L'APPEL DU
GRAND NORD-OUEST CHINOIS
LE KANSU ET LES
PROVINCES LOINTAINES
CHAPITRE XVI
« Si cela
n'était pas. »
Il est facile
de se faire mal comprendre et de donner impression
incomplète en décrivant
brièvement les villes et les peuples qui
sont sur nos coeurs. Le lecteur qui nous à
suivis jusqu'ici ne réalise peut-être
qu'imparfaitement combien notre Kansu, à
certains points de vue, est misérable et peu
attrayant. En hiver, lorsque la neige ne le
recouvre pas, le pays revêt une teinte brune
et monotone; les collines arides, de formation
argileuse, ne produisent que de maigres
récoltes à côté de
celles des riches plaines des autres provinces. Les
maisons et les murailles sont construites en boue
de couleur brunâtre, de même que les
routes; les habitants eux-mêmes, ainsi que
leurs habits, seulement revêtir la même
teinte foncée.
Ces villageois sont si pauvres que
beaucoup d'enfants ne possèdent qu'un seul
vêtement et sont obligés de s'entasser
pêle-mêle sur leurs lits de briques,
recouverts de duvets afin de ne pas geler
complètement. À midi,
lorsque le soleil
réchauffe l'atmosphère, ils sortent
pendant une ou deux heures, presque nus, à
part, quelques baillons, les pieds nus dans la
neige alors que la température à
l'ombre ne dépasse pas
zéro.
Cependant il est juste de
reconnaître qu'ils ont
généralement assez à manger,
les pommes de terre, l'orge et le blé
étant cultivés en quantité
suffisante pour alimenter la population, sauf dans
les districts où ces cultures sont
remplacées par celle de l'opium. Nous avons
déjà parlé du manque de
politesse qui caractérise la plupart des
habitants du Kansu. Cette rudesse apparente est
souvent accompagnée d'un extérieur
farouche qu'il n'est pas toujours facile d'aborder.
Le climat est trop excitant pour leurs nerfs, les
villes étant situées à une
altitude de 5, 6 et 7.000 pieds, et l'air vif,
très stimulant, peut avoir, à la
longue, un effet déprimant sur leur moral.
À cette altitude les gens perdent le
sommeil, deviennent nerveux et irritables tables et
ainsi les difficultés de l'oeuvre
missionnaire en sont augmentées.
Les voyages nécessitent aussi
un gros effort physique.
Les routes gelées, si dures
en hiver, les nuages de poussière en
été, les ornières où la
voiture s'embourbe pendant des heures sous la
pluie, sont des incidents habituels de leur
vie.
Sans parler des cols difficiles
à franchir, on rencontre
partout des montagnes à traverser par des
sentiers misérables. Le Kansu est, en effet,
hérissé de montagnes. Quant au
confort qu'offrent les auberges, on petit
difficilement se trouver d'accord avec ce
témoignage d'un voyageur chinois qui avait
écrit au-dessus de son lit, dans une chambre
sale et obscure:
« Ici le corps repose dans un
bien-être délicieux. »
Mais ces détails
extérieurs sont de peu d'importance
comparés avec les difficultés du
travail en lui-même : frottements entre
collègues, refroidissement et reculs dans
l'Église, opposition de la part du peuple ou
froide indifférence pour
l'Évangile.
Pour ceux qui la connaissent
à fond, la province du Kansu semble
être très spécialement une de
ces contrées où Satan a son
trône, Ap. 2, 13. C'est une forteresse de
l'Islamisme, cette religion acharnée et
bigote, en certains endroits; tandis que le reste
de la population s'adonne au culte des idoles. Il
existe des districts dans lesquels la plupart des
habitants l'ont partie de sectes qui se sont
engagées à adorer leurs dieux
à des intervalles
réguliers.
L'influence du lamaïsme se fait
sentir dans, la majeure partie de la province,
c'est la plus oppressive et dégradante de
toutes les formes du bouddhisme et celle qui
s'oppose le plus directement à
l'Évangile.
Ajoutés à toutes ces
difficultés, il faut encore tenir
l'isolement, de la grande
solitude et des tentations au découragement
inhérentes à la vie missionnaire,
dans une contrée si lointaine et presque
inaccessible. Ce n'est pas sans raison qu'un ancien
missionnaire, après plusieurs années
de labeur mi Kansu, disait : « Si Christ ne
nous avait pas tenu Lui-même, plusieurs de
nous seraient partis depuis longtemps, mais Christ,
nous tient ferme et Cela explique tout, » (2
Tim. 1. 8-12). Un trait encourageant pour
l'ensemble de l'oeuvre est l'esprit de parfaite
unité qui existe entre les trois
sociétés missionnaires qui occupent
ce champ de bataille. Pendant plusieurs la C.I.M.
fut l'unique mission existant dans cette province,
aussi l'arrivée de l'Alliance Missionnaire
Américaine fut un heureux
événement pour nous tous; un de ses
pionniers, M. W. Christié, est maintenant,
le Surintendant d'un district Le champ qu'offre
cette province a été partagé
entre les différentes sociétés
qui y travaillent ; une importante section de l'Est
est dirigée par l'Alliance Scandinave,
à la nôtre.
Nous voudrions en terminant attirer
l'attention de nos lecteurs sur la partie de la
contrée la plus populeuse à l'est, de
la capitale, avec ses cinquante principales qui
représentent mitant de comtés
différents. Quarante de
ces villes n'ont point de missionnaire, quatorze
sont situées dans le champ de travail de
l'Alliance Scandinave, dix-huit à l'est et
au sud et huit au nord du pays, près du
Fleuve Jaune. Éloigné de la Grande
Route, ce coin de province au Nord-Est est
particulièrement isolé, et difficile
à atteindre; le commerce fluvial y est peu
important, sauf quand de grands radeaux
chargés de bois descendent de la
frontière thibétaine et que des
passagers peuvent louer les cabines en troncs qui
forment comme une petite rue dans le milieu du
radeau, acceptant de partager la nourriture que le
capitaine petit leur fournir.
Mais les radeaux ne remontent pas le
fleuve et leurs chargements se débitent
lorsqu'ils atteignent le riche marché de
Pao-tow-chen où s'établit
actuellement une ligne ferrée qui ira
jusqu'à Pékin. Jusqu'à
présent les missionnaires de Ningsia
étaient à treize journées de
distance des étrangers les plus
rapprochés par la route conduisant à
Langchow, cette ville étant l'une des
stations les plus reculées de notre mission.
Mais, sous peu, si le projet de prolonger la voie
ferrée dans le Kansu se réalise,
Ningsia se trouvera à deux journées
de distance de Pékin et deviendra une des
cités les plus accessibles de la province.
De grands changements suivront cette innovation, et
M.M. et Mmes Fiddler et Nyström, après
être restés si seuls, à leur
poste isolé, peuvent
s'attendre à recevoir de nombreux
visiteurs.
En attendant ce moment, ils ont le
privilège d'être les seuls
témoins de Christ dans cette ville de
Ningsia dont la muraille de sept à huit
milles de circonférence témoigne
encore de son ancienne grandeur. Le travail y a
toujours été difficile, en bonne
partie à cause de son terrible passé
qui a laissé son empreinte sur le
caractère du peuple, car lors de la grande
rébellion mahométane (1863-1876),
Ningsia fut le théâtre des pires
atrocités.
Elle fut d'abord capturée par
les Musulmans après de terribles massacres,
puis reprise après un long siège par
les troupes impériales qui passèrent
au fil de l'épée toute la population
musulmane. Personne n'échappa et dans cette
région, occupée autrefois presque
exclusivement par des mahométans, il
n'existe plus que quelques petites
communautés récemment
arrivées. La cité avait
été laissée en ruines, et les
conséquences commerciales de ce
désastre, aussi bien que la réaction
sociale et morale qui s'ensuivit mettront du temps
à s'effacer.
Par contre les plaines fertiles et
bien irriguées des bords du Fleuve Jaune
offrent un champ d'évangélisation qui
donne les plus belles espérances. Bien que
nous n'ayons pu visiter nous-mêmes ces
endroits, nous en avons entendu
parler par M. Marc Botham qui avait profité
d'une tournée à Ningsia pour
évangéliser tout le long du chemin.
À quatre jours au nord de Ningsia et trois
jours au sud s'étend une plaine très
fertile. À l'est du fleuve, les montagnes
sont si éloignées qu'on ne les
aperçoit plus et le terrain est, si
excellent qu'on n'y trouve presque point de
pierres.
La contrée est très
peuplée et pendant de longs
kilomètres, M. Botham a passé
à côté de nombreuses fermes
prospères qui sont une preuve de la bonne
irrigation que leur fournit le fleuve. Les
habitants de ces régions sont
particulièrement accessibles par le fait de
leur habitude d'aller tous les trois jours de
marchés en marchés. Ces sortes de
foires ont lieu les 3, 6, 9, 12, etc., de chaque
mois et les fermiers les fréquentent
régulièrement pour acheter et
vendre.
Le missionnaire qui, avec des
Évangiles et des brochures, pourrait faire
de même, y rencontrerait une bonne partie de
la population.
C'est donc un splendide champ
d'évangélisation pour le travail en
plein air, et M. Botham a trouvé de vraies
foules prêtes à l'écouter. Il
avait avec lui des gravures coloriées
représentant des scènes de
l'Écriture: le Bon Berger, le Fils prodigue,
etc., et les utilisa de manière à
susciter un vif intérêt.
Le message était donné
sur la place, heure après
heure, du matin jusqu'au soir.
Le peuple oubliait qu'il ne pouvait comprendre le
dialecte de l'étranger, et se montrait
intensément intéressé, et
sympathique. Plusieurs de ces marchés sont
plus grands que les villes du district et toits
sont largement ouverts aux messagers qui
apporteront la Bonne Nouvelle. « Allez par
tout le monde et prêchez l'Évangile
à toute créature. » Ces paroles
ne sont-elles pas applicables à ces
païens ? Les mahométans n'ont pas perdu
de temps pour y introduire les doctrines de leur
prophète. Dans le district de Ningsia, M.
Botham a trouvé des copies du Coran, en
arabe, bien reliées en étoffe rouge,
qui avaient été apportées par
des colporteurs venus des Indes. Imprimés
par les soins du « Mahometan Forward Movement
», ces livres avaient été
expédiés à travers toute
l'Asie Centrale, par la « Grande Route »
et le Fleuve Jaune, péniblement
transportés à travers les
déserts et les montagnes pendant des
milliers de kilomètres et répandus
dans ces plantes par des Hindous qui pouvaient
à peine s'exprimer en chinois. L'un d'eux
mourut, solitaire, ici, près du Fleuve
Jaune. Et nous qui connaissons le Christ vivant,
qui sommes liés à Lui de la
manière la plus profonde, ne pouvons-nous
pas apporter du renfort au seul homme, M. Fiddler,
qui cherche à atteindre depuis Ningsia les
multitudes périssant dans ces plaines
immenses, et qui trouve que la
tâche dépasse ses
forces? Il accomplit fidèlement ce travail
dans la ville et tout autour avec l'aide de femme
et de heu Nyström. Ils ont ouvert
récemment dans une grande ville une salle de
culte qui se remplit d'un auditoire attentif. Mais
une telle oeuvre pourrait être
multipliée à l'infini s'il se
trouvait davantage de prières pour la
soutenir et des ouvriers pour l'accomplir. Le
même cas se présente dans la
région desservie par l'Alliance scandinave,
au sud, où la population est plutôt
mahométane.
On se souvient que c'est dans cette
contrée que le tremblement de terre a fait
le plus de ravages, laissant derrière lui
sur une large superficie la mort et les
ruines.
Depuis la ville de Kuyüan ou
envoya vingt-quatre chariots de gens
grièvement blessés à M.
Törnvall, à Pimgliang, station centrale
de scandinave, où un bel hôpital
attend encore un docteur attitré. M.
Törnvall, missionnaire doyen du district jouit
d'une grande réputation comme médecin
et chirurgien. Sa clientèle a tellement,
augmenté qu'il a dû ajouter peu
à peu salle après salle à
l'hôpital et maintenant cet édifice
est presque aussi complet que la belle
église récemment sur le même
terrain. Mais M. Törnvall n'est pas un docteur
de profession et il est difficile pour un seul
homme, quelles que soient ses capacités,
de cumuler le travail
d'évangéliste avec celui de
médecin. Avec l'aide de son fils, il fait
une oeuvre très étendue, mais un
docteur qualifié serait absolument
nécessaire et trouverait à Pingliang
un centre merveilleusement situé pour
atteindre plusieurs villes qui n'ont point de
missionnaires.
Deux nouvelles stations ont
été ouvertes depuis le tremblement de
terre par les collègues de M. Törnvall.
Ce sont les villes de Kuyüang et de
Tsingningchow, dans lesquelles la détresse
et les cas mortels furent plus nombreux encore que
dans les autres endroits de la province. C'est
près de la première de ces villes que
le Chef de la secte mahométane
mentionnée plus haut, Ma-Sheng-ren, fut
tué avec des milliers de ses
adeptes.
M. et Mme Swenson et leurs enfants
vivent maintenant au milieu des ruines de
Kuyüang et rencontrent beaucoup de coeurs
prêts à recevoir la bonne nouvelle de
l'Évangile.
Le même fait se remarque
à Tsingningchow où travaillent Miss
Wedieson et Miss Skollenberg.
Le mandarin qui s'était
conduit si héroïquement pendant le
tremblement de terre a été promu
à un poste supérieur dans une autre
partie de la province, mais toutes les classes de
la population témoignent une grande
bienveillance envers les dames
missionnaires et une nouvelle église se
forme actuellement dans un milieu largement
musulman. Ne prierons-nous pas afin que ces adeptes
de l'Islam qui, pendant leur détresse, n'ont
trouvé aide et, secours que de la part des
missionnaires chrétiens, trouvent aussi le
Sauveur et Son message de salut? Au sud du district
de l'Alliance scandinave, nous arrivons à un
coin de la province dans lequel le travail
missionnaire a commencé en premier. La
principale ville en fut occupée longtemps
avant que nous ayons eu l'idée de parcourir
le Kansu par la « Grande Route ». Des
missionnaires pionniers arrivèrent à
Hangchungfu après onze jours de voyage sur
des bêtes de charge ou des chaises à
porteurs, traversant des chaînes de montagnes
magnifiques boisées. C'est cette route due
Miss Wilson, de Kendal, parcourut en accompagnant
Mme George Parker à la ville de Tsinchow
où ces deux dames eurent le
privilège, malgré les
difficultés et la solitude, d'être les
premières ouvrières parmi les femmes
du Kansu.
Quarante ans se sont
écoulés depuis ce moment et le champ
ensemencé avec tant de patience et de peine
a rapporté une abondante moisson. L'oeuvre
s'est étendue de tous côtés et
des chrétiens existent maintenant dans plus
de trente centres. Nous avons en le
privilège de passer quelques semaines avec
M. et Mme Rist et leurs aides et
de rencontrer là un bon nombre de
chrétiens consacrés et de «
leaders » chinois. Un matin, nous descendions
déjeuner à la maison des dames
lorsqu'un homme d'âge mûr arrêta
Miss Garland dans la cour; il tenait une liste de
noms à la main. « C'est notre
colporteur, dit-elle, je ne peux pas le faire
attendre. Il vient probablement demander des
secours pour des gens ruinés par le
tremblement de terre. » Bientôt elle
nous rejoignit, l'air surpris et heureux et nous
raconta que cet homme était avant sa
conversion un nécromancien d'un mauvais
caractère. Maintenant il est un
chrétien fervent et sincère, rempli
d'ardeur pour le salut des âmes.
« Que pensez-vous que contenait
cette liste? » Ce n'était pas une
énumération de gens à
secourir, mais les noms de personnes pour
lesquelles il réclamait nos
prières.
Il arrivait du district de Tsinan,
très réjoui d'avoir rencontré
des gens qui paraissaient croire à
l'Évangile. « Priez pour eux, un par un
», me disait-il en me donnant des
détails sur chacun d'eux, car ils
désirent sincèrement suivre le
Seigneur. »
Ceci nous amena à parler de
cette importante ville qui est très
contraire aux étrangers. Des années
auparavant Miss Kinahan avait fait un courageux
essai pour y pénétrer. En
dépit de la foule et du manque de
confort, elle resta trois
semaines dans une petite auberge, mais
bientôt elle s'aperçut qu'elle ne
pouvait y faire que très peu de
chose.
Une loi verbale de cet endroit
semble défendre aux femmes de circuler dans
les rues principales.
Celle loi considère que leur
présence y est néfaste. non pas
tellement pour leur moralité, que pour le
trafic des affaires où les
commerçants ne les admettent pas. À
cause de cela, les femmes ne pouvaient pas venir
à l'auberge et Miss Kinahan ne fut qu'une
seule, fois à pénétrer dans
nue maison privée; mais ses prières
ne furent pas vaines. Le temps arriva où le
« Loup blanc » et ses brigands prirent
possession de la cité. Au milieu des
scènes de carnage, une femme riche essayait
de protéger son unique fils. Il fut
tué dans ses bras et le projectile qui le
tua blessa sérieusement la
mère.
Le coeur brisé et souffrant
beaucoup de sa blessure, elle se traîna
l'espace d'une journée jusqu'à
Tsinchow, ayant entendu dire que les missionnaires
s'occupaient des blessés. Accueillie dans la
Maison missionnaire, elle s'y trouva si bien
qu'elle y demeura trois mois et y reçut en
même temps la guérison de son corps et
de soli âme.
Lorsqu'elle retourna à
Tsinan, elle pria Mme Rist et Miss Garland de
l'accompagner et de demeurer chez
elle, invitation qui fut
promptement acceptée. Les trois semaines que
ces dames y passèrent furent bien
différentes de la première visite de
Miss Kinahan.
Elles se trouvèrent
logées dans une maison agréable,
située dans une rue où les femmes
pouvaient circuler librement.
Du matin au soir leur chambre
était pleine de femmes dont beaucoup
prolongeaient les entretiens jusqu'après la
tombée de la nuit afin de les écouter
plus tranquillement.
Mme Liu recevait très bien
ses hôtes, mais celles-ci n'avaient presque
pas le temps de faire honneur à ses tant
était grand le nombre des visiteuses avides
d'entendre l'Évangile. Ces femmes ne
perdaient pas leur temps en questions oiseuses,
tout leur désir était d'en tendre la
merveilleuse histoire de l'Amour Rédempteur,
dont elles avaient faim et soif. Beaucoup d'entre
elles étaient devenues
végétariennes afin d'en obtenir un
certain mérite, mais rien dans cette
pratique ne parvenait à satisfaire leur
coeur craintif et affamé. Elles
écoutaient donc avec joie la Bonne Nouvelle,
non de leurs mérites mais de ceux d'un
Autre, cette justification que l'on ne peut
acquérir par de l'or, mais seulement par la
foi. Toujours à nouveau les auditrices
revenaient vers les deux dames, qui trouvaient
ainsi des occasions remarquables de les
évangéliser.
Pendant ce temps, le travail avait
aussi commencé parmi les hommes. Le docteur
Tsao, diacre de l'église de Tsinchow,
envoya, pour ouvrir une petite pharmacie, un
chrétien qui était en même
temps un bon évangéliste. Sa
personnalité très attrayante le
rendait sympathique à chacun. La pharmacie
devenait presque une petite chapelle et le jeune
homme, grand et courtois, qui prêchait Christ
derrière son comptoir, produisait une forte
impression sur le peuple. Des gens désireux
de s'instruire commencèrent à se
rassembler et des cultes du dimanche qui
promettaient beaucoup pour l'avenir eurent lieu.
Malheureusement le jeune prédicateur
était atteint de la tuberculose, cette
maladie qui fait tant de ravages en Chine, et trois
ans plus tard il y succombait à son
tour.
M. Rist envoya, pour le remplacer,
un évangéliste qui fit du bon
travail; deux chambres furent louées dans un
faubourg très fréquenté de la
ville et plusieurs des convertis furent
baptisés.
Parmi ces derniers se trouvait un
homme dont le toit de la maison s'était
écroulé pendant le tremblement de
terre, l'ensevelissant avec huit autres personnes
sans les blesser; cet homme était devenu
depuis lors une vraie lumière pour son
village, situé à dix milles de la
ville. Mais l'évangéliste
appelé par un travail plus urgent dut
abandonner son oeuvre et laisser le petit
troupeau sans berger. Cependant
le Seigneur travaille dans le district, on y
rencontre encore ici ou là des croyants
convaincus qui ont entendu l'Évangile chez
Mme Liu ou dans la pharmacie du jeune tuberculeux.
Mme Liu est maintenant auprès du Seigneur,
et n'ayant plus sa maison pour s'y réunir,
la situation est devenue plus difficile pour les
femmes.
Lors d'une récente visite,
Miss Garland étant un peu
découragée par cet état de
choses, rencontra la soeur de mine Liu qui l'emmena
chez elle. Cette femme ainsi que son mari
étaient de fervents
végétariens, mais avec l'un de leurs
fils et leurs quatre belles-filles, ils
écoutèrent attentivement la Bonne
Nouvelle. Le vieux couple fut si
intéressé qu'ils vinrent à. la
chapelle et suivirent les cultes du dimanche. Un
jour, la missionnaire passait devant leur porte,
ils l'arrêtèrent eu lui disant :
« Entrez chez nous, même si ce
n'était que pour quelques minutes et
apprenez-nous à prier ». Ce fut un
grand progrès lorsque, pendant cette visite
de Miss Garland, les femmes commencèrent
à fréquenter les services du
dimanche. Très timides au début, il
leur fallait un vrai courage pour traverser les
rues principales où les marchands les
injuriaient au passage. Pendant deux semaines, la
salle fut remplie de visiteurs attentifs qui
s'entassaient sur le « Kang » pendant les
réunions. Et combien tous
appréciaient les cantiques et le message !
Ce district au nord de Tsinchow semble prêt
pour la moisson. Mais, comme pour tant d'autres
endroits, ce n'est que rarement que les
missionnaires peuvent entreprendre ce long voyage
au travers des montagnes.
Ce serait un admirable centre de
travail pour deux dames qui pourraient vivre parmi
le peuple et continuer l'oeuvre que l'Esprit de
Dieu accomplit d'une manière, si visible
dans beaucoup de coeurs.
Il existe encore d'autres villes,
à moins de cinquante milles de Tsinchow,
où le besoin d'ouvriers se fait
également sentir. Dix chapelles ont
été ouvertes dans des centres
disséminés, quelques-unes de
celles-ci comptent une soixantaine de membres
baptisés qui font partie de l'église,
d'autres n'en possèdent que quelques-uns,
mais le nombre de ceux qui désirent
s'instruire augmente sans cesse. Prenez, par
exemple, la ville du « Monastère de la
Fontaine douce », y compris les soixante-dix
villages qui y envoient leurs produits. Il n'y a
que peu d'années qu'aucun chrétien
n'existait dans le voisinage, et maintenant dans
les petits hameaux disséminés sur les
collines, on rencontre plusieurs groupes de
chrétiens. Un village entier semble se
tourner vers le Seigneur, et dans la ville
même se trouvent déjà
vingt-deux membres de l'église.
Les locaux utilisés pour les
cultes ont été acquis en grande
partie de leurs propres deniers; en plus de la
chapelle, il y a des chambres pour les visiteurs.
Quand Miss Garland alla pour la première
fois à cet endroit, à une
journée de voyage à l'est de
Tsinchow, elle ne connaissait personne dans cette
localité. Elle et la lectrice de la Bible
qui l'accompagnait logèrent à
l'auberge, et ce fut avec stupéfaction
qu'elle lut au-dessus de la porte de leur chambre
ces mots écrits en gros caractères
:
« Salutations de H.-W. Hunt.
» Ce missionnaire ayant passé par
là plusieurs années
auparavant.
Un jour que la lectrice de la Bible
était sortie, la pluie se mit à
tomber et l'empêcha de rentrer à
l'auberge pour la nuit; Miss Garland se demandait
si elle allait passer la nuit seule, lorsqu'une
vieille dame, venue pour la visiter, lui dit
gentiment : « Vous serez bien isolée
dans cette sombre chambre, je vais rester avec vous
jusqu'au matin ». Les choses étaient
ainsi arrangées, les deux femmes s'assirent
sur le « Kang », mais bientôt la
visiteuse commença à s'agiter. «
Je dois retourner à la maison, disait-elle,
je dois y retourner. » Miss Garland qui en
devinait la raison lui répondit
tranquillement : « Il n'est pas
nécessaire de retourner à la maison,
vous pouvez prier le Seigneur Jésus ici, et
Il vous délivrera de votre passion pour
l'opium ». « Le
fera-t-Il
réellement?» « - Oui, si vous
croyez en Lui et si vous le Lui demandez ».
Elles prièrent ensemble et dormirent
paisiblement jusqu'au matin. La vieille dame en
était tout étonnée. «
Votre Dieu est certainement puissant,
s'exclama-t-elle, je crois en Lui et veux devenir
Sa servante. » Depuis ce moment elle se mit
à étudier l'Évangile et
renonça aux voeux de
végétarienne qu'elle avait
observés depuis plusieurs années.
Elle abandonna l'opium sans même avoir besoin
d'un grand secours médical.
Elle devint avec le temps non
seulement une amie fidèle, mais une aide
précieuse pour les missionnaires. Cette
femme appartenait à la classe aisée
et possédait un grand domaine avec de belles
forêts, plusieurs maisons et une auberge
située à douze milles au Sud du
« Monastère de la Fontaine douce
». Bien ne pouvait satisfaire cette femme, qui
désirait ardemment que des missionnaires
vinssent s'établir dans ses montagnes, pour
rayonner depuis là dans les vallées
environnantes et lui aider à y
répandre la Bonne Nouvelle de
l'Évangile. Miss Garland et sa compagne
exécutèrent ce projet dans la belle
saison et trouvèrent là, à
leur grande surprise, un vrai petit paradis, oui,
même au Kansu.
Au haut de ces collines, elles
trouvèrent de belles forêts
arrosées par des ruisseaux nombreux. Des
torrents limpides y coulaient, ombragés de
capillaires et de
fougères. Des lis sauvages y
étalaient leur beauté merveilleuse et
exhalaient un parfum exquis, tandis que des
fraises, des cerises et des framboises y
croissaient en abondance.
Des loups et des léopards
habitaient la contrée, mais ils ne se
montrèrent pas.
Par contre, elles
rencontrèrent plusieurs beaux serpents qui
chassaient probablement les faisans sauvages, ils
étaient merveilleusement beaux, mais ce fut
fort inconfortable pour ces dames d'en
découvrir toute une famille installée
sous le plancher de leur chambre à coucher
et de constater qu'on ne devait en parler qu'avec
respect, de crainte de les offenser. Ces serpents
sont venimeux, mais s'attaquent rarement à
l'homme, les indigènes ne les tuent jamais.
Dans cet endroit magnifique, ce t'ut une grande
joie pour nos missionnaires de trouver tant
d'auditeurs attentifs. Leur temps de repos fut
ainsi très occupé, car la vieille Mme
Ch'ao, leur amenait toujours de nouvelles personnes
désireuses de leur parler ou d'assister aux
réunions.
Depuis cette visite, il existe
maintenant des croyants baptisés dans
plusieurs de ces villages rapprochés de la
« Fontaine douce » et le nombre des
visiteurs intéressés augmente
toujours. Beaucoup d'entre eux ont
été amenés au Seigneur en
voyant plusieurs des leurs délivrés
des mauvais esprits en réponse à la
prière.
Les cas de possessions sont
malheureusement fréquents dans ces
montagnes. Une des premières personnes
délivrées fut Mme Chang, de Tao-huei,
possédée depuis plusieurs
années, et dont l'esprit démoniaque
avait longtemps terrorisé sa famille. Ces
gens croyaient qu'en s'opposant à cet esprit
malin, de grandes calamités fondraient sur
eux, tels que le feu, la maladie ou la
mort.
Cette femme avait une fille
mariée qui vivait à la Fontaine douce
» et avait été attirée au
Seigneur ainsi que son mari. « Si ma
mère pouvait seulement entendre parler du
Seigneur Jésus, elle serait
délivrée de la puissance du
démon », répétait-elle
sans cesse. À la fin, son mari partit
à travers la montagne pour raconter à
ses beaux-parents tout ce qu'il connaissait de
l'Évangile. Ces gens n'avaient jamais
entendu parler de ces choses et acceptèrent
joyeusement tout espoir de délivrance. Le
père Chang consentit même à la
destruction de ses idoles; puis, cet acte accompli,
ils s'agenouillèrent pour se donner au seul
Dieu vivant. Ils prièrent avec
simplicité, demandant que le mauvais esprit
quittât leur maison et ne les troublât
plus. Ce fut un véritable cri, un cri
jeté au Nom de Celui dont le Nom est
au-dessus de tous les noms, et la réponse
fut celle qu'ils désiraient.
Depuis ce moment, Mme Chang fut
délivrée et put
dormir en paix et vaquer
à son travail tranquillement.
Au commencement son intelligence
était peu développée; mais
lorsqu'elle apprit à connaître le
Seigneur, sa détresse, ses craintes, les
suggestions de l'ennemi et ses accès de
fureur disparurent. Bientôt sa mémoire
se développa et toute sa personne fut
transformée.
Pendant un certain temps
l'état spirituel de soit mari la troubla.
« Je sais qu'il croit, disait-elle, mais il ne
veut pas prier. » Actuellement cet homme
progresse aussi et tous deux sont des membres
baptisés de l'église.
La première fois que Miss
Garland se rendit à leur demeure elle fit
une expérience inattendue. Elle trouva cette
habitation très bien située parmi les
collines, et fut accueillie à bras ouverts;
on avait employé toute la journée
à préparer la nourriture du repas qui
fut un véritable festin, puis ensuite les
femmes réclamèrent une
réunion. Le local employé
était la plus grande de leurs chambres, la
bougie apportée par les visiteuses,
posée dans un coin de, la chambre y formait
un cercle de lumière, tandis que le reste de
la pièce était dans
l'obscurité. Bientôt le « Kang
» fut couvert de femmes qui, penchées
en avant, écoutaient avec ardeur. Miss
Garland savait que quelques hommes étaient
probablement groupés vers la porte, mais
elle les oublia tandis qu'elle
parlait longuement au milieu d'un grand
silence.
Elle avait rarement obtenu une telle
attention, aussi l'Histoire merveilleuse put se
dérouler dans toute Sa plénitude. Ce
ne fut que tard dans la soirée, alors que
quelqu'un changea la lumière de place,
qu'elle s'aperçut de la présence des
hommes. Voyant sa surprise, ils
s'approchèrent pour la saluer et la
remercier, lui demandant de venir visiter leurs
demeures. Plusieurs réclamèrent son
aide pour des cas de possessions, et quelques-uns
des récits qui lui furent faits, lui
inspirèrent une grande pitié. Le
lendemain, on l'emmena de maison en maison et elle
fut encouragée en constatant
déjà quelques guérisons en
réponse à la prière des
chrétiens.
Dans une vaste pièce pleine
de monde, elle eut encore l'occasion de parler de
Celui qui est venu pour détruire les oeuvres
du diable. « Fais une prière pour nous
», lui disaient les gens. Elle alla ainsi de
maison en maison, priant avec eux et leur apprenant
à prier. C'est ainsi que l'oeuvre se
poursuit encore. Le dimanche, les chrétiens
se rendent au culte du « Monastère de
la Fontaine douce » et apprennent ce qu'ils
peuvent, mais les visites des missionnaires sont
pour eux des temps de rafraîchissements
spéciaux. Et hélas! ces visites sont
si rares!
Beaucoup de choses pourraient
être racontées sur d'autres
localités et sur les difficultés
rencontrées par les missionnaires ayant la
charge du district. M. et Mme Rist, actuellement en
congé après des années d'un
service dévoué, sont remplacés
par M. et Mme Whitelaw qui, étant des
nouveaux venus dans cette province, ont un besoin
tout particulier de nos prières. Arrivant
d'un district populeux du sud de la Chine dont le
climat ne convenait pas à M. Whitelaw, ils
sont venus ici se charger du fardeau, car c'est un
fardeau, bien que les missionnaires aiment leur
travail.
Pensez non seulement à
l'église centrale avec ses écoles et
ses annexes, mais encore à la population
païenne de Tsinchow elle-même, qui est
plus semblable à cinq villes réunies
qu'à une seule, et au sud-est de la province
qui s'étend au loin et qui n'est pas
évangélisé.
Quinze grandes villes ne
possèdent encore aucun missionnaire et sont
cependant chacune la capitale d'un
district.
Pénétrons par la
pensée dans une de ces villes, dans la
région populeuse du sud de Tsinchow. Sur les
collines qui l'entourent, sont situés
plusieurs temples fameux, ce lieu est
renommé comme centre du culte des
démons.
Le spiritisme maintient le peuple
sous la crainte, les
associations occultes sont
devenues si nombreuses qu'elles furent
récemment supprimées par le
gouvernement à cause des ravages qu'elles
font parmi toutes les classes de la
société. C'est dans la ville de Siho
que les hommes aussi bien que les femmes se liguent
entre eux pour le culte des idoles; dans l'une de
ces organisations, quinze mille femmes se sont
solennellement engagées à se rendre
deux fois par mois dans un certain temple sur les
collines pour y brûler de l'encens.
Représentez-vous cette scène
d'après la description de Miss Garland : des
centaines de femmes s'agenouillent à la fois
dans le temple ou au dehors, devant la grande idole
incrustée d'or, chacune d'elles portant un
long bâton d'encens qu'elles
élèvent avec respect vers leurs
fronts.
Elles restent silencieuses dans
cette posture, tandis que lentement, très
lentement, l'encens se consume et que des
prières sont chantées devant l'idole
inconsciente.
Dans cette même ville, un
chrétien est mort récemment avec ces
paroles sur les lèvres : « Je
goûte le parfum de l'Amour parfait de Christ.
»
Quel grand nombre de Chinois
pourraient encore goûter les bienfaits de ce
grand Amour si des missionnaires au coeur aimant
venaient vivre au milieu d'eux !
.
CHAPITRE XVII
Vers
l'Aurore.
Nous sommes en marche vers l'aurore. Le jour
commence à poindre sur ces régions
éloignées. L'appel de cette grande
région du Nord-Ouest, tel que nous le
comprenons, se présente à nous sous
deux formes : ce n'est pas seulement l'appel de ces
contrées en lui-même, mais aussi le
fait que Dieu travaille comme jamais auparavant
à répondre à cet appel :
« Quand tu entendras un bruit de pas dans les
cimes des mûriers, alors hâte-toi, car
c'est l'Éternel qui marche devant toi »
(12 Sam. 5 : 24), avait dit l'Éternel a
David. Ce « son » venant d'en haut est
actuellement une preuve indiscutable de la marche
de Dieu à travers le Kansu. Depuis que ce
livre a été écrit, juste avant
notre départ de cette province, des
transformations se sont accomplies qui ont
remarquablement confirmé cette
impression.
Si ce livre avait été
publié à ce moment, son message
aurait certainement perdu de sa valeur, tandis
que maintenant, ayant
été retardé par notre
expérience parmi les brigands de Yunnan et
la publication de ces faits, ce livre parait au
moment précis où, en réponse
aux prières, l'évangélisation
du Nord-Ouest lointain a fait un pas décisif
en avant.
Était-ce au Caire, dix ans
auparavant, que ce changement avait commencé
à se produire? Quelque chose de
mystérieux se passait là, à ce
moment, concernant le Kansu et les Musulmans du
nord-ouest de la Chine.
Plein de vie et d'espoir, William
Borden, de Chicago, ayant terminé son
éducation à Yale et pris ses grades
au séminaire de Princeton, s'était
mis en route pour sa carrière de
missionnaire. En bonne santé, plein
d'ardeur, riche en dons et en instruction, il
possédait une fortune consacrée
également au Sauveur qu'il aimait. Il est
rare qu'un jeune homme entre dans la vie avec de
telles promesses d'avenir. Borden était
missionnaire dans l'âme, fondateur de la Yale
Hope Mission, et pêcheur d'hommes
qualifié.
Sitôt qu'il eut
été accepté à la C. I.
M., sa vie fut consacrée aux Musulmans du
Kansu, lorsque tout à coup, au milieu de ses
études d'arabe au Caire, l'appel divin se
fit entendre à lui : « Mon ami, monte
plus haut ». Borden était
prêt.
Durant sa courte existence de
vingt-cinq ans, il avait accompli davantage que
plusieurs d'entre nous ne le font
souvent dans toute une longue
vie. Par dessus toute autre chose, il avait appris
à connaître le divin Maître et
Ami qu'il aimait d'un coeur non partagé et
qu'il servait avec une loyauté à
toute épreuve.
Pour lui tout fut joie, bien qu'il
eût à traverser les eaux profondes de
la souffrance et que tous ses plans d'avenir durent
être abandonnés. La nouvelle de sa
mort prématurée fut une douloureuse
surprise pour bien des coeurs, car il était
connu et apprécié de beaucoup.
Comment un pareil événement
était-il possible? Que signifiait ce brusque
arrêt d'une vie si utile et qui
s'était offerte spontanément pour les
besoins de cette oeuvre si délaissée?
Délaissée par les hommes,
peut-être, mais non par Dieu.
Lorsque W. Borden mourait au Caire,
ne tombait-il pas comme le grain de blé qui
meurt pour porter encore plus de fruit ? «
Celui qui aime sa vie la perdra et celui qui hait
sa vie dans ce monde la conservera pour la vie
éternelle. Si quelqu'un Me sert, qu'il Me
suive et là où Je serai, là
aussi sera Mon serviteur et Mon Père
l'honorera. » (Jean 12, v. 24-26.)
Non, il n'y eut point d'erreur,
point d'insuccès de la part de Dieu, pas
même de perte pour le Kansu, bien que ce
tombeau au Caire sembla indiquer que le travail
terrestre de Borden était
définitivement achevé.
Ceci se passait en avril 1913.
Quelle somme de travail aurait
accompli le jeune missionnaire pendant ces dix ans
s'il était allé en Chine?
Il aurait appris le chinois et
l'arabe, aurait entrevu son futur champ
d'activité, pris contact avec le peuple,
surtout avec les Musulmans et aurait
commencé à étudier le
problème que ce peuple apporte avec
lui.
Il aurait ainsi été
prêt pour de plus grandes
responsabilités.
Mais que s'est-il accompli
là-bas pendant ces dix années en
dehors de toute prévision humaine ? Les
choses se sont développées lentement
et les changements importants survenus nous
révèlent qu'une puissance
transformatrice est à l'oeuvre. Cela se
remarque sur toute la ligne, soit par la
construction de la voie ferrée se dirigeant
par Ningsia vers les nouvelles stations de la
frontière thibétaine, soit par la
« Porte occidentale de la Chine » qui
fait désormais partie d'un nouveau district
missionnaire, jusqu'à l'attitude des
mahométans rendus plus accessibles par le
tremblement de terre, tout nous redit la même
vérité qu'une puissance
transformatrice est à l'oeuvre. Le fait le
plus encourageant de ces progrès est
peut-être l'effort accompli par les
évangélistes chinois. C'est une
innovation pour le Kansu de recevoir
l'Évangile par le moyen de chrétiens
indigènes non salariés, non
envoyés, et ne dépendant que de
l'Esprit de Dieu. Le docteur Kao
fut le premier de ces pionniers et c'est une joie
profonde pour nous de constater combien son oeuvre
à Kanchow grandit et
s'approfondit.
En août 1921, les premiers
baptêmes eurent lieu et u ne petite
église se forma, comprenant dix-sept membres
dont deux femmes. Maintenant ils sont plus de
quatre-vingts auditeurs réguliers et c'est
tout ce que le docteur Kao peut faire que de
s'occuper de ce troupeau, tout en se
réservant le temps nécessaire pour la
prière sans laquelle il ne peut pas exister
de puissance spirituelle.
Il écrit dans une de ses
dernières lettres qu'il se relève la
nuit pour prier et que son ardent désir est
que Dieu fasse toujours plus de lui un homme de
prière. En attendant la lumière
continue à se propager et des
chrétiens travaillent maintenant dans treize
localités autour de Kanchow.
Un autre fait très
différent, mais tout aussi
caractéristique, est celui de l'ouverture,
à main armée, des portes du Thibet si
longtemps fermées du côté du
Kansu, car bien que ce fait soit encore peu connu,
le Thibet est enfin ouvert. Le gouverneur Musulman
Ma-Chi avec ses troupes bien dressées a
facilement pu venir à bout des tribus Golok,
braves, mais misérablement armées.
qui, lorsque nous étions à Sining
étaient encore indépendantes de
l'Empire chinois. Pendant l'hiver 1921-1922 Ma-Chi
envoya une expédition armée
de fusils à tir rapide
contre ces farouches tribus, gouvernées
encore par leurs rois et même parfois par une
reine et se rendit maître de leur
résistance désespérée.
Ces tribus sont désormais assujetties au
redouté gouverneur de Sining qui a ouvert
leur pays aux Chinois, aux voyageurs,
commerçants et marchands et même aux
missionnaires.
Ce gouverneur a établi des
bureaux de poste dans ce pays des Goloks, il fait
construire actuellement trois villes chinoises sur
territoire thibétain.
À seize journées de
voyage de Sining, la contrée est donc
ouverte, attendant que nous soyons prêts
à y entrer.
Cependant, dans ce domaine
également, un grand pas en avant a
été accompli. Depuis des
années, les missionnaires
dévoués de l'Alliance
Chrétienne ont cherché à
obtenir un pied-à-terre parmi les peuplades
thibétaines de cette frontière. Vingt
à trente convertis thibétains sont
maintenant rassemblés dans leurs stations et
une lamaserie a même été
transformée en église
chrétienne. Et maintenant, depuis notre
passage au Kansu, ces amis ont pu ouvrir trois
nouveaux centres dans lesquels l'Évangile
sera annoncé et l'oeuvre poursuivie en
langue thibétaine. Ces stations sont
situées près de la frontière
et serviront de marchepied pour une avance future.
Dans le Nord aussi, sur la Grande Route de l'Asie
Centrale, d'autres missions sont à
l 'oeuvre. Des années de
prières ont préparé la voie et
c'est seulement cet été, 1923, qu'il
a été décidé que M. et
Mme Mosely occuperaient la ville importante de
Suchow, près de la porte occidentale de la
Chine. Située à six journées
de Kanchow, cette ville est le point de
départ des caravanes qui vont traverser le
désert de Gobi jusqu'à Tihwafu
où les missionnaires Hunter et Mather sont,
à l'oeuvre.
Qu'éprouveront-ils en
apprenant qu'enfin leurs collègues du Kansu
s'apprêtent à suivre leur noble
exemple?
Et maintenant, il se trouve que dans
une province isolée du nord de la Chine,
dans l'une des villes où le pasteur Hsi a
travaillé, le Seigneur a
préparé pendant de longues
années des ouvriers
expérimentés pour entreprendre le
travail dans ce Kansu si longtemps
négligé. Qui aurait supposé en
lisant le livre de Miss Cable, la
Réalisation d'un rêve, et en visitant
la station dont elle parle, que les dames qui
dirigeaient cette oeuvre importante seraient
appelées a quitter leur « home »,
leurs écoles et les milliers de
chrétiens dont elles s'occupaient, pour
aller apporter l'Évangile de la grâce,
rédemptrice à ceux qui ne l'avaient
jamais entendu ?
Les demoiselles Cable et French ont
instruit des centaines
d'évangélistes, d'instituteurs et de
lectrices de la Bible qui, à leur tour, en
atteindront des milliers.
Après des années de
travail fructueux dans cette mission
d'éducation qui a été
couronnée d'un succès peu ordinaire
au point de vue spirituel, le désir de leur
coeur a été réalisé et
elles sont redevenues de simples
évangélistes ayant le
privilège de pénétrer dans
l'une des nombreuses cités du Kansu qui
n'ont jamais eu de missionnaires. Bien que leur
joie soit mélangée de bien des
difficultés, n'éprouverez-vous pas le
désir de la partager ?
Nous pouvons à peine
réaliser que depuis notre départ du
Kansu, l'heure choisie par Dieu pour une bonne
avance est arrivée, non seulement dans le
nord et l'ouest, mais encore au sud et à
l'est de la province. Notre mission vient d'ouvrir
deux nouveaux postes qui donneront accès
à des districts importants, non encore
atteints à la ville de Pingfan sur la «
Grande Route » et celle de Hweihsien, au sud
de Tsinchow, la plus ancienne station de cette
province.
Ceci veut dire qu'une des quarante
villes principales, dut n'ont jamais eu de
missionnaire, sera bientôt occupée, si
Dieu le vent. Maintenant déjà dans
mie autre de ces quarante villes, des missionnaires
expérimentés, M. et Mme Elliot, de
Californie, viennent d'arriver à Chungwei
sur le Fleuve Jaune. Non loin d'eux, dans une autre
ville commerçante, au sud du fleuve, M. et
Mme Jamieson se sont établis, allumant ainsi
la première
étincelle au sein de cette plaine populeuse.
Nous avons également en l'écho d'un
véritable travail de l'Esprit de Dieu dans
les régions occupées récemment
par l'Alliance Scandinave.
À Tsingningchow, les dames
qui y avaient porté secours pendant le
tremblement de terre trouvent des portes ouvertes
de tous côtés, et à
Kuyüan, nous apprenons qu'il y a des
auditoires de plus de cent personnes. En
réalisant que cette population est en
majeure partie composée de Musulmans, nous
ne pouvons faire autrement que de bénir Dieu
pour ce beau résultat. Pendant que
j'écris ces lignes, la première
conférence chrétienne se tient dans
cette ville, au cours de laquelle le premier
service de baptêmes aura lieu. « Nous
sommes si heureux d'être venus dans ce vaste
champ du Kansu qui en a un si urgent besoin,
écrit Mme Swenson, le Seigneur nous a ouvert
une porte à Kuyüan et dans son grand
district, les réunions sont bien
fréquentées, beaucoup de femmes y
assistent et plusieurs d'entre elles font
profession de croire en Jésus comme en leur
Sauveur. Quelle joie d'apporter la bonne nouvelle
du salut à ceux qui sont assis dans les
ténèbres ! Depuis le tremblement de
terre beaucoup de Chinois semblent avoir perdu la
croyance en leurs idoles et désirent
ardemment trouver quelque chose qui puisse les
remplacer » ! Quel moment opportun pour
cette pauvre province du Kansu !
Et combien ne doit-on pas prier pour les Musulmans
de cette vaste contrée ?
Nous espérons pouvoir
bientôt tenter une nouvelle offensive dont il
est plus sage de ne pas parler encore, sinon pour
nous rappeler que le temps est venu de prier pour
que des ouvriers préparés par Dieu se
lèvent et aillent occuper les centres
stratégiques qui, nous l'espérons,
s'ouvriront bientôt à nous. Ces
dernières nouvelles sont récentes et
bien inattendues. Ne semble-t-il pas qu'une
nouvelle puissance de prière ait
été à l'oeuvre? Car ces
événements qui s'étendent
à toutes les parties de la province et
atteignent toutes les missions qui y sont, n'ont
pas été produits par une organisation
ou par des plans humains, mais sont avant tout le
résultat de la puissance divine.
Discret comme la venue du printemps,
ce changement s'opère presque sans que nous
nous en apercevions. Et de même que les
fleurs du printemps précèdent les
fruits de l'été, de même ceci
est un avant-goût des récoltes
futures. Le Thibet ne tardera pas à ouvrir
ses portes et l'Islam, son coeur. Oh ! que dans ce
jour spécialement « favorable »,
nous sachions marcher de l'avant, bénissant
Dieu de ce que, bien qu'Il nous ait repris William
Borden, Il n'a cependant pas laissé ses
prières sans réponse, car Borden
était un homme de prières. Pendant
toute sa vie d'étudiant, il fut le
moyen d'amener, par ses
prières, de grandes transformations dans la
vie de plusieurs de ses camarades.
La prière était sa
vie, il vivait pour prier. Dès lors
pouvons-nous mettre en doute que ce rapprochement
intime avec le trône de Dieu signifiait pour
lui une véritable union avec les
intercessions de Christ? La vie de prières
de Borden avait pris naissance dans sa communion
avec Christ et avait été
alimentée par une connaissance toujours plus
approfondie de Sa personne et une ressemblance
toujours plus complète avec Lui. Cette
intercession ne peut-elle pas s'exercer maintenant
encore plus librement et pleinement en la
présence même de Dieu ? Et n'est-ce
pas précisément cette intercession
qui est la vraie cause du grand appel actuel du
Kansu, du Thibet et de l'Asie Centrale? Dieu est
à l'oeuvre. Il condescend même
à chercher et à attendre notre
coopération. Quelle sera notre
réponse?
« Ton peuple sera un peuple de
franche volonté au jour de Ta Puissance.
» (Ps. 110.)
- Des millions d'âmes
chargées
- Attendent la lumière dont la
venue
- Fera toutes choses nouvelles.
- Christ attend aussi.
- Mais les ouvriers sont rares et
lents.
- Avons-nous fait tout notre possible
?
- L'ai-je fait ? L'avez-vous fait ?
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