Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Oeuvres posthumme de A. Rochat
Ministre du Saint Évangile

LETTRE I
1821.

 La meilleure manière de bien comprendre l'Écriture...

Quelque bonne que soit la parole de l'homme, elle n'a jamais l'efficace de la Parole de Dieu. Saint Paul dit que la Parole de Dieu est l'épée de l'Esprit, c'est-à-dire le moyen par lequel l'Esprit de Dieu agit sur notre âme. Il est donc essentiel de lire avec attention cette Parole si efficace, et de la sonder avec le secours de l'Esprit de Dieu, qui l'a dictée. Je suis sûr que celui qui lit trois fois avec attention dix versets de la Bible, est beaucoup plus édifié que celui qui lirait à la légère tout un chapitre avec les réflexions d'Osterwald.
Ce n'est pas que des réflexions ne pussent être bonnes, mais il faudrait qu'elles développassent le sens de chaque verset, l'un après l'autre, au lieu d'être des réflexions générales, qui souvent n'entrent point dans le sens particulier et frappant de la partie de l'Écriture sainte qu'on a lue. La meilleure manière de bien comprendre l'Écriture, c'est de la beaucoup lire; on s'accoutume à son langage, un passage en explique un autre, et peu à peu Dieu récompense notre persévérance en nous donnant une plus entière intelligence de sa Parole.

J'ai vu des gens d'un esprit fort ordinaire comprendre d'une manière admirable l'Écriture sainte, taudis qu'on entend des personnes d'esprit, dire : Je n'y comprends rien, elle est obscure pour moi. C'est que Dieu veut qu'on aille à Lui, non pas en gens d'esprit qui vont chercher un aliment à leur vaine curiosité, mais en gens qui, semblables à des enfants, veulent recevoir avec humilité les instructions d'un père, et s'y soumettre.

La Parole de Dieu restaure l'âme de ceux qui y cherchent le pardon de leurs péchés, la paix de la conscience, la force pour vaincre le monde et leurs passions, et la consolation dans les maux de la vie. Mais les orgueilleux et ceux qui ne veulent pas se corriger de leurs péchés n'y voient que folie et en sont rebutés. L'Évangile, dit saint Paul, est une odeur de vie pour ceux qui sont sauvés, et une odeur de mort pour ceux qui périssent.

Puissiez-vous, en lisant avec un coeur bien disposé cette sainte Parole, y trouver la vie de votre âme, comme je l'y ai trouvée et l'y trouve tous les jours ! Hélas ! vous ne tarderez pas à voir en la lisant qu'on n'y croit guère, qu'on ne la pratique guère dans le siècle où nous vivons, et que nous avons autant besoin de nous convertir que si nous étions des païens ; car l'amour de Dieu et du prochain sont bien faibles dans notre coeur.

Mais vous trouverez aussi toutes les admirables ressources que Dieu fournit aux pauvres pécheurs ; pardon pour, tous ceux qui ne cherchent leur salut que par la foi en Christ mort pour nous ! guérison de l'âme pour tous ceux qui demandent à Dieu au nom de Jésus-Christ, les secours du saint-Esprit qui renouvelle notre âme, change notre coeur et nous rend de nouvelles créatures.

Puissiez-vous apprendre toutes ces bonnes choses, et en profiter, vous et les vôtres, car hors de Christ il n'y a point de salut.

LETTRE Il
Janvier 1822.

C'est là mon ouvrage... l'Éternel a fait venir sur Lui l'iniquité de nous tous

Je ne veux pas laisser passer l'époque de ce renouvellement d'année, sans venir m'entretenir avec vous quelques instants. Je pense que vous n'avez pas douté des voeux bien sincères que j'ai faits pour vous et pour votre famille. J'en fais pour tous les hommes, et à plus forte raison pour ceux qui me sont unis par les liens de la parenté.

Je puis même dire que mon coeur me porte à en faire tout particulièrement pour vous qui avez été entre les mains de Dieu un instrument pour la conservation de ma vie, dans un temps où mon âme était bien éloignée de Dieu, je vous assure. Vous savez combien il y avait alors de mauvaises choses en moi. Hélas ! il y en a encore ; mais maintenant que Dieu m'a fait la grâce de croire ce qu'il a fait pour mon âme en livrant son Fils à la mort pour mes péchés, je puis éclater envers Lui en actions de grâces, et me réjouir, malgré ma misère, en Celui qui a déclaré que « celui qui croit au Fils a la vie éternelle. »

Je vais à ce bon Sauveur en toute confiance. Il peut compatir à mes infirmités, puisqu'il a été tenté, comme moi, en toutes choses ; je suis sûr qu'il m'aime, puisque nul n'a un plus grand amour que celui qui donne sa vie pour ses amis. Je suis sûr qu'il peut me pardonner, puisqu'il est dit « qu'il est puissant pour sauver parfaitement ceux qui s'approchent de Dieu par Lui. » Je suis sûr que, tout pécheur que je suis, il ne me rejettera pas, car c'est pour les pécheurs qu'il est venu ; c'est pour chercher et sauver ce qui était perdu ; c'est pour, mourir à la place des méchants ; or, je suis pêcheur, méchant et perdu. C'est donc pour moi qu'il est venu et qu'il est mort. Me repousserait-il, Lui qui a invité tous les pécheurs qui sentent leurs misères à aller à Lui; Lui qui a dit : « Si quelqu'un vient à moi, je ne le mettrai point dehors ; » « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive? »

Oh ! quel amour, quel amour que celui d'un Sauveur qui se fait homme, qui se laisse crucifier par ses créatures rebelles et ingrates, pour les sauver ! Quel amour que celui d'un Sauveur qui nous arrache à l'enfer en portant nos péchés en son corps sur le bois, en se laissant maudire à notre place, afin que, malgré nos péchés, nous puissions être bénis au dernier jour!

Il est notre ami, notre frère, et son sang que nos péchés ont fait couler, crie miséricorde et grâce pour ceux qui l'ont fait couler. Au lieu que le sang d'Abel criait vengeance contre Caïn, le sang de Jésus lave et purifie les enfants des hommes qui l'ont versé. Ah ! quand nos coeurs se refroidiront, quand le péché et le monde voudront s'en emparer, allons à la croix, allons voir Jésus, navré pour nos forfaits et froissé pour nos iniquités ; allons voir percées de clous ces mains qui ne se sont étendues que pour bénir; allons voir couronnée d'épines qui la déchirent cette tête qui méritait de porter les plus glorieuses couronnes, puisque c'est celle du Roi des rois, du Seigneur des seigneurs; allons voir Celui dont il est dit « que tous les anges de Dieu l'adorent, » injurié, moqué, maudit, défait de visage plus qu'aucun des fils des hommes, et courbant la tête sous le poids des douleurs qu'il souffre en son corps et en son âme.

Si nous ne sommes pas des incrédules, nous frémirons lorsque nous penserons que chacun de nous peut se dire : C'est là mon ouvrage ! Car l'Éternel a fait venir sur Lui l'iniquité de nous tous, et, par conséquent, les miennes. Nous nous écrierons : Comment échapperais-je si je négligeais un si grand salut ? Quelle autre ressource la miséricorde de mon Dieu pourrait-elle m'offrir ? Que peut-il me donner de plus que son Fils ?

Heureux celui qui, le coeur touché de ces choses ; dit avec les vrais chrétiens de tous les temps : Ayant été racheté à si grand prix, je veux glorifier Dieu dans mon corps et 'dans mou esprit qui lui appartiennent ! Heureux celui qui ne se contente pas d'une émotion vaine et passagère, mais qui livre son coeur pour toujours à Celui qui mérite seul de le posséder, qui veut le guérir et le sanctifier ! Heureux celui qui, reconnaissant son impuissance, s'attache à Jésus, comme le sarment est attaché au cep ! Il produira toujours beaucoup de fruit, et la force du Seigneur s'accomplira dans sa faiblesse. Il sentira son âme se purifier graduellement, ses sentiments et sa conduite se mettre en harmonie avec l'Évangile, et il aura dans son coeur la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence ; cette paix que le Sauveur a léguée à tous ses vrais disciples, en leur disant : « Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix. »

Oh ! que je plains ceux qui vivent à côté de cet Évangile de grâce, sans le lire, sans en profiter, et qui se laissent périr à côté du remède ! Combien je prie mon Dieu de leur ouvrir les yeux pour voir et le danger et la ressource, et de leur faire comprendre qu'il n'y a de salut en aucun autre qu'en Celui que Dieu nous a donné pour Sauveur. Pauvres âmes! pauvres âmes ! puissent-elles connaître les choses qui appartiennent à leur paix, avant qu'elles soient pour jamais cachées de devant leurs yeux !

Je prie notre Père commun de vous faire croître dans la foi et dans l'amour de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. Attachez-vous fortement à Lui, et vous trouverez en Lui tout ce qu'il vous faudra; force dans les tentations, joie dans les épreuves, assurance contre les frayeurs de la mort, espérance ferme d'une éternité de bonheur. Tâchez d'amener à Lui tous ceux que vous aimez, c'est le plus grand bien qu'on puisse leur faire.

Je fais bien des voeux pour que Dieu vous conserve votre enfant. Tout en soignant son corps, ne négligez pas son âme. Que vous aimiez et soigniez votre enfant, rien n'est plus naturel ; mais prenez garde pourtant que cet enfant ne prenne trop de place dans votre coeur. Souvenez-vous que le Seigneur dit : « Celui qui aime son père, sa mère, son fils ou sa fille plus que moi n'est pas digne de moi. » Il faut faire tout ce qu'on peut pour la santé de l'enfant, et laisser la chose entre les mains de Dieu en toute confiance. L'enfant est à Lui.

Je me recommande à vos prières, j'en ai grand, besoin. Hélas ! je suis souvent encore bien tiède en comparaison de ce que je devrais être. J'ai encore une foule de misères qui doivent être guéries ; mais je ne me désespère pas, je suis persuadé que, selon qu'il est dit dans la Parole, celui qui a commencé en nous cette bonne oeuvre est puissant pour l'achever, et qu'il le fera.

Ce que je me reproche le plus, c'est d'être souvent lâche pour confesser Celui qui a expié mes péchés sur la croix, et de ne pas dire assez franchement la vérité aux âmes qui en ont besoin. Quand on pense à ce que c'est que le salut, on s'étonne qu'aucune considération humaine puisse arrêter, quand il s'agit de dire à une personne des choses qui peuvent décider de son éternité. C'est une des nombreuses preuves de la méchanceté de notre coeur. Que Dieu veuille ouvrir nos lèvres pour parler comme il faut, et quand il faut.

Adieu ; veuille le Seigneur vous fortifier intérieurement par son Esprit !

LETTRE IlI
Décembre 1824.

Un christianisme vivant, sans persécution, est un désir de l'homme charnel

Un christianisme vivant, sans persécution, est un désir de l'homme charnel, mais c'est un vrai roman. Ou l'Esprit saint à menti, ou il est vrai que « ceux qui voudront vivre selon la piété qui est en Jésus-Christ souffriront persécution. » - Je prévois le moment où toutes les nations se ligueront en masse contre le Christ et ceux qui sont siens.
Cela peut aller loin, mais cela n'ira jamais à nous ôter le salut, ni à anéantir le droit de l'Éternel et ce qu'il a prononcé en sacrant son Fils : « Demande-moi, et je te donnerai pour ton héritage les nations et pour ta possession les bouts de la terre. »

Les hommes sont bien petits pour lutter contre Celui qui les a faits ! Ils passeront, et ils iront tomber entre les mains de Celui qu'ils ont insulté en passant sur la terre ; mais Jésus, ses paroles, son Église et ses desseins de miséricorde, ne passeront point. « Il faut qu'Il règne ; » et Celui qui a dit : Il faut, est Celui qui fait tout ce qui lui plaît dans les cieux, sur la terre et dans les abîmes.

C'est Celui dont les desseins, formés dès long-temps, ont été trouvés être la fermeté même. Réjouissons-nous donc d'être dans cette nacelle qui, quoique battue de l'orage, ne périra jamais. Jésus s'y trouve, et quoiqu'il semble y dormir, les cris de ses élus le réveilleront dans le temps convenable ; il fera régner alors un grand calme, et la barque arrivera au port. Réjouissons-nous surtout de ce que Jésus est dans notre nacelle. Bientôt, cher ami, oui bientôt elle abordera à l'heureux port de l'éternité. Là, « les méchants ne tourmenteront plus personne » (Job III, 17) ; là, « la justice habite » (2 Pierre III, 13) ; là, ceux qui « meurent au Seigneur se reposent de leurs travaux. » Et c'est pour jamais, pour jamais ! O qu'il faudrait aimer Celui qui nous a préparé par ses douleurs infinies cette consolation éternelle et cette bonne espérance ; Celui qui, lorsque toutes les portes du ciel nous étaient fermées, nous a ouvert un chemin à travers le voile, c'est-à-dire à travers son propre corps, percé pour nos forfaits.

Puisse la charité de Christ nous presser de plus en plus, ensorte que nul de nous ne veuille vivre ou mourir pour lui-même, mais vivre et mourir pour le Seigneur, et que nous regardions comme une grâce non-seulement de croire en lui, mais de souffrir pour Lui. Qu'il le fasse, ce bon Maître qui, après nous avoir donné le bienfait, sait nous donner aussi la reconnaissance ! Il le fera, car Il l'a promis, et il n'y a pas en Lui le oui et le non.

0 quel bonheur, cher frère, que de s'avancer dans cet océan de grâce et de miséricorde ! Je ne suis encore que sur les bords, je ne marche que comme un faible enfant, et pourtant je suis déjà ravi de ce que mon guide me fait voir dans les régions de la grâce, dans le royaume de Christ.
Adieu, cher et bien-aimé frère, mes amitiés tendres et chrétiennes à ceux de votre maison.
Réjouissons-nous au Seigneur et fortifions-nous-en Lui et par sa grâce toute-puissante !

LETTRE IV
(Écrite d'Italie.)
Décembre 1894.

Comme un mur qui penche

Cher et bien-aimé au Seigneur,
Enfin voici un mot de ton ami qui a eu souvent le projet de t'écrire, sans jamais l'exécuter. Tu sais comme les jours coulent, surtout pour quelqu'un qui se porte mal, pour qui écrire est une fatigue, qui ne peut pas toucher une plume à la lumière et depuis le dîner, sans passer une mauvaise nuit, et qui a des correspondances obligées et suivies. Je pense bien que tu n'as pas plus de défiance de mon affection que je n'en ai de la tienne.. Pour cesser de nous aimer, il faudrait que nous cessassions d'aimer le même Sauveur, et pour cela, il faudrait que Lui-même cessât de nous aimer. Mais « Il est le même hier, aujourd'hui, et il le sera éternellement. » Ainsi nous pouvons et nous avons seuls le droit, nous, ses indignes et bienheureux rachetés, de parler d'amitié éternelle.

Madame ... est une enfant de Dieu, qui marche au milieu des bénédictions, à qui tout profite, et qui m'est en grande édification. Pour sa famille, je désire sa vie ; pour elle, je sais que le moment de la mort sera celui de l'éternel repos. Elle paraît y tendre plus ou moins, et sa santé ne donne pas à ceux qui l'aiment l'espoir de la voir avec eux encore de longues années. On ne peut pas mesurer le temps, on pourrait se tromper. Il n'y a rien d'alarmant pour le moment, mais c'est un corps qui semble s'ébranler peu à peu, par des crises assez rapprochées. Toutefois la vie est un fil dur comme le diamant quand Dieu n'a pas dit : « Retourne, » et elle trompe tous les calculs.

Quant a moi, je sens aussi que mon homme extérieur s'ébranle beaucoup. J'ai reçu à une secousse dont il se ressentira long-temps, si toutefois il s'en remet jamais. Ce qu'on appelle les forces vitales, la constitution, a reçu chez moi un fort échec, et je me sens beaucoup moins de ressort qu'auparavant. Je suis « comme un mur qui penche. » Je n'ai de force que pour marcher et pour ce qui exerce le corps ; mais pour le travail de cabinet presque point. Lire et écrire me fatigue toujours plus, et il en suit venu même au point que deux heures de travail de cabinet sont presque de trop pour moi.

Que Dieu a été miséricordieux envers moi en me donnant ici une retraite. J'y ai trouvé tout réuni pour le corps et pour l'âme. Il n'y a qu'un Dieu qui fasse des choses semblables pour les siens. « Il a rendu admirable sa bonté envers moi » (Ps. XXXI, 21).

Ne va pourtant pas croire, cher ami, que parce que j'exalte la miséricorde de mon Dieu, je la sente comme je le devrais. Hélas ! je puis dire avec vérité que je suis le plus grand des ingrats, et je n'ai encore que trop ce coeur de pierre de l'homme naturel. Plus j'avance, plus je sens que je ne suis encore que sur les bords de la sanctification et de la vie intérieure. Mon amour pour mon Dieu et Sauveur est d'une faiblesse lamentable. Je suis plein de recherche de moi-même, de langueur, de tiédeur, de lâcheté, de résistance à la volonté de Dieu. Il me semble quelquefois qu'aucun de mes frères ne peut avoir des misères pareilles aux miennes ; et vraiment, si mon orgueil me tentait de m'élever au-dessus de quelqu'un d'eux, j'ai assez d'anges de Satan qui me soufflettent, pour m'humilier, et mon expérience journalière me force à me mettre au-dessous du plus petit d'entre eux. Ma plus grande misère est de connaître mes misères sans les sentir assez, sans en gémir assez. Je voudrais pouvoir n'en parler qu'avec larmes et serrement de coeur. Les seuls effets de foi que je vois chez moi, c'est que je ne suis pas dans la mort, qu'il y a au dedans de moi un combat continuel que le Seigneur entretient sans cesse, et que, d'un autre côté, je ne me décourage pas et suis persuadé que je serai plus que vainqueur par Celui qui m'a aimé.

Mes nombreuses misères ont au moins l'avantage de m'affermir beaucoup dans la croyance pratique au salut par pure grâce, et à l'éternelle élection de Dieu.
O mon ami, que deviendrais-je si la fidélité de Dieu dépendait de la mienne, au lieu d'en être le fondement !
Quand je suis dans des jours ténébreux où le coeur de pierre semble se retrouver en entier, où rien en moi ne cherche le Seigneur comme son bien, et où tout est révolte et dégoût des choses spirituelles, je demande comment je pourrais sortir de cet état, s'il ne me restait pas ce cri de détresse et de foi en même temps : Seigneur qui m'as sauvé, tends-moi la main, et tire mes pieds du bourbier profond !

Oui, rien ne peut alors fondre la glace de mon coeur et amollir sa dureté, que de me dire : Dieu t'a aimé, t'aime encore et t'aimera toujours, toi rebelle. Il te sortira de cet état ; sa main n'est pas raccourcie.

En lisant alors et dans la Parole de Dieu et dans mon âme où reste la foi, toutes les promesses de Dieu aux siens, mon coeur fait comme l'animal irrité qui se calme et s'apaise sous la main qui le caresse, et qui finit par la lécher. Si dans ces moments quelqu'un venait me dire que Dieu a des bornes dans ses compassions, et mettre ainsi quelque chose entre lui et moi, je tomberais dans le désespoir ou dans l'endurcissement. Ainsi je sais par expérience que pour les élus, l'assurance du salut est un moyen de les ramener sans cesse à leur Dieu, et non à un état de sécurité qui les endorme.

Je n'ai jamais l'idée de dire : Dieu m'a sauvé, donc je puis pécher avec sécurité ; mais je dis, ou plutôt l'esprit d'adoption me dit : Un enfant de Dieu, un racheté de Christ, un élu par le bon plaisir du Père, peut-il être aussi ingrat ? Tant d'amour ne doit-il pas presser son coeur de la charité de Christ ?
C'est là une voix qui produit en moi une heureuse honte, et qui me fait crier à Dieu pour avoir ce retour de reconnaissance que je sens être si légitime. J'aime Dieu, parce qu'Il m'a aimé le premier, parce qu'Il m'aimera toujours. Je ne le quitte jamais tout-à-fait, parce qu'Il met sa crainte dans mon coeur, afin que je ne me retire pas de Lui.

Quand je change, je sais que Lui ne change jamais ; et que je ne puis pas n'être pas ramené à Lui, puisqu'il ne peut pas changer son éternel décret qui est de sauver ceux qui croient en son Fils.

Quand mon âme est abattue, je lui dis souvent avec le roi David : « Retourne en ton repos, car l'Éternel t'a fait du bien. » As-tu remarqué combien ce : retourne en ton repos, est admirable ?

Celui qui n'a pas la foi, n'a point un repos où son âme puisse retourner. Il peut bien dire : « Mon âme, ne t'inquiète pas, pense à autre chose, distrais-toi, tout ira bien. » Mais il ne peut pas dire : Retourne en ton repos, parce que jamais son âme ne sut sur quoi se reposer. Mais le fidèle au milieu de ses agitations sait que son âme a un repos, une ancre ferme et assurée ! il se gronde, et s'exhorte lui-même à retourner à ce repos qu'il connaît bien par expérience. Et ce repos, c'est le sentiment que Dieu lui a fait du bien, c'est le souvenir des miséricordes passées de son Dieu, qui sont pour lui un garant de ses miséricordes à venir c'est l'assurance que Celui qui a donné son Fils, donnera toutes choses avec Lui ; et qu'étant réconcilié par sa mort, à plus forte raison sera-t-il sauvé par sa vie.

Oui, nous sommes sauvés et le serons, amen ! Honneur, louange et gloire a Celui qui nous a aimés, nous a lavés de nos péchés dans son sang, et nous a faits rois et sacrificateurs à Dieu, son Père !
Je me réjouis du temps où le grand Dieu et Sauveur ayant rendu mon âme plus docile, habitera plus étroitement avec moi ; car Il dit : « Si quelqu'un m'aime, il gardera mes commandements, et mon Père l'aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure chez lui. » C'est là une promesse faite à la sanctification et qui y est un grand encouragement. Mais en attendant je me réjouis en Dieu qui est mon Sauveur, et je tiens pour certain que Celui qui a commencé en moi cette bonne oeuvre, est puissant pour l'achever, et qu'il le fera.

N'oublie pas, très-cher, de faire mention de moi dans tes prières, comme je fais souvent mention de toi dans les miennes. J'espère que Dieu nous accordera encore la douceur de nous voir et de prier ensemble. C'est une grande joie que ces prières communes de deux frères qui s'aiment d'une affection cordiale en notre Seigneur.
Dieu ne m'a pas accordé ici de succès apparents hors de la maison. J'aurais dû, sans doute, parler plus souvent. Cependant Dieu a daigné me donner quelquefois (hardiesse). Mais les préjugés et la crainte des hommes opposent des barrières terribles, et je ne les vois encore rompues chez personne.
On écoute, quelquefois on a l'air de goûter la Parole, mais on en reste la.

J'ai tous les dimanches un culte où assistent quelques Suisses établis dans cette ville, quelques autres qui y passent l'hiver pour leur santé, et parfois deux ou trois dames anglaises. Notre nombre varie beaucoup. Quelquefois nous ne sommes qu'une douzaine ; dimanche dernier nous étions plus nombreux. Je n'ai vu encore aucun réveil ; mais je puis me rendre le témoignage que ce n'est pas manque de dire la vérité franchement. Je sais que Dieu ne me jugera pas sur mes succès, mais sur ma fidélité. Moïse qui conduisit un peuple de col raide, n'en fut pas moins jugé « fidèle en toute la maison de Dieu. » Ce n'est pas que je prétende être aussi fidèle que lui, mais je le cite comme preuve qu'il faut voir l'approbation que Dieu nous donne, dans notre fidélité et non dans nos succès. Il peut y avoir aussi un effet secret pour un temps, qui se manifestera au-dehors, quand Dieu le jugera à propos.

Je bénis Dieu de ce que mon cher frère a eu le bonheur d'être un des confesseurs de la vérité. Au milieu de son épreuve, il a eu d'abondantes bénédictions, et ses lettres sont pour moi un moyen de réchauffer mon âme. Il m'a écrit de Paris, plein de reconnaissance pour les marques de protection qu'il a reçues du Seigneur. Il y reste pour le moment, parce qu'on lui a dit qu'il y trouverait des portes ouvertes. Leur désir aurait été d'aller en Angleterre, mais ils ont marché selon l'Esprit, et sont restés là où ils ont cru que le Seigneur les appelait. Ils ne s'en repentiront pas.

Il semble quelquefois à notre impatience humaine que le Seigneur tarde bien ; mais il est patient envers tous, ne voulant pas qu'aucun périsse, mais que tous se convertissent. Il supporte même « avec une grande patience les vaisseaux de colère disposés à la perdition » (Rom. IX, 22).

Les persécutions font la vie de l'Église et l'épurent. Pas un des élus ne périra. Les machinations des ennemis entrent dans le plan de Dieu, pour l'avancement de son règne, aussi bien que les efforts des amis de l'Évangile. Voilà bien des raisons de se consoler et de se réjouir, même au milieu de l'épreuve. Néanmoins il est selon l'Évangile de prier pour qu'on puisse mener une vie paisible en toute piété et honnêteté.

À la pensée de la persécution, la chair frissonne, mais la foi rend du courage en assurant que Dieu n'affligera jamais au-delà de nos forces, et qu'avec l'épreuve il donnera le moyen de la supporter. Il ne faut peut-être pas trop prévoir, mais plutôt vivre au jour le jour, n'étant pas en souci pour le lendemain qui prendra soin de ce qui le regarde. Soyons fidèles aujourd'hui, c'est le meilleur garant que nous puissions avoir que le jour de demain nous trouvera prêts pour ce qu'il amènera avec lui.

Adieu, cher et bien-aimé, que la paix du Seigneur te soit multipliée avec la charité !



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