Nous
les jeunes
VI.
LA GÉNÉRATION FUTURE
« AIMEZ LES
ENFANTS DE VOTRE PAYS, QUE CET AMOUR SOIT
VOTRE NOUVELLE
NOBLESSE. »
NIETZSCHE.
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Et je le répète : Notre
volonté a besoin d'aide !
Si l'instinct sexuel nous
apparaît, tout d'abord, sous la forme d'une
attraction puissante exercée sur nous par la
femme, d'un besoin de nous unir à elle pour
compléter notre être, et d'un
désir ardent de posséder une
compagne, sa principale raison d'être,
cependant, est la perpétuation de notre
race. Nous portons en nous les corps et les
âmes de nos enfants. La force sexuelle est
l'avenir ! Sans aucun doute, tous nous
désirons avoir des enfants bien portants et
joyeux, et donner ce que nous avons de meilleur
à l'avenir de notre famille, de notre
peuple. Eh bien, l'avenir est continuellement en
germe dans le présent. Nous le portons en
nous. Plus nous estimerons la valeur de notre force
sexuelle, et mieux nous saurons conserver intacte
notre puissance créatrice, plus les services
que nous rendrons à nos enfants seront
grands. Lorsque mon enfant me
regarde avec ses yeux brillants et me
réjouit par la vue de son corps souple et
vigoureux, par sa joie enfantine et sa
fraîche intelligence, je ne regrette pas
d'avoir soutenu le combat pendant des
années ; je sais que j'ai
travaillé, non seulement pour moi, mais
aussi pour la génération future.
Seul, celui dont les enfants ne
s'élèvent pas en muette accusation
contre lui, pourra dire avec Liliencron :
- « Mon enfant dans mes bras, ma
main à la charrue,
- Un coeur joyeux, et c'est
assez ! »
Dans notre force procréatrice, apprenons
déjà à aimer nos
enfants.
L'alcool, on ne peut le nier, exerce une
influence énorme sur le germe dont sortira
notre postérité, sur le cerveau de
nos futurs enfants et sur leur vie sexuelle. La
science et l'expérience sont d'accord sur ce
point. Il est aussi indubitable que les maladies
sexuelles du père, même s'il croit les
avoir vaincues, agissent d'une façon
pernicieuse sur la formation du sperme, et par
là, sur le développement de
l'embryon. La loi de
l'hérédité, du
péché héréditaire, dont
les poètes ont tant parlé, n'est que
la terrible réalisation de l'antique
menace : « L'iniquité des
pères sera punie, sur les enfants,
jusqu'à la
troisième et à la
quatrième
génération. »
D'innombrables aveugles-nés, sourds-muets et
idiots, doivent le malheur de leur existence
à la maladie sexuelle de leur père,
ou à la dilapidation de ses forces dans le
commerce sexuel illégitime, qui l'a rendu
incapable de procréer un enfant normal et
sain.
Quant à l'absence de scrupules,
toute bestiale, avec laquelle tant de jeunes gens
se marient, bien que se sachant encore atteints ou
imparfaitement guéris de maladies
vénériennes, je dirai seulement que
je voudrais voir rétablir à leur
usage la peine de la bastonnade. Je voudrais gifler
ces grossiers personnages, aux yeux desquels la
santé et la vie d'une femme n'ont pas assez
de valeur pour leur arracher un honnête aveu.
Aucune loi ne devrait fermer la bouche au
médecin qui voit une telle atrocité
se commettre. Lorsqu'un homme est atteint de folie,
le médecin doit le constater, afin que le
malade soit conduit dans un asile ; lorsque la
diphtérie, ou toute autre maladie
contagieuse, sévit dans une maison, on isole
soigneusement le malade et ceux qui le soignent. Et
lorsque la fièvre aphteuse régnait il
y a quelques années, dans notre pays, un
écriteau était apposé devant
chaque étable contaminée.
Le bétail est
protégé contre toute épizootie
dévastatrice, tandis que les femmes sont
à la merci du poison monstrueux des maladies
vénériennes ! Si j'avais une
fille qui soit demandée en mariage,
j'enverrais, en tout cas, le jeune homme vers mon
médecin, et je sommerai celui-ci de me dire,
sur son honneur, si le jeune homme est en bonne
santé ou malade. Je me suis conservé
pur et sain pour mes enfants et mes petits-enfants,
et je ne tolérerai pas qu'un
débauché vienne corrompre ma
race.
L'expérience prouve qu'un
instinct sexuel déréglé
rabaisse le caractère, et fausse le sens
moral, qui vont diminuant de
génération en
génération, jusqu'à la
complète
dégénérescence, avec tout son
cortège de misères et de souffrances.
C'est pourquoi, en me gardant pur et sain, j'ai
fait plus pour mes enfants que si je leur
léguais des millions.
Par la procréation, non seulement
nous donnons un corps à nos enfants, mais
nous coopérons à la formation de leur
âme. Sans cela, pourquoi parlerait-on de
dispositions héréditaires, morales ou
immorales ? On aura beau élever un
enfant de Bohémiens dans un couvent, il ne
pourra pas facilement renier son penchant au vol,
il l'a dans le sang. Et de même que les
défauts de
caractère et la faiblesse de volonté
se transmettent du père au fils, ainsi une
forte volonté, un coeur pur, peuvent
être légués, par nous, à
nos enfants. Nous nous donnons beaucoup de peine
pour leur faciliter la lutte pour l'existence, mais
songeons qu'en combattant nous-mêmes,
vaillamment et fidèlement, nous leur
facilitons aussi la lutte pour la pureté et
la dignité. De même que dans la
dégénérescence, la faiblesse
et la corruption vont grandissant en se
transmettant d'une génération
à l'autre, de même la pureté du
père se transmet, accrue, à l'enfant,
pour s'augmenter encore chez le petit-fils et
procréer, finalement, une
génération qui portera sur son front
la couronne de cette victoire, pour laquelle
l'humanité combat depuis des
siècles.
Ne sont-ce là que de vagues
rêves d'avenir, qui ne se transformeront
jamais en réalités ? Non !
Souvenons-nous du point de départ de notre
humanité ; le progrès n'est-il
pas plus sensible, n'apparaît-il pas à
la surface d'une façon plus distincte
qu'à n'importe quelle autre
époque ? Mais il faut que le
progrès ait un but, et si, aujourd'hui, la
recherche de tout ce qui est vrai et pur est le mot
d'ordre partout donné,
attendons alors, avec une
joyeuse certitude, le moment où l'instinct
sexuel contribuera, lui aussi, comme le veut la
nature, à la prospérité
matérielle et intellectuelle de
l'humanité, et où nous verrons la
pureté et l'énergie devenir notre
bien et celui de nos enfants. Nous nous
réjouirons, alors, de pouvoir, par notre
collaboration, hâter un progrès si
vraiment humain.
Cet aperçu sur l'avenir ne
paraîtra téméraire qu'à
celui qui ne veut pas y travailler. Toute
vérité qui n'est pas banale, se
présente à nous avec son
inexorable : « Tu
dois ! » Il semblerait que la
vérité soit à la recherche
d'une demeure, dans ce monde, et qu'elle ne puisse
la trouver ailleurs que dans une humanité
pure. Accueillons-la, et obéissons à
son commandement en lui disant
résolument : « Oui, je
veux ! »
« Pensons à ce qu'est
la nature, quel jugement, quelle grandeur, quel
profond repos, quelle indulgence elle
possède. Tu prends du blé et tu le
sèmes dans le sein de la terre : Ton
froment est peut-être entouré de
paille, de balayures, de poussière et de
toutes sortes de débris cela ne fait rien.
Tu le confies à la terre juste et bonne elle
fait croître le froment sans mot dire ;
elle prend tous les débris, les recouvre et
n'en parle plus.
Le blé doré croît,
la bonne mère qu'est la terre, se tait sur
tout le reste, se l'assimile sans bruit et, sans se
plaindre, le transforme en quelque chose d'utile.
Il en est partout de même dans la nature.
Elle est vraie, et cependant grande, juste et
maternelle. Elle exige seulement qu'une chose
soit juste dans son principe, et à cette
condition, lui accorde sa protection. N'est-ce
pas, ici-bas, l'histoire de toute
vérité supérieure, dans le
passé comme dans l'avenir ? Son
enveloppe est imparfaite, mais elle-même est
une lumière brillant dans
l'obscurité ; elle nous apparaît
parfois enveloppée dans des dogmes purement
scientifiques sur l'univers, dogmes
forcément incomplets, qui seront même,
un jour, trouvés imparfaits, erronés,
et devront disparaître. L'enveloppe de toute
vérité meurt, mais la
vérité, elle, a une âme qui ne
meurt jamais, qui revit dans une nouvelle
incarnation, toujours plus noble, tout comme
l'homme lui-même. C'est ainsi qu'agit la
nature. L'essence intime de la vérité
est immortelle. Qu'elle soit authentique, comme
doit l'être une voix sortant des profondeurs
de la nature, c'est l'essentiel. Ce que nous
nommons pur ou impur ne l'arrête pas. Elle
ne considère pas combien tu renfermes de
paille, mais si tu es du vrai
froment. Pur ?
À beaucoup d'hommes, je pourrais dire :
Oui, tu es assez pur ; mais tu n'es que
paille, ton apparence est trompeuse, ta
réputation est usurpée et repose sur
des on-dit ; tu n'as jamais essayé de
comprendre la grande âme de l'univers ;
tu n'es ni pur, ni impur ; tu n'es rien, la
nature n'a rien à faire avec
toi ». (Carlyle.)
Il a raison, le célèbre
Écossais. Ce n'est que des profondeurs de la
nature, des sources éternelles de notre
être, que nous pourrons tirer ce que nous
donnerons de meilleur à l'avenir. Eh bien,
que la vérité et la pureté ne
soient plus, pour nous, des hypothèses, mais
des réalités et des
armes !
Encore une chose, concernant ton enfant
à venir !
Tu n'as pas seulement à le
procréer, mais aussi à
l'éduquer. Comment comprends-tu
l'éducation de ton enfant,
spécialement à l'âge où
les questions sexuelles commenceront à
prendre une importance peut-être
décisive ? Ne nous flattons pas de
l'espoir que, dans le cours des années, la
sagesse et la fermeté dont nous avons besoin
pour élever nos enfants, nous viendront tout
naturellement. Ce qui a de la valeur, ce qui est
nécessaire, n'est jamais tombé du
ciel pour personne. Si nous
n'avons pas été
sérieux dans notre propre éducation,
si nous n'avons pas la conscience pure
vis-à-vis de notre enfant, si nous ne
pouvons le regarder en face, il ne faudra pas nous
étonner lorsque son sûr instinct
découvrira en nous le défaut de la
cuirasse, et que tous nos essais d'éducation
échoueront. L'éducation de nos
enfants doit commencer par notre propre
éducation. Nos préceptes et nos
paroles ne peuvent avoir du poids et du
succès que s'ils servent de règle de
conduite à notre propre vie. Lorsque, dans
notre personnalité, théorie et
pratique forment un tout harmonique, toutes les
forces de notre âme sont, à la fois,
flexibles et résistantes, et peuvent servir
à l'attaque comme à la
défense, semblables à un acier bien
trempé !
N'est-ce pas, nous voulons aimer nos
enfants !
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