Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...


FEUILLETON DU CHRONIQUEUR.

 MAÎTRE GUILLAUME FAREL.

 

« C'est ici l'homme qui, sans se laisser effrayer par les difficultés, les coups et les injures, a gagné Montbeillard, Neuchâtel, Aigle, Lausanne et Genève à l'Évangile.

Farel est né à Gap en Dauphiné, en 1489. Il est gentilhomme de condition. Sa fortune eut été assez considérable s'il n'y avait renoncé le jour qu'il a estimé richesse d'être pauvre pour Jésus - Christ. Il était cil 1512 à l'Université de Paris, où il étudiait la philosophie, la théologie et particulièrement le grec et l'hébreu. Il vivait dans des relations intimes avec deux de ses maîtres, Jaques Le-Fèvre d'Etaples et Girard Rufus ou Roussel, l'un et l'autre amis de l'Évangile, et lui-même il ne tarda pas à ouvrir son âme ardente aux vérités de la foi. La manière dont il y fut amené, c'est de sa bouche qu'il faut l'entendre; il le raconte dans une épître adressée « à tous seigneurs, peuples et pasteurs auxquels Dieu lui a donné d'avoir accès. »

« Nous devons, dit-il, grandement louer et magnifier Dieu notre bon Père de la grâce plus qu'inestimable qu'il nous a faite en nous retirant des abîmes infernaux. Nous y étions tellement plongés qu'il était impossible de songer même à en sortir. Aussi l'œuvre de Dieu paraît-elle d'autant plus admirable que l'homme (assez porté ce nom d'homme de maux et de pauvretés) était plus aveuglé : aussi le commencement de la manifestation des abus du Pape a-t-il été si amer, si déplaisant et si insupportable que, n'eût été la douceur de Jésus-Christ, mort certainement s'en fût suivie, ou pleine aliénation d'entendement. Pour moi, Satan avait placé le Pape, sa papauté et tout ce qui est en lui dans mon cœur, de sorte que le Pape lui-même n'en avait tant en soi. Et parce que le Pape ne nie point ouvertement Jésus-Christ ni la Sainte-Écriture, ce fut cause que je l'ai lu avec plus de révérence, comme aussi ce m'a servi à ouïr parler de Jésus et à y avoir quelque foi.

Toutefois après avoir lu la Bible, voyant que tout allait au contraire sur la terre, et me trouvant fort ébahi, Satan soudain est survenu pour qu'il ne perdît sa possession, et il m'a fait entendre que je me gardasse bien de suivre mon jugement, mais que je me tinsse à l'ordonnance de l'Église. Et je poursuivis, ayant mes convictions dans mon cœur, et tant d'avocats, tant de sauveurs, tant de dieux que je pouvais bien être tenu pour un martyrologe et pour un registre papal. Sur ce, Dieu m'a fait trouver un homme qui dépassait tous les autres : c'était le maître Jaques Faber ( Le-Fèvre ). Quoique j'eusse cherché de toutes parts et jusqu'au fond des Chartreux, jamais je n'avais vu chanteur de messe qui en plus grande révérence la chantât; jamais je n'avais vu faire de plus belles révérences aux images. Il demeurait long-temps à genoux, disant ses heures devant elles, à quoi souventes fois je lui ai tenu compagnie, fort joyeux d'avoir accès à un homme comme celui-là. Et quoiqu'il sentit que le monde devait être renouvelé, il demeurait cependant en la vieillesse papale et m'y retenait avec lui.
Enfin cet homme, qui avait plus de savoir que tous les docteurs de Paris, commença à voir et à me montrer que nous n'avons pas de mérite, que tout nous vient de grâce et par la seule miséricorde de Dieu, ce que je crus sitôt qu'il me fut dit. Mais plus je fus facile à recevoir qu'il n'y avait que le mérite de Jésus-Christ, plus je fus difficile à accepter la pure invocation de Dieu, tant j'avais de confiance aux saints et à la vierge Marie, dont je ne faisais que marmotter les prières nuit et jour. Enfin pourtant le bon Père de toute miséricorde m'a tiré de cette séduction et des erreurs de la messe, et ce, sans que j'eusse conçu de mépris de la pure ordonnance de Jésus-Christ, sans que je doutasse de la communion que les fidèles ont en la cène, sans que je cessasse de croire que selon sa promesse il y ravit les cœurs à soi, faisant qu'on est avec lui, lui avec nous. Ainsi les abominations papales sont tombées petit à petit de mon cœur, et me sentant pressé par la parole divine je suis entré au chemin de l'Évangile, ce qui pourtant n'a pas été sans gros regrets, et comme on quitte des choses qui ont été tant chères et que l'on a en tant à cœur »

C'est dans ces dispositions de cœur que Farel se rendit à Meaux auprès de l'évêque Briçonnet. Roussel et Le-Fèvre y étaient déjà. Les joies les plus vives de ces hommes étaient celles qu'ils éprouvaient à étudier les saintes Écritures. Roussel commençait à prêcher, Le-Fèvre publiait son commentaire sur les Évangiles. Premières et faibles lueurs de la réforme, on sait combien l'orage les atteignit promptement. La persécution commença par frapper les membres les plus obscurs du troupeau, elle atteignit ensuite l'Évêque lui-même, et de ce coup ses amis furent dispersés.

Le-Fèvre se retira auprès de la reine de Navarre, Farel erra quelque temps; il avait dans le Dauphiné des frères, des amis; Anémond de Coct, seigneur du Châtelard, l'appelait son père en la foi, et le curé de Grenoble, Pierre de Sebiville, appelait Anémond son maître en la sainte science; mais le Dauphiné n'offrait pas un sûr asile ; la persécution en avait chassé Anémond, qui s'était réfugié en Suisse; ce fut aussi vers la Suisse que Farel porta ses pas (1524),

Les deux amis se rencontrèrent à Bâle auprès d'Oecolampade. Bâle est située aux portes de la France; son université, ses presses et le séjour d'Érasme l'entouraient d'un grand renom; l'Évangile y comptait beaucoup d'amis; aussi était-elle le refuge de nombreux réfugiés des pays de Lorraine et de France. Farel distingua parmi eux le chevalier D'Esch et un jeune chanoine de Metz, nommé Toussain, qui devint l'un de ses amis les plus chers. C'étaient des hommes qui, comme lui, ne vivaient que pour l'œuvre de la réformation. Encouragé par leurs conseils, il demanda à se produire dans une dispute publique. Elle se lit en latin, et comme Farel le prononçait à la française, Oecolampade fat obligé de lui servir d'interprète. Leurs adversaires n'ayant point paru, ils se bornèrent à développer leurs thèses; mais ce fut pour Farel un moyen de se faire connaître des amis de la réforme. Il se fit parmi eux la réputation d'un homme franc, naïf, savant dans les Écritures, d'un grand zèle et d'un grand courage. il visita Zurich, Schaffhouse, Constance, et partout il fut accueilli avec distinction. Je ne sais si son cœur n'en fut pas enflé. De retour à Bâle, il n'y montra pas la douceur et la modestie qu'il avait d'abord fait paraître. Farel n'aimait pas Érasme; il n'était peut-être pas d'intelligences de nature plus diverse, ni de caractère plus opposé que les leurs. « C'est un lâche, cria Farel; c'est un Balaam qui, pour des présens s'est laissé induire à parler contre le peuple de Dieu. » À la colère Érasme opposa la plaisanterie : « Doutez-vous, dit-il à ses amis, qu'il ne me fît l'honneur de m'appeler un grand théologien, si je nommais le pape l'Antéchrist, et les cérémonies de l'Église des abominations ? » Farel ajoutant à ses emportemens, les plaisanteries d'Érasme devinrent de plus en plus amères; il n'appelait plus le gentil-homme français que du surnom de Phallieus ; enfin il eut la joie de le voir chassé de la cité. Obligé de quitter Bâle, Farel se réfugia à Strasbourg, et après y avoir quelque temps séjourné dans la maison de Capiton, il se rendit à Montbeillard.

Le comté de Montbeillard. était alors le refuge du duc Ulrich de Wirtemberg, après que ce prince eut été chassé de ses états. Ulrich se montrait favorable à la réforme, et Farel bien qu'il n'eût pas été consacré par la main des hommes, obtint de lui de pouvoir prêcher l'Évangile dans le comté. Alors commença son ministère. Vous avez vu s'élancer de nos montagnes un torrent impétueux roulant avec fracas des débris mêlés à une terre féconde tel le nouveau pasteur se précipita à l'attaque des abus de l'Église. Il tonnait, il ne prêchait pas. « Gardez-vous, lui écrivit Oecolampade, de la fougue de votre caractères; les hommes être conduits et non contraints ; instruisez-les comme vous voudriez être instruit vous-même, et travaillez avant tout à chasser l'Antéchrist du cœur de ceux qui vous entendent. » C'est le langage que les amis de Farel lui tenaient dans leurs lettres ; entr'eux ils se plaisaient à reconnaître que, ménagée à propos, l'intrépidité de son zèle n'était pas une vertu moins admirable que n'était chez d'autres la douceur.

Les prêtres de Montbeillard, que de brusques assauts avaient d'abord déconcertés, se rallièrent, appelèrent à leur secours le gardien des Franciscains de Bezançon et se tinrent prêts à attaquer à leur tour; mais ils s'y prirent d'une manière qui perdit leur cause. Ils choisirent l'heure où Farel prêchait et l'interrompirent par des interpellations si bruyantes et si grossières que les auditeurs, blessés de tant d'inconvenance, se prononcèrent contre eux. Ils cherchèrent alors à émouvoir le peuple; mais le peuple aimait le feu du langage de Farel, et la main du prince les arrêta dès leurs premiers efforts. Farel put dès-lors déployer plus librement son activité ; il prêcha dans les alentours de Montbeillard. Puis songeant à la France et pressé par la soif d'y voir pénétrer l'Évangile, il publia son premier écrit qu'il réussit à y répandre; « c'est une briève déclaration d'aucuns lieux fort nécessaires à un chacun Chrestien. » Encouragé par le succès de cette première tentative, il donna plusieurs autres écrits. Il désirait surtout de voir un homme versé dans la langue allemande, traduire en français le Nouveau-Testament de Luther, et de pouvoir répandre dans sa patrie des exemplaires dut livre saint. C'était la pensée qui les occupait Anémond et lui, quand Anémond fut emporté à Schaffhouse par une prompte maladie et quand Farel lui-même se vit jeté dans un nouvel exil. Les motifs qui le contraignirent de quitter Montbeillard sont mal connus. On dit que, rencontrant la procession de St-Antoine, il arracha les reliques des mains du prêtre qui les portait et les jeta à la rivière, en s'écriant : « Pauvres aveugles, n'abandonnerez-vous jamais votre idolâtrie. » Mais une tradition confuse est le seul fondement sur lequel repose ce récit.

Farel retourna à Strasbourg, auprès de Bucer et de Capiton. Roussel, Le-Fèvre et plusieurs des hommes qu'il avait connus à Meaux s'y trouvaient réunis. lis étaient grandement occupés de la question qui divisait alors la réforme et de la manière différente dont Luther et Zwingli comprenaient la cène du Seigneur. Tous, et les réfugiés de France particulièrement, étaient navrés de la lutte qui s'élevait. La plupart partageaient la manière de voir de Zwingli; elle était plus appropriée à l'esprit français ; fréquemment en recevant les premiers écrits de Luther, dans lesquels il recommandait encore l'invocation des saints et la doctrine du purgatoire, ils avaient blâmé sa lenteur à secouer le joug, et ils le croyaient en cette occasion, comme précédemment, retenu par des liens superstitieux; mais ils étaient surtout à s'affliger de l'importance que Luther et les Allemands mettaient à un débat qui ne leur paraissait pas avoir le fond de l'Évangile pour objet. Farel ne put long-temps se contenir; son intelligence toute pratique ne comprenait point ces querelles sur des questions abstraites « Et pourquoi, écrivit-il à Bubenhagen, l'un des défenseurs des opinions de Luther, pourquoi nous que le Père a comblés de grâces par son Fils, nous disputons-nous sur un morceau de pain ? Ne pouvons-nous parvenir au salut sans ce pain? Ce Dieu qu'on peut manger nous sauvera-t-il, lui qui ne peut se défendre des souris ni des vers, et qui ne peut s'arracher des mains qui profanent les choses saintes ? Unissons-nous bien plutôt, nous qui connaissons Christ, pour confesser qu'il nous a été fait de la part de Dieu sagesse justice, sanctification et rédemption. Annonçons tous d'une voix que, mangeant le pain de la cène, nous rappelons l'amour du Père qui nous a donné son Fils, et nous souvenant qu'il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis, soyons pareillement prêts à sacrifier nos vies les uns pour les autres. Ce faisant, mangeons de ce pain purement, simplement, sans adoration, sans signes, sans paroles magiques mais élevant comme les Apôtres nos cœurs en haut, et ne cherchant pas Christ terrestre, mais Christ céleste assis à la droite de Dieu. »

Farel demeura quinze mois à Strasbourg au sein de ses amis, à prendre part à leurs travaux. Ce temps écoulé, il forma le dessein de retourner en Suisse et se mit en route vers le milieu d'octobre de l'an 1526. Un brouillard épais couvrait le sol ; la pluie vint à tomber par torrens notre voyageur se perdit, tomba dans les marécages et qu'avec peine du sol bourbeux où ses pas s'étaient engagés. Il en était sorti qu'il erra quelque temps encore, sous la profonde impression que sa vie était celle d'un pèlerin sur la terre, et qu'il la devait abandonner à Dieu. Il franchit enfin la frontière suisse et visita ses amis de Bâle. « Où allez-vous? - lui dirent-ils. - Je l'ignore, je ne sais rien, sinon que je suis contraint par la bonne volonté de mon coeur d'entrer à l'œuvre du ministère. » - « Eh bien rendez-vous à Berne, sur laquelle l'aurore de l'Évangile commence à se lever. Sachez toutefois que des croix et des tribulations vous y attendent.» - « Ceci je ne l'ignore pas; mais je ne m'en fais aucune crainte, je n'ai d'autre vœu dans mon cœur que celui de porter remède à l'ignorance du peuple et de faire part à plusieurs de la grâce que j'ai reçue de Dieu. » - Il partit ainsi disposé, se rendit à Berne, et l'année n'avait pas fini son cours qu'il avait commencé de prêcher l'Évangile à Aigle dans le nouveau champ de ses travaux.

 

Sources. Ruchat. Vie de Farel par Perrot. Vie par Kirchboffer. Archives de Berne. Lettres et écrits divers de Farel.



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