». Bien de plus. Qu'est-ce que cela signifie pour nous ? Tout d'abord, l'enfant couché là, enveloppé de ses langes, est aussi faible et désarmé que n'importe quel enfant venant au monde ; sa mère doit en prendre soin afin qu'il ne dépérisse pas, l'emmailloter et le nourrir afin qu'il ne meure ni de froid ni de faim. Ces langes sont un signe précurseur de la vie de l'homme dont on dira plus tard : « Il a sauvé les autres et ne peut se sauver lui-même ». Quant à la crèche, elle n'est pas davantage un attribut plastique destiné à mettre en relief la poésie de la nuit de Noël. Elle est également un signe, le signe de l'enfant sans feu ni lieu : « Il n'y avait pas de place à l'hôtellerie. » Cela aussi est un indice précurseur : cet enfant deviendra l'homme qui dira de lui-même : « Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des nids - mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête. » Tels sont les signes donnés aux bergers et à nous-mêmes.

Si, maintenant, nous essayons d'aller au fond des choses et que nous demandions ce que signifie pour nous cet état de faiblesse et d'abandon de l'enfant Jésus, nous commençons à percevoir la vraie bonne nouvelle : Dieu, le Dieu infiniment riche et tout-puissant, descend dans la misère humaine la plus extrême qui se puisse concevoir. Il n'y a pas d'homme si faible et désarmé que Dieu ne puisse, en Jésus-Christ, venir à lui et pénétrer jusqu'au coeur de notre détresse. Il n'y a pas d'homme aussi abandonné et errant dans ce monde, que Dieu ne le visite, au plus profond de sa misère.

Ici il en va tout autrement que dans les religions inventées par les hommes où c'est nous qui devons nous mettre en route pour nous approcher d'une divinité lointaine dont la majesté trône dans les sphères inaccessibles vers lesquelles nous devons nous hisser péniblement sans jamais y parvenir, faute d'une force suffisante. Ici, c'est Dieu lui-même qui descend vers nous et s'occupe de nous. Il ne donne pas sa préférence aux forts et aux bons, abandonnant les faibles et les malades à eux-mêmes et à leur sort. De ces langes, et de cette crèche vient à nous l'invitation : « Venez à moi vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai le repos ». Ici se réalise la parole consolante de l'apôtre Paul : « Vous connaissez la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ qui, pour vous, s'est fait pauvre, de riche qu'il était.

Voilà ce que le message chrétien du salut a de très particulier. Il nous dit : Tu n'as pas à te mettre en frais pour rechercher Dieu. Tu ne dois pas t'imaginer qu'il est loin de toi et ne se préoccupe pas de ce qui t'oppresse. Il est là, tout proche de toi, dans la personne de cet homme qui fut un enfant emmailloté et couché dans la crèche. Ta détresse lui est si peu étrangère qu'il s'en est chargé spontanément afin de la porter avec toi. Quiconque accepte cela avec foi n'est pas abandonné, même dans la prison et dans la mort. Jusque dans les ténèbres les plus épaisses, il peut dire : « Tu es avec moi ; ta houlette et ton bâton me rassurent ».

Mes chers amis, en cette fête de Noël, cherchons dans l'enfant de Bethléem celui qui est venu à nous afin de porter avec nous tout ce qui nous accable. Nous éprouverons certainement quelque chose de la grande joie qui nous est annoncée. De la clarté qui enveloppe les bergers, un reflet illuminera notre obscurité, car cet enfant s'appelle : Emmanuel, c'est-à-dire « Dieu avec nous ». Oui, Dieu lui-même a jeté un pont sur l'abîme qui le séparait de nous ; le soleil levant nous a visités d'en-haut !


Nous avons considéré un aspect du message de Noël, et il semble que nous ayons dit l'essentiel. Mais il en est un autre, dont l'importance peut être plus grande encore.

Assurément, quand l'enfant aura grandi et sera devenu homme, les signes - les langes et la crèche - continueront à le caractériser. Il poursuivra son chemin dans les profondeurs de l'humanité - il sera un prédicateur itinérant, suivi de gens simples, tandis que les grands et les savants seront sceptiques à son endroit, pour autant qu'ils prêteront attention à lui. Il sera ce saint étrange qui fraiera avec des péagers et des gens de mauvaise vie, avec des prostituées et des lépreux. Il sera finalement l'homme de douleur, trahi par un de ses disciples, incompris de tous ses amis, abandonné de Dieu lui-même. Sa vie terrestre aboutira à la croix, c'est-à-dire au gibet : « Voici l'homme ! » De la crèche jusqu'au tombeau, toute sa vie sera un chemin de patience et de souffrance. Son sépulcre même ne lui appartiendra pas. Voilà la vie de cet enfant, telle qu'elle apparaît à nos yeux.

Mais Dieu a apposé à cette vie sa propre signature. Il nous fait dire au sujet de cet enfant : « Aujourd'hui, il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur ». Cela est plus que la nouvelle consolante que Dieu se penche sur nous. Il s'agit de salut, de notre libération d'une détresse et d'un danger mortels, car le terme que la Bible traduit par « sauveur » désigne le sauveur ou le sauveteur qui vient nous secourir là où il ne nous est plus possible de nous aider nous-mêmes.

L'Écriture sainte ne laisse subsister aucun doute, an sujet de la détresse dont seul un Sauveur, un Libérateur peut nous affranchir. Elle parle sans fard du péché, par où elle entend notre désobéissance aux saints commandements de Dieu, la rébellion orgueilleuse de la créature humaine contre son Créateur. Elle fait remonter aux origines de l'espèce humaine cette corruption du rapport de l'homme avec Dieu et porte un jugement totalement pessimiste sur tout effort humain pour remédier à cet état de choses : « Les pensées de l'homme sont mauvaises dès sa jeunesse ». C'est pourquoi tout finit par la mort et le jugement, car, « le salaire du péché, c'est la mort » et Dieu jugera « chacun selon ses oeuvres ».

Pour constater la vérité de ce diagnostic, point n'est besoin de parcourir pas à pas toute l'histoire de l'humanité : Mieux que tous les exemples un regard sur notre coeur et sur notre vie - pourvu qu'il soit sincère - suffit à nous montrer que nous ne pouvons subsister un seul instant devant le Dieu saint et devant ses commandements - qu'au fond toute la misère de notre vie est méritée, si toutefois il y a un Dieu dans le ciel et qui exige notre obéissance à sa volonté sainte. C'est bien pourquoi la mauvaise conscience est presque toujours le ressort caché de tout athéisme grossier ou raffiné. Pour qui veut se débarrasser de sa mauvaise conscience et de ses péchés, le moyen le plus simple n'est-il pas de nier Dieu, ou de l'oublier, si possible, et de s'ériger, à la place de Dieu, son propre législateur et son propre maître ?

Nul, cependant, ne peut échapper à la mainmise de Dieu. « Si je monte aux cieux, tu y es ; si je me couche au séjour des morts, t'y voilà. Si je prends les ailes de l'aurore et que j'aille habiter à l'extrémité de la mer, là aussi ta main me conduira et ta droite me saisira. » Il n'existe aucun moyen d'échapper à Dieu et de fuir son jugement. Il ne faut donc pas s'étonner si cette terre devient toujours plus un enfer où tous sont en lutte contre tous. Ce qui est étonnant, c'est que dans un tel monde retentisse le message : « Le Sauveur vous est né, le Christ vous est donné ».

Comment s'accomplit le salut promis, comment s'opère notre libération, l'Évangile de Noël ne nous le dit pas encore. Quelques indications nous sont pourtant données. Ainsi le prophète (Esaïe 53) en a eu la prescience quand il a écrit : « Il a porté nos souffrances, il s'est chargé de nos douleurs ». Un croyant a formulé cette parole expressive : « La Passion de Christ commence avec ses langes ».

En Christ, Dieu lui-même apporte la délivrance que nous sommes incapables de réaliser nous-mêmes ; il ne se borne pas à se pencher sur nous, il nous élève jusqu'à lui. « C'est moi qui efface tes transgressions, et je ne me souviens plus de tes péchés ! » Christ, « Dieu avec nous » est aussi « Dieu pour nous ». Nous pouvons nous écrier avec allégresse :
« Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?

Voilà bien un message qui mérite d'être qualifié de « grande joie ». Toute crainte peut se dissiper : « Ne craignez point, car je vous annonce une bonne nouvelle qui sera pour tout le peuple le sujet d'une grande joie ». Cette joie dépasse, bien sûr, toute explication et compréhension ; puisqu'il s'agit des actes de Dieu, comment serions-nous à même de les comprendre ? Cette joie est au delà de toute attente et espérance humaines. Nous ne pouvons que la recevoir dans l'adoration et dans la foi. Croire, c'est la posséder.

C'est à des bergers, à des gens frustes et pauvres que fut annoncée en premier lieu la nouvelle du Sauveur couché dans la crèche. « L'Évangile est annoncé aux pauvres. » Ils ne nourrissaient certainement pas d'ambitions démesurées ni d'espoirs grandioses pour leur existence terrestre - ils ne rêvaient assurément pas de la venue d'un paradis ici-bas. Faire cela, c'est toujours passer à côté du message biblique du Christ. Mais quiconque veut se mettre en règle avec Dieu et chercher la paix du coeur, peut être assuré du secours que lui annonce le message de Noël : Dieu est tout près de toi pour t'aider ; Jésus-Christ, ton frère et ton Sauveur, est présent, ne crains pas, crois seulement !

Et nous, chers amis, qui sommes coupés du monde extérieur, spectateurs inactifs des luttes et des convulsions dont il est le théâtre, nous disposons, chaque jour, de beaucoup d'heures pour réfléchir aux événements et pour nous mettre au clair sur nous-mêmes. Nous souffrons souvent de n'avoir pas la paix du coeur, parce que nous regardons aux hommes et à leurs actions, au lieu de lever les yeux vers Dieu et d'écouter sa Parole.

N'avons-nous pas particulièrement besoin que Dieu nous ouvre les oreilles intérieures pour la nouvelle que nous apporte l'Évangile de Noël ? La parole de la grande joie ne nous concerne-t-elle pas très spécialement, nous qui connaissons si bien la peur, celle de mourir et celle de vivre ?

En cette veille de Noël, prions le Seigneur Jésus-Christ - venu comme un faible enfant dans ce monde hostile à Dieu pour le sauver - afin qu'il fasse son entrée chez nous aussi, et nous apporte son salut et nous fasse le don de sa joie.

Amen.


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