Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



« Il y a un Dieu pour les buveurs ... »

CHAPITRE PREMIER
Le football est un jeu qui donne soif

Je m'appelle Bass - Harry Bass, de Grays en Essex. Vous serez amusés d'apprendre que «Bass» est une marque de bière, en Angleterre, et qu'en même temps mon histoire fait une large place à cette boisson. Ce que je vais vous dire est vrai; s'il vous arrive d'en douter, vous pouvez vous adresser pratiquement à n'importe qui dans ma petite ville au bord de la Tamise, non loin de l'East-end londonien. J'y suis fort bien connu !

Mais je vous prie, n'allez pas croire que je tire le moindre orgueil du fait que je sois bien connu à Grays. Cette notoriété, je l'ai acquise en étant peut-être, dans tout le comté, l'ivrogne le plus débauché, le batailleur le plus acharné et l'individu le plus familier de la police et des violons. Aussi je ne mets pas de fierté à vous dire cette histoire. On m'a assuré qu'en l'écrivant, j'aiderais sûrement quelqu'un qui n'arrive pas non plus à se guérir de l'alcoolisme, même après avoir tout essayé, des plantes curatives aux plus fermes engagements signés de son propre sang; tout essayé, sauf ce qu'il fallait. Eh ! bien, ce que vous devriez faire... Mais il vaut mieux ne pas anticiper sur mon récit !

Vu ma notoriété, il est donc des plus probables que n'importe quel citoyen s'écrierait en réponse à votre enquête : « Harry Bass ? Si je le connais ! ... Mais il ne se bat plus maintenant, du moins avec les poings. Il porte une tunique rouge et vend le «Cri de Guerre» dans les cafés. Les mêmes cafés d'où il a été jeté dehors tant de fois ! »

«Pour les Salutistes, il est le sergent-major de la Citadelle de Grays. Tout le monde le connaît... » Ce citoyen se mettra peut-être à vous dire quelque chose des petites attentions et menus services dont la grâce de Dieu m'a rendu capable. Mais ce n'est pas à moi de donner les détails là-dessus.

Vous entendriez certainement parler de la sensation produite à Grays à la nouvelle que Harry Bass, le roi des buveurs et des gredins, tournait à la religion et s'embrigadait dans l'Armée du Salut. Mais ici, je vous conseillerais d'interrompre la conversation. Car il s'agit bien de mon histoire, et je veux vous la raconter dès le début.

Non que j'en sois fier, je le répète. C'est une histoire d'ignominie et de misère. Le seul mérite qu'elle ait d'être contée, c'est qu'elle finit bien. Pourtant, elle n'est pas de celles où le héros, par la ténacité de ses efforts, finit par se frayer un chemin de la mine au parlement - « par mes propres mérites », comme ils disent. Rien de cela chez moi. Ce dénouement heureux a été, pour la plus grande part, l'effet de la grâce de Dieu et en partie aussi, la récompense du fidèle amour d'une brave femme.

Mais commençons par le commencement. J'ai bu ma première chope de bière par pure bravade. J'avais de bons parents, mais j'étais jeune et buté. Je voulais commettre quelques-unes des choses qu'on m'avait dit de ne pas faire. J'étais en révolte contre les sempiternels « ne fais pas », « tu ne peux pas », « tu ne dois pas». Si on avait essayé de me dire ce que je pouvais faire, il aurait pu en être autrement.

La bière coûtait alors quatre sous la chope et pour de la bière, c'en était ! Quatre chopes suffisaient à vous mettre la tête à l'envers, et j'y pris goût autant qu'un poisson rouge à l'eau. Je pensais qu'en tenant la tête haute et « portant» ma bière crânement, je donnais un signe de virilité, une preuve que j'étais bien « un dur».

Il se trouvait là des sots, mes aînés de bien des années, pour m'encourager : « Allez ! encore une ! Celle-ci, c'est moi qui la paie ! » - comme s'ils me persuadaient d'avaler mon huile de foie de morue ou de prendre une pomme par jour ! En réalité, ils me confirmaient sur un sentier qui devait m'amener à des années de misère. Mais je n'en blâme personne d'autre que moi.

La bière trouva un allié inattendu dans le football. J'étais fou de ce sport. Malheureusement, dans les cercles que je fréquentais, le football et la bière étaient d'inséparables partenaires. Je n'ai pas à blâmer le football de l'avoir si pitoyablement travesti. Comme beaucoup d'autres jeux et passe-temps qui n'ont pas de mal en eux-mêmes, on les a rendus nuisibles par la façon stupide et dégradante dont on en joue. Nous faisions des parties obstinées et furieuses, excités par les clameurs fanatiques des spectateurs; puis nous nous précipitions vers la limite du terrain où des bouteilles de bière nous attendaient.

Au moment où le sifflet de l'arbitre nous ramenait à nos positions, j'étais souvent ivre au point de ne pouvoir distinguer les buts d'une cage à lapins. Avant longtemps, je m'intéressais davantage à la boisson et au jeu qu'à la poursuite du ballon.

Quand nous gagnions une coupe, ce qui nous arrivait parfois, c'était moins un titre de gloire qu'une occasion de faire ribote. Comme c'est souvent le cas encore aujourd'hui, le sport devenait une excuse pour se laisser aller à la débauche. On emplissait de bière la coupe d'argent, on la vidait, la remplissait, puis la buvait encore. Le lendemain d'un match victorieux, je fus trouvé ivre mort dans le ruisseau !

Le football était la raison que je donnais à mes parents et à ma conscience encore éveillée pour mes fréquentes escapades et mes absences de travail. À Tilbury, où j'avais un emploi, j'eus bientôt mauvaise renommée à cause de mes excès de boisson et de mon caractère emporté. J'étais noté pour être très irrégulier dans mes présences au travail.

Ne pouvant en faire à ma tête, je voulais partir, afin d'échapper à toute contrainte et à toute réprimande. Les bateaux qui descendaient l'estuaire de la Tamise me donnaient la nostalgie du large. Là-bas, pensais-je, on peut vivre et boire à sa guise. J'essayai de m'engager sur un navire. Mais je n'avais pas l'âge voulu et le capitaine m'envoya demander la signature de mon père.

Il ne voulut rien entendre. Ainsi, la vie de marin me fut refusée. J'en eus un violent dépit et beaucoup de ressentiment contre mon père. Je suivis avec d'autant plus d'ardeur le « Club athlétique de Grays » dans ses matches, que ce soit dans la localité ou en dehors. Si le club gagnait, je me soûlais pour célébrer la victoire; s'il perdait, il en faisais autant pour noyer ma déception. Ainsi les cafetiers, autant que moi, y trouvaient leur compte dans les deux cas.

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CHAPITRE il
Ivresse et chanson

Je n'étais qu'un gamin, mais déjà brutal et intraitable, quand j'entrai d'un air de matamore dans un débit où mon frère Arthur était en train de boire sa chopine à sa manière tranquille et rangée.

Il avait entendu parler de ma conduite folle et obstinée; il m'en avait déjà touché mot en me demandant d'y mettre un frein. Mais ses bons conseils me laissaient aussi indifférent que ceux de n'importe qui.

Ce soir-là, la vue de son gamin de frère se débauchant avec le cynisme et l'aisance d'un vieux pilier de café bouleversa Arthur. Il y avait une expression de douleur dans son regard tandis qu'il m'observait dans ma tenue débraillée, dans mon arrogance indomptable.

« Tu peux bien commander quelque chose pour ton frère et ses copains ! » lui lançai-je comme un défi. Je m'efforçais d'être un homme, mais je m'attendais un peu à être proprement rossé.

Il était trop sensé pour çà. Il m'aurait seulement confirmé dans mes égarements. Au lieu de cela, il posa son verre, se tourna vers moi et me dit : « Si tu veux y aller de ce train-là, alors moi j'y renonce tout à fait ». Il se leva et sortit.

Il y a quarante ans environ de cela, et Arthur n'a jamais retouché une goutte d'alcool. Il est vrai qu'à ce moment-là, il ne m'a pas empêché de continuer à boire; mais peut-on savoir quel effet sa décision eut sur moi dans les années suivantes, où la question de rompre avec mon ivrognerie était devenue une affaire de vie ou de mort ? Si les gens qui vous sermonnent et vous donnent de bons conseils passaient à un acte défini, comme Arthur, le monde en serait meilleur.

J'aimais le chant, et l'ivresse me mettait d'humeur à chanter : elle faisait de moi un fou chantant ! Le soir étant le moment habituel de mes soûleries, je me mis à élever la voix dans le silence de la nuit. Rien, chez moi, du gentil ronronnement de 'vos barytons. Je préférais le style de Caruso - à gorge déployée! Si je n'atteignais pas à la perfection tonique du grand Italien, j'avais presque autant de volume.

«Étoile du soir» était une chanson favorite, et j'aimais l'alterner avec «Au moment du combat». On ne pensait pas aux sirènes d'alarme dans ce temps-là; mais les paisibles et vertueux bourgeois de Grays se mirent à me détester autant qu'ils devaient maudire plus tard ces engins plus mortellement perturbateurs du sommeil.

Je me rappelle qu'une nuit, étant encore plus ou moins novice à ce jeu de la boisson, je me dirigeais vers mon domicile en titubant, la voix rauque d'avoir tant chanté, dans les premières heures du matin. La chaussée semblait être en mouvement, et j'avançais lentement. Enfin, je trouvai un pas de porte confortable et, comme le rossignol, j'élevai ma voix dans les ténèbres : «Tu m'as laissé les débris d'une poupée ! »

La sérénité assoupie de la maison du pasteur fut troublée par mon aubade trop matinale. J'étais couché devant la porte de la cure. Il y eut un bruit de voix et de fenêtres qu'on ouvre et referme. Le pasteur ne s'intéressait pas aux débris de poupées et il me le fit savoir en termes vigoureux.

Je pris ses remontrances pour un affront et, voyant qu'il s'agissait d'un ecclésiastique, je l'apostrophai avec imprécations et force cris. C'en était fait de la paix nocturne. Beaucoup de gens qui avaient bien gagné leur repos furent tirés de leur sommeil par cette bataille de mots.

Cet esclandre vint aux oreilles de la police. C'est de cette nuit que datent mes longues et pénibles relations avec la gendarmerie de l'Essex. Elles coûtèrent beaucoup aux contribuables, firent le chagrin de ma famille et devinrent un vrai problème pour la police elle-même.

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CHAPITRE III
L'intarissable robinet

Il y eut deux femmes dont l'influence sur moi a été pour mon bien. Je dois admettre que si toutes deux m'avaient abandonné comme incorrigible, en me laissant descendre jusqu'à la déchéance totale, elles auraient eu toute raison de le faire.

Ma mère fut la première. Bien que je lui aie brisé le coeur, elle n'a jamais cessé de m'aimer et de prier pour moi. Dans les premiers temps, quand mes débordements étaient tels qu'elle avait peine à y croire, elle s'efforça d'en cacher la gravité à mon père. En tant que mineur, j'étais tenu de rentrer à la maison à une heure raisonnable; mais dans mon goût pour les liqueurs et la compagnie des bars, j'oubliais toutes les semonces.

La fermeture des débits était obligatoire à onze heures, ce qui était très tard en ces jours de conventions sociales strictes. Mon père verrouillait la porte sans s'inquiéter de moi; mais pour éviter une scène, ma mère laissait la fenêtre de la cuisine décrochée.

Il pouvait 'être minuit ou davantage quand je rentrais car, chaque fois que je pouvais me l'accorder, je me procurais des bouteilles de bière qu'on « sifflait» avec les copains après la fermeture. Un soir, très tard, j'arrivai à la maison avec des bouteilles dans les poches et, comme s'il n'y avait pas assez de liquide sans cela, il pleuvait « des petits chats ».

Je poussai la fenêtre et, avec beaucoup de difficulté, je parvins à me hisser jusque sur le rebord. L'évier se trouvait immédiatement au-dessous. Tandis que je préparais gauchement la manoeuvre, j'ouvris le robinet. Je voulus lui imposer silence par des « chuts » répétés... Mais l'eau coulait allégrement et le robinet défiait tous les efforts que je faisais pour le fermer. J'ai sûrement dû le tourner du côté gauche au lieu du droit: j'étais imbibé d'alcool au point de ne plus pouvoir faire la différence ! Mon esprit nébuleux en conclut que le robinet devait avoir cédé et qu'il était impossible de rien faire à ce sujet.

Au petit matin, je fus réveillé par un furieux mal de tête. La lumière du jour révéla l'indescriptible chaos qui régnait dans la petite cuisine. Le robinet coulait toujours. J'étais étendu sur le plancher où j'avais dormi toute la nuit avec une vague sensation de malaise et de douleur. Mes habits étaient trempés; j'avais les pieds nus et gelés. J'étais transi de froid, mais déjà mon gosier réclamait un coup de « revigorant » - une lampée de genièvre et d'orange qui seule pouvait dissiper ma lourdeur de tête.

Le laitier a dû penser que nous avions le cerveau dérangé car devant la porte d'entrée, comme attendant le garçon-cireur d'un palace, il trouva mes souliers remplis d'eau. Je les avais enlevés avant de passer la fenêtre.

C'est à ce moment-là que je fus entraîné dans des conflits de travail qui créaient beaucoup d'agitation dans les docks où j'avais un emploi. Il y avait des émeutes, des rixes avec la police, et la faim passait de porte en porte. Pour moi, une pipe et un sou de tabac étaient alors de la manne tombée du ciel. Un cafetier me fit crédit pour cela comme pour d'autres choses. Se fiant à son intuition, il pensait que la grève ne durerait pas. Tandis qu'au contraire elle continuait de jour en jour, mon créancier en fut pour ses frais.

Les monts-de-piété faisaient des affaires d'or. De mes quelques possessions, tout ce qui pouvait servir de gage passa «chez l'oncle», comme on appelait le prêteur. Je me battis contre les faux-frères qui voulaient reprendre le travail et contre la police amenée du dehors, notamment de Birmingham. Ces agents étaient venus par train spécial et j'avais aidé à attaquer le convoi pendant qu'il roulait lentement vers les docks. On jeta par les fenêtres du train des blocs de ciment, des barres de fer et tous les projectiles dangereux qu'il y avait à portée, pour intimider les renforts de police.

Je fis partie du piquet de grève, ce qui impliquait de la bagarre. J'acquis dans ce genre de chose une telle habileté que pendant bien des années, mes coups de poing furent redoutés...

Ma conduite irréfléchie me valut d'être porté sur la liste noire. Aussi, quand tout penauds nous fûmes contraints de reprendre le travail, je découvris bientôt que mon compte était réglé !

Après m'être fait «balancer», je ne devins plus, pendant un temps, qu'un vagabond. J'étais un peu jeune pour en venir là. Dans les jardins, je volais carottes et raves pour me maintenir en vie, et cela en Angleterre, au vingtième siècle...

Ma carrière do joueur de football resta sans lendemain. La bière et le sport ne vivent pas longtemps côte à côte; maint joueur de grande classe a pu le constater. Certes, je n'en étais pas un. D'ailleurs, les chances que je pouvais avoir de le devenir furent bien vite annulées par l'alcoolisme. Il fut un temps où je donnais lieu à certains espoirs : j'avais le pied léger, rapide et sûr quand il s'agissait d'envoyer un « direct » dans les buts. Mais je m'étais à peine rendu capable de cette prouesse que j'y mis fin par la boisson.


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