À l'ombre de ses
ailes...
« Il te couvrira de ses plumes,
et sous ses ailes tu auras un refuge. »
(Ps. 91, 4.)
Vous savez que dans ce verset, c'est
Dieu qui parle. Que signifient les
« ailes » de Dieu ? C'est
une image qui nous fait comprendre les tendres
soins qu'il prend des siens pendant qu'ils
traversent le territoire de l'ennemi,
c'est-à-dire le monde où nous
vivons.
Avez-vous jamais vu un nid de
cygnes ? Ces beaux oiseaux les construisent
souvent parmi les roseaux au bord d'un lac ou d'un
cours d'eau. Ces nids sont très
étranges à voir et il a fallu que le
cygne se donne beaucoup de mal pour apporter et
empiler les uns sur les autres tant de bâtons
et de branches sèches. J'ai vu bien des fois
la mère cygne accroupie sur son nid,
protégeant ses oeufs de ses belles plumes
blanches. Si on s'approche d'elle, elle s'aplatit
autant qu'elle le peut, comme si elle voulait se
rendre invisible. Le mâle, lui, se
promène majestueusement sur les eaux et
lorsqu'on fait mine de déranger sa femelle
il hérisse son plumage neigeux, il avance
son cou et fait entendre un sifflement
menaçant. On dit qu'il pourrait, d'un coup
d'aile, casser le bras d'un homme. Lorsque le
danger est écarté, de quelques coups
de ses robustes nageoires, il revient vers le nid,
il lisse ses plumes et redresse fièrement
son long cou si gracieux.
Au moment de l'éclosion, les
petits cygnes sont tout gris de plumes et tout
maladroits sur leurs pattes trop grosses pour leur
corps. Bien vite les parents leur
apprennent à nager et alors il faut voir les
tendres soins dont ils les entourent et comme les
petits viennent se réfugier sous l'aile
maternelle dès qu'ils aperçoivent le
plus lointain danger.
J'aime aussi voir une mère poule
rassembler ses poussins sous ses ailes. Comme par
enchantement, toutes les petites boules jaunes
viennent se mettre à l'abri près
d'elle et la poule élargit ses ailes afin de
cacher toute sa progéniture. Ah ! les
petits cygnes connaissent et apprécient la
protection de leurs parents et les poussins
obéissent immédiatement à
l'appel de la mère poule. Il n'y a que les
enfants de Dieu qui trop souvent doutent de l'amour
et des soins de leur Père
céleste !
Comme le Seigneur Jésus devait
être triste quand, en contemplant la ville de
Jérusalem, il devait s'écrier :
« Jérusalem, Jérusalem, que
de fois j'ai voulu rassembler tes enfants, comme
une poule rassemble sa couvée sous ses
ailes, et vous ne l'avez pas
voulu ! » Ah ! il pleura sur
cette ville qui devait être détruite
à cause de son incrédulité. Et
maintenant Il appelle au près et au loin
tous ceux qui veulent l'entendre à venir
chercher un abri à l'ombre de Ses ailes. Lui
voit le danger qui s'approche, Il sait que la fin
n'est pas loin et Il fait entendre sa voix en
supplications : « Venez à
Moi, vous tous qui vous fatiguez et qui êtes
chargés et Moi, je vous donnerai du
repos. » Heureux ceux qui lui
répondent : « Je me
réfugierai sous l'abri de tes
ailes. » (Ps. 61, 4.)
Des ailes qui abritent ! quel
sentiment de sécurité ces paroles
nous donnent ! En les écrivant il me
revient à la mémoire une histoire que
ma mère me racontait quand j'étais
une petite fille et qu'elle me prenait sur ses
genoux dans les longues soirées d'hiver -
une de ces histoires vraies, comme elle aimait
à me les dire et à me les
répéter et que je n'ai jamais
oubliées depuis lors. Puisque je suis
sûre que vous aimez aussi les histoires,
j'essayerai de vous l'écrire
maintenant.
Cela se passait en Écosse, il y a
deux cent cinquante ans maintenant. Vous savez tous
sans doute que l'Écosse est un pays
montagneux et sauvage ressemblant
quelque peu à la Suisse. Il est situé
au nord de l'Angleterre. Or dans ce temps-là
régnait sur l'Écosse un roi
très cruel; il avait ordonné que tous
ses sujets adorent Dieu de la façon que lui
trouvait bonne et tous ceux qui refuseraient de le
faire seraient traités comme des rebelles et
mis à mort. Les Écossais furent
indignés en apprenant ces choses et ils
avaient raison de l'être. Jusque-là
ils avaient prié Dieu du fond de leurs
coeurs et non en répétant des paroles
imprimées dans un livre et ceux d'entre eux
qui étaient de vrais chrétiens,
sentirent que ce serait un grand
péché d'obéir au roi
plutôt qu'à Dieu. Malheureusement,
parmi le peuple il s'en trouva un certain nombre
qui n'avaient pas appris à se confier en
Dieu seul et, plutôt que de supporter le tort
qui leur était fait et de continuer
tranquillement à servir Dieu d'une
manière qui lui plaise, ils prirent les
armes et voulurent revendiquer leurs droits par la
force.
Cette manière d'agir ne fit que
rendre la situation plus terrible encore.
Jésus a dit. « Tous ceux qui ont
pris l'épée, périront par
l'épée » et il en fut ainsi
cette fois encore. Le plus triste à dire est
que beaucoup de ceux qui n'avaient pas pris
l'épée, périrent avec ceux qui
l'avaient fait. Le roi, pensant que tous les
chrétiens étaient des rebelles,
défendit qu'on leur donnât asile ou
nourriture. Il envoya des escadrons de soldats
à cheval qui devaient parcourir le pays et
fusiller tous les chrétiens qui se
trouvaient sur leur chemin.
L'homme dont je veux vous parler se
nommait Peden. C'était un paisible vieillard
qui jamais n'aurait songé à prendre
les armes, car il avait appris à se confier
en son Dieu. Pendant de longues années, il
avait prêché l'Évangile aussi,
sa tête avait été mise à
prix et maintenant qu'il était vieux et
faible, il fut chassé de sa demeure et
obligé de chercher un refuge dans la partie
la plus sauvage et la plus désolée du
pays, où il pouvait se cacher loin de ses
persécuteurs. C'était au milieu de
l'hiver ; aucun de ses amis n'osait
l'héberger, ni même lui donner
à manger. Pauvre vieillard ! Nous
pouvons aisément nous figurer qu'il n'est
pas facile d'avoir confiance en
Dieu au milieu de pareilles
difficultés ! Semblable aux
héros de la foi dont nous parle
l'épître aux Hébreux, Peden
errait d'un endroit à l'autre,
« dans le besoin, affligé,
maltraité ». Il ne lui resta
bientôt pas d'autre ressource que de se
réfugier comme eux « dans les
cavernes et les trous de la
terre ».
Si vous n'avez jamais parcouru un pays
de montagnes, vous ne pouvez guère vous
figurer la sauvagerie des hautes vallées
écossaises. Ce sont à proprement
parler des gorges étroites et solitaires et
la plus étroite et la plus solitaire de
toutes est la gorge de Glendyne ; un torrent
impétueux la traverse et de sombres parois
de rochers l'enserrent. Ce fut là, au milieu
des forêts qui s'agrippent aux pentes
abruptes, que Peden s'enfuit et dans cet endroit
terrible, il trouva une caverne dont
l'entrée était dissimulée par
un gros bloc granitique.
Vous, enfants, vous vous dites
peut-être que ce devait être
très amusant de se cacher dans une
forêt et de vivre dans une caverne. Cela ne
m'étonne pas, surtout si vous n'avez jamais
tenté l'aventure. Mais, pour ma part, depuis
que j'ai visité une grotte profonde, non
loin d'ici, je suis arrivée à la
conclusion que je ne voudrais pas passer même
une nuit d'été dans cette demeure
souterraine. Elle est froide et humide et si
sombre ! la clarté du soleil ne saurait
y pénétrer et l'air ne s'y renouvelle
que difficilement.
Il se peut fort bien que le pauvre
vieillard ait réussi à rendre sa
caverne quelque peu confortable, car beaucoup de
gens l'aimaient et ils étaient nombreux ceux
qui auraient risqué leur vie pour lui venir
en aide. Je ne saurais vous raconter comment il
passa l'hiver si long et si froid dans ce climat
septentrional, mais je puis vous dire qu'un matin,
au mois de mai, il s'aventura hors de sa cachette
et se prit à jouir du gai soleil et de la
beauté du paysage qui l'environnait.
Tout en bas dans la vallée,
à l'entrée de la gorge, il y avait
une chaumière dans laquelle habitait un
chrétien qui avait fréquemment
secouru Peden dans sa détresse. Le vieillard
résolut d'aller jusqu'à la
chaumière et de passer quelques heures
auprès de son ami. Son
bâton à la main, il descendit la pente
abrupte, en se dissimulant derrière les
arbres et les buissons et arriva sain et sauf
à sa destination.
Quel bonheur pour le vieillard de
s'asseoir enfin près de l'âtre
hospitalier, de partager un repas chaud et surtout
de pouvoir parler à quelqu'un du Seigneur
qu'il aimait et pour l'amour duquel il souffrait
joyeusement ! Cela ne m'étonne pas
qu'il s'oubliât quelque peu et que le soleil
fût couché et que les ombres du soir
fussent déjà bien sombres, lorsqu'il
songea à regagner son sauvage asile. Il
n'aurait osé passer la nuit chez son ami,
car les soldats du roi se trouvaient dans le
voisinage et, d'un instant à l'autre,
pouvaient envahir la chaumière.
Donc, Peden se mit en route, lentement
et péniblement vu son grand âge. Il
marchait, son bâton à la main,
lorsque, tout à coup, d'une vallée
latérale déboucha une troupe de
cavaliers. Il n'y avait pas à s'y tromper.
C'étaient les dragons du roi. Le vieillard,
de son pas tremblant, gagna le bord du torrent et,
se glissant dans une cavité que les eaux
avaient creusée dans la berge, il se trouva
complètement caché. Les soldats
passèrent au galop au-dessus de l'endroit
où Peden était couché, si
près de lui que le sabot d'un des chevaux,
traversant la mousse, le blessa très
légèrement au front !
Combien le bon vieillard dut se sentir
reconnaissant lorsque, ce soir-là, il
s'agenouilla dans sa sombre caverne. Et, tandis que
le vent gémissait dans les grands arbres et
s'engouffrait en hurlant dans les couloirs rocheux,
que d'actions de grâces durent
s'élever vers Celui qui l'avait
délivré d'une mort cruelle !
Sûrement, il avait trouvé un refuge
à l'ombre des ailes du
Tout-Puissant.
Peut-être aimeriez-vous encore
entendre quelque chose au sujet du vieux
Peden.
Quelques amis s'étaient joints au
vieillard - comme lui, de fidèles
témoins de Christ qui ne possédaient
plus d'abri dans ce monde - et un jour, comme ils
étaient tous exténués de
fatigue et de faim, ces héros de la foi
s'aventurèrent jusque dans une
ferme où vivait un paysan
dont ils savaient qu'il leur donnerait asile et
nourriture pour l'amour du Seigneur.
La ferme et ses dépendances
étaient bâties en carré,
renfermant entre de hauts murs une cour
pavée ; à chaque angle s'ouvrait
une étroite poterne donnant sur la rase
campagne.
Or pendant que nos amis se chauffaient
près de l'âtre où flambaient
les épaisses bûches de fayard, une
troupe de dragons du roi envahit la cour à
grand renfort de cris et d'imprécations. Que
faire ? Le temps manquait pour mûrir
longuement un plan d'évasion. Nos gens
prirent au plus court, s'élancèrent
hardiment au-dehors, se jetèrent parmi les
chevaux en agitant leurs bérets
écossais et en faisant grand bruit. Les
chevaux épouvantés ruèrent et
se cabrèrent ; leurs cavaliers,
cherchant à se rendre maîtres de leurs
montures, laissèrent partir les proscrits.
Ceux-ci eurent vite fait de gagner la lande
voisine. Mais déjà les troupiers qui
s'étaient ressaisis, les suivaient au
galop.
Cependant nos amis avaient eu le temps
de descendre un talus très rapide où
les chevaux ne pouvaient pas les suivre ; puis
ils avaient franchi le torrent et couraient
à toutes jambes dans la direction de la
forêt. Quelle terrible chasse à
l'homme ce fut alors ! Il y allait de la vie des
fuyards, car les dragons étaient sans
pitié. Pendant un moment, il sembla que les
chrétiens allaient échapper à
leurs persécuteurs, mais ceux-ci,
lançant leurs chevaux au triple galop,
gagnèrent un gué où ils
pouvaient facilement franchir le torrent et alors
la poursuite reprit de plus belle.
Peden était vieux et
faible ; il ne pouvait courir longtemps et les
cavaliers gagnaient du terrain à chaque
seconde. Tout espoir avait disparu ; une mort
cruelle menaçait les pauvres gens, car ils
n'avaient devant eux aucun lieu de refuge quel
qu'il fût.
« Garçons, fit le
vieillard en s'arrêtant pour regarder les
cavaliers qui gagnaient déjà le pied
de la colline escarpée sur laquelle les
fuyards étaient arrivés,
garçons, les gens qui prient sont les seuls
qui puissent traverser la
tourmente ! »
Mais ses amis ne songeaient qu'à
aller plus loin ; ils cherchaient partout
quelque cavité où ils pussent cacher
le pauvre vieux pour ensuite devoir leur propre
salut à la vitesse de leurs jambes. Mais
Peden ne leur permit pas de partir. S'agenouillant
sur la bruyère qui bientôt
peut-être serait teinte de son sang, il
éleva ses mains vers le ciel et pria
ainsi :
« Seigneur, nous avons besoin
de ta forte main. Tu nous as commandé de
t'invoquer au jour de la détresse et tu nous
a promis de nous répondre au temps de la
calamité. Si nous ne pouvions nous appuyer
sur toi, que ferions-nous aujourd'hui ? Si tu
as encore quelque travail à faire par nous
dans ce monde, veuille étendre l'ombre de
tes ailes sur le vieux Peden et sur ces pauvres
jeunes gens. Mais si ce jour doit être le
dernier que nous passions ici-bas, accorde-nous la
grâce de nous en aller paisiblement et pour
ta gloire. Ainsi, dans l'éternité
bienheureuse, nous pourrons te louer pour tout ce
que tu as fait pour nous. Amen. »
Sa prière achevée, Peden
se releva et fit quelques pas en avant, mais,
revenant rapidement vers ses
compagnons :
« Garçons, leur dit-il,
le plus fort de la tempête a passé.
Nous n'aurons plus rien à craindre de nos
ennemis aujourd'hui ! »
Il avait raison. Dieu avait entendu son
cri de détresse et allait couvrir ses
enfants de Son aile protectrice. Pendant toute la
journée, le brouillard s'était
amassé en masses blanches et floconneuses
sur le sommet des montagnes. Mais, tandis que Peden
priait, les nuages, en vagues épaisses,
semblables à une cavalerie géante,
descendaient les flancs escarpés de la
colline ; un voile humide et
impénétrable couvrit les pentes
abruptes dérobant à la vue tous les
objets qui n'étaient pas à quelques
pas de distance ; cela se fit silencieusement,
paisiblement, mais sûrement - une
réponse effective à la prière
de la foi.
Le brouillard descendait, descendait
toujours jusqu'à ce que les dragons,
enveloppés d'un linceul de nuages ne purent
plus rien distinguer au-delà de la
tête de leurs chevaux. Des cris de rage et
des blasphèmes s'élevèrent du
sein de la nuée protectrice, mais
la colère des hommes
était vaine et les enfants de Dieu,
sauvés de la mort, purent continuer leur
chemin en louant le Seigneur.
Et maintenant, enfants, puis-je vous demander si
ces ailes protectrices vous abritent ce soir ?
Allez-vous vous coucher et dormir en paix parce que
vous avez trouvé un sûr refuge sous
les ailes du Tout-Puissant ? Dieu le veuille,
car un sort terrible est réservé
à ceux qui refusent cet abri ; le jour
viendra où ils devront rencontrer l'ennemi
sans trouver de refuge. Leur cri de terreur
s'élèvera en vain vers le ciel, car
il est dit d'eux : « Parce que j'ai
crié et que vous avez refusé
d'écouter, parce que j'ai étendu ma
main et que personne n'a pris garde... moi aussi je
rirai lors de votre calamité, je me moquerai
quand viendra votre frayeur, quand votre frayeur
viendra comme une subite destruction et que votre
calamité arrivera comme un tourbillon, quand
la détresse et l'angoisse viendront sur
vous. » (Proverbes 1.)
Vous ne voudrez pas être de
ceux-là, chers enfants qui lisez ces
lignes ?
|