Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



SERMONS PAR ÉDOUARD ROBERT-TISSOT


X

Nous sommes gens de bien.

 

Nous sommes gens de bien.

(GENÈSE XLII, 11.)

Cette parole est certaine et digne d'être reçue avec une entière croyance : c'est que Jésus-Christ est venu au monde pour sauver les pécheurs dont je suis le premier.

(l TIOMOTHÉE 1, 15.)


Quand, soudainement, au milieu du calme des affaires ordinaires de la vie, s'effondre une réputation d'honnêteté, lamentable banqueroute morale dont nous sommes trop souvent les témoins attristés, il est dans l'ordre qu'un tel événement produise de la stupeur et de la douleur, qu'il soit le sujet de toutes les conversations, que l'on cherche à en découvrir les causes et à en prévoir les conséquences.

Mais il est dans l'ordre aussi qu'une réaction se produise, c'est-à-dire que ceux qui réfléchissent et qui s'appliquent à découvrir la leçon que Dieu veut donner à ses enfants par tout ce qui arrive, détournent peu à peu leurs pensées et leurs regards de cet événement pour les reporter sur eux-mêmes, s'interrogent devant Dieu et se demandent si leur honnêteté à eux est de bon aloi, si elle résisterait à une enquête un peu sérieuse FAITE par les hommes, et si elle restera debout quand les choses cachées sous de triples et quadruples couvertures d'oubli, de silence et de connivence seront manifestées au grand jour du jugement.

Nous sommes gens de bien, nous faisons notre devoir et ne violons ni les lois humaines, ni les lais divines. Nous sommes gens de bien, on nous dit et on nous croit tels, et nous ne supporterions pas que quelqu'un se permît de le nier. Nous sommes gens de bien, nous traversons la vie et nous marchons vers l'éternité en qualité de gens de bien. Mais quelle est la valeur de cette justice qu'on nous octroie et que nous nous octroyons ? Sur quoi repose-t-elle ? Quels sont ses titres? Restera-t-elle intacte ou s'effondrera-t-elle, si nous la plaçons en face de notre conscience et de la loi de Dieu ? Est-elle faite de matériaux assez solides, d'or, d'argent, et de pierres précieuses, comme dit saint Paul, pour résister au feu du jugement ? je ne vous le cache pas : mon voeu pour vous tous, ma prière à Dieu pour chacun de vous, c'est que, par sa grâce, chacun de vous arrive à dire avec saint Paul : « je suis le premier des pécheurs. »

Me direz-vous que vous en êtes convaincus ? J'en bénis Dieu ; mais la conviction de péché n'est jamais parfaite dans une âme humaine, elle a toujours besoin d'être fortifiée et approfondie, nous trouvons en nous toujours des péchés oubliés, méconnus, que nous n'avons pas encore confessés et dont nous n'avons pas encore obtenu le pardon. Il faut donc que ceux qui se croient justes se disent les premiers des pécheurs, et que ceux qui se reconnaissent pécheurs, se reconnaissent plus pécheurs encore ; c'est la condition de la vie chrétienne, et c'est la conviction que je voudrais produire maintenant en vous avec le secours de Dieu.

Nous sommes gens de bien. Vous savez qui a prononcé ces paroles ; c'étaient dix fils de Jacob que joseph, gouverneur de l'Égypte, accusait, pour les éprouver, d'être des espions, et qui se justifiaient en disant qu'ils étaient gens de bien. Sans doute, ils étaient innocents de l'accusation qu'on portait contre eux, mais vous savez aussi qu'un peu plus tard leur conscience se réveille et que, ne se croyant pas compris de ce terrible gouverneur, ils se rappellent les uns aux autres leur conduite envers leur frère Joseph, son angoisse, ses larmes, ses supplications. Étranges gens de bien que des hommes qui ont voulu assassiner leur frère et qui l'ont vendu pour être esclave !

Nous sommes gens de bien ! Vous n'avez pas commis, cela va sans dire, de crime semblable à celui des fils de Jacob, mais pouvez-vous lever vers Dieu des mains pures, des mains que ne souille aucune tache de sang ? La haine est un meurtre, dit l'Écriture, la haine tache nos mains de sang. N'y a-t-il dans vos coeurs aucune haine, aucun ressentiment, aucune rancune, aucun désir de vengeance, aucun refus de pardonner, aucune envie, aucune jalousie ? Vous n'avez jamais nourri de pareils sentiments ou dit de ces paroles qui scandalisent les autres, ébranlent leur foi, les font tomber dans le péché, portent à leur âme un coup mortel ? jamais rien de pareil dans votre vie ? Toujours la charité ? Votre conscience vous permet-elle de le dire ? Et si elle ne vous le permet pas, avouez que vous êtes d'étranges gens de bien, vous en qui il y a eu, en qui il y a encore peut-être de la haine, sous ses diverses manifestations, et reconnaissez que votre justice ne tient pas debout.

Nous sommes gens de bien ! je viens de vous demander, mes frères, si vos mains sont pures du sang de vos frères ; je vous demande maintenant si elles sont nettes de leur argent. Ce que vous possédez, vous l'avez gagné honnêtement, loyalement ? Vous n'avez rien, rien de ce qui appartient à autrui, vous n'avez jamais employé de pratiques malhonnêtes, demandé la fortune à des spéculations coupables, majoré des comptes, exigé plus qu'il ne vous était dû, vendu une chose pour une autre, profité de l'ignorance ou de la nécessité de celui qui vendait ou achetait, trompé dans le poids, dans la mesure, dans la qualité de votre marchandise ou de votre travail, gardé pour vous ce que vous aviez reçu pour le remettre à d'autres, refusé de payer ce que vous deviez ? Mes frères, devant votre conscience qui évoque toute votre vie passée, pouvez-vous affirmer que vos mains sont nettes, absolument nettes du bien d'autrui, et si elles ne le sont pas, avouez encore que ce sont d'étranges gens de bien que ceux qui gardent peu ou beaucoup de ce qui ne leur appartient pas, et qu'ici encore votre justice ne tient pas debout, renversée qu'elle est par les accusations de votre conscience.

Mais la conscience seule ne suffit pas à nous juger. La morale du monde, si elle se montre d'une sévérité rigoureuse à l'égard du jeu, des fraudes, des opérations financières louches qui ne réussissent pas, est d'une extrême bonté à l'égard d'autres péchés qu'elle couvre d'indulgence et en faveur desquels elle invoque une foule de circonstances atténuantes ; or, notre conscience subit l'influence de cette morale relâchée, et il est nécessaire que la loi de Dieu la réveille, nous rappelle ce qui est bien et ce qui est mal, et nous redise que jamais, jamais le mal n'est bien. Et parmi ces péchés que le monde est prêt à innocenter et qu'il traite de peccadilles, il en est deux que je veux relever dans ce moment, l'intempérance et l'impureté.

Votre vie a-t-elle été, est-elle sobre ? Ignorant l'ivresse du vin, à ses degrés divers, ne connaissez-vous que celle du Saint-Esprit ?

Votre vie, jugée à la lumière de la déclaration de Jésus que celui qui regarde une femme pour la convoiter a déjà commis adultère avec elle dans son coeur, a-t-elle été pure, pure depuis votre sortie de l'enfance, pure avant le mariage, pure dans les relations du mariage, pure dans vos rapports avec vos servantes, pure avec les femmes et les jeunes filles que vous occupez, pure de fait et d'intention, d'acte et de pensée ? Vous savez comment la Parole de Dieu parle de ces choses, combien ce qu'elle ordonne est Plus saint que ce que permet la morale mondaine, et quels châtiments elle dénonce aux impurs ? Sur ce point, mes frères, pouvez-vous dire devant Dieu qui connaît toutes choses, que votre vie a été pure ? Sinon, reconnaissez que vous ne pouvez pas vous dire gens de bien.

Du reste, cette loi de Dieu n'est pas seulement une protestation divine contre la morale relâchée du monde, ses ménagements pour le péché et ses accommodements avec le péché, mais le moyen dont Dieu se sert pour réveiller les consciences et leur faire sentir toute l'amertume du péché. Saint Paul qui était sans reproche quant a la justice de la loi s'appelle le premier des pécheurs, non seulement parce que dans le temps de son incrédulité et de son ignorance, il a été un persécuteur de Jésus-Christ, un oppresseur des chrétiens et un blasphémateur; mais encore parce que la loi lui a donné la connaissance du péché, comme il le dit aux Romains ; elle a éveillé en lui toutes sortes de convoitises et amené cette lutte douloureuse qu'il décrit avec tant de force : « je ne fais pas le bien que je veux, mais je fais le mal que je ne voudrais pas faire », lutte qui lui arrache ce cri de vrai désespoir : Qui me délivrera de ce corps de mort ?

0 vous, mes frères, innocents peut-être de grands péchés, mais en qui la loi de Dieu produit son oeuvre, qui voulez faire le bien et faites le mal, qui entrevoyez la perfection et ne l'atteignez pas, et qui souffrez de cette loi de vos membres qui combat contre la loi de votre esprit, ce n'est pas vous qui vous tisserez un manteau de justice de votre vie correcte et honnête et répéterez fièrement : « Nous sommes gens de bien. » Le péché est trop profondément ancré en vous, engendre en vous trop de coupables convoitises, vous tient à une trop grande distance de la sainteté, pour que vous parliez ainsi, mais bien plutôt, reconnaissant que le péché n'est pas seulement dans l'acte ou la parole coupable, mais dans le coeur mauvais, égoïste, désespérément méchant, comme saint Paul vous direz, vous dites : « je suis le premier des pécheurs. »

La conscience et la loi de Dieu renversent donc notre échafaudage de justice, nous dépouillent de tous nos oripeaux, nous arrachent nos galons et nos plumets, nous révèlent notre naturelle et incurable misère, nous démontrent que nous ne faisons pas exception à la règle formulée par l'Écriture : « Il n'y a pas de juste, pas même un seul, » et nous jettent par terre, dans la poussière, terrassés et brisés. Et c'est ce que fait encore la perspective certaine du jugement de Dieu.

Le temps est proche où Dieu mettra en évidence les choses cachées dans les ténèbres, et manifestera les desseins des coeurs, où la lumière se fera sur toute vie d'homme, sur toutes les actions et sur toutes les paroles de tout homme, et sur tous les mobiles qui l'auront fait agir et parler, où toutes les ténèbres dont nous nous serons enveloppés deviendront resplendissantes comme la lumière, où toutes nos excuses seront percées à jour, où toutes les précautions que nous aurons prises pour nous cacher, seront anéanties, toutes les apparences dissipées, tous nos mensonges et toutes nos tromperies dévoilés, où nous serons là, devant le Dieu qu'on ne peut tromper parce qu'il voit et sait tout, non tels que nous avons voulu paraître, mais tels que nous avons été en réalité. Pourrons-nous dire alors : Nous sommes gens de bien ?

Jean-Jacques Rousseau, à la première page de ses Confessions, a écrit : « Que la trompette du Jugement dernier sonne quand elle voudra, je viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge. je dirai hautement : Voilà ce que j'ai fait, ce que j'ai pensé, ce que je fus... Être éternel, rassemble autour de moi l'innombrable foule de mes semblables ; qu'ils écoutent mes confessions, qu'ils gémissent de mes indignités, qu'ils rougissent de mes misères. Que chacun d'eux découvre à son tour son coeur au pied de ton trône avec la même sincérité ; et puis qu'un seul te dise, s'il l'ose : je fus meilleur que cet homme-là. » je ne crois pas que personne ayant écouté sa conscience et compris la loi de Dieu, ose se dire, malgré les malpropretés et les turpitudes que raconte Rousseau: je fus meilleur que cet homme-là. Mais la question n'est pas là ; il ne s'agit pas de savoir si les autres ont été autant ou plus coupables que moi, mais si moi, je le suis. je n'ai pas à juger les autres, ni à répondre pour les autres, ni à me comparer aux autres. En ce jour-là, tout le procès sera entre Dieu et moi ; c'est sur moi que pèsera son regard qui scrute les coeurs et les reins ; en ce jour-là, je serai devant lui, oui, un livre à la main, ma vie percée à jour, et je ne lèverai pas la tête, je ne dira; pas : je suis un homme de bien ; je confesserai que je suis-le plus grand des pécheurs, les autres aussi pécheurs, oui, mais moi, le plus grand des pécheurs. A moins d'une complète inconscience, d'une ignorance totale et de ce qu'est le péché et de ce qu'est la sainteté de Dieu, ou d'un orgueil incommensurable, comment s'imaginer que tel qu'on est, après toute une vie de souillure, il sera possible de se tenir debout devant Dieu? Comment ne pas comprendre qu'il n'y aura qu'une seule attitude possible, celle du pécheur qui avoue, qu'une seule parole pourra sortir de notre bouche : je suis le plus grand des pécheurs ?

Je vous ai placés, mes frères, devant votre conscience, devant la loi de Dieu, devant le tribunal de Dieu, dans le but de vous convaincre que tels que vous êtes, avec les forces naturelles dont vous disposez, vous n'êtes pas des justes, des gens de bien qui peuvent lever la tête dans le monde, juger et condamner les autres, et aller sans crainte à la rencontre de Dieu, mais des pécheurs, et rien que des pécheurs, chacun de nous devant dire : je suis le plus grand des pécheurs.

Mais pourquoi chercher à faire naître cette conviction ? Parce qu'il n'y a de salut que pour les pécheurs, le veux dire pour ceux qui se reconnaissent pécheurs. Ah ! s'il se trouvait ici quelqu'un, jusqu'à ce jour content de lui-même, fier de sa justice propre, estimant n'avoir rien à redouter ni des hommes, ni de Dieu, et à cette heure convaincu de péché, - et plaise à Dieu que tous ceux qui ont dit d'eux-mêmes : Nous sommes gens de bien, arrivent à dire : je suis le plus grand des pécheurs ! - quelle joie profonde de pouvoir lui dire - Mon frère pécheur, Jésus est mort pour toi, Jésus te veut couvrir de sa justice, Jésus veut être ton avocat auprès du Père, Jésus est le Sauveur! 0 le plus grand des pécheurs, va à Jésus, crois en Jésus et tu seras sauvé, pardonné, délivré de la puissance du péché.

Et vous, mes frères, qui savez depuis longtemps que vous êtes des pécheurs, avancez, progressez dans cette conviction : l'arbre ne s'élève, ne s'étend et ne porte des fruits, qu'à la condition de descendre profondément dans la terre par ses racines. Recherchez si le péché dont vous avez reconnu en vous l'existence et dont vous avez le pardon, n'occupe point encore en vous des positions dont il faut le déloger ; votre conscience, la loi de Dieu , la pensée de votre comparution certaine devant le tribunal de Christ ne vous ont-elles point signalé quelque péché gardé par vous en dépit de votre profession de chrétiens, quelque péché qui arrête la vie divine en vous, qu'il faut détruire par la puissance du Saint-Esprit, et avec lequel, gardé, conservé, choyé, aimé, vous n'entrerez pas dans le royaume de Dieu ? N'avez-vous point entendu la voix de Dieu vous dire :

***** Il ne suffit pas d'être chrétien, il faut être bon, doux, patient, humble, plein de support et de pardon ; ce n'est pas tout d'être chrétien, il faut être honnête dans les affaires ; ce n'est pas tout d'être chrétien, il faut être sobre et pur ; ce n'est pas tout d'être chrétien, il faut n'être pas toujours vaincu, mais remporter des victoires ?

 

Et comment ? En rejetant toute propre justice, en ne nous confiant pas en nos propres forces, en ne portant pas devant nous comme des étendards les bonnes oeuvres que nous avons pu faire, en ne nous estimant pas des chrétiens d'une valeur particulière, en disant, en croyant que nous sommes des pécheurs, les plus grands des pécheurs! Car c'est alors qu'on saisit Christ, qu'on se revêt de lui, qu'on mange sa chair et qu'on boit son sang, qu'on arrive à une pleine paix et à une parfaite victoire.

 

Puissions-nous les trouver sur le chemin de l'humiliation et de la confession de nos péchés !

1896.


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