LE
DÉLUGE
ou
MÉDITATIONS SUR LES
CHAPITRES VI ET VII DE LA
GENÈSE.
VI
DIEU ORDONNE À NOÉ D'ENTRER
DANS L'ARCHE. - LE PATRIARCHE OBÉIT. -
L'ÉTERNEL FERME LA PORTE DE L'ARCHE SUR LUI.
- LES EAUX ÉLÈVENT L'ARCHE QUI'
FLOTTE AU DESSUS. - TOUT PÉRIT,
EXCEPTÉ CE QUI EST DANS L'ARCHE.
Le moment était venu où Dieu
allait rendre à chacun selon ses oeuvres ;
à Noé selon sa foi et son
obéissance ; au monde des impies selon son
impiété. - « Dites au juste,
que bien lui sera, car les justes mangeront le
fruit de leurs oeuvres. Malheur au méchant
qui ne cherche qu'à faire mal, car la
rétribution de ses mains lui sera faite
»
(Esaïe III, 10, 11). «
L'intégrité des hommes droits les
conduit, mais la perversité des perfides les
détruit »
(Prov. XI, 3). « La crainte
de l'Éternel accroît le nombre des
jours, mais les ans des méchants seront
retranchés. L'espérance des justes
n'est que joie, mais l'attente des méchants
périra »
(Prov. X, 28).
Ainsi en fut-il au temps du
déluge. Noé, appuyé sur la
force de Dieu, venait d'achever la construction de
l'arche, entreprise longue et difficile. En cela,
il avait éprouvé que Dieu ne nous
commande rien qu'Il ne veuille et ne puisse faire
en nous et par nous. Alors l'Éternel lui dit
: « Entre, toi et ta maison dans l'arche,
car je t'ai vu juste en ce temps-ci. »
C'est la seconde fois que Dieu fait
remarquer le contraste de la foi et de
l'obéissance de Noé avec
l'incrédulité et la rébellion
des hommes de son temps. Il le fait sûrement
pour notre instruction et pour nous apprendre que
si nous savons nous séparer de la multitude
par notre conduite, Dieu saura au jour des
rétributions nous séparer d'elle par
un jugement de miséricorde.
La foi de Noé l'avait fait
triompher des objections de
l'incrédulité, elle le fit triompher
du fléau débordé qui emporta
tout ce qui l'entourait. Ainsi, comme le dit le
psalmiste, en un déluge de grandes eaux,
elles ne l'atteignirent point. Noé n'avait
pas raisonné comme les incrédules, il
ne périt pas comme eux. Ainsi « le
Seigneur saura délivrer de l'épreuve
ceux qui l'honorent »
(2 Pierre II, 9). Ainsi « le
Seigneur sera glorifié dans ses saints, et
rendu admirable dans tous ceux qui auront cru, au
jour où Il exercera la vengeance avec des
flammes de feu contre ceux qui ne connaissent point
Dieu et qui n'obéissent pas à
l'Évangile de notre Seigneur
Jésus-Christ »
(2 Thess. I, 7-10). Alors on verra
« la différence qu'il y a entre le
juste et le méchant, entre celui qui sert
Dieu et celui qui ne le sert pas »
(Malach. III, 18). Alors chacun dira
: « Quoi qu'il en soit, il y a une
récompense pour le juste ; quoi qu'il en
soit, il y a un Dieu qui juge la terre »
(Ps. LVIII, 11).
Il vaut donc la peine d'être
chrétien, de souffrir avec Christ et de
porter son opprobre, afin d'être mis à
couvert au jour de l'indignation. Quel
encouragement à lutter contre le torrent
d'une incrédulité et d'une corruption
générales! Quel encouragement
à briller comme un flambeau au milieu de la
génération tortue et perverse, et
à se déclarer pour l'Éternel,
fût-on seul comme Elie en présence des
quatre cents prophètes des bocages, et au
milieu d'un peuple de Dieu, lâche et
indécis, qui flotte entre Dieu et Bahal !
L'Éternel remarque ces
témoignages qu'on lui rend au milieu d'un
opprobre général, Il ne les oublie
point, Il s'en souvient aux jours des
rétributions. Quand Il rend la
pareille en face à ses
ennemis, alors Il rend honorables les
débonnaires en les délivrant, et Il
confesse à la face de l'univers ceux qui
l'ont confessé devant les hommes.
Déjà sur cette terre, il
arrive souvent que ceux qui craignent Dieu sont
épargnés, lorsque les jugements de
l'Éternel tombent sur ses ennemis. Alors Il
les met à part comme ses plus
précieux joyaux, et leur pardonne, comme
chacun pardonne à son fils qui le sert
(Malach. III, 16, 17).
Quelquefois Dieu recueille le juste de
devant le mal avant qu'il arrive. « Il
entrera en paix, dit l'Écriture, ils se
reposeront dans leurs sépulcres. savoir
quiconque aura marché devant Lui »
(Esaïe LVII, 1, 2. -
2 Rois XXII, 19, 20. -
1 Rois XIV, 13).
D'autres fois, Dieu fait sortir les
siens des villes ou des pays qu'Il veut
châtier ; Il leur fait dire comme â Lot
: « Hâte-toi ; sauve-toi là,
car je ne pourrai rien faire jusqu'à ce que
tu y sois entré. »
D'autres fois encore, Il fait marquer de
la lettre Thau les hommes qui gémissent et
qui soupirent à cause de toutes les
abominations qui se commettent dans la ville ; Il
ordonne au destructeur de n'épargner
personne, mais Il ajoute : « N'approchez
d'aucun de ceux sur lesquels sera la lettre
Thau.»
Nous voyons encore dans l'Apocalypse
qu'une voix est adressée aux quatre anges
qui ont reçu le pouvoir de nuire à la
terre et à la mer, et qu'elle leur dit :
« Ne nuisez point à la terre, ni
à la mer, ni aux arbres, jusqu'à ce
que nous ayons marqué au front les
serviteurs de notre Dieu »
(Apoc. VII, 3). En exécution
de cet ordre, lorsque les sauterelles montent du
puits de l'abîme, il leur est ordonné
de ne faire de mal qu'aux hommes qui n'auraient pas
le sceau de Dieu sur leurs fronts
(Apoc. IX, 4). - C'est pourquoi,
écoutons pour notre bien ces exhortations de
l'Esprit saint : « Vous tous, les
débonnaires du pays qui faites ce qu'il
ordonne, cherchez l'Éternel, cherchez la
justice, cherchez la débonnaireté ;
peut-être serez-vous mis en
sûreté au jour de la colère de
l'Éternel »
(Soph. II, 3).
« Veillez et priez en
tout temps, afin que vous soyez jugés dignes
d'éviter toutes ces choses qui doivent
arriver, et de subsister devant le Fils de
l'homme »
(Luc XXI, 36).
Obtenir par prière et par
fidélité la grâce d'être
épargné dans les mauvais jours qui
fondront sur le monde, c'est la première
instruction que nous devons tirer des
déclarations précédentes.
La seconde, c'est de sortir de Babylone,
« de peur que, participant à ses
péchés, nous n'ayons aussi part a ses
plaies »
(Apoc. XVIII, 4. -
Jérém. LI, 45, 46). Ce
fut le conseil donné à Lot : «
Sauve ta vie, ne regarde point derrière
toi et ne t'arrête en aucun endroit de la
plaine; sauve-toi sur la montagne, de peur que tu
ne périsses »
(Gen. XIX, 17).
Nous ne prétendons pas que Dieu
veuille exempter ses enfants de toutes les
calamités qui frappent les autres hommes pas
plus qu'Il ne les exempte de la mort à
laquelle ils sont assujettis à cause du
péché, aussi bien que le reste de
l'humanité. Dans ce sens, comme le dit
l'Ecclésiaste, « un même
accident arrive à tous ; au juste et au
méchant, au bon, au net et au souillé
; à celui qui sacrifie et à celui qui
ne sacrifie point »
(Ecclés. IX, 2, 3).
Cependant l'exemple de Noé et les
passages que nous avons cités prouvent que,
lorsque le Seigneur fait tomber ses plus
sévères châtiments sur un monde
impie qui l'a méconnu et qui a
persécuté ses serviteurs, Il se
plaît souvent à séparer ses
enfants des hommes du siècle, dans les
dispensations de sa sévère justice.
Ainsi prélude-t-Il à la grande
séparation du dernier jugement, ainsi
donne-t-Il au monde une démonstration de sa
perdition, et aux siens une démonstration de
leur salut.
Dieu sauva dans l'arche, non-seulement
Noé, mais aussi tous les siens. Il lui dit :
« Entre, toi et toute ta maison, dans
l'arche »
(Gen. VII, 1). Son obéissance
avait été complète, son salut
le fut aussi. Lui et sa famille
échappèrent à l'universelle
destruction.
Il ne nous est rien dit des dispositions
religieuses des fils de Noé. «
Peut-être Dieu a-t-Il voulu nous faire
entendre par là que s'il leur épargna
le châtiment, ce fut pour l'amour de leur
père. Il arrive plus d'une fois que Dieu
bénit une famille à cause de la
piété des parents ; mais cela ne veut
pas dire que des enfants méchants seront
sauvés de la condamnation éternelle
par la foi de leurs pères.
»
(1)
Toutefois l'on ne peut douter que Dieu
n'ait un oeil de bienveillance sur la famille de
ceux qui ont trouvé grâce devant Lui,
qui sont nés de Lui et qui marchent devant
sa face.
Les nombreuses promesses faites à
la postérité des justes
(Ps. CIII, 17, 18. -
Ps. CXV, 13, 14. -
Ps. CXII, 2.
Ps. CXXVIII, 1-4.
- 1 Cor. VII, 14. -
Exod. XX, 6), l'exemple de
Noé sauvé dans l'arche avec sa
famille, celui de Lot auquel il fut dit : «
Qui as-tu ici qui t'appartienne, soit gendre,
soit fils ou filles, ou quelqu'autre qui
t'appartienne dans la ville, fais-les sortir de ce
lieu »
(Gen. XIX, 12) les exemples de
familles entières sauvées avec leurs
chefs
(Act. XVI, 14, 15 ; et
32, 34. -
Act. X, 24,
44,
47, 48. -
Jean IV, 53), enfin cette parole de
Paul au geôlier de Philippe ; « Crois au
Seigneur Jésus et tu seras sauvé, toi
et ta famille » ne permettent pas de douter
qu'il n'y ait un dessein favorable de Dieu envers
ceux que l'Écriture appelle ses amis
(Jean XV, 15-18).
Quel encouragement pour un chef de
famille à servir l'Éternel, et
à recevoir et à conserver cette
grâce qui jettera sur tous les siens un
reflet de l'amour de Dieu pour lui. Pour moi et
pour ma maison, disait Josué, nous servirons
l'Éternel. Quel encouragement pour des
enfants qui ont des parents chrétiens !
Combien ils doivent s'empresser de profiter de la
bénédiction particulière qui
leur est promise en vertu de leurs relations avec
eux. Quelle reconnaissance ne
doivent-ils pas avoir envers Dieu
qui leur a donné des parents pieux aux
bénédictions desquels ils peuvent
participer, tandis que de mauvais parents
n'auraient pu leur communiquer que la
malédiction dénoncée à
la postérité de ceux qui
haïssent Dieu
(Exod. XX, 5).
Tous les enfants qui avaient des parents
impies périrent avec eux dans les eaux du
déluge ; ceux de Noé furent seuls
sauvés avec leur père qui avait
trouvé grâce devant Dieu.
De même que c'est un malheur
d'être allié au méchant, de
même c'est un bonheur d'être lié
ou associé de quelque manière
à ceux qui ont part à l'amour de
Dieu, et qui l'aiment. Il est dit à la femme
fidèle : « Que sais-tu si tu ne
sauveras point ton mari ? » Et a l'homme
fidèle : « Que sais-tu si tu ne
sauveras point ta femme »
(1 Cor. VII, 16) ?
Ce fut même un bonheur pour les
mariniers qui naviguaient avec Jonas de se
rencontrer avec lui, malgré la tempête
qu'il attira sur eux, car ils apprirent de lui
à connaître l'Éternel, le Dieu
des cieux, à l'invoquer, a le craindre et
à lui offrir des sacrifices
(Jonas I, 9,
12,
16).
Ce fut un bonheur pour les gens qui
naviguaient avec Paul de se rencontrer avec lui,
malgré le naufrage qu'ils essuyèrent,
car ils eurent, sans doute, part aux prières
de cet homme de Dieu qui reçut par un ange
cette réjouissante déclaration :
« Dieu t'a donné tous ceux qui
naviguent avec toi »
(Actes XXVII, 24). C'est pourquoi, en
toutes choses accompagnons-nous de ceux qui
craignent Dieu et qui gardent ses
commandements.
Toutefois, que personne n'abuse de ce
que nous disons ici. - Que les justes qui veulent
attirer la bénédiction sur leur
maison ne fassent rien qui puisse l'éloigner
d'eux-mêmes. Qu'ils s'efforcent de se
conduire saintement et irréprochablement, et
qu'ils marchent avec Dieu comme Noé. Qu'ils
soient comme « une lumière qui
éclaire tous ceux qui sont dans la maison
»
(Matth. V, 15). Qu'ils enseignent les
leurs et les élèvent selon le
Seigneur
(Ephés. VI, 4). Que,
semblables à Abraham, ils
commandent à leurs enfants et à leur
maison de garder la voie de l'Éternel pour
faire ce qui est juste et droit
(Gen. XVIII, 19).
Qu'ils craignent le triste sort du
sacrificateur Héli qui honora ses fils plus
que Dieu, et qui, par sa faiblesse à leur
égard, attira sur eux et sur lui de
terribles châtiments
(1 Sam. II, 22-24,
29, 30.
III, 13).
Que les enfants craignent aussi de se
priver de la bénédiction qui leur est
promise à cause de leurs parents pieux ;
qu'ils se souviennent du profane Ésaü
qui vendit son droit d'aînesse, et qui
ensuite, voulant hériter la
bénédiction, fut rejeté
(Hébr, XII, 16, 17). Qu'ils se
souviennent que dans l'arche, sous la
bénédiction extérieure, se
trouva un Cam qui méprisa son père et
fut maudit avec sa postérité
(Gen. IX, 22-25).
Dieu ordonna à Noé de
faire entrer avec lui dans l'arche les animaux
qu'il voulait conserver en vie par ce moyen, savoir
: Les oiseaux, les bêtes a quatre pieds et
les reptiles, avec la nourriture qui leur
était nécessaire
(Gen. VI, 19-24). Il devait prendre
de toutes les bêtes nettes sept couples de
chaque espèce, et des bêtes qui ne
sont point nettes une couple, le mâle et la
femelle
(chap. VII, 2, 3).
« La loi de Moïse nous
enseignera plus tard ce qu'on entendait par les
animaux purs. C'était ceux qu'il
était permis de manger et qui servaient aux
sacrifices ; mais l'ordre que Dieu donne ici
à Noé prouve que cette distinction
existait déjà par institution divine,
ensorte que non-seulement Dieu avait ordonné
aux premiers hommes d'offrir des sacrifices, mais
encore Il leur avait prescrit quelle espèce
de victimes ils devaient immoler. Et remarquez bien
qu'alors cette distinction ne pouvait avoir pour
but que les sacrifices, puisque l'homme n'avait pas
encore reçu la permission de prendre la
chair des animaux pour sa nourriture. »
(2)
L'Écriture répète
ici pour la seconde fois que Noé fit selon
tout ce que l'Éternel lui avait
commandé. Puisqu'elle fait remarquer cette
nouvelle preuve de sa foi et de son
obéissance, nous devons la remarquer aussi.
Rien n'indiquait l'approche du déluge ;
c'était dans le mois d'octobre, on venait de
recueillir les récoltes; chacun, comme dit
le Seigneur, ne pensait qu'à boire, à
manger et à jouir des choses de la vie
(Luc XVII, 27).
Ce fut alors que sur l'ordre de Dieu,
Noé entra dans l'arche avec sa famille en un
temps serein et dans un lieu probablement fort
éloigné de la mer. Quelle foi il
fallait avoir pour croire ce qu'on ne voyait point,
pour croire que dans sept jours un déluge
universel balayerait cette terre où toutes
choses demeuraient dans le même état
où elles étaient au commencement de
la création
(2 Pierre III, 4) ! Quelle foi il
fallait avoir pour s'enfermer dans cette arche avec
sa famille, aux yeux de tout un monde moqueur et
impie, qui, jugeant des choses selon l'apparence,
semblait avoir raison en se moquant de Noé
comme d'un homme crédule et hors de sens !
Noé nous donne ici l'exemple de
ce que doit être celui qui se laisse guider
par la Parole de Dieu. Il marche par la foi et non
par la vue. Il croit Dieu contre toutes les
apparences. Les improbabilités ne sont rien
pour lui. Pour lui la Parole de Dieu est tout. Il
croit que ce que Dieu a dit arrivera
infailliblement, et il se conduit en
conséquence, bravant courageusement les
moqueries des hommes à courte vue qui ne
croient que ce qu'ils voient, et qui jugent sur le
regard de leurs yeux.
Noé s'était confié
en Dieu pour exécuter l'ordre difficile de
faire entrer dans l'arche toutes les espèces
d'animaux qui devaient être
conservées. « Sa confiance ne fut point
trompée ; il vit venir à lui les
animaux deux à deux poussés par la
main de Celui qui dirige l'hirondelle et la
cigogne dans leurs migrations.
(3) Il les vit
tous, même les plus féroces, se ranger
sous sa loi, comme jadis ils obéissaient
à Adam, avant qu'il eut perdu par le
péché sa domination sur les oeuvres
de Dieu. »
(4)
Avant d'accompagner Noé dans
l'arche et de recevoir de lui quelques nouvelles
instructions, disons encore quelques mots de
l'endurcissement et de l'aveuglement des hommes
à cette époque. L'entrée de
Noé dans l'arche leur criait hautement que
la venue du Seigneur était proche, que le
temps était court désormais. Elle
leur criait : « La fin vient, elle vient
sur les quatre coins de la terre »
(Ezéch. VII, 2). Elle se
réveille contre vous, voici le mal vient
(v 6) ; les jours de la visitation
sont venus ; les jours de la rétribution
sont venus
(Osée IX 7). Mais toutes ces
choses n'eurent point de voix pour eux ; leurs
coeurs s'étaient endurcis par la
séduction du péché
(Hébr. III, 13). Ils avaient
refusé pendant cent vingt
ans d'écouter les avertissements de
Noé, et, par un juste châtiment, Dieu
les avait abandonnés à la
dureté de leurs coeurs, ensorte qu'en
entendant ils ne comprenaient pas, et qu'en voyant
ils n'apercevaient pas
(Esaïe VI, 9).
Craignez une pareille fin, vous qui, ayant
peut-être quelques mouvements de conscience,
renvoyez d'un jour à l'autre votre
conversion ou votre relèvement, et repoussez
les appels de Dieu en disant comme Félix
à Paul : « Pour le moment va-t-en,
quand j'aurai le loisir, je te rappellerai.
»
Il est probable que plusieurs de ceux
qui entendent l'Évangile et qui n'en
profitent pas, ont dans leurs coeurs la
pensée d'en profiter un jour et de se
tourner vers Dieu, quand ils seront vieux ou
malades. Mais hélas! ce sont là des
tromperies de l'ennemi de leurs âmes, des
tromperies pareilles à celles qui perdirent
probablement une partie des hommes qui vivaient
à l'époque du déluge, et qui
en perdent un grand nombre dans chacune des
générations auxquelles la voix de
Dieu est adressée.
Tout doucement les jours se
succèdent, et comme ils se ressemblent
assez, un jour ne nous réveille pas plus que
le précédent; d'ailleurs on
s'accoutume à tout voir, à tout
entendre, sans prendre jamais un parti
décisif. Comme du temps de Noé son
entrée dans l'arche ne réveilla point
un monde qui continua son train ordinaire, allant
chacun a sa métairie et chacun à son
trafic, de même la maladie et l'approche de
la mort ne réveillent point ceux que de
vagues projets de conversion ont pendant Iong-temps
empêché de se convertir. « On en
a vu de plus malades que moi, » disent-ils ;
« d'autres sont venus plus âgées.
»
Dans les jours de la santé on
disait « Je suis trop jeune, j'ai trop
à faire ; » maintenant on dit « Je
suis trop faible, trop malade, pour m'occuper de
ces choses. » Puis enfin le diable qui a
bercé les âmes pour les endormir, les
berce encore plus fort pour leur faire perdre les
derniers moments, jusqu'à ce que l'âme
se réveille de ce sommeil
léthargique pour tomber dans la solennelle
éternité. - Encore une fois, prenez
garde à vos âmes. On peut presque dire
que renvoyer sa conversion, c'est
périr.
Mais revenons à Noé.
Sur l'ordre de Dieu, il entra dans
l'arche, laissant en arrière ses champs, son
habitation, tout ce qu'il possédait, et en
quelque sorte le monde entier. Attendant par la foi
un nouveau monde, il dit adieu à l'ancien,
et se réfugia dans l'arche pour sauver et
lui et sa famille. Ainsi fait le chrétien.
fuyant la colère à venir, il entre
par la foi en Jésus-Christ, l'arche
véritable,
(5) pour y
être en
sûreté. Avec Paul,
il veut être trouvé en Christ, ayant
non la justice qui vient de la loi, mais celle qui
vient de Dieu par la foi en Jésus-Christ
(Philip. III, 9). « Attendant
de nouveaux cieux et une nouvelle
terre où la justice habite »
(2 Pierre III, 13) ; «
sachant qu'il est mort au monde et que sa vie
est cachée avec Christ en Dieu »
(Coloss. III, 3), il s'affectionne
aux choses qui sont en haut, il fait mourir de jour
en jour ce qui compose l'homme terrestre
(Coloss. III, 5) s'étudie par
l'Esprit qui habite en lui à dire adieu
à un monde qui périt ; il le quitte
de plus en plus par des affections
renouvelées, et il se dispose à
laisser, s'il le faut, pour l'amour de
Jésus, tout ce qu'il possède et
même sa propre vie
(Luc XIV, 26). Il renonce à
tout ce qu'il a
(v 33) et souffre même avec
joie, s'il le faut, l'enlèvement de ses
biens, sachant qu'il en a dans le ciel de plus
excellents, et qui sont permanents
(Hébr. X, 34). - Sommes-nous
ou non ce chrétien-là ?
Si nous ne le sommes pas : pourquoi ne
le sommes-nous pas?
Parce que nous ne croyons pas à
la venue de Christ comme Noé croyait au
déluge, parce que nous ne croyons pas Dieu
comme il faut le croire. Dieu a parlé ou Il
n'a pas parlé ; Il dit vrai ou Il dit faux.
Si nous croyons qu'Il a parlé et
qu'Il dise vrai, agissons en conséquence,
entrons dans l'arche, et s'il faut tout quitter
pour Christ, quittons tout, emportant nos
âmes pour butin
(Jér. XLV, 5).
Il est dit que lorsque Noé fut
entré dans l'arche avec tout ce qu'elle
devait contenir, « l'Éternel ferma
l'arche sur lui »
(Gen, VII 16), « ce qui
assurait le saint patriarche qu'il était
là par la volonté du Seigneur, et
qu'il serait gardé au milieu de cette
affreuse tempête. »
(6) Il devait se
dire à lui-même : Je suis bien en
sûreté, puisque c'est mon Dieu
qui m'a ouvert cet asile, qui m'y
a fait entrer et qui a fermé la porte sur
moi, afin de me mettre à l'abri de tout
danger et de me préserver tant des ennemis
extérieurs que de ma propre imprudence, si
jamais je voulais sortir de l'arche avant le
temps.
C'est ainsi que Dieu ferme la porte sur
nos âmes, lorsque par la foi il les a en
quelque sorte enfermées en Christ, l'arche
véritable. Il nous est dit que nous sommes
gardés (7)
par la puissance de Dieu, par le moyen de la foi,
pour obtenir le salut.
Quand le Seigneur prévoit nos
chutes et prie pour nous, afin que notre foi ne
défaille point
(Luc XXII, 32), c'est là ce
qui fait notre assurance. Toutefois il est
écrit « que celui qui se croit
debout prenne garde qu'il ne tombe »
(1 Cor. X, 12) : « Tu es
debout par la foi, ne t'élève point
par orgueil, mais crains »
(Rom. XI, 20). Heureux celui qui,
tout en se réjouissant de ce que Dieu garde
son entrée et son issue dès
maintenant et a toujours
(Ps. CXXI, 8), se garde
lui-même, afin que le matin ne le touche
point
(1 Jean V, 18), et dit
continuellement : « Ne nous amène
pas en tentation, mais délivre nous du
malin. » Alliant ainsi la confiance et la
vigilance, nous serons certainement gardés,
car Celui qui ferme la porte sur nous est Celui
dont il est dit :
« Il ferme et personne
n'ouvre »
(Apoc. III, 7).
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