Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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SERMONS PAR ÉDOUARD ROBERT-TISSOT


VI

Schimeï.

 

C'est l'Éternel qui lui a dit: Maudis David.

(II SAMUEL XVI, 5-12.)


Mes frères, Dieu fait souvent sortir le bien du mal; ce que les hommes ont pensé en mal, il le tourne en bien pour ses enfants; il s'est servi du péché des fils de Jacob, vendant leur frère Joseph pour sauver la famille du patriarche; le plus grand crime qui ait jamais été commis sur la terre est devenu le salut du monde. Il y a dans la nature des forces qui, livrées à elles-mêmes, sèment la destruction et la ruine et dont Dieu permet à l'homme de faire des serviteurs prompts à accomplir toutes ses volontés, des poisons mortels dont il lui a permis de tirer des moyens de soulager les maladies ; il y a dans la vie des peuples, des guerres, des désastres, des fléaux de diverse nature, qui contribuent sous sa main à l'avancement de son règne ; dans la vie des individus, des enfants de Dieu tout particulièrement, il y a des épreuves, des douleurs nombreuses qui concourent à leur plus grand bien, tellement qu'ils peuvent dire : il m'est bon d'avoir été affligé ; tellement qu'ils en viennent à regarder comme le sujet d'une parfaite joie les diverses afflictions qui leur arrivent.

Parmi ces épreuves dont abonde la vie humaine, une des plus amères, une des plus difficiles à accepter, une de celles contre lesquelles tout en nous se révolte violemment, une des plus douloureuses et des plus fréquentes, c'est d'être exposé aux jugements sévères, injustes des autres hommes, à leurs soupçons injurieux, à leurs accusations calomnieuses, à leurs propos malveillants, à leurs insultes et à leurs injures. Quelque bien peut-il sortir de ce mal ? Car c'est un mal; la Parole de Dieu condamne avec une grande force le mensonge, les jugements téméraires, la médisance, la calomnie, tous les péchés de la langue; elle nous met fréquemment en garde contre ces péchés-là ; elle va jusqu'à dire que celui qui ne bronche pas en paroles est un homme parfait, et elle déclare solennellement que la part de ceux qui commettent ces péchés, les plus fréquents, les plus faciles à commettre, sera avec ceux qui sont coupables des plus grandes fautes.

Oui, c'est un mal. Mais de ce mal peut-il sortir quelque bien, de ces épreuves, quelque bénédiction pour ceux qui les traversent, de ces cuisantes douleurs, quelque douceur pour ceux qui les endurent ?

Oui, assurément, mais à la condition que nous les acceptions, comme David a accepté les insultes de Schimeï. Je voudrais donc, mes frères, que nous apprissions à voir ceux qui nous blâment, nous accusent, nous calomnient nous injurient, du même oeil que David voyait Schimeï ; et c'est pourquoi j'ai désire proposer à votre méditation le récit que nous venons de lire. Puissions-nous en retirer tous une réelle bénédiction.

Je rappelle d'abord brièvement les faits. Absalom s'était révolté contre son père ; une grande partie du peuple s'était jointe à lui ; il ne restait à David autre chose à faire que de fuir de Jérusalem. Il passe le torrent du Cédron, il monte la colline des Oliviers en pleurant, nu-pieds, la tête couverte, et ceux qui l'accompagnent se couvrent la tête et pleurent avec lui. C'est pendant cette fuite qu'un homme de la maison de Saül, Schimeï, s'avance en proférant des malédictions contre David et en lui jetant des pierres : Va-t'en ! homme de sang !.... lui crie-t-il, Abishaï veut venger l'outrage fait à son roi et frapper de mort l'insulteur. David s'y oppose; si le fils sorti de ses entrailles en veut à sa vie, est-il étonnant que ce Benjamite fasse de même ? Laissez-le, dit-il; s'il maudit, c'est que l'Éternel lui a dit : Maudis David.

Dans ces circonstances douloureuses, David juge l'acte de Schimeï tout autrement sans doute qu'il ne l'eût fait au temps de sa prospérité ; sous la pression de la douleur qui l'accable, son esprit est comme illuminé d'une lumière divine, il a l'intuition d'une vérité nouvelle, il voit en Schimeï non pas un ennemi qui veut se venger et qui l'outrage, à un moment où ses outrages sont plus odieux, mais un messager de Dieu, un envoyé de Dieu, chargé d'une mission à son égard de la part de l'Éternel.

Voulez-vous, mes frères, que du bien sorte pour vous de tout le mal que vous font souffrir les Schimeï qui vous poursuivent de leurs critiques ? Apprenez à les considérer comme David le faisait, non comme des ennemis qui cherchent à assouvir de vieilles rancunes, à venger de vieilles offenses, ou qui, tout au moins, cèdent à ce penchant inné qui nous porte tous à dire du mal des autres, mais comme des envoyés de Dieu chargés par l'Éternel d'une mission envers vous.

Ce point de vue est-il juste ? Les Schimeï sont-ils en effet des envoyés de Dieu auprès des David ?

Nous admettons que nos amis ont le droit et le devoir de nous avertir, de nous reprendre, de nous accuser, de nous condamner : « Que le juste me frappe, disait David, ce m'est une faveur; qu'il me châtie, c'est de l'huile sur ma tête ; » c'est-à-dire, ses paroles les plus rudes et les plus sévères me sont bonnes et salutaires. Le Seigneur Jésus a établi le devoir de la répréhension fraternelle dans son Église : « Si ton frère a péché contre toi, va et reprends-le entre toi et lui seul ; s'il t'écoute, tu as gagné ton frère ; mais s'il ne t'écoute pas, prends avec toi une ou deux personnes, afin que toute l'affaire se règle sur la déclaration de deux ou de trois témoins. S'il refuse de les écouter, dis-le à l'Église ; et s'il refuse d'écouter l'Église, regarde-le comme un païen et comme un péager.» Saint Paul écrivait aux Thessaloniciens d'avertir ceux qui vivent dans le désordre, à Timothée, de reprendre publiquement ceux qui pèchent. Dans ces conditions, la répréhension est voulue de Dieu, elle est un devoir saint, et nous avons à regarder comme des envoyés de Dieu ceux qui s'en acquittent envers nous. Mais en est-il de même quand ceux qui nous reprennent sont des ennemis et qu'en le faisant, ils obéissent non à la charité, mais à la haine ?

Je réponds, mes frères, qu'ils sont des envoyés de Dieu au même titre que les fléaux qui frappent un peuple et les épreuves que Dieu nous dispense; comme les nations étrangères, les Philistins, les Édomites, les Égyptiens, les Syriens, les Babyloniens, par le moyen desquels l'Éternel châtiait les rébellions d'Israël, étaient des envoyés de Dieu envers son peuple, les Schimeï ont quelque chose à nous dire, une oeuvre à faire envers nous de la part de Dieu.

Parce qu'ils ont une mission de la part de l'Éternel à remplir auprès de nous, dirons-nous qu'ils sont eux-mêmes sans reproche, purs et saints ? Non certes ; les nations étrangères dont Dieu se servait pour châtier son peuple, ont senti à leur tour la main de Dieu s'appesantir sur elles à cause de leurs péchés. Les Schimeï aussi sont coupables ; mais fussent-ils beaucoup plus coupables encore, ils n'en sont pas moins des envoyés de Dieu chargés par lui d'une mission à notre égard. Encore une fois, voulons-nous tirer du bien du mal que nous font les Schimeï qui nous poursuivent ? Apprenons, comme David, à voir en eux, quels qu'ils soient, alors même que la haine les aveugle, ou que peut-être ils soient plus coupables encore que nous, des envoyés de Dieu, chargés de sa part d'une mission envers nous.

Et nous pourrons, mes frères, retirer beaucoup de bien de ce mal, si non seulement nous nous mettons au même point de vue que David, mais si nous nous rendons compte de la nature de la mission que Dieu leur a confiée. Ils ont pour nous une mission d'avertissement, de châtiment et de jugement.

Je dis d'abord une mission d'avertissement, et le vais expliquer ce que j'entends par là. La volonté de Dieu à notre égard, c'est notre sanctification ; il veut que tout ce qui est en nous, l'esprit, l'âme et le corps, soit conservé irrépréhensible, que nous fassions de constants progrès dans la sanctification. Mais ce travail avance peu, pourquoi ? Parce que, d'abord, nous ne nous connaissons pas, nous ne nous voyons pas tels que nous sommes, nous ne discernons pas nettement nos défauts, nos défaillances, nos négligences, nos manquements ; ensuite, parce que nous sommes pleins d'indulgence envers nous-mêmes, expliquant, excusant, atténuant, justifiant même le mal que nous ne pouvons pas ne pas apercevoir en nous. Comment l'oeuvre de la sanctification s'accomplirait-elle dans de semblables conditions ?

Aussi l'Éternel charge-t-il des Schimeï de nous dire ce que les autres pensent de nous, comment ils nous voient et nous jugent. Mes frères, recueillons leurs paroles et profitons de leurs jugements. Ne nous irritons pas, parce que nous les trouvons malveillants et injustes ; ne fermons pas l'oreille, parce que ceux qui nous jugent se mêlent de ce qui ne les regarde pas ; ne nous enfermons pas dans notre propre justice en disant que ceux qui nous attaquent valent moins que nous. Laissons de côté ces pensées ; disons aussi : C'est l'Éternel qui lui a dit de me blâmer, de m'accuser, de me calomnier, de me maudire, et écoutons ce que l'Éternel a à nous dire.

On dit de vous que vous êtes peu sûrs, peu fermes, vacillants, pas toujours véridiques ; on dit de vous que vous êtes susceptibles, jaloux, haineux, violents, ou hautains, orgueilleux, infatués de vous-mêmes, ou négligents et paresseux ; on trouve que vous n'élevez pas bien vos enfants, que vous êtes trop faibles, que vous leur laissez trop de liberté ; on prétend qu'en affaires vous êtes difficultueux, intéressés, tenaces, pas toujours honnêtes ; on laisse entendre que votre conduite n'est pas toujours régulière. On dit toutes ces choses et beaucoup d'autres. Que ferez-vous, mes frères ? Vous irriterez-vous parce que sans doute il y a beaucoup d'exagération dans ce que disent les Schimeï ? Vous arrêterez-vous à prouver que ce sont des exagérations ? Renverrez-vous les reproches qui vous sont adressés à ceux qui vous les font ? Direz-vous que chacun devrait bien balayer devant sa propre maison ? Rappellerez-vous que les médisants et les calomniateurs sont coupables devant Dieu et n'hériteront pas plus le royaume de Dieu que les ivrognes, les impurs et les menteurs ? Il y a quelque chose de mieux à faire, quelque chose de meilleur et de plus saint, c'est de rechercher sous le regard de Dieu ce que l'Éternel veut vous dire, ce qu'il y a de fondé dans ces reproches et ces accusations, et de mettre courageusement la main à l'oeuvre pour supprimer avec le secours de Dieu ce quelque chose de mauvais que vous n'aviez pas aperçu ou dont vous n'aviez pas compris la gravité, mais que Dieu a chargé Schimeï de vous signaler, afin que, grâce à son avertissement, vous travailliez très fermement sur ce point à votre sanctification.

La mission que l'Éternel confie aux Schimeï est encore une mission de châtiment. Dieu a étroitement uni la souffrance au péché ; s'il en était autrement, nous prendrions bien vite notre parti du péché ; nous serions tentés d'oublier que nous sommes pécheurs, ou que le péché est quelque chose d'infiniment grave. Or, afin que nous ne puissions pas oublier ou méconnaître tout ce qu'il a de redoutable, Dieu a voulu que toutes choses se répondent ; il a fait le méchant pour le jour de la calamité ; et parmi ces conséquences douloureuses du péché - et je ne parle ici que de ses conséquences temporelles - malaise, trouble, angoisse, désunion, perte de la santé, les malédictions des Schimeï ne sont pas les moins difficiles à supporter. Être pour les autres un objet de moquerie et de dérision, perdre la confiance et l'estime de ses semblables, se sentir méprisé et repoussé, être accusé de faits graves dont on ne peut pas plus, peut-être, se disculper que David de l'accusation de Schimeï d'être un homme de sang, c'est assurément une poignante douleur, une cuisante souffrance.

Que faire dans de semblables occasions ? Se débattre, protester, intenter des procès, réclamer des tribunaux des dommages-intérêts ? A quoi bon ? Toutes les accusations portées contre vous, fussent-elles de pures calomnies, fussiez-vous innocent comme l'enfant qui vient de naître de tous les faits que l'on vous reproche, empêcherez-vous ces calomnies de se répandre, de courir, de se propager ? Mes frères, il y a quelque chose de mieux à faire ; c'est de comprendre ce que l'Éternel a à vous dire, de reconnaître ce qu'il peut y avoir de fondé dans les accusations portées contre vous, de ramasser toutes vos fautes, toutes vos iniquités, et de les porter à Celui dont la grâce surabonde par dessus tous les péchés. Ce que l'Eternel a voulu vous faire comprendre en confiant à Schimeï une mission de châtiment à votre égard, c'est combien vous avez besoin de sa grâce, de son pardon, de Celui qui est le réparateur des brèches, le réparateur de l'irréparable. Comprenez sa pensée, sachez qu'il y a auprès de lui une bénédiction en retour des malédictions d'aujourd'hui ; que si les hommes nous condamnent, il peut vous sauver, et qu'il ne vous a fait entendre la condamnation des hommes que pour vous faire désirer, chercher, demander, trouver enfin le salut de Dieu.

Et ceci nous amène à parler de la troisième mission que l'Éternel confie aux Schimeï, une mission de jugement. Nous devons tous comparaître devant le tribunal de Christ, afin que chacun reçoive selon le bien ou le mal qu'il aura fait étant dans son corps ; mais si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés par le Seigneur. Seulement, ce jugement sur nous-mêmes, selon la vérité, selon la justice, nous ne savons pas bien souvent le prononcer, parce que nous ne nous voyons pas tels que nous sommes, nous n'apercevons pas la gravité de nos péchés, nos yeux sont obscurcis par l'indulgence que nous avons pour nous-mêmes. Dieu alors envoie des Schimeï pour nous apprendre ce que les autres pensent de nous, comment ils nous voient et nous jugent ; et ce que nous avons à faire, c'est d'apprendre à nous voir sans fatale complaisance, avec les yeux d'autrui, pour nous voir alors avec les yeux de l'éternelle justice et de l'éternelle sainteté, et prononcer sur nous un jugement conforme à la vérité. Chose remarquable! Parfois les accusations des Schimeï portent à faux ; je veux dire que nous sommes innocents du fait matériel qu'ils nous reprochent, mais elles réveillent en nous le souvenir de faits inconnus des autres, ensevelis dans l'oubli, et qui reprennent vie à leur parole accusatrice. Jugeons-nous donc, sachons nous condamner, prononçons sur nous-mêmes la sentence de mort, hâtons-nous de paraître en jugement, pendant que c'est encore le temps de la grâce, pendant que les condamnés peuvent encore recevoir le pardon de leurs péchés, ayant que vienne l'heure où le jugement sera définitif et sans appel.

Les Schimeï nous sont donc envoyés de la part de l'Éternel, ils ont à remplir à notre égard une triple mission : d'avertissement, de châtiment et de jugement.

Certainement, les jugements sévères et parfois injustes, les soupçons injurieux, les accusations calomnieuses, les propos malveillants, les médisances et les insultes sont une des pénibles épreuves de la vie présente, et ceux qui s'en rendent coupables ne peuvent pas compter sur l'approbation du Seigneur ; mais d'autre part, si nous nous plaçons au point de vue de David, nous comprendrons que de ce mal peut sortir pour nous un grand bien, non pas extérieur, mais intérieur, non pas matériel, mais spirituel, non pas temporel, mais éternel. Nos indignations, nos protestations, nos révoltes, nos colères, notre soif de vengeance s'apaiseront ; et quelque douloureuse que soit l'opération que nous sommes appelés à subir, reconnaissant qu'elle est nécessaire pour notre avancement spirituel, et que nous aurions mérité un châtiment plus sévère encore, heureux d'être soustraits au jugement final par ce jugement actuel qui ne ferme pas, qui ouvre au contraire au condamné les portes de la miséricorde éternelle, nous saurons dire avec David : Laissez-le, c'est l'Éternel qui lui a dit : Maudis David ; et une grande douceur sortira de l'amertume, une vie nouvelle de la mort par laquelle nous aurons passé.

1889.


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