Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



SERMONS PAR ÉDOUARD ROBERT-TISSOT


XII

Mon ami, monte plus haut.

 

Quand tu seras invité, va te mettre à la dernière place, afin que lorsque celui qui t'a invité viendra, il te dise: Mon ami, monte plus haut. Alors cela te fera honneur devant ceux qui seront à table avec toi.

(Luc XIV, 10.)


Le Seigneur Jésus-Christ n'a certainement pas voulu dans cette parabole donner à ses auditeurs une simple leçon de prudence humaine destinée à leur éviter le désagrément de devoir, en plein repas de noces, quitter la place élevée dont ils s'étaient emparés et en prendre une plus modeste, là-bas, au bout de la table, sous les regards narquois de tous les convives. Jésus leur a donné et nous donne à tous une leçon d'humilité dans le sens le plus profond du mot; il veut que, dans le sentiment de notre impuissance et de notre misère, nous prenions toujours dans l'opinion que nous avons de nous-mêmes la dernière place, que nous envisagions les autres comme plus excellents que nous-mêmes, et alors le Seigneur qui nous connaît et nous juge, nous élèvera au grand jour des noces de l'Agneau, nous donnera la place qui nous revient et qui sera supérieure à celle que nous nous serons assignée, si nous avons pris la dernière, et nous fera entendre une parole d'approbation et de louange.

Cette explication, la plus simple et celle qui se présente naturellement à l'esprit, ne me semble pourtant pas épuiser la pensée du Sauveur. Au banquet de la vie, pour employer l'expression d'un poète, beaucoup ne prennent pis la place qui leur appartient, qu'ils devraient occuper, mais une place inférieure, qui ne répond pas à ce qu'ils sont, à ce qu'ils peuvent avoir la légitime ambition de devenir, et déjà aujourd'hui le Seigneur leur dit par son Esprit, par sa Parole, avec une infinie tendresse : Mon ami, monte plus haut. C'est ce côté de la parabole de Jésus que je voudrais relever : j'aimerais vous montrer quels sont ceux qui se placent trop bas, et à quelle place meilleure le Seigneur les invite à s'asseoir.

Quels sont ceux qui se placent trop bas et à qui le Seigneur dit maintenant: Mon ami, monte plus haut ?

Je reprends le mot du poète que je viens de citer. Nous sommes tous ici des convives au banquet de la vie; le Seigneur est au milieu de nous, son regard se promène sur cette assemblée et s'arrête tantôt sur les uns, tantôt sur les autres, pour dire à ceux-ci, et à ceux-là : Tu n'es pas à ta place; mon ami, monte plus haut.

Il le dit à ceux d'entre nous qui, au banquet de la vie, se sont assis à la table du plaisir ; pour la plupart, jeunes, forts, intelligents, riches parfois, ils ne voient de la vie que le côté gai, les réjouissances, les fêtes, les occasions de s'amuser, honnêtement je le sais, - ceux qui se plaisent dans la grossière débauche ne sont pas ici - mais enfin de s'amuser; c'est là ce qu'ils recherchent et aiment avant tout, de quoi ils parlent, à quoi ils pensent, pour quoi ils vivent; le reste, la tâche, le devoir n'est pour eux que le secondaire, l'accessoire, l'ennuyeux; du reste aimables, gracieux, pleins d'esprit et de coeur à l'occasion. Mes amis, le Seigneur s'approche de vous dans tout son amour, et vous dit : Vous n'êtes pas à votre place; montez plus haut.

Il s'approche aussi de ceux qui sont à la table de l'ambition, qui, par leur travail soutenu, leur effort constant, leur vie sévère, veulent arriver, parvenir à se créer une position qu'ils n'ont pas trouvée toute faite en naissant. L'ambition est naturelle au coeur de l'homme. Jules César, passant par un petit village des Alpes, trouva sur la petite place de ce village les habitants agités par le choix d'un chef; ses capitaines s'étonnaient et demandaient si, dans un tel lieu, il valait vraiment la peine de se disputer le premier rang. Jules César répondit : J'aimerais mieux être le premier dans cette bicoque que le deuxième à Rome. Oui, l'ambition est naturelle à l'homme, et l'effort qu'on fait pour la satisfaire est souvent respectable; mais à celui que l'ambition mondaine dévore, Jésus dit aussi avec tendresse : Mon ami, monte plus haut !

Son regard divin discerne parmi nous ceux qui sont arrivés et dont le succès a couronné les entreprises ; leur fortune est faite, ils ont conquis l'estime publique, ils jouissent du repos qu'ils ont gagné à la sueur de leur front; leur vie est facile, entourée de confort, exempte de soucis autant que faire se peut ; ils sont bien logés, leur table est bien servie, une famille nombreuse et qui leur fait plaisir les entoure, ils peuvent se garantir des rigueurs de l'hiver et des ardeurs de l'été, ils ont contracté de douces habitudes de jeux paisibles et de précieux farniente. D'eux aussi le Seigneur s'approche et leur dit : Mon ami, monte plus haut!

Ailleurs il voit ceux qui soutiennent un rude combat pour donner du pain à leur famille; les enfants sont nombreux, le travail souvent rare et peu payé; il faut travailler pour vivre du matin au soir, sans relâche, sans un jour de repos ; ils n'ont pas le temps d'être malades; avec les années, quand le besoin de quelque halte se ferait sentir, ils doivent redoubler d'ardeur, car leur tâche exige un nouvel effort, car l'entretien d'enfants déjà grands et les apprentissages à payer coûtent davantage que la nourriture et l'habillement d'enfants tout jeunes. Ah ! ces travailleurs honnêtes, qui ne savent pas tendre la main, quel profond respect ils inspirent à ceux qui les voient à l'oeuvre! Soyez assurés, chers frères et soeurs, que le Seigneur, qui a aussi gagné sa vie par le travail de ses mains, comprend ce que vous éprouvez, et que c'est avec une sympathie vivante qu'il vous dit aussi : Mon ami, monte plus haut !

Ici le Seigneur voit les malades, tristes convives du banquet de la vie. Le mal est grave, tous les soins qui lui ont été donnés n'en ont pas atténué la force, il parait au contraire en acquérir de nouvelles à mesure que le temps s'écoule, et vous arrivez peu à peu à la conviction que vous ne guérirez pas. Cette conviction, que vous avez écartée tant que vous avez pu, vous a troublés d'abord, et la pensée de la mort vous a été amère ; puis, par la bonté de Dieu, vous êtes arrivés à la résignation; il faut bien se soumettre ; vous ne pouvez rien changer à ce qui est, vous êtes soumis, mais la tristesse remplit votre âme. De vous aussi le Seigneur s'approche, et dans ses compassions infinies, il vous dit : Mon ami, monte plus haut!

Ne pensez-vous pas, mes frères, que le Seigneur peut encore découvrir parmi nous des convives assis au banc de la propre justice, je veux dire des personnes qui se rassurent à la pensée de la mort et du jugement en se disant que leur vie a toujours été correcte, qu'elles ont accompli leur tâche avec exactitude et fidélité, que leur conscience ne leur reproche rien de grave, et qu'elles ne redoutent pas la rencontre de Dieu, se confiant d'ailleurs en sa bonté et en sa miséricorde ? Mon ami, monte plus haut ! leur dit le Seigneur; et c'est à elles surtout qu'il le dit en leur montrant son corps rompu et son sang répandu.

Mon ami, monte plus haut! Il me semble entendre le Seigneur adresser cette invitation à tous ceux que je viens de nommer, à tous ceux qui, méconnaissant ce qu'ils doivent devenir, prennent ici-bas une position qui n'est en rapport ni avec leur origine divine - nous sommes de race divine - ni avec les destinées glorieuses auxquelles ils sont appelés. Mon ami, monte plus haut ! Mais où monter ?

A vous qui voulez jouir de la vie et qui avez tout pour en jouir, je dirai que, de race divine comme vous êtes, ayant une âme immortelle, vous êtes créés pour quelque chose de mieux que pour des plaisirs éphémères et les déceptions, les regrets, le vide béant qu'ils creusent dans l'âme, de mieux que pour une vie d'insouciance, de frivolité, de légèreté, couronnée un jour par une vieillesse triste et morose. Montez, élevez-vous avec tout ce que vous avez, toute votre jeunesse, toute votre vigueur, tout votre besoin d'agir, d'aimer, de vous dépenser, jusqu'au Dieu révélé en Jésus-Christ, le Dieu qui vous aime, qui vous appelle, qui remplit l'âme d'une indicible paix, qu'on ne se repent jamais d'avoir servi, qu'on ne se repent que d'avoir connu et servi trop tard, montez jusqu'à Dieu !

Vous voulez arriver, mes frères, et dominer. Montez plus haut, comme Christ, jusqu'aux hauteurs de l'abaissement, jusqu'à la gloire de servir. Tout votre travail, mettez-le au service de Dieu ; que son Esprit pénètre, sanctifie toute votre activité, et tout ce que vous êtes, tout ce que VOUS serez, soyez-le pour lui, pour le glorifier. Vivez en sa présence, travaillant sous son regard, faisant votre Oeuvre terrestre dans sa communion, avec sa force, élevant les travaux les plus ordinaires à la hauteur d'oeuvres divines, construisant des maisons, balayant des chambres, écrivant au bureau, travaillant à l'atelier, faisant toutes choses au nom du Seigneur Jésus-Christ, de sa part et par l'Esprit du Seigneur.

Vous êtes arrivés, vous avez conquis le repos montez plus haut : aimez, aimez Dieu qui vous a aimés, vos frères qu'il a aimés; le repos que vous avez conquis, transformez-le en sainte activité pour la cause de Dieu et le bien de vos frères, il y a tant à faire, et les ouvriers sont si peu nombreux ; l'argent que vous avez gagné, donnez-le largement pour la plus sainte des causes, et si l'âge vous condamne à l'inaction, montez sur la montagne de la prière, où se gagnent les victoires de notre Dieu, priant avec persévérance pour ceux qui combattent dans la plaine.

Vous luttez avec peine contre les difficultés de la vie présente ; montez plus haut, ne permettez pas que les soucis et les inquiétudes étouffent dans vos coeurs la semence de vie, cherchez en Dieu chaque jour et à chaque moment la force d'accomplir la tâche de chaque jour et de chaque moment ; en travaillant pour la nourriture qui périt et en vue de laquelle il est nécessaire que vous travailliez, travaillez aussi pour celle qui demeure en vie éternelle et que le Fils de l'homme vous donnera.

Vous êtes malades, la mort vient et vous êtes résignés; chers frères, montez plus haut, jusqu'à la filiale acceptation de la volonté de Dieu, à la ferme confiance que tout est bien, oui, tout est bien, à l'assurance que la volonté de Dieu est toujours bonne et parfaite, à la foi victorieuse qui ôte à la mort son aiguillon et au sépulcre sa victoire, et que pour vous le tombeau soit le berceau où vous serez déposés en attendant le réveil pour l'éternité bienheureuse.

Vous êtes satisfaits de vous-mêmes, de ce que vous êtes et de ce que vous avez fait, et votre regard s'arrête sur votre vie avec complaisance. Montez plus haut! Montez jusqu'où saint Paul est monté, lui qui avait aussi des motifs de se confier en la chair, qui était sans reproche à l'égard de la justice de la loi, et qui a pu dire: « Ce qui m'était un gain, je le regarde comme une perte, en comparaison de l'excellence de la connaissance de Jésus-Christ mon Sauveur. »

Frères et soeurs bien-aimés, montez plus haut. Le Seigneur passe, il nous regarde ; ne voyez-vous pas ses yeux pleins d'amour arrêtés sur vous, n'entendez-vous pas sa voix douce et miséricordieuse vous dire avec une infinie tendresse : Mon ami, monte plus haut !

Mais comment monter ? Comment nous débarrasser de tout ce qui nous retient en-bas, abandonner la place que nous avons choisie dans la plaine et gravir la montagne de la sanctification ?

Il est évident que nous, nous ne le pouvons pas ; mais, lui, le Dieu que ses enfants n'invoquent jamais en vain, quand ils lui demandent d'accomplir envers eux ses desseins d'amour et de miséricorde, lui, le peut ; quant aux hommes cela est impossible, mais toutes choses lui sont possibles.

Est-ce à dire que nous devions attendre dans l'inaction qu'il lui plaise d'agir? Non, mais il nous faut apprendre à ne pas résister à l'action de son Esprit qui a été donné, qui est ici, qui nous sollicite sans cesse et nous presse de nous donner à lui, apprendre à ne pas le contrister par nos infidélités, nos désobéissances, nos résistances, à ne pas annuler son action en nous, à ne pas l'éteindre en faisant ce qu'il condamne, en ne faisant pas ce qu'il ordonne, en allant là où il n'est pas ; puis, nous devons le demander avec foi, chaque jour, à l'heure de la tentation, en présence de la tâche à accomplir. Et cet Esprit, promis à tous, qui plane sur nous comme autrefois sur le chaos, dont vous avez tous une fois ou l'autre senti les approches, et que plusieurs ont déjà reçu, cet Esprit s'emparera de nos âmes et les remplira, de nos volontés et les affermira, et avec lui, par lui, nous monterons, de progrès en progrès, de gloire en gloire, vers la parfaite stature de Christ.

Et vous, mes frères, qui l'avez reçu déjà, vous dont la vie, sous le souffle de cet Esprit, est devenue déjà une ascension, oh ! montez, montez toujours plus haut ! A votre amour pour Dieu, ajoutez sans cesse un nouvel amour, aspirez à descendre toujours plus bas dans l'humilité et le service de vos frères, donnez-vous sans plus rien garder de vous, soyez patients dans l'affliction, sachez regarder comme le sujet d'une parfaite joie vos diverses épreuves. Montez, montez plus haut, toujours plus haut, vers la perfection et vers la sainteté ! Soyez par votre vie les témoins irrécusables de la vérité de l'Évangile et de la puissance de Christ. Démontrez à tous qu'il y a une sainteté, et que cette sainteté n'a rien qui repousse, qu'elle a tout, au contraire, pour attirer et soumettre les coeurs à Jésus-Christ. Qu'en vous voyant, tous ceux qui ne connaissent pas encore ou connaissent imparfaitement Jésus-Christ soient forcés de se dire: « Cette vie-là est belle... l'Esprit de Dieu est en lui, il est doux, humble, patient, débonnaire, saint ; » et qu'à cet aveu s'ajoute bientôt ce désir, ce besoin, cette résolution : je veux être comme lui, je veux vivre de la même vie.

Mon ami, monte plus haut Écoutons tous la voix du Seigneur et obéissons

1896.


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