UN
PROGRAMME DE VIE INDIVIDUELLE ET
COLLECTIVE
V
Lire
Romains XIII, 8 à 14.
Paul remonte des actes particuliers,
privés ou publics, à la source
à l'esprit qui doit les animer : c'est
l'amour pour Dieu et pour les hommes.
Ne devez rien à personne.
Nos dettes, ce sont nos torts, nos fautes, nos
mauvaises paroles ou nos mauvaises actions
égard du prochain, aussi bien que ce que
nous empruntons ou ce que nos fournisseurs ont
à nous réclamer.
« Remets-nous nos dettes comme nous les,
remettons à nos
débiteurs. » Telle est la
traduction littérale de la demande de
l'oraison dominicale.
(Matth. 6, 12.) Elle montre
clairement que tout péché doit
être considéré comme une dette,
et que nos dettes d'argent ne sont pas les plus
graves et celles qui pèsent le plus dans la
balance divine. Cependant, l'exhortation de
l'apôtre concerne aussi et d'abord les dettes
matérielles. On ne saurait trop dire aux
chrétiens : Évitez autant que
possible de contracter des dettes. -
D'éminents serviteurs de Dieu, un
Jung-Stilling, un Zinzendorf, se sont
créé des tourments qui ont
paralysé leur activité et ont
affaibli leur témoignage, soit en empruntant
de l'argent, soit en négligeant de payer ce
qu'ils achetaient. S'il vous est impossible
d'éviter certaines dettes, en particulier
à vos fournisseurs, efforcez-vous de vous
acquitter le plus tôt possible ; n'ayez
point de repos que vous n'ayez la conscience
déchargée à cet égard,
car toute dette est et doit rester un poids sur la
conscience. Soyez hommes et femmes de parole ;
que l'on puisse compter à coup sûr sur
vos engagements. Cette attitude vaut mieux qu'une
multitude de discours pieux. Dans ce domaine comme
ailleurs soyons sans tache et sans
reproche.
Une seule dette est permise et
même requise de nous, dette qui ne
s'éteint jamais, mais qui au contraire
s'étend et s'augmente à mesure que
nous la reconnaissons et que nous nous en
acquittons : c'est l'amour réciproque
et fraternel. Par cet amour, nous accomplissons
vraiment tous les commandements, qui comprennent
à la fois le décalogue et la loi du
Christ. L'amour, en effet, est sous-entendu dans
les dix commandements, il en constitue la base,
l'inspiration et le sommet ; il est à
leur point de départ et à leur point
d'arrivée. Nous ne saurions nous y conformer
dans la lettre et dans l'esprit sans amour. La
crainte, la peur, est le signe des esclaves ;
l'amour est ce qui caractérise les enfants.
Or, si le véritable Israël de
l'ancienne Alliance déjà était
formé des fils et des filles de Dieu,
à plus forte raison celui de la nouvelle. Il
y a trois sortes d'esprits dans lesquels on peut se
soumettre et obéir : l'esprit
servile qui obéit pour éviter
le châtiment, l'esprit mercenaire qui
se soumet pour gagner les faveurs du Maître
et obtenir quelque avantage, et l'esprit
filial qui obéit par amour et d'une
manière toute
désintéressée. Ce dernier seul
est agréable à Dieu. Vous connaissez
le sommaire de la loi emprunté par
Jésus à l'Ancien Testament :
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout
ton coeur, de toute ton âme et de toute ta
pensée.
(Deut. 6, 5.) Tu aimeras ton prochain
comme toi-même.
(Lév. 19, 13.) »
Luther, dans son petit catéchisme, commence
l'explication de chacun des commandements du
décalogue par cette formule
invariable : Nous devons craindre et aimer
Dieu de telle sorte que nous évitions :
de nous livrer à l'idolâtrie, de faire
par son nom aucune imprécation ni jurement,
ou de mépriser ou irriter nos parents. Le
grand réformateur avait bien saisi le
véritable esprit de la loi.
L'amour ne fait point de mal au
prochain, dit l'apôtre, et, par suite, il
lui fait du bien, tout le bien possible,
ajouterons-nous. L'attitude purement
négative ou simplement neutre n'existe pas
et ne saurait exister. L'amour, nous l'avons dit,
est la plénitude de la loi, sa perfection,
son essence et son but. Or l'amour se donne et il
doit se donner, se consacrer au bien temporel et
spirituel du prochain. Souvenons-nous, de plus,
avec Adolphe Monod, que si la foi rend tout
possible, l'amour rend tout facile.
Vient ensuite dans notre texte le motif
pour lequel nous devons nous conduire ainsi, motif
aujourd'hui trop rarement invoqué :
c'est le temps, l'époque, l'occurrence
où nous nous trouvons. Le Seigneur est
proche, il viendra bientôt sur les
nuées du ciel avec une grande puissance et
une grande gloire. Il est « Celui qui
vient ».
(Apoc.1, 8.) Nous sommes ici en
présence d'une allusion manifeste à
la parousie, au retour de notre Maître, si
souvent annoncé par ses apôtres et si
fermement attendu par eux. Avec lui vient le salut
complet, définitif, y compris la
rédemption de nos corps.
(Rom. 8, 23.) C'est-à-dire
leur résurrection et leur glorification.
Ayant participé à la chute et
étant devenus des instruments de
péché, il faut qu'ils participent
à la restauration de notre être et
deviennent des instruments de
sainteté.
Actuellement, nous sommes sauvés
en espérance, virtuellement ; nous
possédons seulement les arrhes et les gages
du salut. L'Esprit nous a convaincus de
péché et nous a amenés au
Sauveur. L'Esprit rend témoignage à
notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Enfin
l'Esprit nous a
régénérés et travaille
incessamment à notre sanctification. Certes,
tout cela est déjà beaucoup et suffit
à nous garantir l'avenir. Mais cet avenir
nous apportera bien au delà de ce que nous
pouvons penser et espérer.
En attendant, nous sommes dans la
nuit. Remarquons-le et insistons-y. Le jour ne
luira dans tout son éclat que lorsque le
soleil de justice, qui porte la santé dans
ses rayons, apparaîtra dans toute sa
majesté. En attendant, la nuit, dans
laquelle personne ne peut travailler
(Jean 9, 4 et 5) s'épaissira
de plus en plus. Il semble bien, en effet, que
l'obscurité s'étende et s'intensifie
toujours, même sur la théologie et sur
l'église contemporaines. Nous sommes tout
enveloppés d'un brouillard dense et froid
qui transperce l'âme et la rend malade.
« La civilisation progresse, dit
César Malan fils, dans ses Grands traits de
l'Histoire religieuse de l'humanité, mais en
même temps la nature de l'homme
lui-même se détériore et se
corrompt. L'humanité perd en
vérité, en pureté et en valeur
réelle ce qu'elle gagne en connaissance et
en puissance extérieure. C'est l'histoire de
toutes les civilisations partielles comme aussi
celle du progrès humain dans son
ensemble.
Il ne fait jour que lorsque Jésus
est là en personne. Mais, courage ! Le
moment où la nuit est la plus noire est
précisément celui où vont se
montrer les premières lueurs de
l'aurore ! La nuit est avancée, voici
bientôt le point du four !
Ceci n'est point affaire d'intelligence,
de curiosité, ou matière à
discussions, mais doit aboutir à quelque
chose de pratique que nous allons
indiquer :
1° A une attitude. Puisque
Jésus doit revenir bientôt,
« soyons comme celui qui attend son
maître. »
(Luc 12, 35 - 38), Qu'Il nous trouve
prêts à l'accueillir avec des
transports de joie, veillant, priant, étant
sobres et travaillant avec lui et pour lui à
l'exécution de ses desseins d'amour.
2° Nous sommes appelés par
cette même pensée de arrivée
prochaine de notre Maître à nous
dépouiller des oeuvres issues des
ténèbres et que les
ténèbres favorisent et à nous
revêtir des armes de lumière.
Paul traite ce sujet d'une manière plus
détaillée et approfondie dans son
épître aux siens
(chap. 4, 22 et
24 ;
chap. 5, 11 à 14 ;
chap. 6, 11 à 20). Les
oeuvres sont un vêtement, une chose qui se
voit, une manifestation extérieure de ce que
nous sommes. On pense pouvoir découvrir le
caractère d'une personne par l'examen de son
écriture ou de sa démarche, ou des
traits de son visage ; on le pourrait tout
aussi bien par l'aspect de ses vêtements. Tel
vêtement, tel homme ; telle enveloppe
extérieure, telle âme. Pour se
dépouiller des oeuvres mauvaises,
c'est-à-dire du vêtement d'orgueil et
de vanité d'égoïsme et de
méchanceté, il faut tout d'abord que
les sentiments impurs soient détruits. C'est
là le travail du Saint-Esprit. Vois
n'ignorez pas qu'il procède du dedans au
dehors. Il ne s'agit point d'une toilette tout
extérieure destinée à
satisfaire les convenances et à sauvegarder
les apparences. Défions-nous des
séductions du Diable. Il s'ingénie
sans se lasser à nous détacher du
centre pour nous attirer à la
surface.
Les armes de lumière sont
aussi un vêtement qui frappe le regard mais
qui a son point de départ et son point
d'appui au dedans C'est parce que nous sommes
intérieurement revêtus du Seigneur
Jésus, c'est parce qu'il remplit et
pénètre nos pensées, nos
coeurs et nos volontés que nous prenons la
livrée et l'armure du
chrétien.
Remarquons que ce que l'apôtre
nous invite à endosser, ce n'est ni une robe
de chambre ou un coin de feu, - qui
éveillent les idées de repos, de
tranquillité, de rêverie pleine de
charme ; - ni une redingote ou un habit de
cérémonie, - qui éveillent
l'idée de fêtes ou de plaisirs, - mais
une armure. La vie chrétienne n'est
ni une douce quiétude, un délicieux
farniente, ni une réjouissance
perpétuelle ; elle est avant tout une
action, un combat. Le chrétien est un
soldat. Il lutte sans cesse pour défendre sa
vie et celle de ses frères sans cesse
menacées. Les fameuses lois de la lutte pour
l'existence et de l'entraide ne doivent s'exercer
nulle part d'une manière plus rigoureuse que
dans la société des enfants de
Dieu.
Le chrétien attaque aussi
l'Ennemi. Sa panoplie, ou armure
complète, ne comprend pas seulement des
armes défensives : casque, cuirasse,
bouclier, etc., mais aussi des armes offensives,
entre autres une épée,
« l'épée de l'Esprit qui
est la Parole de Dieu. » Toutes ces armes
sont prises dans le grand arsenal divin ;
elles ont été forgées dans la
lumière d'En-Haut ; dès lors,
elles peuvent paraître au grand jour de la
terre ; elles y brilleront du plus vif
éclat. Le serviteur de Christ, qui est un
chevalier de la Croix, reçoit son armure des
mains mêmes de son divin Chef. Une fois
armé, il ne fait pas une guerre sourde,
dissimulée ; il n'emploie pas la ruse
et les faux-fuyants ; mais il va droit
à l'ennemi et le regarde en face comme jadis
David devant Goliath.
La vertu maîtresse d'un chevalier
n'est-elle pas la loyauté en même
temps que le loyalisme, l'entier dévouement
à la cause et à Celui qui l'incarne
dans sa personne adorable ?
Toute guerre, en effet, réclame
du soldat certaines qualités
essentielles : il faut qu'il soit toujours en
éveil, l'oeil ouvert, l'oreille au guet,
qu'il ne perde jamais de vue que l'ennemi est
là dans les ténèbres de la
nuit et que sa tactique c'est la surprise.
Au soldat du Christ, comme au soldat de
nos armées, l'exercice est indispensable. Il
doit apprendre à manier ses armes
« de la droite et de la
gauche. »
(2 Cor. 6, 7.) Sans cela il est bien
emprunté et bien maladroit ; il risque
de se blesser ou de se tuer avec ses propres armes.
La guerre chrétienne, la sainte guerre,
requiert un apprentissage tout comme l'autre. Il y
faut des instructeurs et surtout l'habitude, la
pratique, l'expérience, que rien ne peut
remplacer.
Enfin le soldat de Jésus doit se
soumettre à une discipline stricte tout
comme l'autre. Il doit obéir à son
Capitaine sans discuter les ordres qui lui sont
donnés et sans murmurer ; qu'il suive
humblement et docilement Celui qui combat avec lui
et le mène à la
victoire !
Le combattant chrétien
possède un règlement de service, la
Bible, qu'il doit étudier sans cesse et
connaître sinon par coeur, du moins par le
coeur ; non pour satisfaire sa
curiosité et y découvrir des
problèmes intéressants, mais pour se
conformer à la volonté du Roi sous
l'étendard duquel il s'est
enrôlé.
Un élément important de la
discipline, c'est la sobriété
( 1 Pierre 1, 13 à 16 ;
4, 7 et 8), La modération,
la maîtrise de soi. Il s'agit de marcher
« honnêtement », avec
sincérité, droiture,
intégrité « comme de
jour ». Et pour cela il faut traiter
durement son corps et le tenir assujetti
(1 Cor : 9, 27) ; pour
qu'il devienne non un maître, mais un
serviteur. En un mot que le combattant se garde de
prendre soin de la chair pour satisfaire ses
désirs, d'ailleurs insatiables. La chair est
comme le sépulcre, elle ne dit jamais :
Assez ! Plus on lui accorde, plus elle se
montre exigeante. - Nous ne devons pas, du reste,
identifier la chair avec le corps, mais nous
souvenir cependant que le corps est souvent
l'organe de la chair. La chair n'est autre chose
que notre vieille nature corrompue et vendue au
péché. Elle doit être vaincue
en elle-même et aussi dans ses manifestations
et ses instruments. Si nous réalisons cela,
nous serons des soldats dignes de faire partie des
saintes milices de notre Dieu.
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