Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



AUGUSTE THIÉBAUD

EXTRAITS DU COURS DE DOGMATIQUE D'AUGUSTE THIÉBAUD

LE CARACTÈRE DU PARDON DIVIN

 Le pardon de nos péchés est un acte de la miséricorde divine. Mais comment se présente-t-il? Quel est son caractère? Est-ce une amnistie pure et simple qui a pour conséquence de faire oublier le passé et d'effacer par un vaste coup d'éponge l'acte d'accusation que nos péchés ont dressé contre nous? C'est ainsi que se le représentent ceux qui ne veulent croire qu'au « Dieu des bonnes gens »; ainsi encore qu'on le conçoit dans bien des milieux où l'on ne voit dans l'Évangile que la proclamation de la paternité divine, et encore, d'une paternité faite tout entière de débonnaireté et de facile indulgence. Mais est-ce bien là une conception capable de satisfaire la conscience, surtout une conscience formée et éclairée par l'Évangile ?

Cette question nous engage à examiner quelles sont, entre les personnalités morales, telles que nous les connaissons, les conditions du pardon. Nous savons qu'il est possible d'abuser de ces analogies ; mais enfin, puisque nous avons été amenés à attribuer à Dieu la personnalité, parce que la personnalité est la forme d'existence la plus haute que nous connaissions, il est extrêmement probable que nos rapports avec les personnalités qui nous entourent jetteront quelque lumière sur les relations que nous entretenons avec Dieu.

Nous avons à considérer les conditions du pardon chez celui qui l'accorde et chez celui qui le reçoit.

D'abord chez celui qui l'accorde. Suffit-il, pour qu'un rapport normal se rétablisse entre deux personnes dont l'une a été offensée par l'autre, que la première consente à oublier purement et simplement le tort qui lui a été causé? Oui, peut-être, s'il ne s'agit que d'une bagatelle. Mais dès qu'il s'agit d'une offense réelle, grave, sérieuse, il n'en va plus ainsi. À la volonté de pardonner, chez l'offensé, doit correspondre, chez l'offenseur, la volonté de reconnaître ses torts ; tant que cette reconnaissance n'a pas eu lieu, il subsiste une infranchissable barrière entre ces deux hommes ; un obstacle insurmontable s'oppose à leur complète réconciliation. L'offensé peut avoir débarrassé son coeur de tout sentiment de haine et de tout désir de vengeance ; il peut n'être animé à l'égard de celui qui l'a blessé que de dispositions bienveillantes ; il n'en est pas moins vrai que, tant que l'offenseur refuse de s'avouer coupable et persiste dans l'attitude qu'on lui reproche, toute intimité est impossible entre ces deux hommes.

Et il est à noter que la réserve à laquelle il se sent tenu n'est pas, de la part de l'offensé, simple question de dignité ; s'il ne s'agissait que de savoir qui fera le premier pas, il le ferait volontiers ; c'est encore moins une mesure de prudence, pour éviter d'être victime d'un nouveau mensonge, d'un nouvel abus de confiance. Par-delà la prudence et par-delà la dignité dont nous pouvons à volonté diminuer les exigences, il y a l'ordre moral, dont nous sommes les serviteurs, qui est pour nous quelque chose de sacré et d'intangible, l'ordre moral, qui nous interdit de considérer une fraude, une injustice, un mensonge comme des peccadilles, l'ordre moral, qui doit être respecté et qui s'oppose à toute réconciliation aussi longtemps qu'il est ignoré, transgressé, foulé aux Pieds.

La chose est particulièrement évidente lorsque nous ne sommes pas seuls en cause et que d'autres personnes ont souffert avec nous de la faute que nous avons à pardonner. C'est un scandale pour la conscience que de voir une famille rouvrir ses portes au jeune homme qui s'est mal conduit, qui a commis une indélicatesse, qui a entraîné quelqu'un au mal, sans l'obliger à réparer ses torts ou sans se charger elle-même de cette réparation s'il est incapable de la fournir ; bien loin de se féliciter d'une réparation opérée ainsi aux dépens de la justice, la conscience s'en afflige et s'en indigne.

Et s'il en est ainsi dans les relations, moralement si imparfaites, que nous entretenons les uns avec les autres, à combien plus forte raison en sera-t-il de même dans les relations qui nous unissent à Dieu. Un Dieu qui accepterait d'ignorer le mal et de fermer les yeux sur lui ne serait plus ni le Dieu de la conscience, ni celui de l'Évangile. Le pardon qui consisterait à ne pas tenir compte du mal que nous avons commis ne serait pas le pardon du Dieu saint, dont la volonté se confond avec cet ordre moral dont nous venons de reconnaître l'inviolabilité. Il ne serait pas non plus le pardon du Dieu d'amour ; car les exigences supérieures de l'amour, aussi bien que le respect de l'ordre moral, nous obligent à tenir rigueur au coupable aussi longtemps qu'il persiste à suivre une voie mauvaise ; nous ne pourrions voir un véritable amour dans un pardon qui feindrait de ne pas voir le mal et le laisserait subsister. Il est de toute évidence à nos yeux que l'amour saint de Dieu ou sa sainteté miséricordieuse ne peut accorder qu'un pardon qui détruise le péché et qui le condamne tout en l'effaçant.

Nous arrivons à des conclusions analogues en nous plaçant au point de vue de celui qui sollicite le pardon. Sans doute, il y a manière et manière de le solliciter. L'on voit parfois des gens se savoir si bon gré de ce qu'ils ont daigné condescendre à faire des excuses que l'on ne saurait pas, à leurs yeux, leur accorder un pardon assez prompt et assez complet ; il est inutile de faire observer que pareille arrogance est précisément l'opposé du repentir et qu'un homme qui estime que le pardon lui est dû est loin de se faire une idée suffisante de la gravité de sa faute. Mais laissons de côté les cas de repentance faussée ou tronquée pour considérer les cas de repentir authentique, les sentiments qui s'éveillent chez les hommes à qui leur conscience a parlé et qui ont compris la vraie nature de leurs égarements.

Ce que l'on constate chez beaucoup de ces hommes, c'est une grosse difficulté de croire à la possibilité d'un pardon pour d'aussi grands pécheurs ; c'est aussi, chez un grand nombre d'entre eux, un intense besoin de réparer leurs torts.

Sans doute, ici aussi, il y a lieu de préciser. Il arrive en effet que ce besoin de réparer ou d'expier, comme on dit, soit encore l'indice d'un repentir insuffisant ; c'est alors ou bien que le pécheur juge sa faute d'assez peu de conséquence pour qu'il soit en mesure d'en fournir une réparation suffisante, ou bien que, figé dans son orgueil, il ne veuille rien devoir à celui dont il sollicite extérieurement le pardon et compte qu'à un moment donné il pourra déclarer lui-même : Je suis quitte et je ne dois plus rien.

Mais il arrive aussi que ce besoin de réparer soit le fruit d'un repentir sincère ; il se manifeste alors :

1) par le besoin de confesser sa faute, sans rien céler et sans rien atténuer ;
2) par la volonté d'accepter les conditions que celui dont on sollicite le pardon jugera bon de poser ;
3) par la volonté même d'accepter le pardon sans conditions, si telle est la volonté de celui qui pardonne ou si la réparation de la faute est impossible.

La seule chose que demande celui qui se repent véritablement, c'est que son offense ne soit pas traitée comme une bagatelle, comme une chose insignifiante dont il ne vaut pas la peine de parler, mais bien qu'elle soit condamnée comme elle doit l'être, dans le moment même où elle est pardonnée. Et ceci est particulièrement vrai dans nos relations avec Dieu.

Nous ne saurions concevoir que Dieu se montre plus indulgent que nous a l'égard de nos fautes et des conséquences parfois très graves qu'elles ont entraînées ; et notre conscience, surtout si elle s'est formée à l'école de l'Évangile, ne croira jamais à un pardon facile, elle ne trouvera jamais la certitude et la paix dans un pardon qui ne serait pas la condamnation du mal et n'en réclamerait pas la destruction.

Nous avons à montrer maintenant que le pardon divin répond à ces exigences de la conscience et que, sans être, comme le disait gauchement l'ancienne théologie, le résultat d'une transaction entre l'amour et la justice de Dieu, il est l'acte à la fois du Dieu d'amour et du Dieu saint.


.

L'OEUVRE RÉDEMPTRICE DE CHRIST

Le pardon que Dieu nous accorde, pour que notre conscience puisse, non seulement l'accepter, mais y croire, doit être à la fois la révélation de l'amour et celle de la sainteté de Dieu. C'est une condition qui nous est indispensable, et c'est une condition par laquelle Dieu est également lié ; si elle n'est pas réalisée, la grâce que Dieu veut nous témoigner ne peut devenir effective; Dieu ne peut renouer des relations paternelles avec l'homme que dans la mesure où sa sainteté est pleinement reconnue. C'est là l'élément de vérité que renfermait l'assertion de l'ancienne théologie selon laquelle l'oeuvre de Christ exerce son action sur Dieu lui-même. Recherchons maintenant comment cette double révélation nous a été donnée dans la vie et tout particulièrement dans la mort de Jésus. Nous y distinguons plusieurs éléments que nous appelons les leçons de la croix, non parce qu'elles s'y trouvent exclusivement, mais parce qu'elles y atteignent leur maximum d'intensité.

Première leçon de la croix.

La révélation de l'amour de Dieu nous a été donnée par Jésus tout d'abord dans son enseignement et dans ses oeuvres. Nul, avant lui, n'a parlé de la bonté paternelle de Dieu, de sa miséricorde, de sa volonté rédemptrice, comme il en a parlé. Nul non plus n'a exercé parmi les hommes, de la part de Dieu, en son nom et par sa force, un ministère de guérison, de libération, d'affranchissement comparable au sien. Il nous l'a donnée, plus encore peut-être, dans cet amour que lui-même, l'envoyé de Dieu, nous a témoigné, cet amour si pur et si tendre, que toutes les détresses émouvaient, cet amour si fort, si viril, si persévérant, que rien ne pouvait arrêter et qui est allé jusqu'au suprême sacrifice. Ce ne sont pas là précisément des choses qui se démontrent ; mais elles se sentent, elles s'imposent au lecteur des évangiles comme des certitudes directes et immédiates. Quiconque a contemplé l'image de Jésus telle qu'elle est restée gravée dans l'âme de ceux qui furent les témoins de sa vie, demeure persuadé que Jésus est l'amour fait homme, que jamais l'humanité souffrante, égarée, pécheresse, n'a été aimée d'un amour plus vrai, plus profond, plus ardent. Plus que cela, une intuition à laquelle il ne peut résister lui fait comprendre que cet amour vient de plus haut, n'est que le prolongement de l'amour de celui qui a suscité Jésus ; c'est l'amour de Dieu pour nous qui brille à nos yeux dans sa personne et dans son oeuvre. Et la croix demeure la manifestation par excellence de cet amour sans borne, parce que c'est là qu'il éclate avec le plus de force, parce que c'est dans sa mort, acceptée librement comme le couronnement nécessaire de toute son oeuvre, que nous trouvons la preuve décisive et la mesure de l'amour que Dieu nous a manifesté en lui (Rom. VIII, 31-39).

Deuxième leçon de la croix.

La révélation de la sainteté de Dieu nous a été également donnée par Jésus dans son enseignement tout pénétré du sentiment de la gravité du péché et des hautes exigences du service de Dieu. Il nous l'a donnée ensuite dans sa propre personne et dans sa propre vie, vie pure, sans tache, absolument sainte, absolument dominée par le devoir. Voulons-nous savoir ce que Dieu est et ce qu'il exige de nous, nous n'avons qu'à regarder à Christ pour qu'aussitôt sa volonté nous devienne claire et que se révèle a nous ce qu'est la vie humaine lorsqu'elle répond a sa destinée véritable. Il nous l'a donnée enfin dans ses souffrances et dans sa mort par lesquelles il nous a montre jusqu'où s'étend l'obéissance que nous devons à Dieu. S'il y a, en effet, dans l'Évangile quelque chose qui nous saisit et nous inspire un respect voisin de l'adoration, c'est la vue de Jésus marchant à la mort non point en fanatique pressé d'en finir, mais lentement, sans se laisser distraire par cette tragique perspective de l'accomplissement de son devoir quotidien, marchant à la mort pour obéir à un ordre de Dieu dont la raison peut-être lui échappait en partie, priant Dieu de lui épargner une coupe aussi amère, et disant cependant : Que ta volonté se fasse et non la mienne. La mort de Jésus nous montre jusqu'où doit aller notre obéissance, et la croix demeure pour nous le symbole de la consécration sans limite à Dieu et au devoir aussi bien qu'elle est le symbole de l'amour.

Troisième leçon de la croix.
Les deux aspects de l'oeuvre de Christ que nous venons de contempler ne l'expriment pas dans sa totalité. Le Christ, après nous avoir révélé Dieu, nous révèle à nous-mêmes et il accomplit en notre nom cet acte d'humiliation suprême qui rend possible la proclamation du pardon. Attachons-nous ici au premier de ces deux points : la révélation ou la mise en lumière du péché de l'homme. L'histoire du Christ et l'accueil qu'il a reçu parmi nous jettent, en effet, la lumière la plus crue sur l'état présent de notre race ; la présence de cet être saint qui aurait dû éveiller le respect et la vénération a déchaîné la plus formidable explosion de haine et de rage qu'on ait jamais vue ici-bas. Comme Platon l'a annoncé dans une page prophétique (1), le Saint et le juste a été méprisé par les hommes, rejeté, outragé, calomnie. Les instincts les plus vils de la nature humaine, la cupidité, la jalousie, la lâcheté, la férocité, l'hypocrisie, le mensonge se sont dressés contre lui pour l'écraser; à bon droit Jésus a pu considérer ses souffrances comme la phase suprême de sa lutte contre Satan ; et la croix, révélation de l'amour et de la sainteté de Dieu, est aussi la révélation du péché de l'homme. Il était possible de se faire illusion jusque là sur l'étendue et la profondeur du mal dont nous souffrons ; mais, par la mort de Christ, le péché s'est révélé dans tout ce qu'il a d'odieux, avec tout ce qu'il renferme d'ignorance et d'inconscience, sans doute, mais aussi avec tous les ferments de haine et de révolte contre Dieu qu'il contient.

Quatrième leçon de la croix.

Nous en venons au dernier point, Jésus acceptant la souffrance et la mort comme faisant partie intégrante de l'oeuvre de réparation et de salut qu'il est venu accomplir parmi les hommes. Loin de se prévaloir de sa sainteté pour réclamer ici-bas un traitement de faveur, il s'est entièrement solidarisé avec notre race ; il s'est incliné sans murmure, si ce n'est pas sans luttes intimes, devant la volonté de Dieu, qui a lié la souffrance au péché, qui a stigmatisé ce dernier comme un élément de désordre et de trouble et l'a marqué de sa réprobation en en faisant une source de douleurs et de peines. Jésus a donc porté notre fardeau et s'est chargé volontairement du châtiment du péché, reconnaissant ainsi pleinement le droit de Dieu de le punir et l'entière justice de la sentence qui nous frappe. Aussi comprenons-nous que ses disciples nous l'aient montré comme souffrant à notre place et qu'ils aient parlé de sa mort comme d'un sacrifice expiatoire.

Nous avons à peine besoin d'observer que, dans l'exposé de cette quatrième leçon de la croix, nous ne nous sommes nullement préoccupés de sauver arbitrairement quelques parcelles de l'enseignement traditionnel, mais simplement d'interpréter l'attitude et les paroles de Jésus. Sa participation au baptême de Jean, le fait qu'il a envisage sa mort comme une nécessite, et les indications qu'il a lui-même données a ses disciples, tout nous oblige à faire place a cet élément pénal dans l'explication que nous donnons des souffrances du Christ.

Telles sont, nous semble-t-il, les principales leçons de la croix. Nous ne disons pas que tous ceux qui la contemplent sont immédiatement capables de les formuler et d'en tirer dialectiquement une théorie de la rédemption. À proprement parler, nous n'avons pas ici de théorie, mais des faits auxquels notre jugement moral donne son assentiment en même temps que notre esprit les perçoit. Ceux qui se mettent en présence de la croix se sentent à la fois jugés et absous, condamnés et aimés ; une même intuition leur révèle la sainteté et la miséricorde de Dieu, et l'acte de foi qui en est la suite est aussi bien l'acceptation du pardon que la pleine reconnaissance des droits divins. Comme nous le demandions, le péché se trouve à la fois pardonné et détruit.(2)


Table des matières

.
(1) La République, livre Il: « Le juste, tel que je l'ai représenté, sera fouetté, mis à la torture, chargé de fers ; on lui brûlera les yeux ; à la fin, après avoir souffert tous les maux, il sera empalé » .
.
(2) Un autre morceau du Cours de Dogmatique d'Auguste Thiébaud, intitulé La divinité de Jésus, a été publié par le journal religieux (25 août et 1er septembre 1934).

 

- haut de page -