Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

IX

TERRITORIALISME PAÏEN ET CONSCIENCE CHRETIENNE

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Ce qui caractérise la prodigieuse révolution opérée par l'Évangile, c'est qu'elle est une révolution de la conscience.
En face du territorialisme païen, l'individualisme chrétien s'est levé.
Un mot résume le paganisme sous toutes ses formes: négation de la vérité, par conséquent, négation de la conscience.
La vérité nationale n'est plus une vérité; la conscience nationale n'est plus la conscience.
Que devient-elle, cette pauvre conscience, vis-à-vis de la croyance du pays, de la croyance légale, de la croyance obligatoire, de la croyance héréditaire ?Elle ne pose plus même la question de vérité; elle s'habitue à admettre une vérité en deçà des Pyrénées, une vérité contraire au delà.
Bien plus, chez les hommes qui reconnaissent encore les droits de la vérité, chez ceux qui la poursuivent, chez un Socrate, par exemple, la flétrissure du principe païen demeure et tient ferme. Socrate mourant a soin de se mettre en règle; il parle « des Dieux » ; il ordonne de sacrifier un coq à Esculape ! Son âme indépendante et qui va partir n'a secoué qu'à demi le joug écrasant de la religion territoriale.
L'Évangile, ce fut la conscience humaine qui se redressa. L'État antique rencontra l'homme devant lui. Tout à coup, il se trouva des gens pour imaginer, chose étrange, des problèmes de conscience et de vérité!
Grand événement dans l'histoire.

On a dit de Jésus-Christ qu'il ne s'appelle pas la coutume, mais qu'il s'appelle la vérité. Voilà où est l'événement. La vérité, la vérité niant son contraire, la vérité nommant son contraire: erreur; la vérité voulant être uniquement acceptée, obéie uniquement; la vérité exclusive, la vérité absolue, la vérité souveraine, la vérité avec son autorité: tel est le monstre qui vient brutalement épouvanter la sérénité païenne.

Les témoins de la vérité se rangent devant elle; ils aimeront mieux mourir que de brûler un grain d'encens aux idoles. Décidément la paix, la douce paix hellénique a pris fin. Décidément le Prince de la Paix apporte, non la paix, mais l'épée.
L'Epée de la foi au vrai, l'épée de la conscience. La conscience est un rude maître, rude et gênant. Il est gênant de croire. Il est gênant d'être serviteur du vrai. Ces convictions individuelles qui jaillissent du sol affranchi, ces églises qui se fondent et dont la foi personnelle est le seul recruteur, cette soudaine apparition de l'individu, tout cela constitue au sein du vieux monde un changement tel, que j'ai eu le droit de l'appeler : une révolution,
Et l'on n'a pas craint de nous dire que l'Évangile était identique aux religions païennes! Et l'on nous a parlé sans rire de la religion unique des Védas!


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X

LA VERITE CHRETIENNE DÉMONTRÉE A LA CONSCIENCE PAR SES FRUITS


« Vous les connaîtrez à leurs fruits (1
Il faudrait fermer volontairement les yeux pour ne point voir les fruits de l'Évangile.
Je ne parle pas des fruits de conversion et de transformation chez telle ou telle âme; ils peuvent parfois se contester, bien qu'ils soient pour ma conscience aussi évidents que la lumière du jour. J'ai vu des égoïstes devenir charitables, des vicieux entrer en lutte contre leur péché, des violents se revêtir de douceur.

Ma conscience ne me permet en aucune façon de comparer ces changements-là, profonds, radicaux, miracles permanents de l'Évangile, aux réformes superficielles qu'accomplit l'homme désireux de se conduire banalement bien.
Je ne méprise nullement la philanthropie; je suis loin de nier les beaux exemples de dévouement et de vertu qui souvent ont été donnés en dehors de la foi. Il y a eu, je le sais, en dehors de la foi, des généreux, des redresseurs de torts, des chevaliers auxquels personne plus que moi ne rend justice.
Mais je soutiens que ces exemples, rares en dehors de la foi, sont très-nombreux en dedans; je soutiens que le don de soi prend un tout autre caractère chez les chrétiens, et que là seulement il va jusqu'à la consécration, jusqu'à l'humilité, jusqu'à l'acceptation confiante de la volonté de Dieu, jusqu'à l'amour; je soutiens, passez-moi cette audace, que les philanthropes ne sont ce qu'ils. sont, que parce qu'il y a un Évangile.

D'où vient que la philanthropie moderne diffère absolument de la philanthropie, antique?
De ce que les philanthropes modernes peuvent bien rejeter l'Évangile, mais qu'ils en vivent.
Le monde païen ne possédait, que je sache, ni la charité, ni l'humilité, ni la liberté, ni la chevalerie.
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Prenons la liberté,
L'histoire vous dira où elle était avant l'Évangile; où elle en serait sans l'Évangile. Par lui, les indépendances se sont créées; par lui, l'individu a paru.
L'antiquité est là avec sa traite, avec son esclavage, base de tout, avec ses harems ou ses gynécées, avec son absolutisme asiatique, avec ses franchises, grecques et romaines appuyées sur un fondement d'inénarrable servitude, avec ses négations de la conscience et de la vérité en matière de foi..
Mettez vis-à-vis le monde moderne, tel que nous le connaissons..
Qu'en pensez-vous? Qu'en pensent les despotes? Si vous les interrogiez, ils vous répondraient qu'aucune tyrannie ne tient nulle part, dès qu'apparaît, dès que travaille ce terrible levain de la croyance personnelle au Sauveur..
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Prenez l'égalité. Encore un fruit de l'Évangile !.
L'égalité; n'est devenue possible que sur les ruines de l'esclavage, du servage et des privilèges..
De même qu'il n'y a pas de liberté sans des coeurs libres, il n'y a pas d'égalité sans des coeurs fraternels. Pour résister à quelque chose, il faut croire à quelque chose. Et il faut croire à quelqu'un aussi: à l'amour de Celui qui nous a retirés de l'abîme de' perdition, pour aimer à notre tour, cordialement, tous ceux qui ont été aimes comme nous (2).

La doctrine qui, l'un après l'autre, résout les plus difficiles problèmes sociaux, ne saurait être la première doctrine venue. Notre conscience nous le dit.
Notre conscience a remarqué le grand arbrisseau sorti de la petite graine. Elle voit la foule des oiseaux qui ont fait leurs nids sous ses branches. Tous les progrès se sont abrités là (3).
Notre conscience met face à face les civilisations produites par d'autres religions et la civilisation produite par l'Évangile. Elle voit ce que, sous l'action de l'Évangile, est devenue la femme, ce qu'est devenue la famille, ce qu'est devenu l'esclave, ce que sont devenus le paysan et l'ouvrier.
Notre conscience est frappée de, ce fait, que les pays où l'on tient le pur Évangile en honneur sont ceux, justement, qui ont donné l'impulsion. Les libertés politiques sortent de là; les affranchissements d'esclaves sortent de là; les crises qui ont enfanté le monde moderne sont nées de là.
En doutez-vous?
Demandez-vous alors dans quel abîme vous précipiteriez l'humanité, si, d'un mot, vous pouviez lui arracher l'Évangile avec les conséquences de l'Évangile.

Ce mot, personne n'oserait le prononcer. J'en défierais les ennemis les plus déclarés de la foi chrétienne. Abolir en un instant les lumières, l'idéal, les tendresses, la dignité des femmes, l'indépendance des affranchis; abolir tout ce qui constitue la grandeur de l'âme, de l'intelligence, de la famille, du pays; abolir les idées sur lesquelles nous vivons tous, les idées des chrétiens et les idées des incrédules. il n'y a pas un fanatique de la Grèce, qui n'en reculât d'horreur.
Cela fait réfléchir la conscience.


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XI

FRUITS DE L'EVANGILE POUR LE GRAND NOMBRE


Je parlais de l'égalité.
Un des fruits de l'Évangile, que suffit à constater le simple regard du sens moral, c'est cette émotion sociale, immense, en vertu de laquelle on s'est mis à s'occuper des misères, des intérêts et des droits du grand nombre. La religion qui nous annonce le Fils de Dieu souffrant pour tous, pouvait seule donner à tous un rang égal, et fonder un véritable idéal, partage de tous.
Avant Jésus-Christ, le grand nombre, est écrasé. Considérez les femmes, les esclaves, les dénués de ce temps-là, et mettez en regard la position des citoyens auxquels le monde antique reconnaît des droits !

La philosophie elle-même se montre aussi aristocratique, aussi dédaigneuse de la plèbe, que les moeurs et que, la législation. Les plus avancés en matière de sagesse révéleront aux seuls initiés le mystère de leurs pensées. La vérité n'est pas faite pour le grand nombre.
Mais vient celui qui a dit « Je te loue, Ô Père, de ce que tu as caché ces choses aux sages, et de ce que tu les as révélées aux petits enfants (4) ! »
Par lui, pas avant, le grand nombre prend sa place au soleil. La vérité appartient au peuple, car elle est exprimée, en termes populaires, dans le plus populaire des livres. La vérité appartient au peuple, car la prédication - l'instruction la plus populaire après la Bible - se met à l'oeuvre désormais.
L'Évangile est annoncé aux pauvres.
Aux pauvres, et à ceux qui deviennent tels par l'humilité, l'Évangile apporte des forces, des consolations, des richesses, un avenir; il leur donne un père, il leur donne des frères.
L'Évangile rappelle aux riches leur responsabilité d'administrateurs. Par l'Évangile, depuis l'Évangile, on s'occupe des chétifs et des abandonnés. Le soin des indigents et des malades date de l'Évangile. Les grands embrasements, les oeuvres admirables de la charité datent de l'Évangile. Si les questions ouvrières se posent aujourd'hui, c'est par l'Évangile. L'Évangile qui les a soulevées y répondra. Lui seul produira l'élan nécessaire à la solution de cet énorme problème social. Il n'est Pas plus difficile à résoudre, en définitive, que celui du servage ou de l'esclavage. Il se résoudra sous l'action de la même influence, ou il ne se résoudra pas.


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XII

LES FRUITS DIMINUENT A MESURE QUE L'ÉVANGILE S'OBSCURCIT


Un autre fait se présente à la conscience, qui ne lui permet pas d'hésiter : non-seulement ces fruits magnifiques n'existent point avant l'Évangile, mais ils disparaissent presque entièrement après, dès que l'Évangile se voile ou se corrompt.
De quelque côté que nous tournions les yeux, à quelque moment que nous nous reportions; la divinité du christianisme éclate en ceci, qu'à l'instant où il s'altère, il cesse de produire la liberté, l'égalité, la charité, la tendresse, la vérité.
Le byzantinisme et ses froides annales, le romanisme et son moyen âge, le protestantisme et ses orthodoxies figées, nous font, les uns comme les autres, voir les mêmes décrépitudes. C'est la mort, en dépit du principe vital qui a été enseveli sous les pratiques sous les formules, sous les paganismes renouvelées.

Plus livide et plus froid, dans son cercueil immense,
Pour la seconde fois, Lazare est étendu.


Il faut que le sang revienne, que la chaleur renaisse, que les bandelettes soient coupées.
Vous savez comment le miracle s'est accompli. Vous savez avec quelle vigueur les fruits ont reparu, dès que s'est opéré le retour au pur Évangile, à l'Église distincte du monde et séparée de l'État.


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XIII

LES CONFLITS DE LA CONSCIENCE ET DU FAUX CHRISTIANISME


Mais voici le plus grand obstacle, peut-être, - on ne l'a pas assez dit que ma conscience, en quête de la vérité religieuse, ait rencontré sur son chemin : elle a rencontré le christianisme odieux..
Rien de si délicat que la conscience. La conscience, qui est droite, se révolte quand, au nom de la foi, on lui commande d'admirer ce qui n'est pas admirable du tout..

La religion sans conscience blesse la conscience. -
Nous pensons souvent faire un chef-d'oeuvre, nous protestants, lorsque nous taisons, pallions, excusons, glorifions au besoin les torts de la Réforme. Nous ne faisons que mettre la conscience en garde contre l'Évangile.

Si vous m'invitez plus ou moins à prendre parti pour Henri VIII dans l'affaire du divorce; si vous me cachez le côté grossier qui dépare le beau caractère de Luther; si vous passez en hâte sur la permission accordée au Landgrave; si vous entourez le bûcher de Servet de toutes les explications que peut fournir l'époque; si vous créez un Cromwell idéal; si les brutalités de Knox et les duretés de Calvin disparaissent; si ces hommes dont j'admire le dévouement chrétien sont transformés en saints accomplis; s'il vous paraît tout simple qu'on mette la religion aux voix et qu'on force les minorités a se conformer aux croyances votées; si vous ne condamnez pas énergiquement les persécutions protestantes et la longue tyrannie qui a pesé sur l'Irlande; si vous me laissez supposer que les mesures violentes rencontrent votre indulgence, pourvu qu'elles s'exercent en faveur de votre christianisme; alors je me sens indigné, et ce christianisme, absolument opposé à la conscience, trouvé mon coeur barricadé contre lui.

La conscience a besoin de voir des protestants très-sévères envers le protestantisme, des protestants qui ne lui passent pas une faute, des protestants révoltés lorsque les questions de foi, par exemple, se métamorphosent en partage des dépouilles de l'Église romaine ou en calcul de pouvoir.

La conscience a besoin de nous voir très, fermes - très-rigoureux si vous voulez - vis-à-vis des réformes décrétées par les princes, vis-à-vis des nationalismes protestants, vis-à-vis des intolérances protestantes. «Faire le mal pour qu'il en arrive du bien (5) », est une maxime qu'il ne faut pas plus appliquer rétrospectivement à l'histoire, que pratiquer actuellement dans la vie.
Il y a eu, il y a des faits dans notre protestantisme, que nous ne devons laisser à personne le soin de flétrir : un formalisme allié avec le plus triste état moral, un XVIIe siècle engourdi dans son orthodoxie morte, un synode de Dordrecht publiant des doctrines qui, grâce à Dieu, ne sont pas celles de la Révélation.
Il y a eu, sans sortir du XVIe siècle, des réformes incomplètes, consacrant le plus possible de vieilles erreurs; et à coté de cela une proclamation du salut par grâce, un servum arbitrium, qui effacent outre mesure et l'obéissance et la responsabilité de l'individu.
Il y a eu, nous ne le savons que trop, de honteux rationalismes: un christianisme qui n'avait plus rien de chrétien, un rejet de la fausse autorité qui ne respectait pas toujours la vraie, un protestantisme enfin qui n'était plus la foi au Sauveur et à la Bible, mais la foi de l'homme en l'homme et en sa souveraine raison.

Violences, compromis, excès de la doctrine, rejet de toute doctrine; malheur à nous si le nom de protestant couvre tout cela, car alors l'Évangile vient se heurter contre les indignations passionnées de la conscience.
Savez-vous quels sont les livres impies? Ce sont les livres habiles; ceux qui font à la religion de vérité l'injure de ne pas distinguer entre elle et les aberrations de ses serviteurs.
Savez-vous quels sont les livres vraiment pieux? Ce sont les livres de la piété loyale, ceux qui ne dissimulent rien.

Ne dérobons aucun de nos péchés. Parlons sincèrement à nous-mêmes et à nos amis. Apportons beaucoup de conscience dans notre histoire, dans notre apologétique, dans nos discussions. Ne craignez rien, nous serons infiniment plus forts, car nous aurons cessé de séparer ce qui doit demeurer indissolublement uni : la conscience et la foi.
D'ailleurs, nous avons assez de bien à dire de ce grand mouvement de la Réforme, de ces hommes croyants et courageux, de ces doctrines de grâce qui ont réveillé le sens moral, de cette prodigieuse secousse qui a renverse les traditions humaines, de ce travail intègre qui a restauré l'autorité des Écritures, de cette résurrection de la conscience chrétienne qui a régénéré le monde, pour conserver le droit de porter le front haut.

Le catholicisme rencontra devant lui les mêmes devoirs que nous.
Je vois des catholiques, dont je respecte le caractère et les intentions, se disposer aujourd'hui à mettre le SyIIabus en accord avec la liberté (6).

Pie IX, qui a vaillamment écrit le Syllabus, qui, en plein XIXe siècle, n'a pas craint d'anathématiser toutes les idées modernes, qui a solennellement déclaré qu'elles étaient en complète opposition avec l'enseignement de l'Église romaine dans tous les siècles, Pie IX m'inspire une réelle estime; je sens en lui: une conscience.
Quant à ceux qui se chargent d'interpréter les déclarations du Syllabus dans un sens libéral, nous n'avons qu'une excuse à présenter en leur faveur; ils ne peuvent - espérons-le - prendre leur parti de voir aux prises deux intérêts qui leur sont également chers : leur croyance religieuse et leur foi politique. Plaignons-les, mais, tout en les plaignant, détestons l'oeuvre à laquelle ils sacrifient le sentiment moral : elle produit un mal incalculable, elle donne lieu de croire que la religion ne se défend qu'au prix de la loyauté.
Les partisans du Syllabus tel quel, mettent la conscience humaine à une autre épreuve : elle est sommée de croire que l'Évangile a institué le pouvoir temporel, que le moyen âge est une époque de bénédiction, que le christianisme enseigne à brûler les bibles, à brûler les gens, à organiser les tortures de l'Inquisition, à courber la tête sous un vaste despotisme clérical, à soutenir tous les despotismes politiques, à éteindre successivement toutes les lumières, à jeter l'anathème sur toutes les libertés.

Lorsqu'on considère ces réactions terribles qui se nomment la Renaissance et le XVIIIe siècle, lorsqu'on assiste à la réaction impie dont nous sommes témoins à l'heure qu'il est, il ne faut pas oublier la part de la conscience - je ne crains pas d'employer ce mot, la conscience - dans de tels ébranlements.

La Renaissance voyait devant elle le christianisme sous la forme d'un clergé dominateur, d'une papauté de Grégoire VII, d'Innocent III, d'Alexandre VI, d'un Évangile traîné en lambeaux dans les conciles généraux de Constance et de Bâle, d'un long règne de la scolastique, d'une nuit profonde ou l'Europe avait souffert des maux inouïs, où la liberté des consciences avait été traitée comme nous savons.

Le XVIIIe siècle venait de voir le christianisme sous la forme des Ministres de Louis XIV, de la dragonnade, de la révocation, de la destruction de Port-Royal; le tout aboutissant aux abbés galants de la régence: après la persécution exaltée par Bossuet, la pourpre jetée sur les épaules de Dubois!
Quand la religion est descendue à certains rôles, on finit par se méfier de toute religion.
Quand le nom de Dieu sert à sanctionner des infamies et des tyrannies, on en arrive - je frémis de le dire - à prendre Dieu en horreur.

A qui la faute, si le peuple devient athée? Posons la question hardiment. La faute, en partie du moins, est à ceux qui ont mis l'Evangile, ou ce qu'on appelle ainsi, aux prises avec la conscience,

En Italie, en Espagne, en France, l'âme humaine a conçu un tel dégoût de ce qu'on lui donnait pour l'Évangile, que, chez beaucoup, ce dégoût s'est transformé en une incurable antipathie, contre la religion, quelle qu'elle soit.
Et ne croyons pas qu'un tel fait se borne aux contrées catholiques. L'Allemagne, où la Réforme incomplète et formaliste a longtemps régné; l'Allemagne, où le protestantisme s'est déployé plus d'une fois sous la forme, du rationalisme, est rongée çà et là par, un esprit antichrétien auquel elle échappera, je l'espère, mais seulement parce qu'elle retourne à l'Évangile pur et vivant.
Soyons justes envers les ennemis de notre foi. Tout n'est pas mauvais dans les réactions impies. Il y a là une certaine protestation du sens moral; Il y a là, fréquemment, une réclamation de l'humanité et de l'honnêteté.
Qui nous dira ce qui se passe dans la conscience des hommes intègres, alors qu'on leur présente telle erreur ou tel crime comme venant en droite ligne du ciel?

J'ai reçu parfois les confidences des incrédules, et j'ai découvert que, s'ils rejetaient le véritable Évangile, c'était pour avoir trop souvent rencontré le faux sur leur chemin.
Les plus consciencieux se montraient les plus hostiles. A leur entendre raconter quelles doctrines s'étaient données pour évangéliques, quels actes soi-disant pieux les avaient révoltés, on éprouvait un double sentiment: de compassion pour eux, de remords comme chrétien.
Ces consciencieux, blessés dans leur sens moral, je ne vais point jusqu'à les justifier. L'Évangile n'était pas loin; plus consciencieux, ils l'auraient trouvé. Le Saint-Esprit n'était pas loin; plus consciencieux, ils l'auraient écouté. Le péché était la; plus consciencieux, ils l'auraient compris.
Cependant, notre responsabilité demeure.
Quiconque, en faussant l'Évangile, place quelque pierre d'achoppement devant les pas d'un frère, est coupable de sa chuté et de son sang.
Nous ne mettrons jamais assez de conscience dans notre foi.

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1. Évangile selon saint Luc, VI, 44
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2. Voir note a, à la fin du volume. 
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3. Évangile selon saint Matthieu, XIII, 32
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4. Évangile selon saint-Luc, X, 21
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5. Romains III, 8
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6. L'Auteur écrivait ceci en 1869. 
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