Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

XIV

LE PUR EVANGILE N'A PAS DE CONFLITS AVEC LA CONSCIENCE

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Disons-le hautement : les consciences ont été froissées à l'endroit de la religion.
Un puissant effort de sincérité, une énergique réaction de conscience dans les questions de foi, il nous faut cela.
Il faut qu'on le sente; nous sommes des hommes de vérité, servant le Dieu de vérité.
Vrais de nous-mêmes, vrais vis-à-vis des autres, ne fardant rien de ce qui est flétri, n'embellissant rien de ce qui est laid, avouant nos erreurs quand elles existent, n'employant aucun sophisme pour justifier ce qui n'est pas justifiable, conservant dans toute sa dignité cette grande et sainte conviction de l'Évangile qui est notre paix - que. nous n'avons jamais ou tant de motifs de serrer sur notre coeur, heureux que nous sommes de, posséder sa splendeur dans un temps où les ténèbres se font - nous glorifierons notre profession chrétienne aux yeux du monde entier.

Oui, de la conscience dans ce que nous savons et dans ce que nous ignorons; de la conscience dans le blâme des torts de notre cause dans l'admiration pour ce qu'elle a en d'héroïque et de sacré : voilà le mot d'ordre que je voudrais faire retentir partout

La politique, les réticences, les replâtrages ne sont jamais bons; il est des temps d'ignorance où ils peuvent rencontrer, un certain succès; aujourd'hui, en pleine lumière historique, en pleine lumière scientifique, c'est le cas de, demander qui on prétendrait tromper!
Ôtons ce scandale. Rétablissons dans sa magnifique intégrité le véritable Évangile qui n'est pas, lui, en conflit avec la conscience, Nous n'avons point à l'arranger, nous avons à le présenter tel qu'il est; revenant à sa pureté, simplement, hautement, par delà les interprètes, par delà les théologies, par delà les réformateurs.

L'Évangile, religion. de vérité, révélation du Dieu de vérité, l'Évangile qui accomplit notre sanctification par la vérité; l'Évangile qui opère notre affranchissement par la vérité; l'Évangile nous place à l'austère école du vrai. Il ne nous enseigne ni les beaux mensonges, ni les erreurs nécessaires, ni les salutaires illusions; il nous transporte dans une région où la vérité seule rayonne: la vérité qui est le moyen, la vérité qui est le but.
Nous, les fils du Dieu de vérité, sentons bien le privilège de croire à sa vraie Parole. Cette Parole renferme des questions insolubles; elle ne blesse aucune conscience.
Ce n'est pas elle qui froissera la moralité du libéral, ou du philanthrope, ou du philosophe digne d'un tel nom. Dès qu'elle s'implante dans le sol, elle en fait jaillir les progrès; sitôt qu'elle touche le coeur, elle y établit l'intégrité.
Convions tous ceux que révolte à juste titre l'histoire - souvent déplorable - des chrétiens et de leurs complicités avec le mal, imitons-les à considérer quelque chose de meilleur: le christianisme.


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XV

JUSQU'OU NOUS AMÈNES CETTE RECHERCHE PAR LA CONSCIENCE


Notre conscience nous a mis en présence de l'Évangile et de ses fruits.
La Révélation qui les a produits serait-elle une invention de quelques juifs du temps de Tibère? Avant, rien; après, rien; car on s'en écarte promptement. Votre conscience a répondu.
Une aussi extraordinaire apparition s'expliquerait-elle par l'évolution régulière des idées, par les transformations successives de la religion unique, dans ses métamorphoses sans fin ? - Notre conscience s'indigne au seul énoncé d'une telle hypothèse. Elle se refuse à écouter les gens qui récitent, pour la millième fois, l'oraison funèbre du Christianisme.

L'incrédulité d'aujourd'hui, qui trouve très-absurde l'incrédulité d'hier et dont l'incrédulité de demain se rira à, son tour, ne cause à la conscience qu'un faible embarras. Tandis quo les systèmes anti-chrétiens de notre siècle se déclarent évidents en attendant que leurs successeurs les déclarent insensés - notre conscience remarque deux choses:
D'abord, que s'il y a des difficultés à croire, il y a de plus grandes difficultés à ne pas croire.
Ensuite, que cet Évangile si décrié a essuyé de bien autres bourrasques et qu'il en est sorti; qu'il a survécu à de bien autres coups, qui devaient le laisser pour mort, et qui l'ont laissé vivant.
Voici ce qui achève d'éclairer notre conscience.

L'incrédulité base sa théorie sur la négation même de la conscience.

L'incrédulité a décidé qui faut une religion pour le peuple. Elle a décidé que la religion, quoiqu'elle ne soit qu'un mensonge est un mensonge indispensable, en ce moment du moins. Elle a décidé que le coeur éprouve des besoins auxquels il faut pourvoir quoi qu'en dise là raison.

Son plan donc est de nous faire des religions nationales, auxquelles il ne manquera que là vérité. Il y aura là des pasteurs dont plusieurs prêcheront contre leur conscience, Il y aura là des foules dont une partie, les sceptiques, participeront au culte contre leur conscience. On se moquera de l'Evangile, et on suivra gravement les prédications de l'Évangile, on y enverra sa femme et ses enfants. Ou bien ce sera tantôt la Révélation, tantôt le Rationalisme que les mêmes temples verront annoncer; une main démolira huit jours après, ce que bâtissait l'autre huit jours avant; l'ambiguïté des termes, souvent un langage pareil viendront épaissir les obscurités; quant aux âmes, elles s'en tireront comme elles pourront.
Où est le Pascal pour écrire des Provinciales sur tout ceci?
Et ces Églises officielles, ces Églises menteuses - officiellement menteuses, devrait-on dire - n'existent-elles point? Ne voit-on nulle part ce retour au paganisme, à la religion civique, asservie par l'État, débarrassée de vérité ?

Pourquoi cette chose ignoble, le mépris du christianisme, joint à la prédication du christianisme, est-elle trop souvent pratiquée par des hommes loyaux en toute autre occasion? Pourquoi leur échappe-t-il de dire que, si le christianisme est faux, il n'importe, nous ne saurions nous passer de cette erreur-là? - Ah! c'est qu'ils ne sont pas sûrs de leur incrédulité, c'est que la suppression du christianisme épouvante leur bon sens, c'est que leur conscience, à eux aussi, proteste. Plus d'un a murmuré cette phrase absurde et touchante: Nous vous envions votre foi!
S'ils étaient conséquents, il faudrait traduire ainsi : Nous vous envions votre mensonge! - Mais ils ne le sont pas, et les plus prévenus hésiteraient devant une si brutale interprétation.

Notre conscience, mise en demeure par les faits, repousse l'incrédulité contemporaine sous toutes ses formes
Elle reconnaît que l'Évangile ne saurait se confondre avec les autres doctrines, et qu'il occupe un rang particulier.
Notre conscience reconnaît en outre, qu'appelée à se prononcer sur les titres de l'Évangile, elle ne saurait se poser en juge du contenu d'un livre qui s'annonce comme divin, Ou les titres sont faux, ou les titres sont vrais : faux, le livre tout entier s'écroule; vrais, le livre tout entier reste debout. Trier, choisir, rejeter telle déclaration, effacer tel écrit biblique - une fois les preuves de la divinité fournies - notre conscience ne le peut pas,
Elle sait, car l'idée même de révélation implique cela, elle sait qu'une religion révélée doit renfermer des problèmes qui nous étonnent, des mystères qui nous dépassent. Elle sait que le divin ne saurait être évident, car il y a toujours des choses insondables dans la rencontre de l'homme et de Dieu,

Si la foi était la vue, la foi cesserait d'être l'acte, moral par excellence. Qui a jamais parlé de la moralité des mathématiques?
Si la foi était la vue, si depuis dix-huit siècles et par une interminable suite de miracles, répétés devant toutes les académies, la foi avait opéré sa démonstration, on croirait en Jésus-Christ comme on croit à une théorie démontrée d'algèbre, comme on croit à une loi démontrée d'astronomie; tout le monde croirait, et il n'y aurait pas un chrétien de plus.

Pour qu'il y ait des chrétiens, Dieu a séparé l'évidence de l'Évangile, et la vue de la foi.
On ne croit pas sans un vigoureux élan moral ; or cet élan ne se produit qu'en vertu d'un besoin de la conscience, d'un sentiment profond du péché, d'une ardente aspiration vers le pardon et vers l'expiation.
Ceci est le point essentiel.
Ici se déploie dans son ampleur l'action de la conscience - ce chercheur et ce conquérant de la vérité.


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XVI

LA GRANDE PREUVE FOURNIE PAR LA CONSCIENCE : SENTIMENT DU PECHE


Le sentiment du péché !
J'en fais le couronnement des travaux de la conscience en quête de vérité; sans lui, la foi ébauchée ne s'achève pas. J'aurais pu en faire la base de l'édifice; sans lui, personne n'entame sérieusement, nul ne mène bien loin les poursuites du vrai. Les gens plus ou moins satisfaits d'eux-mêmes s'arrêtent en chemin; seule, l'âme qui se sent pécheresse et perdue, va droit à Jésus-Christ.

Faire comme tout le monde, se tenir écarté d'une doctrine envahissante qui n'a pas plus tôt mis le pied chez nous, qu'il faudra lui appartenir et lui obéir; se borner à la religion raisonnable, fuir le tête-à-tête avec soi-même et avec Dieu; se soustraire aux luttes qu'impose la foi, se dispenser des rudes labeurs qu'entraîne la sanctification; éviter de devenir petit, de devenir enfant, de devenir ignorant; éviter de se renoncer et de se donner. toute cette série d'oppositions, sans qu' on s'en rende compte -et je n'ai pas nommé les convoitises grossières qui ne veulent point mourir - toute cette hostile armée se range en front de bataille, à travers le chemin qu'il nous faut parcourir pour chercher et pour trouver la vérité.
Nous n'irons jamais loin sur cette route-là, tant qu'un impérieux mobile ne nous pressera point.
Ce mobile, c'est notre conscience, qui nous parle de notre péché.

Le Seigneur a tellement tenu à fonder notre foi sur une assise exclusivement morale, qu'il a évité, on peut le dire, de dévoiler l'Évangile à quiconque n'avait point fait le premier pas.
Il est venu guérir les gens qui se portent mal et qui en gémissent. Il est venu sauver, non les justes, mais les pécheurs dégoûtés du servage. « Si quelqu'un a, il lui sera donné. A celui qui n'a pas, cela même qu'il croit avoir lui sera ôté (1) » . - « Si quelqu'un veut faire, il connaîtra (2) ».
Ainsi se trouvent placés vis-à-vis du Sauveur ces deux espèces d'hommes: ceux qui ont, ceux qui veulent faire, ceux qui s'attachent au vainqueur du péché, ceux qui cherchant avec droiture trouveront, parce que leur conscience de misérables et de perdus ne les a pas secoués en vain; et ceux qui n'ont pas, qui n'éprouvent aucun besoin de faire la volonté de Dieu, qui ne savent pas à quoi servirait un vainqueur du mal, et qui, ne poursuivant rien, n'atteindront rien, parce que leur conscience a crié dans le désert.

En présence de ces deux espèces d'hommes, Jésus-Christ emploie. les paraboles. Pourquoi? «Aux auditeurs du dehors toutes choses se traitent en paraboles, de peur qu'ils ne se convertissent (3) ! » tant serait grand le malheur d'une conversion par la connaissance sans la conscience, d'un changement que le sens moral n'aurait point provoqué! Les paraboles ne sont expliquées qu'aux âmes écrasées sous, le faix, qui aspirent à la délivrance, qui ont faim de vérité, qui ont soif de sanctification; aux âmes pour lesquelles Jésus est réellement « l'agneau de Dieu ôtant le Péché du monde (4)».

Sentiment du péché, horreur du péché, ne cherchez pas d'autre porte pour entrer dans la foi.
Or notre conscience l'ouvre à deux battants.
Je ne m'arrêterai pas à prouver le péché.
Une de mes incessantes surprises, c'est que tant de gens réussissent à ne le point découvrir chez eux:
- Nous sommes imparfaits, mais nous ne nous sommes pas faits! des lors, pourquoi me sentirais-je responsable? N'ai-je point mes vertus? Suis-je inférieur aux autres? Mes erreurs, mes entraînements, s'ils existent, ne sont-ils point le partage du genre humain? Y a-t-il là de quoi s'alarmer?

En vérité, quand on entend un pareil langage - et on l'entend - on se demande si les païens n'avaient pas un sentiment plus moral et plus vrai, eux qui par leurs sacrifices, eux qui par leurs théories de métempsychose, manifestaient le besoin d'un pardon et d'une transformation.
Mais la conscience a parlé.

Je défie quiconque l'écoute et s'examine de ne, pas aboutir, je ne dis point au dogme de la chute, je dis à la conviction du Péché individuel.
Nierez-vous l'égoïsme? Nierez-vous les actes odieusement personnels que volontairement, librement et mille fois pour une vous avez commis?
Ne voyez dans ce que j'avance ni mysticisme ni exagération. Ceci est un cri de conscience. Seulement, gardons-nous de l'oublier, ce cri de conscience, on peut y fermer ses oreilles.
Que le Saint-Esprit nous donne de l'entendre. La conviction du péché vient de lui.
Le rapport est si étroit entre la conscience et l'Évangile, que le sentiment du péché ne mène à rien de bon, dès qu'il se sépare du travail consciencieux.
A défaut de travail, qu'est-ce que le sentiment du péché ? - c'est l'âme acceptant sa propre dégradation et n'aspirant à rien de meilleur; ou bien, fait non moins avilissant, c'est l'âme désirant le pardon à titre de bonheur, mais n'aspirant pas au relèvement moral.

Des hommes qui se savent corrompus, qui le reconnaissent, qui le proclament, qui en font état, et qu'aucun repentir n'atteint; des hommes qui consentent à professer, à pratiquer, pourvu qu'on leur garantisse le ciel, cela se voit tous les jours. Mais le ciel n'y gagne rien, ni les pécheurs non plus; car la conscience n'a point agi.
Qu'au contraire le sentiment du péché rencontre la conscience, que, sous l'action du Saint-Esprit, la conscience nous convainque de péché - de notre péché, à nous - et le, voile qui couvrait la vérité religieuse se déchire par le milieu, en dépit des difficultés non résolues et des mystères insondés.

Voyez cette femme pécheresse qui arrose de ses larmes les pieds du Sauveur et qui les essuie avec ses cheveux. Pensez-vous qu'elle hésite ou qu'elle doute? Non; son péché l'a torturée, et les tortures de son péché l'ont jetée croyante devant le Sauveur.
« Celui à qui on pardonne moins, aime moins (5) »
Celui à qui on ne pardonne pas, n'aime pas,
Celui qui ne sent pas son péché, ne peut saisir Jésus: Cela est impossible. Or les impossibilités morales sont les plus fortes de toutes,
Mais l'âme écrasée par son péché, l'âme qui a trouvé le pardon, cette âme reçoit et comprend l'Évangile, je vous l'affirme ici.
Ce qu'est pour le prisonnier l'ouverture de la prison, ce qu'est pour l'aveugle l'ouverture de ses yeux, ce qu'est pour le lépreux la netteté, ce qu'est pour le malade la guérison, ce qu'est pour l'homme qui se noie le secours ; l'Évangile est tout cela, donne tout cela, car il nous annonce le salut, car il nous met sur le chemin d'en haut, car il nous appelle au bonheur par la délivrance du mal.

Ces choses que révèle l'Évangile, nous ne les acceptons pas parce qu'elles répondent à nos besoins; nous les recevons parce qu'elles sont la vérité même de Dieu, parce qu'elles en portent le sceau, parce qu'aucune science ne les reconnaîtra, parce que l'examen consciencieux du péché les reconnaît toujours.
Sans la conscience qui dénonce le péché, impossible de croire.
Avec la conscience qui dénonce le péché, impossible de ne pas croire.
Il fallait que la preuve par excellence de l'Évangile fût une preuve de conscience. Par cela seul elle est universelle, car la conscience existe chez tous. Par cela seul elle est populaire, car la conscience, au rebours des sciences, demeure à la portée de tous.

C'est ainsi que la conscience, procédant à la recherche de la vérité, prononce elle-même le mot décisif; c'est ainsi qu'elle nous prend, et que, de ses fortes mains, elle nous met face à face avec la vérité.

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