Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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LA PALESTINE AU TEMPS DE JÉSUS-CHRIST


CHAPITRE IV
LE SANHEDRIN
(Suite)

Les attributions du Sanhédrin étaient fort nombreuses; il votait les lois, il était donc un corps législatif; de plus il exerçait la justice et possédait les pouvoirs judiciaires les plus étendus; c'était devant lui que comparaissaient les faux prophètes; il traitait aussi des questions de doctrine et pouvait être, à l'occasion, un véritable concile. En outre, il était chargé de certains détails fort importants à cette époque ; il surveillait les familles sacerdotales et s'occupait des mariages qui s'y faisaient. Les filles, nous l'avons dit, ne pouvaient épouser que des Israélites (1); il gardait dans ses archives. les tables généalogiques des principales familles juives (2); il autorisait les guerres, fixait les limites des villes, pouvait seul modifier leurs enceintes (3) ou l'enceinte du Temple. Il établissait le calendrier et les néoménies (le président et trois membres étaient chargés de ce soin (4)). Bref, il était à la fois parlement et concile.

Dans le Nouveau Testament nous voyons le Christ cité le Sanhédrin comme blasphémateur (5), les apôtres Pierre et Jean comme faux prophètes et séducteurs du peuple (6), le diacre Etienne comme ayant blasphémé, contre Dieu (7), l'apôtre Paul comme anéantissant la Loi (8)

Les Romains avaient-ils ôté ait Sanhédrin le droit d'exécuter une condamnation à mort et s'étaient-ils réservé celui de ratifier avant son exécution toute condamnation entraînant la peine capitale ?
Ce double fait semble ressortir du récit évangélique de la condamnation de Jésus. Les Juifs s'écrient devant Pilate : « Il ne nous est pas permis de faire mourir personne (9) », et c'est l'autorité romaine qui présida à la crucifixion. - Mais Etienne n'a-t-il pas été condamné et exécuté par le Sanhédrin (10)? Jésus-Christ ne dit-il pas dans son enseignement : « Ils vous traîneront dans les synagogues, ils vous feront mourir, etc. (11) » On peut dire, il est vrai, que ce dernier passage n'est pas entièrement concluant. Il n'implique pas nécessairement que le droit de vie et de mort appartenait à la synagogue. Quant à la mort d'Etienne, on peut y voir une irrégularité. Elle s'accomplit sans jugement; ce fut un assassinat commis par une foule ameutée, l'acte de violence d'une populace furieuse. Elle eut lieu précisément au moment où Pilate allait être déposé pour son excessive rigueur envers les Juifs. Nous pensons cependant que le Sanhédrin avait le droit strict de condamner et d'exécuter Etienne et qu'il aurait pu aussi faire exécuter Jésus. Pourquoi donc a-t-il demandé à Pilate de ratifier sa sentence? Parce qu'il ne voulait pas que la condamnation de Jésus fût religieuse, il voulait qu'elle fût politique. Les Talmuds vont nous l'expliquer clairement. « Quarante ans avant la ruine du Temple, dit la Mischna, les sentences capitales furent enlevées à Israël (12) » Par qui? évidemment par les Romains.

Quarante ans avant la destruction du Temple, nous sommes précisément en l'an 30, l'année même où les Juifs disent à Pilate : « Il ne nous est pas permis de faire mourir personne ». Mais nous allons voir que ces expressions étaient inexactes. Le droit d'exécuter ne fut pas vraiment enlevé au Sanhédrin, c'est lui qui y renonça de lui-même. En effet, ce fut précisément à cette époque qu'il cessa de tenir ses séances dans le local ordinaire, à 1'intérieur du Temple et se réunit dans la cour des païens, près de la porte, où il possédait une autre salle de réunion (13). Pourquoi ce changement qui l'éloignait un peu du sanctuaire et semblait donner par là moins de poids à ses décisions? Les Talmuds l'expliquent en disant qu'à cette époque tourmentée, les crimes, les assassinats s'étaient multipliés de telle sorte que le Sanhédrin ne pouvait plus les punir tous de la peine de mort; le nombre des condamnations eut été trop considérable. Il renonça alors à se réunir dans la salle ordinaire de ses séances; ailleurs, il se sentait moins coupable de ne pas toujours condamner à mort. Le Sanhédrin a donc laissé tomber de lui-même son droit de condamner à mort; les Romains ne le lui ont pas précisément enlevé, mais il en est venu, par faiblesse, à ne plus oser condamner et exécuter les brigands, les sicaires, les zélotes fanatiques, d'autant plus que leurs attentats avaient souvent un caractère religieux et patriotique. Le peuple aurait pu l'accuser de frapper des, patriotes dont le seul crime était de vouloir délivrer leur pays. Et alors, pour tous les procès religieux,, pour toutes les affaires où il pouvait craindre de voir sa sentence blâmée par les Pharisiens purs, par les exaltés, par une portion quelconque du peuple, le Sanhédrin demandait au procurateur de le soutenir et de le couvrir de son autorité, Nous croyons que tel a été le cas dans le procès fait au Christ. Le Sanhédrin n'a pas osé prendre sur lui seul la responsabilité de son exécution, car il savait que Jésus avait, été à un moment très populaire. Il pria donc Pilate de l'appuyer. Le mot : « Il ne nous est pas permis de faire mourir personne » était moins l'expression d'une vérité qu'une flatterie au gouverneur.

Et, quant à Etienne et plus tard à saint Paul (14), le Sanhédrin n'avait aucun scrupule à les condamner à mort, et les Romains ne les en blâmaient pas. C'était « des affaires concernant la Loi », comme dira plus tard Gallion (15), et les Romains « ne s'en mettaient point en peine ». Deux passages des Talmuds montrent que le Sanhédrin avait conservé le droit de mettre à mort, sous la domination romaine. Rabbi Lazare, fils de R. Zadok, racontait que, dans son enfance, il avait vu la fille d'un prêtre, surprise en adultère, entourée de fagots et brûlée (16). Or, ce R. Lazare vit la fin de Jérusalem et la ruine du Temple en l'an 70. Les Romains étaient en Palestine depuis 133 ans. Ils y étaient entrés en 63 avant J.-C., quand Pompée prit Jérusalem. Ils étaient donc déjà maîtres du pays quand R. Lazare était enfant. Le même traité du Talmud de Jérusalem (17), nous racontant la procédure suivie pour surprendre l'hérétique, dit que Ben Sutda à Lydda fut épié de cette manière, amené au Sanhédrin et « lapidé ». Ces passages sont formels et résolvent la question.

Cette juridiction pénale, qui était la plus importante, la plus élevée des prérogatives du Sanhédrin, appartenait plus particulièrement à une partie de l'assemblée composée de vingt-trois membres seulement. Au besoin, vingt-trois membres quelconques suffisaient. Il est bien évident que la nuit de l'arrestation de Jésus, les membres réunis à la hâte n'étaient pas plus de vingt-trois. Cette commission juridique était appelée Beth-Din (maison de justice), et présidée par le vice-président de l'assemblée entière nommé, à cause même de ses fonctions, Ab Beth-Din. Deux autres commissions, aussi de vingt-trois membres, étudiaient les questions soumises à l'assemblée plénière formée des trois sections réunies. Il y avait donc, en réalité, trois Sanhédrins. Ils se réunissaient, l'un à la porte de la montagne du Temple, l'autre à la porte du parvis et le troisième dans la salle « en pierres de taille ». Ces trois locaux étaient compris dans ]*enceinte du Temple. Le plus grand des trois, celui qui était le plus près du sanctuaire et dans lequel le Sanhédrin tenait ses réunions plénières quotidiennes, sauf les jours de sabbat et de fêtes solennelles (18), était la salle en pierres de taille (ex coesis lapidibus exstructa) (Eischatha-gazith). Elle tirait ce nom de sa construction particulière (19).

Nous avons parlé tout à l'heure de ce passage des Talmuds d'après lequel le Sanhédrin ne se réunit plus dans ce local à partir de quarante ans avant la destruction du Temple. Comme ce changement était nécessité par les questions judiciaires, ce fut certainement la commission des vingt-trois membres chargée de ces sortes d'affaires qui se déplaça. Elle se réunit, avons-nous dit, dans le parvis des païens, à la porte, mais elle eut aussi un autre lieu de réunion, dans une propriété particulière de la famille de Hanan appelée Khaneioth, c'est-à-dire bazars (du Mont des Oliviers (20). Elle se trouvait, son nom l'indique, an sommet du Mont des Oliviers, et c'est certainement dans ces Khaneioth que Jésus fut conduit immédiatement après son arrestation. « On le mena d'abord chez Hanan, beau-père de Kaïaphas (21) » disent les Évangiles, confirmant ainsi les indications des Talmuds (22).

Le Sanhédrin avait à sa disposition un certain nombre d'agents dans le Nouveau Testament) chargés d'exécuter ses ordres. Ce sont eux qui ont arrêté Jésus ; c'étaient eux qui avaient prononcé ce mot : « Jamais homme n'a parlé comme cet homme (23). » Ils remplissaient les fonctions d'agents de police; sorte de licteurs (virgiferi) « ils vérifiaient les poids et mesures et frappaient ceux qui faisaient mal (24) ».

Ce Sanhédrin de Jérusalem, dont le pouvoir était si considérable ne pouvait cependant pas juger tous les procès, toits les délits, tous les crimes commis sur l'étendue dit territoire de la Palestine. Chaque ville, chaque village même avait un petit Sanhédrin local de sept membres, les sept qui dirigeaient la synagogue.

Parmi ces sept, il y en avait trois, les trois chefs, appelés triumvirs, qui prononçaient seuls les jugements sans importance. Ils réglaient les questions d'héritage (25). « Les triumvirs, dit Maimonide (26), devaient avoir sept qualités : sagesse, douceur, piété, haine de Mammon, amour de la vérité, être aimé des hommes, et avoir une bonne réputation. » Les sept étaient chargés de la police et jugeaient tous les cas qui n'entraînaient pas la peine capitale. Lorsque la synagogue de Nazareth (27) condamna Jésus à mort, elle outrepassait ses pouvoirs. Si cependant elle avait pu exécuter sa sentence et précipiter Jésus du haut, de la montagne comme le voulaient quelques fanatiques, elle n'aurait probablement pas été poursuivie. Cette exécution sommaire aurait été considérée comme une preuve de patriotisme et de foi religieuse donnée par des zélotes. Et à quiconque était zélote, tout était permis (28).

Quand ces petites assemblées provinciales fonctionnaient régulièrement elles se tenaient à la porte des villes.

La porte a toujours été en Orient la place publique, le forum, le rendez-vous commun des habitants. Elle l'est encore chez les Arabes, et on sait que le cabinet de Constantinople s'appelle la Porte Ottomane. On amenait les malades au Christ à la porte des bourgs (29). Chez les anciens Hébreux 'la justice se rendait près des portes (30) et les audiences se donnaient le matin (31) à cause de la chaleur du climat. Les débats étaient publics et il fût interdit aux juges d'accepter des présents (32). L'enquête était minutieuse (33). Il fallait au moins deux témoins (34), attestant sous la foi du serment qu'ils avaient, vu commettre le crime (35). Dans les affaires civiles, un seul témoin suffisait (36). Ces détails, que nous empruntons pour la plupart à l'Ancien Testament et qui rappellent beaucoup la manière de procéder des Arabes encore .aujourd'hui, peuvent nous donner une idée de ce qui se passait au premier siècle. Ils nous amènent à traiter de la justice telle qu'elle était exercée à cette époque par le grand Sanhédrin de Jérusalem.


Table des matières

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1 Midoth à la fin.
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2 Jos., Cont. App., I, ch. 2.
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3 Sanhédr., I, a.
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4 Sanhédr., X, b.
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5 Ev. de Matth., XXVI, 65
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6 Actes des Ap., ch. IV et V. Ac
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7 Actes, VI, 13 et suiv.
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8 Actes, XXIII, 1 et 2
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9 Jean, XVIII, 31, confirmé par Josèphe, Ant. Jud., XX, 9, 1.
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10 Actes des Apôtres, chap. VII
.11 Ev. de Marc, XIII, 9, 13; de Luc, XXI, 12-17.
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12 Sanhédrin, fol. 24, 2.
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13 Jos., 1). B.J., V, 4, 2; id., VI, 6, 3.
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14 Actes des Ap., ch. XXV, 10; XXVI, 32. Saint Paul n'échappe à la condamnation à mort du Sanhédrin qu'en demandant à être jugé par l'empereur lui-même. Cependant saint Paul était citoyen romain. Ce Âtre lui créait une situation particulière. Il pouvait exiger la ratification de sa condamnation non seulement par le procurateur mais par le légat impérial lui-même. Aussi les Juifs songeaient-ils à l'assassiner dans un guet-apens.
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15 Actes des Apôtres, XVIII, 15.
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16 Talm. Jérus., Sanh., fol. 24, 2.
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17 Talm. Jérus., Sanh., fol. 25.
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18 Joma ., V, 2.
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19 Midoth à la fin, voir livre II, chapitre XII: Les parvis du Temple.
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20 Traité Sanhédrin.
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21 Ev. de Jean, XVIII, 13. Cette affirmation du quatrième Evangile est certainement une des preuves les plus remarquables de son historicité.
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22 Nous avons parlé en détail de cette propriété, de Hanan dans notre description du Mont des Oliviers, chap. II: Les environs de Jérusalem
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23 Ev. de Jean, chap. VII, 46. -
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24 Maimon., Sanhédr., ch. 1. Babyl. Joma, fol. 15, 9. Ev. de Mt., V, 25. -
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25 Celles que Jésus refusait un jour de résoudre; et, en effet, il n'en avait pas le droit n'étant pas membre du triumvirat. Ev. de Luc, XII, 13 et suiv. -
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26 Maimon., Sanhédr., ch. 1.
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27 Ev de Luc, IV, 29. Il s'agit moins ici, d'ailleurs, d'une véritable condamnation à mort prononcée par un tribunal régulier que d'une émeute et d'un soulèvement populaire.
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28 « Celui qui vole les vases sacrés, qui maudit le nom de Dieu ..... les zélotes le tuent », dit la Mischna en l'approuvant, Sanhédr., fol, 81, 2.
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29 Ev. de Marc, I, 34.
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30 Genèse, XXXIV, 24. II Sam., XV, 2
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31 Jérémie, XXI, 12. Psaume, CI, 8.
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32 Deut., XVI, 19; XXVII, 25.
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33 Deut., XIII, 14; XVII, 4.
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34 Nomb., XXXV, 30. Deut., XIX. 15.
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35 Lév., V, 1.
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36 Ex., XXII, 11. Ev. de Matth., XXVI, 63 et suiv.

 

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