Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



AVANT L'AURORE
APPEL AUX HOMMES


TROISIÈME PARTIE

BAPTISMUS LABORIOSUS (Suite)
(Baptême douloureux) -

Les hommes débauchés ne sont pas les seuls qui cherchent à mettre d'accord les théories de la vie avec la pratique du mal, qui déclarent que l'impureté est une nécessité pour l'homme, et que la femme qui est une fois tombée doit être jusqu'à la fin de sa vie sacrifiée aux besoins de la société. De nos jours on peut entendre des hommes vraiment bons se faire l'écho de cette fatale doctrine sous une forme un peu adoucie, il est vrai. Des ministres de l'Évangile eux-mêmes sont tombés dans cette terrible confusion au sujet de la moralité publique, puisqu'ils ont pu rester inactifs et silencieux devant cette proclamation audacieuse et générale de la nécessité de l'impureté, devant ce démenti jeté à la face de la loi morale par l'acceptation d'un principe d'inégalité entre les sexes vis-à-vis de cette loi.

L'attitude de ces ministres de l'Évangile en face du péché de l'impureté, et leur silence au sujet des vices et de la cruauté des hommes dans leurs relations avec les femmes des classes pauvres, montrent tristement à quel point les principes de justice peuvent dégénérer sans que les serviteurs de Dieu eux-mêmes s'en rendent compte. Oui, il nous a été réservé de constater en ce jour quelque chose de cette « grande puissance de lâcheté que possèdent les hommes ».

Comment se fait-il que, du moment où les chefs de notre nation proclamaient le mal comme un bien, en élevant le vice sexuel, ce destructeur des peuples, à la hauteur d'une industrie reconnue et officiellement organisée, pas une chaire chrétienne n'ait retenti de la dénonciation éclatante de l'impie doctrine qui est à la base de cet acte cynique ?

L'atmosphère morale qui nous entoure est empoisonnée par l'influence de cette fausse maxime consacrée par le temps, que certains péchés, tout en étant une honte et une dégradation pour la femme, ne sont qu'une faute vénielle chez l'homme.
Mais voici : la nuit s'écoule et le jour est proche. Il y a beaucoup d'âmes qui veillent et attendent le réveil promis, comme on attend la venue de l'aurore.

Dieu soit béni, la lutte est engagée ! Lorsqu'il y a combat, la vie n'est pas éteinte ! La foi, la vertu et la liberté se lèvent contre la débauche, l'oppression et l'esclavage. Le coeur de ce peuple s'est ému, et bientôt toutes les nations se réveilleront. Dieu va « battre son grain dans son aire ». Les pensées les plus intimes du coeur de l'homme seront révélées, et la lumière se fera. L'iniquité abonde, mais le Seigneur répand son esprit comme une pluie bienfaisante. L'ennemi se précipite comme un torrent, mais voici l'étendard du Dieu juste qui se lève contre lui.

Des réveils religieux se sont produits récemment dans différentes parties de l'Europe et de l'Amérique. C'est un signe heureux, car il est évident que pour combattre avec succès ce matérialisme de notre époque qui s'est incarné dans des théories, des lois, des habitudes et des institutions acceptées de tous, nous avons besoin d'une grande manifestation de l'esprit de Dieu. Sans vouloir pénétrer le mystère de ces réveils spirituels, nous devons bien reconnaître qu'il y a des époques où Dieu semble écouter d'une manière spéciale les âmes qui le cherchent sur cette terre de souffrance, et où les prières qui pendant des années de désolation sont montées vers son trône reçoivent à la fin une réponse positive. Ces époques ont souvent été accompagnées de la réforme de grands abus nationaux, et même marquées par l'abolition d'abominables préjugés et par la régénération de la morale publique. C'est ce qui arriva en Amérique avant ce choc des principes opposés qui se termina par la destruction du régime de l'esclavage. L'impulsion religieuse qui se manifeste de nos jours doit, pour être sérieuse, tendre à un résultat de ce genre et entrer en collision directe avec la plus grande de nos plaies sociales.

Aujourd'hui, il est vrai, nos pasteurs et nos guides spirituels comprennent bien dans les soins de leur ministère ces « femmes de nos villes qui sont des pécheresses ». Mais ce n'est pas encore assez, il faut qu'ils attaquent de front la théorie fausse et coupable qui, admettant l'impureté comme un mal nécessaire, croit que l'institution de la débauche légale devra toujours exister dans la chrétienté et que quelques âmes seulement pourront être arrachées à cette odieuse tyrannie. Le réveil individuel de chaque conscience ne suffit pas. Il faut que celui qui est atteint par ce réveil considère que le même appel est adressé à toutes ces créatures perdues et malheureuses. Il n'a pas le droit de refuser de travailler à la réforme de nos institutions sociales dans la crainte puérile de souiller son âme par le contact du vice. « Le monde est plongé dans le mal », est-il dit, mais de quel droit prononcez-vous qu'il doit continuer à s'y plonger ? Si, au contraire, le mouvement religieux devient plus agressif, plus franchement hostile à des maux que les mondains et beaucoup de gens influents soutiennent, alors il y aura un grand espoir pour l'avenir de notre pays.
Ce développement pratique du réveil religieux s'est déjà fait sentir en Suisse et dans le midi de la France ; nous avons besoin qu'il s'affermisse dans notre pays.

Il faut attaquer hardiment les grands péchés du jour, l'amour de l'argent et ces infâmes commerces fondés sur la ruine du corps et de l'âme humaine, qui jettent à la destruction des milliers de filles du peuple.

On ne peut nier que les maux qui ruinent sourdement la vie religieuse et morale se résument de la manière la plus terrible dans cette iniquité sans pareille de la débauche légalisée qui est maintenant prêchée partout. Pour lutter contre ce flot envahissant, il ne suffit pas de quelques efforts isolés, il faut que des associations d'hommes et de femmes se forment pour agir d'un commun accord ; c'est ce qui a déjà lieu dans plusieurs pays. Ce mouvement coïncide précisément avec un moment où le mal devient lui-même plus agressif par le fait qu'il trouve des partisans zélés parmi les disciples de la science et de la philosophie. D'aucuns affirment ce dogme, que l'existence d'une faculté implique le droit d'en user librement, que la prostitution est une nécessité impérieuse ; considérant qu'il est inutile et déraisonnable de faire la guerre à ces maux, ils engagent la société à conclure un traité avec eux. En réponse à ces affirmations, un mouvement s'est produit qui a été le signal d'une courageuse opposition.
Le silence sur ce point est maintenant impossible.

L'immoralité, quelque distinguée qu'elle soit et en dépit de ses apologistes influents, ne pourra plus se retrancher derrière des abris de convention, grâce au lâche silence de l'opinion publique. Notre tâche aujourd'hui est d'enseigner sans cesse, publiquement et dans la vie privée, cette grande vérité méconnue de « l'unité de la loi morale ». Ce qui est péché impardonnable chez la femme ne peut pas être une légère offense chez l'homme, car la loi morale est une comme Dieu est un.

« La loi de la pureté est obligatoire pour les hommes comme pour les femmes. Elle n'admet pas que la nature spirituelle puisse être isolée au profit des satisfactions de la nature physique. Une telle violation s'appelle à juste titre de l'impureté, car elle porte atteinte à la dignité humaine en détruisant la suprématie de la volonté spirituelle sur les besoins du corps animal. Pour que la vie spirituelle existe, il faut qu'il y ait lutte entre ces forces opposées. La défaite de la volonté dégrade la nature humaine, la fait tomber au niveau de la brute et même plus bas encore, car lorsque l'homme cède à ses passions, ce n'est pas par le fait d'un instinct aveugle comme chez l'animal, mais par une violation volontaire de sa nature, supérieure. Les conséquences personnelles et sociales de cette violation sont un mal positif (1). »

Parmi ceux qui professent la foi en Jésus-Christ il y a encore beaucoup de scepticisme à l'égard de la réhabilitation de ces victimes de la société qu'on appelle des « femmes perdues ». Beaucoup de personnes, parce qu'elles ont été une ou deux fois déçues dans leurs tentatives pour relever quelques-unes de ces pauvres créatures, s'en vont et proclament l'impossibilité de leur relèvement. Aussi bien déclarer que les arbres qui ont été dépouillés par le froid de l'hiver ne retrouveront pas leur feuillage au printemps, parce que nous sommes impuissants à parer de nouveau les bois de leur verdure et à ranimer ces racines qui dorment dans la terre.
Mais nierez-vous que Dieu puisse rendre la vie aux âmes ? Ces êtres auxquels vous faites le mal immense de déclarer qu'ils sont perdus, répondront à l'appel de Dieu et entendront les promesses adressées aux disciples du Christ. « Celui qui croit en moi fera les oeuvres que je fais et il en fera même de plus grandes. »

Lorsqu'une pauvre femme tremblante toucha le bord de son vêtement et qu'elle fut guérie, à l'instant Jésus se retournant dit : « J'ai senti qu'une vertu est sortie de moi. »
Il avait bien raison de dire : « Mon père et moi nous sommes un », car c'est par lui que se transmettait cette puissance de Dieu qui peut guérir les hommes. Ceux qui vivent dans une communion intime avec Dieu pourront seuls faire ces miracles de guérir les âmes.

Jean Eudes de Normandie vivait au XVIIe siècle. Après qu'il eut passé cinq ans de retraite dans la réflexion et la prière, il revint en France et accomplit une grande réforme dans la moralité publique.
En particulier, il combattit les préjugés existants sur la culpabilité relative de l'homme et de la femme dans les questions de moeurs. On raconte qu'un jour, tandis qu'il prêchait à une grande congrégation dans l'église de Saint-Étienne à Caen, pénétré du sentiment du péché et pensant à tous ceux qui, dans cette assemblée, en étaient les esclaves ou les victimes, il s'arrêta un instant, puis s'écria d'une voix déchirante : « Pitié, ô mon Dieu, aie pitié ! »
Toute l'assemblée tomba à genoux et répéta d'une seule voix : « Pitié, ô mon Dieu, aie pitié ! »

Un homme de talent, grand admirateur d'Eudes, crut qu'il pourrait produire le même effet en employant le même moyen. S'arrêtant au milieu d'un magnifique sermon, il dit d'une voix émue ces mêmes paroles, mais il eut beau les répéter deux fois, les coeurs ne furent pas touchés et personne ne bougea. Ce prédicateur n'avait pas acquis, par plusieurs années de communion avec Dieu, cette vertu qui, pareille à un courant électrique, s'élança de l'âme de Eudes et passa dans les âmes de ses auditeurs. Voilà pourquoi tant de gens échouent dans leurs tentatives pour sauver les âmes qui se meurent.
Et pourtant n'y a-t-il pas d'oeuvre à faire, pour ceux qui craignent de manquer de foi ?
Oui, certainement.

Il nous est rapporté que, après avoir parlé aux multitudes, aux gens perdus dans le péché et la misère, Eudes demandait à ses disciples de lui venir en aide, car, disait-il, « ces faibles semences de repentance et ce désir de retourner à Dieu que la grâce fait germer dans leurs coeurs ne peut pas prendre racine en eux tant que ces malheureux sont tourmentés par la pauvreté, et qu'ils vivent dans une atmosphère empestée de vice et de misère. » C'est pourquoi il engagea plusieurs de ses amis à « recevoir ces pauvres femmes dans leur maison, à leur donner de l'ouvrage, de l'instruction et à relever autant que possible leur caractère moral. » Placées dans de telles conditions, il y avait lieu d'espérer qu'elles retrouveraient le sentiment de leur dignité et qu'elles seraient mieux préparées à recevoir les espérances de la vie spirituelle.

Quelle que soit l'incertitude de nos pas dans le chemin du bien, ainsi que notre ignorance dans les choses du domaine spirituel, chacun de nous trouve à sa portée la possibilité de travailler à cette sainte mission du relèvement de ceux qui sont tombés, chacun de nous peut arrêter un frère ou une soeur sur le chemin qui mène à la perdition. Un mot, rien qu'un mot, de bienveillance et de sympathie a plus d'une fois été le signe qui a indiqué un changement de route dans une vie de misère, d'ignorance et de désespoir.

Beaucoup d'êtres, dans la classe la plus misérable des pécheurs, pourraient être tirés de l'abîme, dégagés du filet fatal des circonstances qui les entourent, et mis sur le chemin de la vertu et de l'honneur, si seulement une main secourable se tendait vers eux ; si quelqu'un, par sympathie humaine, à défaut d'une foi positive, faisait quelques efforts pour leur venir en aide et les soutenir.
Mais voici, pour relever de la poussière les filles de notre pays, tombées à notre honte, il faut croire à la nature humaine, à sa dignité et à ses capacités. Si cette foi se trouve unie à de l'intelligence, du bon sens, un coeur chaud, une imagination saine et vive, alors ceux qui la possèdent pourront aller sans crainte à la rencontre de leurs frères, quelque malheureux et dégradés qu'ils soient ; ils pourront tendre la main à ces êtres que les distinctions de société ou d'éducation ont relégués dans les bas-fonds de l'humanité.

Le secret de la réhabilitation, considéré au point de vue humain, est de dégager le vrai caractère divin de la créature, de le tirer de la honte et du vice qui le recouvrent, de lui donner une possibilité d'être.

Ceux qui n'ont point de foi dans la nature humaine, qui ne savent pas la respecter malgré ses flétrissures, essayeraient en vain d'agir sur ces femmes, victimes de notre corruption sociale. Malheureusement, il y a de telles personnes ; il y a des hommes qui s'en vont répétant cette affirmation fausse et cruelle qu'il n'y a pas d'espoir pour ces femmes, qu'elles sont hors de toute régénération possible, plus dégradées que l'homme qui pèche avec elles, sans droit au respect ni à la liberté, déclassées, n'ayant plus même de sexe, des « seaux à ordures ».
Le mot a été dit.

Il faut l'avouer à la honte de notre époque, cette erreur est très enracinée parmi des gens vertueux des classes élevées surtout, et c'est chez eux qu'elle a le moins de chance d'être réfutée, car la plupart ne connaissent ni les conditions de la vie des filles du peuple, ni le caractère et la demeure du pauvre.
Et puis, comment convaincre ces gens par le raisonnement ? C'est presque impossible ; il faudrait, pour leur donner une vue saine sur ce sujet, atteindre leur coeur, déplacer le centre de leur pensée, et changer la direction de leur vie.

Un seul regard jeté sur le visage d'un homme suffit souvent à me faire comprendre s'il y a lieu de compter sur lui pour l'oeuvre du relèvement des femmes, Chez quelques-uns je vois de la foi, chez d'autres il n'y a rien. Ah ! ceux-là, je voudrais les conduire moi-même dans ces repaires du vice, dans ces misérables demeures où se cache la honte, je voudrais leur montrer la vie réelle de ces pauvres femmes, et ils verraient alors si elles ne sont pas des êtres humains comme nous, qui ont un coeur, une conscience, qui éprouvent des tristesses, des peines, de douces espérances et de poignants regrets !

Mais peut-être ne réussirais-je pas même ainsi à les convaincre, car la vue seule de certaines personnes est suffisante pour paralyser tout ce qu'il y a de bon chez ces pauvres réprouvées. Quand elles se trouveront en face de l'un de ces sceptiques, qui doutent de la nature humaine, elles le regarderont de cette manière si particulière, à la fois rusée et hésitante ; elles devineront ses pensées avec cette remarquable perspicacité que le malheur de leur vie a développée chez elles, et alors elles se montreront tout de suite sous leur mauvais jour, elles ne laisseront voir que le côté dur, défiant et haineux de leur nature. Et cet homme s'en ira continuant à répéter que ces femmes sont perdues sans espoir, parce qu'il n'aura pas en lui la foi et la sympathie nécessaires pour trouver et faire sortir ce qu'il y a de bon chez elles.

Une affirmation assez commune (nous l'entendons répéter autour de nous à satiété), c'est que les femmes qui se donnent pour de l'argent sont les plus dégradées qui existent et que le péché qu'elles commettent ne peut se comparer à celui de l'homme qui le commet avec elles. Eh bien, moi je vous répondrai sans crainte (et mon expérience sur ce sujet est grande) que plusieurs des femmes qui pèchent de cette manière sont parmi les moins coupables, et qu'il y a quelquefois du dévouement dans le sacrifice qu'elles font de leur personne.

Une jeune fille dont le père se mourait ne pouvait pas même se procurer une lumière pour éclairer et réchauffer sa misérable chambre pendant les nuits de l'agonie.
Ce n'est pas du roman que je vous fais, mais de l'histoire.

La pauvre créature se glisse hors du taudis, et revient au bout de quelque temps avec plusieurs petites douceurs pour son malade. « Père, dit-elle, ne me demande pas d'où cela vient. » Elle le soigne ainsi jusqu'à la fin, elle achète un cercueil et un bouquet de violettes pour le poser sur le cadavre ; tout cela avec le prix de la vente de son pauvre corps glacé, affamé et tremblant. Il n'y avait chez elle aucun entraînement de vanité, d'instinct ou de passion, excepté la passion de la pitié pour un père mourant.

Cependant nous entendons des docteurs, des hommes d'État, des philosophes, des femmes même qui disent : « Les femmes qui sont assez viles pour se vendre ne sont plus des femmes ; elles méritent de porter le sceau de leur dégradation par la reconnaissance légale de leur industrie, d'être patentées pour ce triste et dégradant commerce » qui, pour quelques-unes, a été la dernière ressource en face de la faim et du désespoir.

Un jour que je suppliais une femme coupable de renoncer tout de suite à sa mauvaise vie, elle me répondit, en regardant avec désespoir son enfant pâle et maigre qu'elle tenait sur ses genoux : « Ah ! je le voudrais bien, mais que deviendrait mon petit garçon ? il faut qu'il mange. »
Une autre, dans la même situation, me dit avec un regard triste et franc : « Je n'ai jamais choisi le mal, mais je ne puis pas trouver d'ouvrage. Voyez ma mère, ni elle ni moi n'avons rien mangé depuis hier à pareille heure. » La mère était vieille et aveugle, la fille la soutenait à travers la Chambre, l'asseyait près du feu et lui apportait de temps à autre une croûte de pain.
Encore une fois, ce ne sont pas des fictions mais des faits.

C'est étrange qu'il faille en arriver à poser devant la conscience des hommes qui ont péché cette question : Est-ce la faim qui vous a fait pécher ? Est-ce le besoin et la misère qui vous ont entraînés à cette chose odieuse de trafiquer avec la vertu ?
Non, vous n'étiez pas pauvre, puisque c'est vous qui avez donné l'argent.
Quel était donc votre mobile d'action ? Était-ce l'amour ? Vous vous révoltez à ce mot ainsi associé.

Je m'arrête, mais je vous adjure de ne pas continuer d'affirmer une chose aussi fausse et vide de sens, à savoir que celle qui est poussée au péché uniquement par la pauvreté est la plus grande des pécheresses.

Il y a des gens à qui il est fort difficile de se représenter ce que signifie ce mot : la faim. Ils n'en ont aucune expérience, et leur puissance d'imagination ne vit pas jusqu'à la comprendre. Je parle de la douleur de la faim, de cette faiblesse qui augmente avec les semaines, les mois, les années, par le fait d'une nourriture insuffisante ; de cette passion pour le manger et le boire qui devient un instinct déchaîné devant lequel tout autre sentiment disparaît.

Voici une histoire véridique qui se répète, hélas ! dans toutes les villes, dans tous les quartiers, dans toutes les rues où fourmillent les pauvres :
Une orpheline débuta dans le monde avec quelques vêtements, deux ou trois francs, une Bible et un livre de cantiques. Elle chercha longtemps à entrer en service comme domestique, mais en vain. Qui l'aurait engagée sans références ? Alors elle vint en ville augmenter le nombre de ces milliers de malheureux qui luttent fiévreusement pour gagner leur vie. Il y avait peu de travail et trop de mains.

Depuis longtemps, le petit paquet d'effets que la bonne soeur lui avait donné à l'hôpital avait été échangé contre une série de reconnaissances du mont-de-piété. Elle avait trouvé de l'ouvrage de temps à autre, juste de quoi nourrir son espérance. De jour en jour ses souliers laissaient passer un peu plus de ses pauvres pieds sans bas, et sa robe devenait trop mince même pour l'été ; elle allait toujours à travers les rues par la neige ou la boue. Le soir elle rentrait dans son petit réduit et s'asseyait avec ses vêtements mouillés auprès d'une grille sans feu. La chambrette était une soupente vide de meubles. Lorsqu'elle y entrait, elle se sentait comme Jacob après sa vision de l'échelle et des anges. C'était son Béthel. Là, comme le patriarche, elle fit un voeu, disant : « Si Dieu est avec moi et s'il me garde dans le voyage que je fais, s'il me donne du pain à manger et des habits pour me vêtir... certainement, l'Éternel me sera Dieu. » Bientôt, au milieu d'un rude hiver, sans pain à manger et sans habits pour se vêtir, elle fut à bout d'efforts et de patience.

Un soir elle rentra dans sa chambre à demi-morte de faim. Sa petite Bible était posée sur le rebord de la fenêtre ; elle la regarda un instant puis se jeta sur son lit désespérée, pleurant et criant : « C'est inutile, c'est inutile ! je ne suis pas de celles que Dieu veut pour lui. »

Jour, après jour elle avait cherché de l'ouvrage pour ses mains, mais pour toute réponse elle avait entendu des employés, des commis de magasin, lui dire par leurs regards et leurs paroles qu'elle pouvait faire marché de sa beauté.
Elle refusa héroïquement ; mais après tout, à quoi bon ? autant ce suicide-là qu'un autre ! Cette vie qui lui faisait horreur était peut-être tout ce que pouvait espérer une pauvre fille sans amis comme elle ? À quoi avaient abouti ses efforts héroïques, son courage de martyr ?

Deux ans plus tard, les habitants d'un faubourg bien connu purent entendre les rires hystériques et les cris de sauvage désespoir poussés par une malheureuse enfermée dans la prison du quartier. Mais ils ne connaissaient pas l'histoire des luttes qui avaient ravagé ce visage maintenant insensible ; ils ne savaient pas les larmes qui avaient coulé de ces yeux aujourd'hui pleins de haine. Ils n'avaient pas entendu les cris et les prières échappés dans une heure d'agonie de ces lèvres qui maintenant prononçaient des malédictions et des blasphèmes. 0 Dieu ! au prix de quelles horribles souffrances cette vie pure n'avait-elle pas été échangée contre une vie coupable !

Écoutez encore cette histoire. Elle m'a été racontée par une de ces femmes, victimes de nos injustices sociales. « Je suis, me dit-elle, la fille d'un ministre de l'Évangile et je vous jure sur ce que j'ai de plus sacré que le salaire trop faible que je recevais pour mon travail est la seule raison qui m'a poussée au mal.

« Je ne pouvais gagner que trois francs quarante-cinq centimes par semaine en cousant des chemises d'hommes ; je serais morte de faim dans la rue. Au bout de quelque temps de cette vie-là, je me jurai à moi-même d'y renoncer, à cause de mon garçon. Je mis presque tous mes vêtements en gage et je passai mes nuits enveloppée dans un mauvais châle et couchée sous la baraque d'un boucher. Je voulus essayer d'entrer dans un asile (Workhouse). Depuis deux jours je n'avais rien mangé, mon enfant avait une jambe gelée. Je tombai évanouie sur le pas d'une porte. Une dame qui passait voulut me donner à manger, mais je ne pouvais rien prendre ; elle frictionna les jambes de l'enfant avec de l'eau-de-vie. Le soir je me rendis à l'hôpital, mais on ne voulut pas nous recevoir sans un ordre; alors je retournai au péché encore pour un mois. Ce fut la fin. Dans mon coeur je haïssais le péché ; ma nature se révoltait contre la vie que je menais ; Dieu seul sait combien j'ai lutté pour en sortir. »

À l'époque où cette femme racontait son histoire en pleurant et le visage caché dans ses mains, elle était depuis huit ans en service et respectée par ceux qui l'employaient. Je la rencontrai tandis qu'elle était en course pour tâcher de sauver d'autres femmes exposées au même sort qu'elle. Je vérifiai les faits qu'elle me raconta.
Les personnes chez lesquelles elle avait travaillé se louaient de son assiduité, de sa sobriété et de la modestie de ses manières.

Voici encore une histoire véridique.
Une juive fort belle, encore jeune, mais dont le visage était flétri par la souffrance, vint un jour frapper à ma porte. Il avait été question d'elle dans les journaux (colonnes de la police). Cette pauvre femme, qui cherchait à cacher la naissance de son enfant, fut pendant longtemps poursuivie par certain agent zélé que ses chefs louèrent pour la vigilance déployée par lui en cette affaire. Ce fut après avoir souffert sa peine légale qu'elle se présenta chez moi, le coeur brisé par le sentiment de sa faute.
Elle me supplia de lui fournir les moyens de s'en aller loin, bien loin.

Quelques mois passèrent et elle s'en alla en effet, loin de cette terre et près de Dieu. Avant de mourir elle me pria de lire toutes les lettres qui pourraient arriver à son adresse. Il en vint une, portant cette suscription : « personnelle ». Cette lettre était écrite par un homme qui la priait de revenir vers lui. « Pourquoi ne m'écrivez-vous pas ? disait-il. Parmi les filles que je vois il n'y en a pas une si belle que vous. » Et dans un langage enflammé il plaidait sa cause.
Comme père de l'enfant, il réclamait de nouvelles faveurs de la mère persécutée.
L'auteur de la lettre était l'agent de police X., le père de l'enfant, ce même employé zélé qui fut loué par ses chefs pour avoir poursuivi cette malheureuse mère et révélé l'existence de cet enfant (le sien) !
Vous n'avez pas assez d'indignation et de mépris pour une pareille conduite. Et pourquoi, je vous prie ?
Les agents de police sont des hommes qui ont des passions comme vous.

Cet homme ne fit dans ce cas que ce qui lui était imposé comme un devoir. Il n'y a pas grande différence entre lui et ce magistrat qui condamna à la prison une fille qu'il avait payée la veille au soir dans la rue, et dont il écouta l'accusation le lendemain à l'audience avec un visage impassible ; ou bien entre lui et ce respectable législateur qui propose au Parlement des lois pour punir des femmes moins coupables que lui.
Chacun moissonne ce qu'il a semé. Pourquoi faisons-nous des hommes de la police les juges de la moralité du peuple, ou plutôt des femmes de notre nation ?
Pourquoi leur accordons-nous des pouvoirs que les hommes les plus sages et les plus purs ne devraient accepter qu'en tremblant ?
Nous les lâchons comme des chiens de chasse après de pauvres femmes qu'ils oppriment, et cela s'appelle « la répression du vice ».
Nous les chargeons de punir l'immoralité, et ils punissent les femmes coupables. Quant aux hommes, on les ignore ; ils entrent à leur aise dans des lieux de débauche, et ils en sortent à leur aise, protégés même par la loi qui permet que le passant le plus innocent soit sollicité d'aller satisfaire ses appétits charnels sous une surveillance légale.

Les lois, les habitudes, le langage public fortifient journellement la police, ce despote de l'avenir, dans la croyance que l'homme peut pécher impunément et que la femme seule est responsable ; qu'il y a une loi morale pour l'homme et une autre pour la femme. Et ainsi, tandis que l'homme est de plus en plus privilégié, la femme, victime de ce mensonge perpétuel, perd de plus en plus courage. Son coeur et son âme s'endurcissent, se glacent comme aux heures du matin se refroidit l'atmosphère, mais néanmoins l'aurore approche.

J'ai dit que le secret de la réhabilitation morale consiste à dégager doucement la vraie nature que la créature humaine a reçue de Dieu. Mais ici il y a une grande difficulté : les caractères varient à l'infini, en sorte qu'un système uniforme pour faire le bien, péchera par manque d'élasticité lorsqu'on l'appliquera. comme discipline générale. On commence à reconnaître de plus en plus les inconvénients de ce système qui réunit une quantité de jeunes femmes, plus ou moins flétries par le péché, et les sépare entièrement du reste de la société.

Je sais que, dans le cours du siècle dernier, des bénédictions sans nombre ont couronné les efforts de ceux qui aiment les âmes perdues; ils ont fait beaucoup de bien, malgré la rigidité de leurs méthodes et un certain manque de lumière et de générosité. La seule compassion, le seul désir de sauver des créatures, ont porté des fruits ; mais, comme beaucoup d'autres institutions qui ont réussi à leur origine, cette forme de la charité est usée, elle a achevé son office, elle a eu son jour, et maintenant elle est finie.

Les victimes de l'impureté de la société commencent à éprouver elles-mêmes le besoin d'une charité plus large et plus généreuse que celle que les chrétiens leur ont témoignée jusqu'à ce jour. Ces aspirations se traduisent par ce cri qui retentit de tous côtés : « Donnez-moi du travail ! » Que de fois j'ai entendu cette phrase : « Si je puis travailler je me conduirai bien ; » et aussi cette question bien naturelle : « Pourquoi nous met-on en quarantaine tandis que les hommes sont toujours libres ? »

En vérité, n'y a-t-il pas quelque chose de superstitieux dans la manière dont la société considère la réclusion pénitentiaire comme une nécessité pour les femmes seulement ?

Voyons, que feriez-vous pour votre jeune fils, si vous le voyiez tomber dans des habitudes de débauche, quel moyen emploieriez-vous pour le ramener à la vertu ?
Iriez-vous l'enfermer dans une maison entourée de murs élevés, pour un an ou deux, ne lui permettant en fait de société que celle de quelques jeunes gens de son âge, dont la conduite a été aussi mauvaise que la sienne, lui imposant certains travaux et certains exercices religieux ?
Une discipline de ce genre ne serait admissible que dans un cas de folie où le sujet serait plutôt un malade qu'un coupable.

En face du péché de l'impureté, je suis bien sûr qu'aucuns parents ne voudraient pour leur fils une discipline pareille à celle qui est généralement imposée aux filles du peuple.
Bien au contraire, vous chercheriez à entourer votre enfant des influences de la famille, jointes à une certaine dose de liberté d'exercice et de plaisir. Vous lui donneriez à faire un travail d'accord avec ses goûts. Vous le placeriez dans la société de gens honorables et distingués, afin que, tout en restant dans le monde, il fût sauvegardé et encouragé par les exemples qu'il trouverait autour de lui. Par-dessus tout, vous tâcheriez de le soumettre à une influence vraiment maternelle.

Mais, me direz-vous, une éducation industrielle est nécessaire pour préparer ces pauvres femmes à l'indépendance et à la possibilité d'un travail honnête.
C'est vrai, mais il ne me semble pas impossible d'obtenir une éducation pareille dans un milieu qui réunirait les éléments de la vie de famille. Peut-être ne s'est-on pas complètement rendu compte de ce qui constitue les avantages d'une vie de famille. Les influences maternelles, la bonté, un sentiment de protection et de sécurité, une certaine mesure de liberté, toutes choses qui se rencontrent peut-être assez généralement dans les refuges modernes, ont une grande valeur, mais ce n'est pas tout. Lorsque Dieu, en réunissant quelques êtres humains d'une manière particulièrement intime, créa la famille, par cette institution il leur accorda non seulement les meilleures conditions possibles pour le bonheur terrestre, mais aussi les plus favorables pour le développement du caractère moral, du dévouement, de l'affection réciproque.

Les êtres réunis dans une maison (home) ne sont pas tous du même âge et de la même condition. Le vieillard, le jeune homme, l'enfant impuissant s'y trouvent à côté de la femme et de l'homme dans la force de l'âge, le maître à côté du serviteur. De ces différences naissent des sympathies, des devoirs, des dépendances réciproques, qui donnent à la vie sa force, sa sainteté et ses joies. La famille est l'ordre voulu de Dieu.

Selon la mesure où nous créerons des organisations sociales qui élimineront l'idée de la famille, nous perdrons une quantité équivalente de force, de joie et de secours que la Providence avait mise à notre portée. Nous créerons des milieux artificiels qui ne seront pas favorables au développement sain et naturel de la meilleure partie de l'être humain.
L'expérience, dans les oeuvres qui tendent à la réhabilitation des femmes coupables, confirme de plus en plus la vérité de ce que nous venons de dire.

Plus d'une fille légère, mal disposée et indifférente aux conseils et à l'affection qui lui était témoignée, a complètement changé de caractère lorsqu'on lui a confié la charge de soigner un petit enfant ou un vieillard. D'autres, qui se révoltaient contre la règle d'une maison pénitentiaire, sont devenues de nouvelles créatures lorsque, faisant appel à leur responsabilité, on leur a confié la surveillance d'une camarade plus faible et plus coupable qu'elles-mêmes.

D'autres enfin, dont le coeur semblait endurci, se sont attendries auprès du lit des malades et des mourants qu'elles avaient la charge de soigner. Il faut, dans la mesure possible, donner ample carrière aux différentes aptitudes, aux goûts variés et aux capacités de ces pauvres femmes. Ce qui, pour l'une d'elles, sera un devoir pénible, pourra être, humainement parlant, le salut d'une autre.
Parfois un don pour la musique ou pour un art quelconque, le travail manuel en plein air sous le ciel bleu, ont été les moyens par lesquels la santé morale est petit à petit revenue.

Ce qui se passa en France dans certaine contrée après les guerres de la Fronde nous donne une idée de ce que l'on pourrait faire dans ce sens. Les villages étaient ruinés, la population décimée par la famine et la peste ; des orphelines, de jeunes veuves erraient au hasard pieds nus et en haillons. Une noble dame de ce temps, en se rendant à son château, fut frappée de l'abandon de ces pauvres femmes qu'elle rencontra sur son chemin ; sa tristesse augmenta encore lorsqu'elle vit que plusieurs de ces pauvres créatures offraient de se vendre au premier venu afin de ne pas mourir de faim.
« Voulez-vous travailler ? » demanda-t-elle à ces pauvres créatures. Elles ne demandaient que cela.

Telle fut l'origine de la Colonie industrielle qui, fondée dans la campagne, loin des villes, devint en quelques années un florissant village où résonna incessamment le bruit du travail joint aux rires et aux cris de joie des enfants. La vie de famille fut établie dans ce petit centre malgré le travail industriel qui, pendant la journée, réunissait les femmes dans les fabriques. Le soir elles rentraient chacune dans leur chaumière où celles qui n'avaient pas de famille à elles, avaient la charge de soigner soit de pauvres vieillards, soit des enfants abandonnés qui leur étaient confiés.

Cette petite communauté était dirigée et administrée par quelques femmes dévouées qui s'y établirent et vécurent là de la vie commune. Bientôt s'éleva dans le village une église et une école. La vie des habitants était laborieuse, heureuse et libre, car après le labeur du jour, chacun retrouvait chez soi une vie de famille dont les devoirs faisaient appel aux plus tendres affections du coeur.

Les quelques récits incomplets que l'histoire a conservés de cette charitable entreprise font passer devant nos yeux un tableau touchant.
Les jeunes filles, en sortant de la fabrique, se hâtent pour trouver dans leur petite demeure le bébé adoptif qui les attend, et sous ses pures et douces caresses elles perdent le souvenir d'un passé impur. Pour l'une d'elles, celui qu'elle appelait « son bébé » était un faible vieillard confié à ses soins et qui chaque jour attendait avec impatience l'heure bénie du retour de « sa bonne ».
Et elle, cette pauvre femme de la rue, cette pécheresse, répandait toute la tendresse de son coeur sur ce vieillard infirme en qui elle retrouvait peut-être le souvenir d'un père mort depuis longtemps, et auprès duquel elle se sentait redevenir petite fille.

Les aptitudes de chaque jeune femme étaient utilement employées ; celles qui avaient du goût pour l'enseignement passaient leurs soirées à étudier dans l'école. Une bibliothèque fournissait des lectures à chaque chaumière.

La petite colonie recevait aussi souvent des convalescents qui sortaient des villes voisines et venaient recouvrer la santé dans cette pure vallée.
Les femmes qui se distinguaient par leurs capacités pour le soin des malades ou pour l'éducation des enfants étaient élevées au grade de mères directrices de la communauté. Les produits fabriqués dans le village étaient vendus dans la ville la plus voisine, en sorte que peu à peu la colonie put se suffire à elle-même.

Ceux qui ont entendu parler de ce qu'a fait Rosa Govona dans la vallée de Mondori, nord des Apennins, comprendront, le bien qui eut être réalisé par des pauvres femmes ainsi réunies.
- Tu vivras du travail de tes mains, - telle était la parole de bienvenue que Rosa Govona adressait à chaque nouvel arrivant et immédiatement, sans lui imposer un temps de quarantaine, il était installé à l'ouvrage, recevait sa paye comme un être indépendant et responsable (2).

Je me suis souvent demandé en voyageant à travers les plus belles contrées rurales de l'Angleterre, si une pareille entreprise n'aurait pas chance de réussir dans notre pays.
Dieu veuille que le courage, la charité et l'esprit d'initiative se mettent une fois à étudier cette question, et ainsi des milliers de créatures qui, humainement parlant, n'ont pas un seul secours à leur portée, seraient arrachées au courant fatal qui les entraîne à la perdition.

Pourquoi ne chercherait-on pas à faire régner dans nos villes ouvrières ces principes d'indépendance et à développer ces éléments de la vie de famille ? Dans des oeuvres comme celles dont je viens de parler, les femmes doivent les premières se mettre à la brèche, mais il ne faut pas se dissimuler qu'elles ne feront rien sans le secours des hommes.

C'est aux femmes qu'incombe le devoir d'élever le niveau moral de leurs fils et de leurs frères. Sans ce développement des consciences, l'oeuvre de la réhabilitation de la femme serait aussi vaine que la tentative de vider le lit d'une rivière en détournant ses eaux, tandis que de nouveaux flots jailliraient incessamment de sa source. C'est donc encore à vous, jeunes gens, que je voudrais m'adresser, car cette oeuvre difficile, mais grande et mille fois bénie, dépend de vous.

C'est aux jeunes gens à donner à ce mouvement social, par leur participation, la vigueur et l'enthousiasme nécessaires pour sa réussite.

Il est vrai que leur temps est rempli par la préparation aux devoirs de la vie active, mais le devoir dont nous parlons s'impose immédiatement et doit être accompli sans délai, car le mal existe chez eux.
S'ils ne frappent pas le premier coup au nom de la pureté et de la justice, la lutte contre cette iniquité sera vaine.
Qu'un seul jeune homme proteste résolument contre ce sacrifice humain, et il sauvera peut-être plus d'une victime (3). »

Et vous, jeunes gens qui avez échappé à la corruption du monde et qui ne cachez aucun honteux souvenir dans votre coeur, vous êtes mille fois heureux !

Que la force et la joie soient votre partage, que la bénédiction de toutes les mères repose sur vous ! J'en connais, de ces jeunes hommes, qui sont modestes et vigilants, plus humbles que ceux qui devraient s'humilier devant eux. L'expérience dans le péché ne produit pas toujours l'humilité, mais trop souvent, au contraire, l'orgueil. L'humilité est un don de la grâce de Dieu chez les créatures tombées comme chez ceux qui ont résisté à la tentation. « Que personne ne prenne ta couronne. » Au nom de tout ce qu'il y a de pur, d'aimable, d'honnête et de bonne réputation, ô fils de l'Angleterre, cette invitation t'est faite de te joindre à la bataille sous la bannière du Seigneur !

Que Dieu ouvre vos yeux, jeunes gens, et vous fasse voir le noble rôle qui vous est assigné. Soyez remplis de cette ardeur et de cet enthousiasme qui ont rendu les réformateurs invincibles. Que ceux qui ont succombé à la tentation, qui ont été brisés dans leur chute ou écrasés par la punition du péché, se lèvent repentants et résolus, et qu'ils travaillent avec vous à la venue de cette nouvelle ère où les sources de la vie humaine ne seront plus empoisonnées par cette fausse loi morale qui érige l'injustice en système.


Table des matières

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1 Extrait du premier manifeste de la Social purity Alliance.

2 Au-dessus de la porte de chacune des maisons qu'elle fonda, Rosa Govona fit graver ces mots :
« Tu mangerai col lavoro delle tue mani. »

3 Extrait du manifeste de la Social Purity Alliance, 1873.

 

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