Ténèbres et
Lumières
NOUVEAUX SOUVENIRS
DE MATHILDA WREDE
Comment ce livre a pris
naissance.
Quand Mme Sophie Sjöstedt s'aperçut
à quel point Mathilda Wrede avait besoin de
repos, elle l'invita, ainsi que l'auteur de ce
livre (Mme Evy Fogelberg) à faire, au
printemps de 1921, un séjour dans sa belle
demeure baignée de soleil, la pension de
Munksnäs.
« L'amie des prisonniers »
put jouir là, du repos, des bains et des
soins nécessaires au rétablissement
de ses forces. Pendant son séjour, elle
raconta à la maîtresse de la maison et
à ses hôtes, plusieurs épisodes
de sa vie. Sous les yeux de ses auditeurs
passèrent des tableaux des genres les plus
variés, saisissants et édifiants tout
à la fois. Elle décrivit des vies
désolées, des hommes d'un haut
idéal, tels qu'on en rencontre même
parmi les plus misérables enfants des
hommes. Elle parla de la responsabilité des
«grands» de ce monde envers les
«petits» et de beaucoup d'autres
choses.
J'eus ainsi une nouvelle occasion de
noter les récits de Mathilda Wrede. J'ai
nettement conscience que ces scènes prises
sur le vif, quand elles sont écrites au lieu
d'être contées oralement, perdent en
fraîcheur et en vie. je n'en espère
pas moins que la bénédiction divine
accompagnera ce petit livre dans sa course à
travers le monde.
.
M. W.
La journée qu'elle venait de vivre avait
été fatigante et pénible. De
graves soucis personnels oppressaient Mathilda
Wrede et elle avait à porter les fardeaux de
ses amis. Elle se trouvait incapable de lire ou de
penser. Elle était si fatiguée
qu'elle n'avait pas même la force de chercher
un allégement dans la
prière,
Devant elle, sur la table, il y
avait un paquet enveloppé dans un vieux
journal. Comme par hasard son regard lassé
tomba sur un grand M qui marquait le début
d'une annonce. Longtemps elle considéra
cette seule lettre. Tout à coup, une
espèce de secousse électrique la
traversa. Cette lettre était sa propre
initiale.
Jamais Dieu ne lui avait encore
parlé par ce moyen. Il lui sembla se voir
elle-même dans les deux jambages
intérieurs de la lettre :
n'étaient-ils pas l'image de ses deux bras
levés vers le ciel, - un enfant de la terre
en un élan muet vers
l'éternité, offrant au Père
céleste son esprit, son âme et son
corps - et les deux jambages verticaux ne
figuraient-ils pas, de leur côté, les
bras bénissants et protecteurs de Dieu
?
Elle tressaillit de joie ; elle se
disait : « Une retraite, voilà ce
qu'est pour nous le Dieu éternel ! Ses bras,
prêts à bénir, m'entourent.
» Et cette certitude remplit son
âme.
Tout son intérêt se
réveilla sous l'influence de la
prédication contenue dans cette lettre ;
elle désira alors savoir ce que le W. avait
à lui dire : un message analogue et
correspondant au premier, tout en étant sa
contre-partie: «Le Seigneur, ton Dieu, ton
puissant secours, vit en toi et t'attire en haut
vers lui ! »
Avec simplicité et
clarté elle réalisa quelle
était sa position vis-à-vis de Dieu :
« Je suis en Dieu et Dieu est en moi, comme le
cygne dans l'océan, né de la haute
mer et rempli de l'élément même
d'ou il est sorti.»
Toute lassitude alors se dissipa.
Chagrins et soucis, offerts en une fervente
prière au Dieu très haut, firent
place à une joyeuse reconnaissance.
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