Disons-le hautement : les consciences ont
été froissées à
l'endroit de la religion.
Un puissant effort de
sincérité, une énergique
réaction de conscience dans les questions de
foi, il nous faut cela.
Il faut qu'on le sente; nous sommes des
hommes de vérité, servant le Dieu de
vérité.
Vrais de nous-mêmes, vrais
vis-à-vis des autres, ne fardant rien de ce
qui est flétri, n'embellissant rien de ce
qui est laid, avouant nos erreurs quand elles
existent, n'employant aucun sophisme pour justifier
ce qui n'est pas justifiable, conservant dans toute
sa dignité cette grande et sainte conviction
de l'Évangile qui est notre paix - que. nous
n'avons jamais ou tant de motifs de serrer sur
notre coeur, heureux que nous sommes de,
posséder sa splendeur dans un temps
où les ténèbres se font - nous
glorifierons notre profession chrétienne aux
yeux du monde entier.
Oui, de la conscience dans ce que nous
savons et dans ce que nous ignorons; de la
conscience dans le blâme des torts de notre
cause dans l'admiration pour ce qu'elle a en
d'héroïque et de sacré :
voilà le mot d'ordre que je voudrais faire
retentir partout
La politique, les réticences, les
replâtrages ne sont jamais bons; il est des
temps d'ignorance où ils peuvent rencontrer,
un certain succès; aujourd'hui, en pleine
lumière historique, en pleine lumière
scientifique, c'est le cas de, demander qui on
prétendrait tromper!
Ôtons ce scandale.
Rétablissons dans sa magnifique
intégrité le véritable
Évangile qui n'est pas, lui, en conflit avec
la conscience, Nous n'avons point à
l'arranger, nous avons à le présenter
tel qu'il est; revenant à sa pureté,
simplement, hautement, par delà les
interprètes, par delà les
théologies, par delà les
réformateurs.
L'Évangile, religion. de
vérité, révélation du
Dieu de vérité, l'Évangile qui
accomplit notre sanctification par la
vérité; l'Évangile qui
opère notre affranchissement par la
vérité; l'Évangile nous place
à l'austère école du vrai. Il
ne nous enseigne ni les beaux mensonges, ni les
erreurs nécessaires, ni les salutaires
illusions; il nous transporte dans une
région où la vérité
seule rayonne: la vérité qui est le
moyen, la vérité qui est le
but.
Nous, les fils du Dieu de
vérité, sentons bien le
privilège de croire à sa vraie
Parole. Cette Parole renferme des questions
insolubles; elle ne blesse aucune
conscience.
Ce n'est pas elle qui froissera la
moralité du libéral, ou du
philanthrope, ou du philosophe digne d'un tel nom.
Dès qu'elle s'implante dans le sol, elle en
fait jaillir les progrès; sitôt
qu'elle touche le coeur, elle y établit
l'intégrité.
Convions tous ceux que révolte
à juste titre l'histoire - souvent
déplorable - des chrétiens et de
leurs complicités avec le mal, imitons-les
à considérer quelque chose de
meilleur: le christianisme.
Notre conscience nous a mis en présence
de l'Évangile et de ses fruits.
La Révélation qui les a
produits serait-elle une invention de quelques
juifs du temps de Tibère? Avant, rien;
après, rien; car on s'en écarte
promptement. Votre conscience a
répondu.
Une aussi extraordinaire apparition
s'expliquerait-elle par l'évolution
régulière des idées, par les
transformations successives de la religion unique,
dans ses métamorphoses sans fin ? - Notre
conscience s'indigne au seul énoncé
d'une telle hypothèse. Elle se refuse
à écouter les gens qui
récitent, pour la millième fois,
l'oraison funèbre du Christianisme.
L'incrédulité
d'aujourd'hui, qui trouve très-absurde
l'incrédulité d'hier et dont
l'incrédulité de demain se rira
à, son tour, ne cause à la conscience
qu'un faible embarras. Tandis quo les
systèmes anti-chrétiens de notre
siècle se déclarent évidents
en attendant que leurs successeurs les
déclarent insensés - notre conscience
remarque deux choses:
D'abord, que s'il y a des
difficultés à croire, il y a de plus
grandes difficultés à ne pas croire.
Ensuite, que cet Évangile si
décrié a essuyé de bien autres
bourrasques et qu'il en est sorti; qu'il a
survécu à de bien autres coups, qui
devaient le laisser pour mort, et qui l'ont
laissé vivant.
Voici ce qui achève
d'éclairer notre conscience.
L'incrédulité base sa
théorie sur la négation même de
la conscience.
L'incrédulité a
décidé qui faut une religion pour le
peuple. Elle a décidé que la
religion, quoiqu'elle ne soit qu'un mensonge est un
mensonge indispensable, en ce moment du moins. Elle
a décidé que le coeur éprouve
des besoins auxquels il faut pourvoir quoi qu'en
dise là raison.
Son plan donc est de nous faire des
religions nationales, auxquelles il ne manquera que
là vérité. Il y aura là
des pasteurs dont plusieurs prêcheront contre
leur conscience, Il y aura là des foules
dont une partie, les sceptiques, participeront au
culte contre leur conscience. On se moquera de
l'Evangile, et on suivra gravement les
prédications de l'Évangile, on y
enverra sa femme et ses enfants. Ou bien ce sera
tantôt la Révélation,
tantôt le Rationalisme que les mêmes
temples verront annoncer; une main démolira
huit jours après, ce que bâtissait
l'autre huit jours avant; l'ambiguïté
des termes, souvent un langage pareil viendront
épaissir les obscurités; quant aux
âmes, elles s'en tireront comme elles
pourront.
Où est le Pascal pour
écrire des Provinciales sur tout
ceci?
Et ces Églises officielles, ces
Églises menteuses - officiellement
menteuses, devrait-on dire - n'existent-elles
point? Ne voit-on nulle part ce retour au
paganisme, à la religion civique, asservie
par l'État, débarrassée de
vérité ?
Pourquoi cette chose ignoble, le
mépris du christianisme, joint à la
prédication du christianisme, est-elle trop
souvent pratiquée par des hommes loyaux en
toute autre occasion? Pourquoi leur
échappe-t-il de dire que, si le
christianisme est faux, il n'importe, nous ne
saurions nous passer de cette erreur-là? -
Ah! c'est qu'ils ne sont pas sûrs de leur
incrédulité, c'est que la suppression
du christianisme épouvante leur bon sens,
c'est que leur conscience, à eux aussi,
proteste. Plus d'un a murmuré cette phrase
absurde et touchante: Nous vous envions votre
foi!
S'ils étaient conséquents,
il faudrait traduire ainsi : Nous vous envions
votre mensonge! - Mais ils ne le sont pas, et les
plus prévenus hésiteraient devant une
si brutale interprétation.
Notre conscience, mise en demeure par
les faits, repousse l'incrédulité
contemporaine sous toutes ses formes
Elle reconnaît que
l'Évangile ne saurait se confondre avec les
autres doctrines, et qu'il occupe un rang
particulier.
Notre conscience reconnaît en
outre, qu'appelée à se prononcer sur
les titres de l'Évangile, elle ne saurait se
poser en juge du contenu d'un livre qui s'annonce
comme divin, Ou les titres sont faux, ou les titres
sont vrais : faux, le livre tout entier
s'écroule; vrais, le livre tout entier reste
debout. Trier, choisir, rejeter telle
déclaration, effacer tel écrit
biblique - une fois les preuves de la
divinité fournies - notre conscience ne le
peut pas,
Elle sait, car l'idée même
de révélation implique cela, elle
sait qu'une religion révélée
doit renfermer des problèmes qui nous
étonnent, des mystères qui nous
dépassent. Elle sait que le divin ne saurait
être évident, car il y a toujours des
choses insondables dans la rencontre de l'homme et
de Dieu,
Si la foi était la vue, la foi
cesserait d'être l'acte, moral par
excellence. Qui a jamais parlé de la
moralité des mathématiques?
Si la foi était la vue, si depuis
dix-huit siècles et par une interminable
suite de miracles, répétés
devant toutes les académies, la foi avait
opéré sa démonstration, on
croirait en Jésus-Christ comme on croit
à une théorie démontrée
d'algèbre, comme on croit à une loi
démontrée d'astronomie; tout le monde
croirait, et il n'y aurait pas un chrétien
de plus.
Pour qu'il y ait des chrétiens,
Dieu a séparé l'évidence de
l'Évangile, et la vue de la foi.
On ne croit pas sans un vigoureux
élan moral ; or cet élan ne se
produit qu'en vertu d'un besoin de la conscience,
d'un sentiment profond du péché,
d'une ardente aspiration vers le pardon et vers
l'expiation.
Ceci est le point essentiel.
Ici se déploie dans son ampleur
l'action de la conscience - ce chercheur et ce
conquérant de la vérité.
Le sentiment du péché !
J'en fais le couronnement des travaux de
la conscience en quête de
vérité; sans lui, la foi
ébauchée ne s'achève pas.
J'aurais pu en faire la base de l'édifice;
sans lui, personne n'entame sérieusement,
nul ne mène bien loin les poursuites du
vrai. Les gens plus ou moins satisfaits
d'eux-mêmes s'arrêtent en chemin;
seule, l'âme qui se sent pécheresse et
perdue, va droit à
Jésus-Christ.
Faire comme tout le monde, se tenir
écarté d'une doctrine envahissante
qui n'a pas plus tôt mis le pied chez nous,
qu'il faudra lui appartenir et lui obéir; se
borner à la religion raisonnable, fuir le
tête-à-tête avec soi-même
et avec Dieu; se soustraire aux luttes qu'impose la
foi, se dispenser des rudes labeurs
qu'entraîne la sanctification; éviter
de devenir petit, de devenir enfant, de devenir
ignorant; éviter de se renoncer et de se
donner. toute cette série d'oppositions,
sans qu' on s'en rende compte -et je n'ai pas
nommé les convoitises grossières qui
ne veulent point mourir - toute cette hostile
armée se range en front de bataille,
à travers le chemin qu'il nous faut
parcourir pour chercher et pour trouver la
vérité.
Nous n'irons jamais loin sur cette
route-là, tant qu'un impérieux mobile
ne nous pressera point.
Ce mobile, c'est notre conscience, qui
nous parle de notre péché.
Le Seigneur a tellement tenu à
fonder notre foi sur une assise exclusivement
morale, qu'il a évité, on peut le
dire, de dévoiler l'Évangile à
quiconque n'avait point fait le premier
pas.
Il est venu guérir les gens qui
se portent mal et qui en gémissent. Il est
venu sauver, non les justes, mais les
pécheurs dégoûtés du
servage. « Si quelqu'un a, il lui sera
donné. A celui qui n'a pas, cela même
qu'il croit avoir lui sera ôté (1)
» . -
« Si quelqu'un veut faire, il connaîtra (2)
».
Ainsi se trouvent placés
vis-à-vis du Sauveur ces deux espèces
d'hommes: ceux qui ont, ceux qui veulent faire,
ceux qui s'attachent au vainqueur du
péché, ceux qui cherchant avec
droiture trouveront, parce que leur conscience de
misérables et de perdus ne les a pas
secoués en vain; et ceux qui n'ont pas, qui
n'éprouvent aucun besoin de faire la
volonté de Dieu, qui ne savent pas à
quoi servirait un vainqueur du mal, et qui, ne
poursuivant rien, n'atteindront rien, parce que
leur conscience a crié dans le
désert.
En présence de ces deux
espèces d'hommes, Jésus-Christ
emploie. les paraboles. Pourquoi? «Aux
auditeurs du dehors toutes choses se traitent en
paraboles, de peur qu'ils ne se
convertissent (3)
! » tant serait grand le malheur d'une
conversion par la connaissance sans la conscience,
d'un changement que le sens moral n'aurait point
provoqué! Les paraboles ne sont
expliquées qu'aux âmes
écrasées sous, le faix, qui aspirent
à la délivrance, qui ont faim de
vérité, qui ont soif de
sanctification; aux âmes pour lesquelles
Jésus est réellement « l'agneau
de Dieu ôtant le Péché du monde (4)».
Sentiment du péché,
horreur du péché, ne cherchez pas
d'autre porte pour entrer dans la foi.
Or notre conscience l'ouvre à
deux battants.
Je ne m'arrêterai pas à
prouver le péché.
Une de mes incessantes surprises, c'est
que tant de gens réussissent à ne le
point découvrir chez eux:
- Nous sommes imparfaits, mais nous ne
nous sommes pas faits! des lors, pourquoi me
sentirais-je responsable? N'ai-je point mes vertus?
Suis-je inférieur aux autres? Mes erreurs,
mes entraînements, s'ils existent, ne
sont-ils point le partage du genre humain? Y a-t-il
là de quoi s'alarmer?
En vérité, quand on entend
un pareil langage - et on l'entend - on se demande
si les païens n'avaient pas un sentiment plus
moral et plus vrai, eux qui par leurs sacrifices,
eux qui par leurs théories de
métempsychose, manifestaient le besoin d'un
pardon et d'une transformation.
Mais la conscience a
parlé.
Je défie quiconque
l'écoute et s'examine de ne, pas aboutir, je
ne dis point au dogme de la chute, je dis à
la conviction du Péché
individuel.
Nierez-vous l'égoïsme?
Nierez-vous les actes odieusement personnels que
volontairement, librement et mille fois pour une
vous avez commis?
Ne voyez dans ce que j'avance ni
mysticisme ni exagération. Ceci est un cri
de conscience. Seulement, gardons-nous de
l'oublier, ce cri de conscience, on peut y fermer
ses oreilles.
Que le Saint-Esprit nous donne de
l'entendre. La conviction du péché
vient de lui.
Le rapport est si étroit entre la
conscience et l'Évangile, que le sentiment
du péché ne mène à rien
de bon, dès qu'il se sépare du
travail consciencieux.
A défaut de travail, qu'est-ce
que le sentiment du péché ? - c'est
l'âme acceptant sa propre dégradation
et n'aspirant à rien de meilleur; ou bien,
fait non moins avilissant, c'est l'âme
désirant le pardon à titre de
bonheur, mais n'aspirant pas au relèvement
moral.
Des hommes qui se savent corrompus, qui
le reconnaissent, qui le proclament, qui en font
état, et qu'aucun repentir n'atteint; des
hommes qui consentent à professer, à
pratiquer, pourvu qu'on leur garantisse le ciel,
cela se voit tous les jours. Mais le ciel n'y gagne
rien, ni les pécheurs non plus; car la
conscience n'a point agi.
Qu'au contraire le sentiment du
péché rencontre la conscience, que,
sous l'action du Saint-Esprit, la conscience nous
convainque de péché - de notre
péché, à nous - et le, voile
qui couvrait la vérité religieuse se
déchire par le milieu, en dépit des
difficultés non résolues et des
mystères insondés.
Voyez cette femme pécheresse qui
arrose de ses larmes les pieds du Sauveur et qui
les essuie avec ses cheveux. Pensez-vous qu'elle
hésite ou qu'elle doute? Non; son
péché l'a torturée, et les
tortures de son péché l'ont
jetée croyante devant le Sauveur.
« Celui à qui on pardonne
moins, aime moins (5)
»
Celui à qui on ne pardonne pas,
n'aime pas,
Celui qui ne sent pas son
péché, ne peut saisir Jésus:
Cela est impossible. Or les impossibilités
morales sont les plus fortes de toutes,
Mais l'âme écrasée
par son péché, l'âme qui a
trouvé le pardon, cette âme
reçoit et comprend l'Évangile, je
vous l'affirme ici.
Ce qu'est pour le prisonnier l'ouverture
de la prison, ce qu'est pour l'aveugle l'ouverture
de ses yeux, ce qu'est pour le lépreux la
netteté, ce qu'est pour le malade la
guérison, ce qu'est pour l'homme qui se noie
le secours ; l'Évangile est tout cela, donne
tout cela, car il nous annonce le salut, car il
nous met sur le chemin d'en haut, car il nous
appelle au bonheur par la délivrance du
mal.
Ces choses que révèle
l'Évangile, nous ne les acceptons pas parce
qu'elles répondent à nos besoins;
nous les recevons parce qu'elles sont la
vérité même de Dieu, parce
qu'elles en portent le sceau, parce qu'aucune
science ne les reconnaîtra, parce que
l'examen consciencieux du péché les
reconnaît toujours.
Sans la conscience qui dénonce le
péché, impossible de croire.
Avec la conscience qui dénonce le
péché, impossible de ne pas
croire.
Il fallait que la preuve par excellence
de l'Évangile fût une preuve de
conscience. Par cela seul elle est universelle, car
la conscience existe chez tous. Par cela seul elle
est populaire, car la conscience, au rebours des
sciences, demeure à la portée de
tous.
C'est ainsi que la conscience,
procédant à la recherche de la
vérité, prononce elle-même le
mot décisif; c'est ainsi qu'elle nous prend,
et que, de ses fortes mains, elle nous met face
à face avec la vérité.
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