Cellule 33
PRÉFACE
MARTIN
NIEMÖLLER
Un ministre hollandais, deux armateurs
norvégiens, un colonel anglais, un diplomate
yougoslave et un journaliste macédonien
formaient la petite communauté à
laquelle, pour la première fois, depuis sept
ans et demi, je fus autorisé à
adresser une prédication la veille de
Noël 1944. C'était dans la maison
d'arrêts de la Kommandantur du camp de
Dachau. Les six membres de notre communauté
sachant assez bien l'allemand, nous n'avions pas
trop de peine à nous comprendre. Aussi
avons-nous chanté nos chorals allemands avec
une ferveur et une joie que beaucoup de paroisses
de notre pairie pouvaient nous envier.
Notre paroisse, en outre, comptait presque
autant de confessions que de
nationalités : Calvinistes,
Luthériens, Anglicans et Orthodoxes grecs
s'y rencontraient, coupés de leurs
Églises respectives comme de leurs familles
et de leurs amis. Que pouvions-nous faire de mieux
que de traduire dans la pratique, aussi bien que
possible, l'Una sancta et de nous réunir
autour de la Parole de Dieu et de
célébrer ensemble la Sainte
Cène ? C'est ce que nous fîmes,
et tous nous avons été reconnaissants
de la communion qui nous a ainsi unis comme
disciples du même Maître et
Sauveur.
À qui serait tenté de nous
critiquer ou de nous en blâmer je ne puis que
répondre : si vous aviez
été dans notre situation,
incarcéré pendant des années,
privé de culte et de cure d'âme,
attendant chaque jour notre
libération ou... la fin,
réduit à vous-même et à
votre pauvreté spirituelle, vous vous seriez
rendu avec nous dans la cellule 34 et vous vous
seriez joint à nous.
Notre lieu de culte était une cellule
ordinaire que mes trois collègues
catholiques, mes compagnons de captivité
pendant les quatre dernières années,
avaient aménagée en chapelle pour y
célébrer leur messe quotidienne. On
n'y voyait qu'un autel avec un crucifix et des
cierges. Quiconque visiterait aujourd'hui ce local
aurait peine à croire que neuf personnes y
trouvaient place et pouvaient même y
célébrer le culte et la Sainte
Cène. (Dans la suite, un couple allemand
s'était joint à nous.)
Il est difficile de dire comment il arriva
que nous ayons été autorisés
à célébrer des cultes. Pendant
des années, cela nous avait
été interdit, parce que, prisonniers
particuliers, nous ne devions pas avoir de contact
entre nous. Tout à coup, peu avant Noël
1944, cela nous fut permis, grâce à
une démarche du ministre hollandais van
Dyck, et dès lors nous pouvions nous
réunir toutes les quatre semaines, avec, en
plus, des facilités aux jours de fêtes
religieuses. C'est ainsi qu'avant notre transfert
de Dachau, nous eûmes en tout six occasions
de nous édifier.
Si je me suis décidé à
publier les sermons que je prononçai dans
ces circonstances, c'est pour adresser mon salut
à mes compagnons de captivité des
derniers temps de Dachau, mais aussi pour attester
qu'au milieu de ces jours d'effroi
l'Évangile est resté pour nous la
puissance de Dieu. Il demeure encore notre unique
espérance.
Leoni (Lac de Starnberg) juillet 1945.
Martin Niemoeller.
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