Ténèbres et
Lumières
NOUVEAUX SOUVENIRS
DE MATHILDA WREDE
Une idée erronée.
Un détenu, jeune encore et
récemment extradé, de religion
orthodoxe, était enfermé à
Kakola ; on lui avait assigné une cellule au
premier étage, de toutes la plus triste,
dans la rangée de celles
réservées aux isolés. Ce jour
d'automne était sombre et lugubre ; sombres
et lugubres étaient aussi les dispositions
du détenu. Il était tourmenté
dans sa conscience par les remords. Le désir
ardent de revoir son foyer, au Sud de la Russie, au
milieu des steppes baignées de soleil,
martyrisait son âme facile à
émouvoir. Dans son cerveau fatigué,
s'agitaient violemment des pensées et des
sentiments de tous genres. Dans son angoisse, il
faisait et refaisait toujours de nouveau le signe
de la croix, cherchant, dans un état voisin
de l'inconscience, un secours qui tardait à
venir.
Et voici que la porte s'ouvre
subitement. Une femme, jeune, à la taille
élancée, entre dans la cellule, le
visage rayonnant de paix intérieure et
d'intense compassion. Elle tend avec
amabilité, la main au prisonnier, que ce
geste inattendu paralyse d'étonnement. Tout
à coup une lumière se fait
dans son cerveau troublé.
Dans sa patrie, au Sud de la Russie, il a entendu
parler de saints et, en particulier, de la vierge
Marie qui apparaît de temps à autre
aux pauvres humains. C'était elle oui,
sûrement elle, qui venait lui rendre visite.
Rempli d'allégresse, il se précipita
au-devant de l'apparition, se prosterna à
ses pieds, embrassa ses genoux et dans un
élan d'adoration, s'écria
:
- Vierge Marie !
- C'est une erreur, une grande
erreur, mon ami! je ne m'appelle pas Marie, mais
bien Mathilda. je ne suis pas ce que vous croyez.
Relevez-vous et je m'entretiendrai alors avec vous
d'un sujet dont vous me paraissez désirer
vivement que je vous parle.
Le détenu se releva, un peu
confus de sa méprise, mais heureux pourtant
qu'un être humain vienne le voir. Mathilda
s'efforça, dans la mesure de ses moyens, de
lui indiquer le chemin qui mène à
Dieu, le consolateur présent partout, le
seul appui véritable.
Lorsque l'archevêque
métropolitain, Antoine, si
vénérable et si profondément
pieux, entendit Mathilda lui raconter ce que nous
venons d'exposer, il lui serra la main et lui dit
:
-
Je me réjouis de ce que
« l'amie des prisonniers » finlandais
veuille bien aussi s'occuper charitablement des
créatures tombées appartenant
à notre foi.
|