Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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SERMONS PAR ÉDOUARD ROBERT-TISSOT


IV

L'incrédulité des croyants.

 

Je crois, Seigneur, aide-moi dans mon incrédulité !

(MARC IX, 24.)


Vous n'ignorez pas, mes frères, dans quelles circonstances très particulièrement saisissantes ont été prononcées les paroles que je viens de lire. Jésus descendait de la montagne de la transfiguration avec ceux de ses apôtres qui en avaient été les témoins et allait rejoindre ses autres disciples, quand il les vit entourés d'une grande foule qui discutait vivement. Il s'informa du sujet de la discussion; alors un homme de la troupe prit la parole et lui dit : « J'ai amené mon fils qui est possédé d'un esprit qui l'agite dans de violentes convulsions et j'ai demandé à tes disciples de chasser ce démon, mais ils ne l'ont pas pu ! » Jésus fait alors amener l'enfant devant lui, une crise effrayante saisit l'infortuné, et le père, après avoir répondu à diverses questions du Seigneur, lui dit dans son angoisse : « Si tu y peux quelque chose, aide-nous et aie compassion de nous! » - «Si tu peux croire, lui répond Jésus, toutes choses sont possibles pour celui qui croit. » Aussitôt le père de l'enfant s'écrie avec larmes : « je crois, Seigneur, aide-moi dans mon incrédulité » Il croyait, en effet, et le Seigneur l'aida dans son incrédulité, car son fils fut guéri.

Il me semble voir dans cet homme le représentant d'une race nombreuse parmi les croyants, race à laquelle nous appartenons tous peut-être, la race de ceux qui croient et qui pourtant ne croient pas, qui ont la foi, mais dont la foi est encore de l'incrédulité, et qui précisément parce que leur foi est de l'incrédulité, n'osent pas, ne peuvent pas, quelque ardent désir, quelque intense besoin qu'ils en aient, s'emparer de toutes les grâces promises à la foi : « Toutes choses sont possibles pour celui qui croit. »

Je veux essayer de vous montrer dans le coeur de cet homme ces deux dispositions : foi et incrédulité, qui ne sont point tant opposées qu'il le paraît, les démêler dans notre propre coeur, vous montrer que c'est là la cause de nos langueurs, de nos défaillances, de nos tristesses, de notre pauvreté spirituelle, et vous dire ce que nous avons à faire pour que notre incrédulité devienne la foi à laquelle tout est possible. Il me semble, mes frères, si je juge de vous par moi, que j'aborde ainsi une question qui nous touche de près, qui nous angoisse même. Car vous voudriez être de ces croyants à qui tout est possible. Que l'Esprit de la Pentecôte nous éclaire et nous vivifie !

Je crois, dit ce malheureux père à Jésus, je crois, Seigneur, aide-moi dans mon incrédulité! Il croit que Jésus est puissant et miséricordieux ; il a entendu parler de lui et de ses oeuvres, il sait qu'il en a accompli d'aussi grandes, de plus grandes même que celle qu'il implore dans ce moment. Dans sa parole : « Si tu y peux quelque chose, aide-nous et aie compassion de nous, » il n'y a pas réellement l'expression d'un doute, mais plutôt l'affirmation de sa foi. Si tu y peux quelque chose, comme je sais que tu es intervenu victorieusement dans un grand nombre de cas aussi désespérés que celui-ci, aide-nous et aie compassion de nous. Il y a en cet homme toute la foi en Jésus qu'il pouvait avoir : il ignore, il va sans dire, les vérités qui ne furent révélées que plus tard ; Jésus est pour lui un homme puissant en oeuvres et en paroles, auquel jamais personne ne s'est adressé en vain, et il croit en lui. Mais quand Jésus lui dit : « Si tu peux croire, toutes choses sont possibles pour celui qui croit, » c'est-à-dire : Si tu le peux croire, ton fils sera guéri, quand il considère quel sera le fruit, la conséquence, la récompense de sa foi, quand il se dit que cette grâce immense, depuis longtemps cherchée, souhaitée, demandée, dépend de sa foi, alors le doute l'étreint ; il doute, non pas de la puissance du Seigneur, mais de la puissance de sa foi; il ne croit pas sa foi, la main de son âme, assez puissante pour saisir le salut de son enfant; comment une foi aussi faible que la sienne pourrait-elle saisir un don si précieux ? je crois, aide-moi dans mon incrédulité.

Son incrédulité n'est pas celle que nous appelons de ce nom; elle n'est pas défiante à l'égard de Dieu, haine et révolte contre Dieu ; elle ne porte que sur lui-même ; il se défie de lui, il doute de lui-même. La distance entre cette incrédulité et l'autre est incommensurable ; l'une se dresse orgueilleusement contre Dieu et lui dit : je n'ai pas besoin de toi ! L'autre sent toute sa faiblesse, toute sa petitesse, toute son insuffisance, et parce qu'elle se sent et se voit si petite et si faible, elle n'ose pas s'emparer des faveurs et des grâces que Dieu présente aux enfants des hommes.

Ai-je eu tort, mes frères, de dire, il y a un instant, que le père de ce pauvre enfant démoniaque est le représentant d'une race nombreuse de croyants, qui sont vraiment des croyants, mais dont la foi hésitante, timide, mal affermie, n'est pas cette vive représentation des choses qu'ils espèrent, cette démonstration des choses qu'ils ne voient point, dont la foi devient aisément de l'incrédulité, cette incrédulité que j'ai essayé de caractériser, et ne saisit pas, n'ose pas saisir la richesse, l'étendue de la grâce de Dieu ?

Jugez-en vous-mêmes; vous êtes des croyants si j'affirmais le contraire, vous protesteriez ; vous êtes des croyants, et j'en vois la preuve dans le fait même de votre présence en ce temple, dans un temps où aucune considération humaine ne peut engager les habitants d'une ville à assister à un culte, où, au contraire, de nombreuses et puissantes sollicitations peuvent les en détourner; le fait seul d'y prendre part est un acte de foi. Je dis donc que vous êtes des croyants. Vous croyez que Dieu a tellement aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, et vous croyez non seulement que Jésus-Christ est mort sur la croix, ceci est un fait historique que nul ne peut révoquer en doute, - non seulement qu'il est mort victime de l'injustice et de la haine d'un peuple aveuglé, non seulement qu'il nous a donné un exemple admirable de patience et de soumission, mais vous croyez qu'il a été navré pour nos forfaits, frappé pour nos iniquités, qu'il a donné sa vie en rançon pour nous, qu'il a mis son âme en oblation pour nos péchés, qu'il a été fait malédiction pour nous, lui juste, pour nous injustes. Vous croyez que Jésus-Christ est ressuscité; sa résurrection est pour vous un fait historique, reposant sur un fondement assez solide pour qu'il puisse résister, sans en être ébranlé, à toutes les objections, à tous les doutes, à toutes les négations, et avec saint Paul, vous y voyez la clef de voûte de tout l'édifice chrétien et de toutes vos espérances chrétiennes. Vous croyez que ce Ressuscité est monté au ciel, que toute puissance lui a été donnée, qu'il est votre avocat auprès du Père et qu'il est toujours vivant pour sauver parfaitement tous ceux qui s'approchent de Dieu par lui. Vous croyez que dans un jour comme celui-ci, il a envoyé à son Église le Saint-Esprit de Dieu, ce divin Consolateur, pour être éternellement avec elle, pour la guider dans toute la vérité, pour le remplacer dans le coeur des siens, pour créer en eux la vie nouvelle, pour faire d'eux les enfants de Dieu, des êtres renouvelés, changés, transformés, vivant de la vie éternelle.

Mes frères, vous croyez toutes ces choses ; comme le père de l'enfant démoniaque vous pouvez dire à Jésus : je crois, Seigneur ! S'il y a pour vous, - ce fait est inévitable - des points obscurs dans l'affirmation de votre foi, ces obscurités ne la détruisent pas, et c'est sincèrement que vous dites amen aux différents articles du Symbole des apôtres.

Mais si nous croyons, - et nous croyons, - d'où vient que nous ne possédions pas, la plupart d'entre nous, les fruits, les conséquences nécessaires de notre foi ? Christ est mort pour nous ; où sont ceux qui ont la pleine, la ferme, l'inaltérable certitude de leur pardon et qui ne se laissent plus jamais troubler par les accusations de Satan, par les angoisses de leur conscience, par les souvenirs d'une vie de péché, parce qu'ils savent qu'il n'y a plus pour eux de condamnation ?

Christ est ressuscité, tout puissant, agissant dans le monde et dans les coeurs par son Saint-Esprit ; sont-ils nombreux ici, ceux qui connaissent la puissance du Christ vivant, pour délivrer du péché et donner la victoire à ses rachetés, la puissance du Christ, pour délivrer les siens des afflictions et des épreuves de la vie présente, et s'il ne trouve pas à propos de les en délivrer, pour leur donner l'esprit de soumission et de paix ? Christ est ressuscité ; il a mis en évidence la vie et l'immortalité : sont-ils nombreux parmi nous ceux pour qui la mort a perdu ses terreurs, ses angoisses, et qui, malgré les obscurités qui nous voilent encore l'avenir, sentent dans leur coeur quelque chose de ces espérances glorieuses et de cet amour pour Christ qui faisaient dire à saint Paul : « Mon désir tend à déloger pour être avec Christ » ?

Ces grâces, les plus excellentes de toutes les grâces, ces biens, les plus précieux de tous les biens, plus précieux que tous les biens terrestres, plus précieux que ne l'était pour le père de l'enfant démoniaque la guérison de son fils, ces biens promis à la foi, sans lesquels la vie est terne et triste et découragée, d'où vient que nous les possédions si peu, que nous ne les possédions que fragmentairement, que momentanément, et qu'ils soient si rares au milieu de nous ceux qui ont une pleine certitude du salut, ceux en qui Christ est toujours vainqueur, ceux qui ne voient dans la mort que le moment où Jésus, le Jésus qu'ils aiment, viendra les chercher pour les faire entrer là où il est ? Nous croyons, mais n'avons-nous pas toute raison de redire avec le père de l'enfant démoniaque: Augmente-nous la foi ?

Oui, notre foi a besoin d'être augmentée. Savoir et croire ce que Dieu a fait pour nous en Jésus-Christ et être affermis dans cette connaissance et dans cette foi, c'est un inappréciable bienfait, mais ce n'est pas assez; la foi qui nous est nécessaire est celle que saint Paul exprimait en ces mots concis : « Pour moi, vivre c'est Christ! » Être attaché au Christ vivant, mort et ressuscité, le posséder, lui, remplissant notre coeur découragé et vide sans lui, lui, permanente certitude de notre pardon, lui, puissance de sanctification, lui, force divine dans l'épreuve, lui, vivante espérance dans la mort, voilà la foi qu'il nous faut ; non pas seulement : je sais, je crois, mais « je ne vis plus moi-même, Christ vit en moi »

C'est cette foi qui est l'oeuvre du Saint-Esprit de la Pentecôte. « Il vous est avantageux que je m'en aille », avait dit Jésus à ses apôtres. Comment cela ? C'est que tant qu'il était avec eux, ils avaient, privilège immense, un Sauveur à côté d'eux, un Sauveur extérieur, dirai-je ; mais lui rentré dans la gloire et leur envoyant le Saint-Esprit, ils avaient un Sauveur intérieur, Jésus vivant en eux, les affermissant, les éclairant, les transformant, les sanctifiant par la puissance de son Esprit en eux, répondant à tous les besoins de leur âme, leur donnant les certitudes que les doutes n'effleurent plus et l'inexprimable joie, l'inexprimable paix des enfants de Dieu.

Cette foi par laquelle Christ vit en nous est l'oeuvre du Saint-Esprit de la Pentecôte ; elle est à proprement parler toute l'oeuvre de l'Esprit de la Pentecôte; c'est pour ce but même qu'il a été envoyé. Cependant, ne croyez pas qu'en cette matière nous n'ayons qu'à demeurer passifs et à attendre dans l'indifférence ou l'incrédulité qu'il plaise à l'Esprit d'agir en nous. Ici, comme partout, Dieu nous appelle à être ouvriers avec lui.

Ce que nous avons à faire d'abord pour que l'Esprit de la Pentecôte fasse vivre Jésus-Christ en nous, c'est de livrer à son action des coeurs ayant faim et soif de justice, de pardon et de sainteté. S'il reste en nous quelque attache pour le péché, quelque secret désir d'en conserver quelque chose, quelque volonté de ne pas le sacrifier tout entier, l'Esprit est exclu ; le rassasiement est pour ceux qui ont faim et soif de justice.

Il y a plus. Ce Jésus que le Saint-Esprit veut glorifier en nous, pour qu'il soit la vie de notre vie, il nous faut le chercher : « Vous me trouverez, après que vous m'aurez cherché de tout votre coeur! » dit l'Éternel. « Demandez, dit Jésus, et vous recevrez, cherchez et vous trouverez, heurtez et l'on vous ouvrira. » Mais comment le chercher, le découvrir, le rencontrer, entrer avec lui en rapports personnels et permanents, de telle sorte qu'il devienne pour nous autre chose qu'un étranger rencontré accidentellement au coin d'une rue et aussi vite oublié qu'aperçu ? Une parole de Jésus répond à cette question : « Si vous gardez mes commandements, dit-il, vous demeurerez dans mon amour, comme j'ai gardé les commandements de mon Père et je demeure dans son amour. » C'est par l'obéissance à sa volonté, la pratique de sa volonté, la fidélité dans l'accomplissement de la tâche qu'il nous a assignée, l'application à faire ce qu'il veut et non ce que nous voulons, que nous entrons avec lui dans les relations d'amour qu'il veut avoir avec nous, que nous nous sentons enveloppés de son amour, que nous apprenons à l'aimer, et que, l'aimant, nous désirons le posséder toujours plus et toujours mieux. Vivre loin de lui, sans lui, dans la désobéissance, n'est certainement pas le moyen de le rencontrer. Et soyez persuadés que ceux que Jésus-Christ a rencontrés et terrassés sur le chemin de l'incrédulité, comme Saul de Tarse, étaient en réalité de ceux qui le cherchaient, sur une fausse voie sans doute, mais qui le cherchaient et l'appelaient.

Il faut ensuite chercher Jésus dans sa Parole; c'est là que nous le voyons aller et venir, enseigner et agir ; c'est là que nous sommes mis en contact, non avec un Christ imaginaire, celui que l'opinion publique a façonné ou celui dont nous avons conservé un vague souvenir grâce à des lectures ou à des enseignements des temps passés, mais avec le Christ tel qu'il vit dans les Évangiles; c'est ainsi que ses paroles qui éclairent et qui consolent et que nous avions plus ou moins oubliées, que ses appels miséricordieux, que ses avertissements sérieux sont replacés devant nous, et que notre désir, notre besoin de posséder la Parole vivante, s'accroît en nous par notre commerce avec la Parole écrite. Cette Parole écrite, il faut la sonder, l'écouter, si nous voulons que par le Saint-Esprit, Jésus-Christ remplisse nos coeurs si vides et si tristes sans lui, élève et sanctifie nos vies, sans lui si, terrestres, si vaines, si futiles, et destinées à périr.

Enfin et surtout, il faut chercher Jésus dans et par la prière, non par la prière faible et languissante dont nous sommes coutumiers, mais celle dont Jésus parlait quand il disait : « Le royaume des cieux est forcé, les violents le ravissent », mais celle dont nous avons comme l'illustration dans la lutte de Jacob avec l'ange de l'Éternel. C'est ainsi qu'il faut prier, avec la sainte violence de la faiblesse, de l'impuissance de celui qui sait, qui reconnaît, qui sent qu'il n'y a de salut pour lui qu'en Jésus-Christ, qui le saisit dans son angoisse, dans son désespoir, qui lui dit : sans toi, je suis perdu, et qui ne le laisse point aller qu'il ne l'ait béni ; lutte peut-être longue, se poursuivant des mois, des années, lutte douloureuse, où le lutteur reçoit des blessures dont il ne guérit pas, mais lutte un jour couronnée de la victoire, où le lutteur reçoit un nouveau nom, parce qu'il est devenu un homme nouveau, a conquis son Sauveur et le garde à jamais. Et si Christ, le Christ en qui je crois, sans doute, le Christ sans lequel le suis le plus malheureux des hommes, si le Christ cherché dans l'obéissance à sa volonté, dans sa Parole, dans la prière, m'est donné par l'action du Saint-Esprit, par l'Esprit vit en moi, par l'Esprit m'incorpore à lui, alors toutes les grâces attachées et promises à la foi, si grandes qu'elles soient, je les possède: « Tout est possible à celui qui croit ! » Mon pardon devient possible, la victoire sur le péché devient possible ; les consolations dans la douleur deviennent possibles, les espérances dans le deuil deviennent possibles, tout est possible, réel, actuel, et l'homme le plus pauvre, le plus misérable, le plus malheureux devient un de ceux qui ne peuvent célébrer assez les infinies gratuités de leur Dieu.

Mes frères, que Dieu nous donne cette foi qui n'est pas seulement connaissance, mais possession! Que Dieu nous donne de la conquérir pour l'éternelle joie de nos âmes !

Pentecôte 1905.


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