L'APPEL DU
GRAND NORD-OUEST CHINOIS
LE KANSU ET LES
PROVINCES LOINTAINES
CHAPITRE PREMIER
Quittant la plaine.
Six semaines
à peine avant le terrible tremblement de
terre du 16 décembre, nous quittions Sian,
la capitale du Shensi, située au nord de la
Chine, pour aller visiter les régions qui
devaient être peu de temps après si
cruellement dévastées par le
fléau.
Ce mois de novembre 1920
était superbe, l'air pur et vivifiant,
surtout à l'heure matinale où nous
nous mettions en route, lorsque le soleil se levait
dans un ciel sans nuages. Que de fois nous avions
déjà vu l'astre du jour
paraître et disparaître à
l'horizon depuis que nous avions abandonné
la voie ferrée pour cheminer sur les routes
poudreuses, tantôt franchissant les
montagnes, tantôt traversant d'interminables
plaines jusqu'à notre arrivée
à Sian. Nous avions déjà
visité cette ville lors de notre voyage de
noces, et nous avions peine à la
reconnaître maintenant, tant elle avait
changé d'aspect depuis lors et, chose
surprenante, il semblait qu'au lieu d'avoir vieilli
comme cela avait été notre cas, elle
avait plutôt rajeuni.
Combien il nous semblait
étrange en effet, en passant sous
l'imposante Porte de la Cité, de
découvrir, au lieu des vieilles
ornières et des terrains boueux d'autrefois,
au lieu des bâtisses
irrégulières et des écuries
encombrées que nous avions connues, une
splendide route, bien droite, s'étendant
aussi loin que l'oeil pouvait apercevoir. Elle est
aussi large qu'un boulevard parisien, unie comme
une allée de jardin et bordée de
chaque côté de bâtiments
à deux étages aussi
régulièrement alignés que des
pois dans leur cosse.
Des bicyclettes sillonnent cette
avenue où l'on aperçoit des poteaux
de télégraphe et de
téléphone, des lumières
électriques et des boutiques modernes,
tandis que des soldats en
brillants uniformes et des étrangers en
voiturettes se rendent à leurs affaires.
Combien toutes ces innovations faisaient
paraître antiques et surannés notre
costume chinois et notre véhicule primitif
!
Et puis, que de changements
survenus dans le cercle missionnaire qui nous avait
accueillis si chaudement trente ans auparavant !
Des visages aimés avaient disparu, et ceux
qui restaient de ce premier groupe étaient
devenus de respectables vétérans
ayant toute une vie derrière eux. La petite
poignée de convertis que nous avions
laissée, transformée maintenant en
une église florissante, ne comptait pas
moins de cinq cents membres dans la ville et tout
autant dans les stations dépendant de ce
poste.
Combien il était
réconfortant pour nous de contempler cette
jolie chapelle toujours comble le dimanche et
d'entendre le choeur des cinquante étudiants
de l'École Biblique qui soutenaient le chant
! De nombreux jeunes gens sont maintenant
élevés dans une école
suédoise-américaine ouverte
récemment pour répondre aux besoins
du cercle missionnaire. La conversion d'un de ces
chers garçons qui passa des
ténèbres à la lumière
pendant notre visite, événement qui
amena un souffle de réveil sur
l'école toute entière, fut pour nous
une expérience inoubliable. Plusieurs
d'entre eux se préparent
à travailler plus lard dans ces champs de
mission, qui en ont un si urgent
besoin.
Mais quoique nous ayons
trouvé là en abondance de quoi nous
réjouir et nous intéresser, tant dans
cette partie de notre oeuvre que dans la branche
anglaise de la mission Baptiste, nous ne
pûmes y séjourner que le temps
strictement nécessaire à la
préparation du reste de notre voyage, car le
vaste Nord-Ouest chinois se trouvait encore devant
nous, s'étendant de cette plaine populeuse
jusqu'aux confins solitaires du Kansu, qui se
perdent à leur tour dans l'Asie centrale.
Nous avions devant nous six jours de voyage avant,
d'atteindre la frontière, sans compter les
visites aux stations intermédiaires; et
lorsque nous pénétrâmes dans
cette nouvelle province (à 1.000 milles de
Shanghaï) nous avions à parcourir
encore une fois la même distance pour
atteindre la frontière du Thibet et des
populations musulmanes qui forment le centre du
continent asiatique.
Le profond isolement de nos
stations missionnaires signifiait, un appel pour
nous, car la plupart d'entre elles sont
éloignées de six à treize
Jours de voyage l'une de l'autre et situées
à l'extrême limite de la civilisation
aussi bien que de la Chine proprement
dite.
Ces stations semblent être
hors du monde et leurs missionnaires paraissent
comme ensevelis dans ces immenses solitudes.
Des chaînes de montagnes et
des déserts incultes les séparent du
reste des nations, et leurs rivières
gelées en hiver semblent à peine plus
mortes que le courant d'esprit qui anime leur
peuple.
C'est, pourquoi quelle ne fut pas
notre surprise, après avoir franchi ces
chaînes de montagnes, de trouver là,
au lieu de la stagnation morale et sociale à
laquelle nous nous attendions, le flot montant et,
vivant d'une des plus importantes voies de
communication du monde.
.
CHAPITRE Il
Dimanches en cours de route.
Notre premier
dimanche se passa à Hingping et il en
contact avec une église vivante et riche
nous mit en dons spirituels, possédant trois
pasteurs indigènes et comptant plus de neuf
cents membres communiants; ce n'était
évidemment pas une église parfaite,
mais elle connaissait l'efficacité de la
prière et la puissance de Dieu pour susciter
de vrais réveils. Le touchant, accueil que
nous firent ces chers amis chinois fut une preuve
palpable de la réalité de leur esprit
d'amour; ils en avaient conçu le plan
d'après leur propre initiative, et leur
zèle ne fut point refroidi par le fait que
nous n'arrivâmes que longtemps après
le moment prévu. Voici, du reste, le
récit de notre arrivée parmi eux
:
Après avoir
été, cahotés
péniblement pendant, toute une
journée, nous nous trouvions encore loin de
la ville. Que faire, si les portes en
étaient fermées ? Nous ne pouvions
nous empêcher de nous rappeler tout ce que
l'on nous avait raconté sur les voleurs qui
infestent ces régions
isolées. Soudain une lumière brilla
sur le chemin et une voix s'écria: «
Est-ce le docteur Taylor? » À notre
réponse affirmative, notre interlocuteur
s'éloigna rapidement et bientôt nous
pûmes voir des lumières et entendre de
nouvelles voix. Un mulet fut attelé à
notre véhicule et, entraînés
à vive allure, nous partîmes sur
mi-chemin aussi inconnu qu'invisible à nos
yeux.
Mais qu'importaient les secousses
et les cahots comparés à la joie que
nous éprouvions à la vue de nos
hôtes qui s'empressaient autour de nous. Un
peu plus loin, nous aperçûmes de
nouvelles lumières et de nouveaux amis qui
accouraient avec des expressions heureuses et
bienveillantes et des voix cordiales! De fortes
mains nous aidèrent à descendre de
voiture, puis nous fûmes conduits par une
pente assez raide jusqu'à un portail ouvert.
« Mais ce n'est pas la ville, puisque nous
n'en avons pas franchi les portes? » - «
Non, mais vous êtes fatigué, nous vous
avons préparé des
rafraîchissements ici; ensuite, nous vous
conduirons à là Maison de la Mission.
» Cet endroit nous parut comme un palais
féerique préparé pour nous sur
le bord du chemin. À l'intérieur, une
lampe brillait au-dessus d'une table couverte de
tasses de thé fumant et de
pâtisseries. Le tout était si propre
et appétissant! Nous nous assîmes avec
deux des pasteurs
indigènes et quelques
membres de l'église et rendîmes
grâces ensemble pour cette cordiale
bienvenue. Pois nous reprîmes le chemin de la
ville dont les portes déjà
fermées se rouvrirent pour nous.
Entourés d'une joyeuse escorte, avec le
pasteur Hwang chevauchant à nos
côtés, nous ressemblions à une
vraie procession parcourant les rues silencieuses
de la cité. C'est ainsi que nous
arrivâmes à la Maison missionnaire
où nous fûmes accueillis par des
chants et où la voix paternelle de M.
Bergström nous souhaita la bienvenue au Nom du
Seigneur. Les paroles sont impuissantes à
rendre la félicité de pareilles
rencontres. Après avoir salué un
grand nombre de chrétiens, on nous conduisit
au logement de M. et Mme Bergström, charmant
de simplicité et d'agréable confort.
Là, autour de la table du souper, nos amis
nous racontèrent le secret si merveilleux
développement de cette église de
Hingping. Ses premiers missionnaires avaient
été des gens très simples,
mais animés d'un esprit de foi et d'amour
vraiment apostolique. M. et Mme NordIund
étaient de jeunes mariés dont les
coeurs débordaient du désir
d'apporter Christ à ce peuple
enténébré; mais ils
rencontraient une indifférence et une
opposition si grandes qu'ils ne pouvaient faire
autre chose que de prier.
M. Nordlund prêchait et
vendait, des portions des
Écritures, tandis que Mme
NordIund accueillait avec bonté les femmes
qui venaient la visiter par curiosité, mais
qui ne lui demandaient que bien rarement de
pénétrer dans leurs
intérieurs; personne ne paraissait,
s'intéresser à leur message. Un
certain jour cependant les choses arrivèrent
à un point culminant. Un Évangile fut
trouvé à terre devant leur porte,
toutes les pages en avaient été
couvertes d'accusations contre les missionnaires et
partout où se trouvait le nom de
Jésus, d'horribles blasphèmes avaient
été écrits contre Lui. Saisis
de douleur et d'indignation à cette vue, les
NordIund privent le livre et
s'agenouillèrent sur le sol, comprenant que
le moment était venu de commencer la lutte.
Cette fois, l'ennemi avait été trop
loin ; et pour l'honneur du précieux Nom
blasphémé par les païens, ils
s'emparèrent des promesses de la Bible, avec
une foi qui réclamait à tout prix un
exaucement, miraculeux. C'est ainsi que tout
l'après-midi se passa dans la prière
et dans les larmes; que pouvaient-ils faire d'autre
eu ces jours-là? Un de leurs aides racontait
plus tard qu'il les avait souvent vu rester des
heures à genoux, priant avec larmes pour
qu'une brèche se fasse dans la ville ou pour
un cas particulier.
Une des choses que Mme NordIund
avait le plus à coeur était que le
Seigneur parlât directement à ce
peuple qu'ils se trouvaient impuissants à
atteindre eux-mêmes, que
Dieu se révélât, même par
des visions ou des songes, s'il n'y avait pas
d'autre moyen, pourvu que d'une manière ou
d'une autre Il les attirât à Lui. Elle
pria ainsi tout l'été et voici quelle
fut la réponse à sa supplication :
dans un village de la campagne, une femme vit en
songe un être, lumineux qui venait à
elle, les mains tendues comme s'il lui apportait un
don. Elle ne put oublier ces traits ainsi que
l'expression d'amour et de bonheur qui les
illuminait, car elle n'avait jamais
rencontré un pareil regard et ne pensait
jamais le revoir. Quelle ne fut pas sa surprise
lorsque venant un jour à la ville et se
mêlant à la foule qui écoutait
le missionnaire étranger, elle revit ce
même regard qui la considérait avec
bonté. Rien d'étonnant à ce
qu'elle écoutât attentivement la
Parole de vie et à ce que la
vérité atteignit son coeur.
C'était donc là ce merveilleux don
qui lui était offert, le don d'un Sauveur
mort, afin que ses péchés à
elle tussent pardonnés, et qui voulait
ensuite lui donner le bonheur éternel avec
Lui dans le ciel ! Quelle joie fut la plus grande?
celle de la femme entrant par la foi dans cette vie
nouvelle en Christ ou celle des missionnaires
reconnaissant ainsi l'action directe de Dieu en
réponse à leurs
prières?
Dix ans plus tard, l'église
de Hingping était fondée et comptait
déjà cent cinquante membres, mais M.
Bergström (qui avait succédé
à M. Nordlund, ne se montrait
pas encore satisfait, quoique
beaucoup de ces convertis fussent ses enfants
spirituels et qu'il les aimât comme un
père seul peut aimer ses enfants. Il avait
également essayé d'atteindre les
lettrés du voisinage, et plusieurs
s'étaient joints à eux. Ces
résultats étaient encourageants, mais
il soupirait après une évidence plus
grande de la vie spirituelle et de la puissance
divine parmi son troupeau. «Je sentais,
disait-il plus tard en se remémorant ces
jours-là, que nos chrétiens
n'étaient pas assez unis, qu'ils manquaient
d'amour et de support les uns envers les autres;
ils se laissaient trop dominer par les choses
terrestres et l'Esprit de Dieu n'avait pas assez
libre cours en eux pour les rendre semblables
à Christ ». Un urgent besoin d'aides
indigènes, d'hommes de foi et de
dévouement pour évangéliser
cette plaine populeuse se faisait
sentir.
L'unique remède à cet
état de choses était la prière
et M. Bergström s'y consacra d'une
manière plus
définitive.
Deux années
s'écoulèrent ainsi pendant lesquelles
le fardeau devint si lourd, que le missionnaire
sentit que si le cri de son coeur n'était
pas exaucé, il ne pourrait pas continuer
plus longtemps. Il ajouta de fréquents temps
de jeûnes à ses prières. Un
jeune missionnaire qui le rejoignit à ce
moment-là fut très frappé de
voir le Directeur de la station, malgré sa
grande tâche, trouver
encore le temps de consacrer des heures à la
prière, jeûnant jusqu'à deux
fois par semaine. M. Bergström demandait un
réveil, un vrai réveil comme il en
avait connu en Suède, afin que le Seigneur
pût faire surgir du milieu des
indigènes, des hommes revêtus de dons
spirituels et que toute la contrée s'ouvrit
à l'Évangile.
L'exaucement fut merveilleux, comme
on put le constater une douzaine d'années
plus tard par les résultats obtenus. «
Je suis un chaud partisan de Finney, nous disait-il
en parlant des écrits du grand
Révivaliste, et les temps que nous avons
vécu en 1907-1908, avant et pendant le
séjour de M. Lutley ici, en furent une
vivante illustration. Nos prières
étaient exaucées et notre joie
parfaite; mais je crois aussi à un
réveil continu, je crois au réveil
tel qu'il eut lieu dans l'église de Moody
où il dura huit ans et où il ne se
passait pas de semaines sans que des âmes
fussent sauvées et des croyants
vivifiés. Si nous nous servions avec
fidélité des deux moyens que Dieu met
à notre disposition : la prière et la
Parole, il en arriverait sûrement de
même chez nous et de puissants réveils
ne seraient qu'une mesure plus abondante de ce que
nous devrions expérimenter en tous temps. Je
ne puis pas dire que nous soyons parvenus ici, en
tant qu'église, à ce niveau spirituel
; mais il est hors de doute que plusieurs de nos
chrétiens sont remplis de l'Esprit, sinon
nous ne verrions pas les
conversions dont nous sommes témoins par la
grâce de Dieu. »
C'est ce dont nous nous rendions
compte en assistant aux cultes et dans nos
entretiens avec les chrétiens. Quel esprit
de prière régnait parmi
eux!
Une conférence d'automne
avait eu lieu récemment, apportant avec elle
de nombreuses bénédictions, mais le
peuple était désireux d'en entendre
davantage. Le pasteur Wang, de l'Oeuvre de la Tente
Missionnaire, assistait à ces
réunions ainsi que le pasteur Kuoh et le
pasteur Hwang, qui présidait la
conférence. L'ardeur des chrétiens
à rechercher un secours spirituel fut ce qui
nous impressionna le plus, que ce fût pour
obtenir la guérison de leurs maladies ou
pour la délivrance du pouvoir de Satan, car
pour eux Satan est une personnalité aussi
réelle que toute autre présence
visible. Il était émouvant de
constater avec quelle franchise les hommes et, les
femmes confessaient leurs péchés et
en réclamaient le pardon. Il n'était
pas rare, en ces jours-là, de voir le
pasteur Hwang s'arrêter au milieu d'un culte
ou pendant les prières, pour demander
à ceux qui s'avançaient vers
l'estrade : « Que désirez-vous?
dites-le-moi et nous prierons pour vous », de
sorte qu'à la fin de la réunion, bien
des gens venus sans y être invités et
qui avaient donné leurs coeurs au Seigneur,
Lui rendirent grâces pour les
bénédictions reçues. Les
prières étaient
plus définies, plus libres et plus vibrantes
que les prières habituelles ! M.
Bergström avait l'habitude de dire en
commençant chaque réunion : «
Maintenant, nous allons consacrer un peu de temps
à la prière ». Il
énumérait différents cas,
fournissant ainsi des sujets
déterminés pour la prière qui
ne se perdait pas en vaines dissertations, mais
allait directement au but. À un certain
culte du dimanche matin, après avoir fait
chanter un cantique d'actions de grâces, il
commença par ces mots : « Et
maintenant, prions pour la Venue du Règne de
Dieu sur la terre; Notre Seigneur Lui-même
nous a enseigné à dire : Que ton
Règne vienne ! Depuis dix-neuf cents ans,
cette prière a été celle de
l'Église et bien des signes nous prouvent
actuellement qu'elle sera bientôt
exaucée par le Retour de Notre Seigneur;
consacrons donc un moment à prier pour
l'établissement de ce Règne où
tout sera justice, paix et joie par le Saint-Esprit
». Deux des pasteurs répondirent
à cet appel par une supplication
intelligente et fervente. La voix tranquille de NI.
Bergström reprit alors : « Prions
maintenant pour notre pays, pour la Chine, pour son
gouvernement et sa prospérité
».
Après avoir introduit le
sujet, deux des anciens le
présentèrent à Dieu. Dans les
prières qui suivirent, que de choses nous
furent révélées sur la
manière
d'intercéder habituelle
à ces chers chrétiens ! «
Maintenant prions encore pour nos familles, nos
amis, nos voisins et les réunions de ce
jour. » Quelques-uns des anciens
prièrent d'une façon persuasive qui
fut d'un grand secours à ceux qui allaient
parler. C'est ainsi qu'à chaque nouvelle
rencontre, qu'ils fussent invités à
prier ou non, ces gens aimaient à le faire,
attendant à peine que l'un eût fini
pour commencer à leur tour et le faisant
spontanément comme si chacun d'eux traitait
une affaire directe avec son Dieu. Des inconvertis
arrivant à ce moment n'auraient pu
qu'être impressionnés par le fait que
le Dieu de ces chrétiens était bien
réellement Celui qui entend les
prières et les exauce.
« Mais comment ces convertis,
récemment sortis du paganisme, peuvent-ils
prier avec tant, de foi et d'a propos? »
demandions-nous. La cause n'en était pas
difficile à découvrir avec l'homme de
Dieu qui vivait au milieu d'eux, répandant
autour de lui une atmosphère remplie de la
présence de Dieu.
« J'ai commis plusieurs
erreurs, nous disait-il un jour, mais le Seigneur a
béni, malgré mes manquements
quelques-uns m'ont blâmé d'avoir
baptisé les gens trop précipitamment,
quoique nous ayons toujours recherché en eux
les preuves d'une vraie conversion; d'autres ont
trouvé que j'avais tort de confier à
nos membres une trop grande responsabilité,
mais on peut aussi entraver
l'oeuvre du Seigneur par trop de prudence et je ne
crois pas que les choses seraient mieux
allées si j'avais agi autrement.
»
Ce ne furent pas seulement les
prières qui nous impressionnèrent,
mais aussi les témoignages entendus au grand
« Endeavour meeting » auquel nous
eûmes le privilège
d'assister.
Que l'on se représente une
vaste église, irrégulièrement
construite, avec ses murs décorés
d'écriteaux et de tableaux bibliques, peints
par un artiste chrétien chinois et,
près de l'estrade, le grand choeur qui
soutenait le chant. M. Bergström ne chante pas
lui-même, de sorte que les deux violons, les
guitares et d'autres instruments s'en donnaient
à coeur joie, suivant la méthode
chinoise. Des centaines de chrétiens
assistaient à cette conférence
présidée par le pasteur Hwang,
Rapportons ici deux ou trois incidents qui se
passèrent pendant ces journées
mémorables : le premier qui parla fut un
fermier d'âge mûr nommé Kuoh,
homme de bonne apparence qui, d'une voix vibrante,
raconta qu'il avait été converti deux
ans sans posséder de joie au service de
Dieu, parce qu'il cachait sa lumière sous le
boisseau. Il ne pouvait se résoudre à
parler aux autres de ce qu'il avait trouvé
en Christ. Tout récemment, dans une des
réunions itinérantes du pasteur
Hwang, il avait réclamé la
délivrance sur ce point
spécial, demandant au
Seigneur d'ouvrir ses lèvres et se confiant
en Lui pour lui aider à rendre
témoignage à Sa grâce,
rédemptrice; puis il était sorti de
la salle, décidé à parler au
premier homme qu'il rencontrerait. C'est ce qu'il
lit. Étant encouragé par ce premier
essai, il s'adressa à d'autres personnes ;
qu'eIle joie merveilleuse remplit son coeur
dès ce moment-là !
Le Seigneur l'avait exaucé
et libéré!
Un homme très
différent se leva ensuite : c'était
un vieillard presque aveugle, mais tout rayonnant
de joie.
Son histoire était
remarquable. Depuis quelques semaines
déjà, il désirait pouvoir
assister à la conférence mais il
n'avait ni argent pour le voyage, ni moyen de se
nourrir pendant les réunions. C'était
le second mari d'une femme qui ne l'avait
épousé que pour se procurer un bon
ouvrier pour l'entretien de sa
propriété.
Cet arrangement avait bien
réussi jusqu'à ce que la vue de cet
homme commençât à baisser ;
dès lors sa vie avait été
difficile. Sa femme et les fils de celle-ci
s'étaient montrés d'autant plus durs
envers lui qu'il était devenu
chrétien. Ils ne pouvaient pas supporter
l'idée qu'il désirât assister
à la conférence et obtenir de
l'argent pour sa nourriture et. pour les collectes;
aussi lui dirent-ils qu'il n'était pont eux
qu'un fardeau inutile qui n'arrivait plus
même à travailler assez pour payer son
entretien, etc., etc. Nous n'apprîmes ces
détails que plus lard,
tout ce que l'homme nous raconta, c'est qu'il avait
beaucoup prié pour venir aux
réunions, désirant tellement
apprendre à mieux connaître la
vérité et avoir quelque chose
à donner à Dieu comme les autres
chrétiens; mais son désir paraissait
irréalisable et il n'avait d'autre ressource
que de continuer à prier. Peu avant la
conférence, sa femme ayant besoin de chanvre
pour filer, prit un panier suspendu au-dessus de
son lit afin d'eu retirer une poignée,
À son grand étonnement, elle sentit
dans le chanvre quelque chose de dur qui se trouva
être un dollar en argent. Personne n'en
connaissait la provenance et la femme et ses fils
étaient trop stupéfaits pour oser se
l'approprier.
« C'est la réponse
à mes prières, fit alors le
vieillard, dès qu'il apprit la chose, vous
ne vouliez pas me donner de l'argent pour aller
adorer mon Dieu, mais Il a entendu mon cri et m'a
envoyé ce dollar; nous ne pouvons l'employer
que pour Son service. » Sa femme était
si étonnée de cet incident qu'elle
lui remit la pièce sans plus de
résistance, et l'on petit s'imaginer avec
quelle joie le pauvre homme accourut aux
réunions. « Et maintenant, ajouta-t-il,
ma famille désire aussi apprendre à
connaître l'Évangile et me traite avec
plus d'égards qu'auparavant.
»
« Véritablement, lui
répondit le pasteur Hwang, le Seigneur a
bien des moyens différents à Sa
disposition; dans votre cas, Il a
eu pitié de Son enfant éprouvé
et Il est venu à son secours en lui
accordant plus qu'il n'avait demandé et
pensé. » Nous passerons sous silence
plusieurs autres récits intéressants
et instructifs, pour raconter encore un trait
merveilleux qui se passa à la
dernière réunion.
Une femme dans la force de
l'âge et d'un extérieur soigné
s'avança de son propre mouvement et vint,
s'agenouiller devant l'estrade. « Que
désirez-vous que nous demandions à
Dieu pour vous? » lui dit un des pasteurs. La
réponse fut plutôt surprenante :
« Je désire croire au Seigneur avec
toute ma famille ». Mais à ce moment et
avant qu'elle eût pu ajouter autre chose, le
fermier Kuoh avait quitté sa place et
s'était élancé vers elle :
« Oh ! c'est la mère de mon enfant!
s'écria-t-il, elle seule, de toute notre
famille se refusait à croire. Mon vieux
père a accepté le salut à
l'âge de quatre-vingt-cinq ans, ma
mère croit aussi, ainsi que mon fils et ma
belle-fille, mais ma femme était
opposée à nos nouvelles croyances et
maintenant, Dieu soit béni, elle
désire aussi devenir chrétienne!
» Sa figure était rayonnante taudis
qu'il s'agenouillait à côté
d'elle. Des actions de grâces et des
prières s'élevèrent à.
Dieu et comme nous nous relevions elle nous dit
tranquillement :
Maintenant je crois aussi comme
toute ma famille ».
Il ne nous est pas facile de mettre
un terme à nos souvenirs de Hingping, pas
plus qu'il ne le fut de nous séparer de ces
vrais amis. Nous devons omettre bien des
conversations intéressantes avec les chers
conducteurs de l'oeuvre, de même que nous ne
pouvons nous étendre davantage sur le
mouvement de réveil que nous avons
déjà mentionné; citons
cependant encore une remarque de, M.
Bergström, concernant une découverte
qu'il fit lorsque la puissance du Saint-Esprit se
manifesta d'une manière si frappante au
milieu deux. Jusqu'alors il s'était toujours
senti embarrassé par la langue chinoise,
quoiqu'il la possédât à fond,
la considérant comme un interprète
insuffisant et impropre à exprimer les
vérités spirituelles. Mais pendant
ces journées merveilleuses qui
élevèrent tellement le niveau
spirituel de l'église, il fit, une
expérience remarquable a ce sujet. «Je
découvris alors, nous dit-il, que la langue
chinoise s'adapte à nos besoins tout autant
que n'importe quel autre dialecte. J'avais toujours
pensé que son vocabulaire ne comportait
aucun de ces mots vibrants, allant, au coeur, comme
nos langues occidentales, mais lorsque le
Réveil éclata, oh! quelle
intimité s'établit parmi nous ! Les
difficultés du langage avaient
entièrement disparu. »
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