Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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(Notre confession de foi: ici)
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(Jean 17.17)
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Un Gagneur d'Âmes:
CÉSAR MALAN

DEUXIÈME PARTIE: L'ACTIVITÉ PUBLIQUE DE MALAN APRÈS 1830

CHAPITRE VI
LE DOGMATISME DE MALAN

 Félix Nef et César Malan
Dans sa remarquable biographie de Félix Neff (1), le D Lortsch, voulant préciser l'attitude de Félix Neff dans les milieux de son temps, cite de lui ce fragment de lettre : « Une autre chose qui me rend le séjour de Genève bien pénible, c'est le triste état où se trouve le règne de Dieu ; l'esprit de théologie, de système, de dispute, de critique, et je dirai presque d'inquisition, qui trouble et détruit toute simplicité de foi et bientôt toute vie !».

« La principale cause de tout le mal est ce fameux Malan, qui est de plus en plus exclusif et tout à l'heure un vrai pape, condamnant au feu tous les livres religieux dont il n'est pas l'auteur; accusant d'hérésie tous les prédicateurs qui ne prennent pas journellement le mot d'ordre chez lui, et défendant à son troupeau de les entendre; travaillant à former de ses sectateurs autant d'agents de sa haute police et de son saint office. J'aimerais mieux, en vérité, prêcher parmi les Turcs que parmi de tels chrétiens...

Quelque admiration que nous ayons pour Félix Neff, cette outrance nous attriste; mais tout chrétien a sa paille et les erreurs de jugement de F. Neff sur notre héros n'altèrent point l'admiration que nous avons pour Neff lui-même. Disons simplement que cette erreur sent « son Bourg-de-Four » !... Il n'est pas difficile de retrouver là les traces des reproches et des insinuations avec lesquelles le personnel du « Bourg-de-Four » travailla à discréditer César Malan. Dans la note de bas de page où le Dr Lortsch explique la vivacité de Neff, il indique : « Neff n'en veut qu'aux principes d'un calvinisme exclusif et intransigeant, que professait le célèbre prédicateur et poète genevois. Le Doyen Maury a souligné avec justesse qu'on attribua souvent à tort à César Malan les outrances de ses disciples.

Il convient donc ici, avant d'examiner son oeuvre missionnaire et le message qui la soutenait, d'examiner ce qu'on a appelé « le dogmatisme de Malan ».

Une doctrine théologique constante
Dans le ministère de Malan, on a pu relever une évolution très nette quant aux principes ecclésiastiques. En matière de doctrine théologique, il n'a jamais varié : c'est toujours dans le même sens et sur les mêmes bases qu'il a développé les données initiales de sa foi.

Il n'ignorait certes pas « l'insuffisance, pour convertir les coeurs à Dieu, de la seule puissance logique de l'énoncé dogmatique de la vérité ». Comment l'aurait-il pu, lui qui appelait son oeuvre, essentiellement « un témoignage » ? Car ce qu'il faut d'abord chercher, chez Malan, c'est un témoin fidèle et courageux de la foi plutôt qu'un théologien au sens que donnent à ce mot les disputes religieuses.

Le vrai théologien
D'autre part, s'il est exact que « les trois traits qui caractérisent un vrai théologien sont la prière, le travail assidu et l'étude constante des Écritures », Malan a bien mérité le titre qu'on lui décernait alors généralement.

Dès 1817, il se voua exclusivement à l'étude journalière de l'Écriture. Il lisait assidûment le Nouveau Testament dans le texte grec. Il s'était remis à l'étude de l'hébreu, qui n'était guère enseigné à Genève au temps de ses études, et pendant bien des années, lut chaque jour un ou deux psaumes dans la langue originale, au point d'en citer maints passages de mémoire. Quant à l'étude de l'Écriture sainte en général, il y consacrait les premières heures du jour : peu à peu, cette étude devint son occupation habituelle.

« Je ne suis pas un théologien, disait-il. Tout ce que je sais, c'est la souveraine grâce de Dieu en Jésus-Christ. C'est là le dépôt qui m'a été confié: c'est ce dont je devrai rendre compte. » Cette humble déclaration n'ôte rien pourtant à l'influence profonde de son témoignage clair et courageux rendu aux doctrines, alors si négligées, de la grâce, de la divinité essentielle de la personne de Jésus-Christ, de l'autorité divine des Écritures.

Malan dogmaticien
Peut-être lui eût-on pardonné d'être le théologien de ce qu'on a appelé, chez Félix Neff, « le christianisme expérimental et pratique n, Mais le grand reproche qu'il mérita, aux yeux de certains de ses contemporains, fut d'être un dogmaticien. Deux camps s'accordèrent à l'en blâmer : les rationalistes du Corps pastoral genevois et les frères dissidents (Neff, Eglise du Bourg-de-Four, etc.).

À l'époque de Malan, les adversaires et les partisans du Réveil se tenaient, les uns et les autres, sur le terrain d'un supranaturalisme religieux. Les rapports du fait humain avec le fait divin n'avaient guère de place dans les préoccupations théologiques d'alors. Quant à l'autorité religieuse, nul ne songeait à en invoquer d'autre que celle de l'Écriture dans son texte, « la révélation écrite ». Sous ce dernier rapport, l'Eglise de Genève était demeurée strictement attachée à ses origines; l'influence de la scolastique du XVIIe siècle et des controverses avec Rome à coup de « textes » l'avaient même amenée à un point de vue que les Réformateurs eux-mêmes n'avaient jamais formulé : celui de l'inspiration littérale, du caractère oraculaire des écrits sacrés. Même dans les rangs des adversaires les plus déclarés du Réveil, ce point de vue n'était pas discuté. D'autre part, la réaction du côté évangélique en faveur de la volonté personnelle de Dieu et de la souveraineté de Sa Grâce, acculait trop le croyant à une passivité d'où était exclu le caractère personnel et vivant de la foi : il s'agissait moins alors de la réception d'un don de Dieu que de l'acceptation de croyances correctes tirées de la parole écrite; le ministère pastoral et le fait général de l'Eglise visible prenaient alors le pas sur l'autorité et le ministère essentiels du Saint-Esprit.

Malan, champion des droits de la personnalité religieuse
Contre ce supranaturalisme et ses dangereuses conséquences, Malan a été le champion des droits sacrés de la personnalité religieuse. Sur ce plan, il a été l'homme du mouvement, de la pensée vivante, de la foi personnelle, de la fidélité courageuse et pratique à l'autorité des Ecritures.

Dogmatisme autoritaire
Si nous passons de la défense à la confession et à l'enseignement de sa foi, il convient mieux alors d'affirmer le « dogmatisme » Malan. De sa prédication et de la plupart de ses écrits, un fait précis se dégage : il ne se bornait pas simplement à rendre témoignage à la réalité de l'objet de sa foi, mais il s'efforçait encore de justifier, et même d'imposer la formule intellectuelle par laquelle il se représentait cet objet.
Intolérance, fanatisme, papisme ? ? ?... Mais pour Malan, cette formule même n'était pas le résultat personnel de sa propre pensée. Elle n'était autre chose que ce qui avait été dicté directement par Dieu aux hommes dans la parole inspirée. Malan ne se préoccupait pas du moyen de la révélation divine : expérience ou enseignement. Il ne faisait aucune distinction précise et explicite entre sa religion et sa théologie, entre l'autorité de sa foi et celle de son dogme. Au nom même de sa foi vivante, « don de Dieu à son âme », il repoussait avec indignation le reproche de s'en tenir à une croyance, simple conclusion de l'esprit !

Malan n'est pas un orthodoxe de tête
Mais la persistance de ce reproche prouvait que, dans son enseignement, plus d'un trait y prêtait. On peut dire que, pour Malan, croire n'est même pas un acte. « Croire ne donne pas de la peine », dit-il lui-même... « Il faut croire sans bouger de place... » En quoi il ne faudrait pas chercher la pente d'un esprit crédule, ce qu'il n'a jamais été, mais ce coeur confiant que toute sa vie révèle en lui.

Ce qui compte
Ce qui comptait surtout aux yeux de Malan, c'était le salut de Dieu plus que l'acte par lequel l'âme saisit ce salut ; cela lui paraissait si simple et si naturel ! Absorbé tout entier par la contemplation de l'oeuvre historique de Dieu dans le passé, il se souciait peu d'analyser la manifestation actuelle de cette oeuvre dans le coeur du croyant. Homme d'action avant tout, ni rêveur, ni psychologue, il s'est toujours refusé à l'analyse minutieuse et laborieuse du coeur de l'homme. À ses yeux, cette concentration sur l'humain était plus qu'une rêverie : c'était un péché, et à tout prendre, une entreprise vaine. N'allait-il pas jusqu'à déclarer « que c'est offenser Dieu que de le prier pour un salut qu'Il nous affirme avoir déjà été accompli » ?

acte de foiFoi, confiance
La foi demeurait pour lui « le repos et la confiance du coeur sur ce que Dieu dit ». C'est donc une confiance que notre coeur met en une oeuvre de Dieu rendue certaine à notre esprit. Il faut, non pas aimer Dieu pour pouvoir le connaître, mais bien l'avoir connu avant de pouvoir l'aimer. Voici un passage d'une de ses lettres sur le sujet (22 mars 1827) : « La foi qui sauve est un acte tout puissant du Saint-Esprit, qui éclaire l'entendement et touche ou soumet le coeur ; tellement que la foi qui ne se rapporte qu'à l'entendement est une science ou une connaissance seulement, et que la foi qui saisit et reçoit Christ est une science vivante, reçue par l'esprit et le coeur, c'est-à-dire par le principe voulant et actif de l'homme. Cette foi n'est donc point, comme vous l'avancez, la pleine évidence de la vérité connue et admise par l'esprit ou l'entendement; mais c'est cette vérité perçue par l'entendement et reçue par le coeur... Il y a donc, dans cette foi, une opération du Saint-Esprit sur les deux puissances de l'homme, l'entendement et la volonté, et non pas seulement sur le premier...» Il y a loin de cette piété fervente à l'orthodoxie morte, pure conclusion intellectuelle d'un esprit paresseux et superficiel !

Mais, à cause du rôle décisif que Malan fait jouer à l'intelligence dans les origines de la foi qui sauve, on a pu l'accuser de donner plus de place à la foi au salut de Dieu qu'à la foi au Dieu Sauveur.

Le scolasticisme de César Malan
D'autre part, l'acte de foi étant ainsi présenté, il en découlait aussitôt que l'intelligence du croyant devait paraître capable de se rendre à elle-même, et de fournir à autrui, un compte exact de cette foi. Dès lors, rien de plus naturel que Malan fît entrer, dans la définition de la foi qui sauve, son système théologique tout entier. De là, les accusations d'ultra-calvinisme, et en général de scolasticisme que ne lui épargnèrent pas même ses meilleurs amis. Pour lui, ces accusations lui demeuraient tellement incompréhensibles qu'il n'y répondait jamais qu'en précisant toujours plus exactement sa pensée dogmatique. Peut-être ceux qui le blâmaient, auraient été plus justes s'ils avaient d'abord fait la distinction entre la vérité religieuse et le fait psychologique.

Croire n'est pas sentir
Pour Malan, le fait psychologique n'était qu'un simple résultat de notre imagination, de notre sentiment propre, donc de notre nature déchue. « Sentir que je suis riche, c'est me séduire moi-même; mais croire que le Roi l'est, car Il le dit, c'est être sûr d'un fait, quoique je ne le sente pas. » À ses yeux, il ne pouvait donc y avoir, en fait, d'oeuvre divine de salut, que celle que Dieu accomplit tout d'abord avant nous, et par conséquent, tout d'abord sans nous. Tout ce qui serait de notre part une participation à cette oeuvre, tout ce qui mériterait chez nous le nom d'une appropriation de cette oeuvre, tout cela devait donc débuter en nous, non pas tant par une expérience instinctive, que par une vue précise de cette même oeuvre. Ceci explique l'importance extrême qu'il devait nécessairement attacher à la clarté du dogme, à l'expression intelligible de la foi. Doué d'une pensée extrêmement logique et pénétrante, sa doctrine devait en refléter le caractère syllogistique. Non content d'exposer cette foi comme un fait vivant en lui, il ne pouvait donc s'empêcher de vouloir l'expliquer comme une confiance que justifiait sa propre réflexion. Cette rigueur et cette sévérité envers lui-même expliquent qu'il n'ait jamais pu admettre, sauf sur un plan de charité, la présence d'une foi réelle là où elle ne revêtait pas la forme exacte de son dogme personnel.

Atmosphère de l'époque
Bien des éléments expliqueraient la position prise par Malan, en dehors de la tournure particulière de son esprit. Du côté positif, l'atmosphère essentiellement dogmatique qui entourait les hommes de réveil d'alors : protestantisme de Genève; tendances du protestantisme d'Écosse et du « parti évangélique anglais », dont l'influence fut si décisive dans les commencements du Réveil, et tout spécialement pour Malan. Du côté négatif, la double explosion d'un mysticisme bourgeois aussi vague qu'exalté et d'un mysticisme populaire aussi superstitieux que sentimental. Ajoutons à cela le caractère éminemment français de son esprit qui classait au rang des idées fausses celles qui ne se pouvaient exactement définir, et nous comprendrons mieux le sens de ses réactions, le caractère syllogistique et démonstratif de son enseignement religieux, la position qu'il adopta comme chef spirituel.

Nous comprendrons mieux aussi, sur ce point, les vives réactions de Neff envers César Malan. Neff se courbait devant le dogme comme devant un mystère, une profondeur cachée de Dieu; « il se contentait de l'honorer, écrit le Doyen Maury, et voyait un grand danger dans la forme absolue, analytique et arrêtée dans laquelle le professait Malan ». Humilité émouvante de Neff ?... Oui certes. Mais peut-être aussi différence de culture qui empêchait son esprit de saisir sous le même angle de grandes et fortes pensées. Braqué sur la voie de l'expérience, le piétisme s'est parfois désintéressé, à tort, des exigences de la connaissance : croyant éviter le dogmatisme, il a souvent glissé vers un mysticisme flou et un subjectivisme outrancier qui n'étaient plus la manifestation d'une vraie foi. La piété des natures fortes, comme Neff, a tenu bon : celle des faibles s'est volatilisée ou égarée.

En général, il faut bien dire que Malan se préoccupa beaucoup plus de l'objet et des privilèges de sa foi, que de l'analyse de sa foi. Ce qui lui importait, c'était de contempler, surtout d'annoncer au loin le fait célesta que cette foi avait révélé à son âme. Ce qui le préoccupait, c'est ce fait lui-même et sa grandeur, le salut personnel avec la certitude et la joie qui en découlaient. Il laissait à d'autres les recherches psychologiques et théologiques proprement dites, Ce qui le passionnait, lui, c'était de proclamer, chaque jour, avec un nouveau zèle, l'oeuvre historique de Dieu, ce qu'Il a fait un jour pour Ses élus; c'est pourquoi il exposait, avec l'autorité d'une conviction toujours plus profonde et toujours plus émue, le fait historique de la Rédemption comme cause et source première de notre salut, plus encore que manifestation historique des pensées éternelles de l'amour divin.
Aussi demeura-t-il l'un des prédicateurs les plus saisissants de la réalité objective et absolue de ce salut que Dieu nous donne. Ce fut la raison d'être et le privilège de son « dogmatisme ».

Dangers d'antinomianisme?
Courait-il vraiment les dangers de cet « antinomianisme » que certains lui ont reproché ? Au contraire, ce dogmatisme demeure pour son âme la source toujours plus abondamment ouverte d'une piété vivante et active. Nature primesautière, enthousiaste, que la sobriété et la maîtrise personnelle n'empêchent pas de brûler d'ardeur et d'activité, coeur d'une simplicité et d'une sincérité atteignant à la grandeur, Malan ressemble, sur ce point, à Calvin lui-même.
Il ne comprenait pas, en effet, qu'on admît la réalité d'un fait sans que cette admission manifestât aussitôt toutes ses conséquences dans les sentiments, la volonté et la vie.

Le Calvinisme de Malan
Prédicateur de la grâce et du salut de Dieu, il ne connaissait à tous les maux de l'âme qu'un seul et unique remède, à toutes ses difficultés qu'une seule réponse : le témoignage écrit de Dieu, l'oeuvre historique de Dieu, le salut accompli, une fois pour toutes, par le Fils de Dieu. Ne s'arrêtant jamais à vouloir même établir l'autorité des Écritures, il se contentait d'en supposer, et à l'occasion, d'en imposer l'acceptation pure et simple, et cela au nom de l'expérience dont ces Écritures sont la source pour tout homme de bonne volonté. En présence des prétentions de la liberté humaine, il allait parfois jusqu'à la nier avec emphase : c'est ainsi qu'il intitule un de ses traités : Le Libre arbitre d'un mort ! Il établissait entre l'homme et Dieu, une différence essentielle, absolue, infranchissable, qui lui faisait ajouter au mot de l'apôtre : « Tout de Dieu », un énergique « Rien de l'homme ».
C'est ainsi que peuvent s'expliquer les froissements que causait sa doctrine à des frères qui, tout en partageant sa foi, différaient de point de vue. Croyant sincère, admirablement convaincu et soumis dans sa foi, il était toujours éclatant de lumière et irrésistible de force et de vie quand il rendait témoignage à la grâce de Dieu. Mais dans la lutte qu'il engagea avec un dogmatisme négatif, il dut se montrer positivement et agressivement dogmatique.

Réservant toute son attention aux intérêts de la piété, à la foi vivante et pratique, il voulut surtout annoncer à ses frères, qu'il croyait dans une mortelle erreur, la grâce souveraine et le salut éternel d'un Dieu personnel et vivant. Il saisit pour cela la seule formule qui fût à sa portée; ce qui avait été, dans le monde où il vivait, la dernière expression de cette foi réveillée en lui. Cette formule, il la trouva dans l'Abrégé des doctrines de B. Pictet, et dans la Confession de foi du Synode de Dordrecht. Et encore, convient-il de souligner qu'il n'utilisa ces armes qu'au nom de la foi et non pas de l'orthodoxie. La puissance avec laquelle il appelait et réveillait les âmes, suffirait à dissiper tout doute à cet égard.

La doctrine historique du protestantisme réformé
Si l'on passe de la tendance « dogmatiste » de Malan à la forme particulière que revêtit son dogme personnel, à sa doctrine, il suffira de dire que c'était celle de l'ancienne orthodoxie symbolique du protestantisme, formulée dans les Confessions de foi des Églises réformées, tout spécialement celle du Synode de Dordrecht, au XVII° siècle.

Toutefois, ce fut d'une façon indépendante que Malan arriva à cette doctrine. Il ne lisait les écrits réformés hollandais ou anglais, que pour y retrouver ses convictions personnelles. Quant à Calvin, auquel il touche par un des côtés les plus caractéristiques de sa pensée religieuse, il ne l'étudia que longtemps après le changement définitif de ses convictions. Vers 1820, Malan avait écrit ces quatre vers sous un portrait de Calvin qui ornait sa salle à manger :

Si nous voyons en toi ce qu'un docteur doit être,
Et si nous admirons les dons que tu reçus,
Comme nous serviteur, tu n'es pas notre Maître,
Mais avec toi, Calvin, nous adorons Jésus.

Malan l'a souvent dit lui-même : ce fut la Sainte Écriture qui éclaira directement son âme. Ce fut, d'autre part, cette simple parole qu'Haldane ne se lassait pas de répéter dans ses mémorables entretiens de 1817 : « Comment est-ce écrit ? Comment lis-tu? » qui explique toute l'influence de ce croyant laïque sur notre héros.

D'un mot, ce sont les circonstances de sa conversion personnelle au Sauveur qui déterminèrent la direction spéciale de la pensée et de l'enseignement religieux de Malan.

Message de la Grâce souvraine
Ce qui le frappa par-dessus et avant tout, ce fut « la libre souveraineté de la grâce de Dieu ». Cette première et éclatante impression, sans cesse renouvelée par la contemplation, l'adoration, remplit toujours plus son âme : elle en devint la préoccupation suprême, constante, exclusive même. Être aimé d'un Dieu qui aime parce qu'Il veut aimer, qui n'attend pas que l'objet de cet amour soit aimable à ses yeux, mais qui l'aime avant cela et dont l'amour arrive à rendre aimable cet objet, cette expérience suffit à réveiller et diriger l'activité brûlante de sa piété. Jamais rien ne vint, un seul instant, voiler à ses yeux l'éclat céleste dont cette certitude et cette expérience avaient illuminé son âme.

L'on retrouve cette vue claire, précise, au fond de toute son oeuvre de prédicateur, de missionnaire, d'écrivain religieux. Arsenal de sa pressante controverse, elle est aussi le fondement de sa sévère morale. Ses cantiques en sont la confession constante : il ne se lassait jamais de chanter cette liberté de la souveraine grâce d'un Dieu vivant.

CHAPELLE DU TEMOIGNAGE

C'était ce don inespéré de l'Amour Divin à l'âme perdue qui lui faisait reconnaître en Jésus-Christ non pas un aide, mais un Sauveur. Son adoration reconnaissante ne cessait de contempler le caractère essentiellement divin de l'oeuvre que Jésus a accomplie pour les pécheurs. D'où le sens, la nécessité et l'importance absolue de cette divinité éternelle du Fils de Dieu, au témoignage de laquelle il sacrifia, sans hésiter, tout ce qu'il était et toutes les aspirations de sa jeunesse.

À cet égard, Malan opéra une réaction capitale contre la conception faussée d'une justification de l'âme qui cessait d'être le fruit parfait de l'Amour éternel pour n'être plus que le résultat de la foi, de la régénération et de la fidélité du croyant.

La prédestination au Salut
Enfin, le sentiment de la Souveraineté de Dieu l'amena nécessairement au dogme spécial de l'élection restreinte ou de la prédestination individuelle au salut. Dans cette doctrine scripturaire de l'élection, Malan voyait cette déclaration formelle, que, lorsqu'un homme reçoit, par la foi, la révélation du salut de Dieu en Jésus-Christ, c'est là, pour cet homme, non seulement le commencement d'une responsabilité nouvelle, mais avant tout la réalisation effective d'un décret positif de Dieu sur lui. Le salut ne lui est donc pas remis entre les mains, mais simplement déclaré, annoncé comme un fait accompli dont il n'a plus qu'à se réjouir avec actions de grâces. Cette foi vivante du coeur qui accueille ce salut n'est pas un acte du croyant, mais avant tout un don de Dieu à ce croyant par lequel il reçoit la révélation d'un salut déjà opéré par Dieu Lui-même. Dieu ne sauve donc pas actuellement l'âme élue dans le moment où cette âme vient à lui. Il ne fait, dans ce moment-là, qu'annoncer à cette âme, par la foi qu'il met en elle, qu'elle est une de ces âmes qui ont été dès longtemps sauvées. La foi n'est pas seulement et avant tout la vie dont cette âme doit vivre; elle est tout spécialement le gage de son salut, le signe auquel elle le reconnaît. « Ou bien cette âme est déjà sauvée, disait-il, ou bien elle ne le sera jamais. »

Nous n'insisterons pas sur les protestations que suscitèrent de telles vues et le qualificatif de doctrines relâchées que des amis même leur appliquèrent.

Théories et pratique
Simple expression d'une adoration de Dieu soumise et sincère, le résultat de cette doctrine fut toujours pour lui l'humilité et la reconnaissance envers Dieu, c'est-à-dire les cieux éléments qui demeurent l'unique base d'une piété réelle. Il sut le manifester dans la sobriété et la réserve de ses jugements sur le caractère religieux des individus, dans sa promptitude à croire le bien, dans sa charité et sa bienveillance envers tous.

Par ailleurs, on peut dire que sa vie active, courageuse, dévouée, brûlait de cette « passion pour le salut des âmes » qui fut la marque et la grandeur de ce Réveil du début du XIX° siècle. « tout cela exclut jusqu'à la pensée du fatalisme étroit et orgueilleux que l'on aime parfois à rattacher à la profession de la doctrine de l'élection de la grâce.

Croyant pratique, conséquent et actif, Malan sut éviter, en même temps, les dangers d'un intellectualisme sans chaleur et ceux d'une contemplation mystique et d'une piété de sentiment, Il lui suffit pour cela de cette clarté parfaite et de cette assurance inébranlable que donne seule à l'âme la vue d'un salut accompli pour nous par un Dieu souverain, en dépit de notre impuissance et de notre indignité.

Avec quelle intensité brûlait dans son âme la flamme de ces certitudes glorieuses et comment elles l'embrasaient pour le service de Dieu, une étude de son oeuvre de missionnaire de l'Évangile, va maintenant nous le révéler.


Table des matières

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(1) Éditée par notre Société.

 

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