Les
scepticismes actuels portent la marque du
siècle où nous vivons : un
siècle enivré de science. C'est sa
gloire et c'est son danger.
L'enivrement se
conçoit.
Quelle heure que celle où la vapeur et
l'électricité ont supprimé les
distances, où l'histoire des temps anciens
semble jaillir tout entière des inscriptions
enfin déchiffrées de l'Égypte
et de l'Assyrie, où elle, monte du sein des
lacs qui nous ont conservé les traces de
l'âge de pierre et de l'âge de bronze,
où elle sort des entrailles mêmes de
la terre dont les couches géologiques
renferment les plus vieilles annales de notre
globe! Oui, la tentation d'orgueil scientifique est
grande aujourd'hui. Raison de plus pour interroger
notre science infaillible : la
conscience.
Elle
n'a rien à objecter aux méthodes
scientifiques. La science, cela est clair, ne doit
marcher qu'appuyée sur des observations, sur
des faits, sur des preuves. Le positivisme
scientifique est légitime.
Mais
les sciences exactes ne sont pas toute la science,
et l'intelligence n'est pas tout
l'homme.
Rien
de moins scientifique, rien de moins positif, que
de nous donner un homme réduit à la
cervelle. Les faits de sentiment, les faits de
conscience sont aussi des faits, et les savants qui
n'en tiennent pas compte ne méritent pas le
nom de savants.
Notre
science rend témoignage à notre
unité. L'homme est un. L' homme
réduit au coeur et à la conscience,
n'est plus l'homme, car l'intelligence lui manque,
et sans elle, il ira à toutes les
absurdités. L'homme réduit à
l'intelligence n'est plus l'homme, car la
conscience et le coeur lui manquent, et
l'intelligence, raisonnant seule, aboutit à
d'effrayantes aberrations.
Au
nom du vrai positivisme, examinons le faux.
Nous
avons
affaire à des gens qui déclarent
l'Évangile impossible à
accepter.
Hé bien, j'ai envie de
leur
dire, moi, ce que ma conscience me déclare
impossible à recevoir.
Elle
me défend d'admettre comme un axiome, et sur
le décret infaillible de certains esprits,
que le surnaturel ne saurait exister. L'insolence
des décisions de l'ignorance n'est rien,
comparée à celle de tel savant qui
nous ordonne de penser, sous peine de
crétinisme, que Dieu est impossible, que la
création est impossible, que la
rédemption est impossible, que le monde des
choses qu'on ne voit pas est impossible, que tout
ce qu'on ne dissèque pas avec un scalpel de
chirurgien, tout ce qu'on ne casse pas avec un
marteau de géologue, tout ce qu'on ne
manipule pas dans des récipients chimiques,
tout ce qu'on ne constate pas avec les yeux, les
mains et les balances, est
impossible.
Pourquoi? Le maître a
parlé. La cause est entendue!
Je
n'ai pas besoin de raisonner beaucoup pour savoir
à quoi m'en tenir sur de tels arrêts.
Il me suffit d'interroger ma conscience, et mon
intelligence, et mon gros bon sens pardessus le
marché.
Voici
ce qui effarouche et mon bon sens et ma conscience,
intime alliée du bon sens.
Croire au Dieu
éternel,
c'est absurde; mais croire à la
matière éternelle , c'est très
simple!
Vous
qui ne croyez qu'à ce que vous avez vu, vous
n'avez pas vu l'éternité de la
matière; n'importe, elle vous
débarrasse de Dieu, cela
suffit.
Or,
ma conscience est d'un autre avis. Elle refuse de
croire, sur votre seule garantie, que la
matière s'est créée
elle-même de toute éternité;
qu'elle s'est donné des lois a
elle-même; qu'elle-même a formé
l'univers et lui a imposé l'ordre qui le
régit; qu'elle a façonné
elle-même toutes les séries des
êtres organisés.
La
matière créant l'esprit, ce qui a
l'étendue créant ce qui a la
pensée et le sentiment, cela peut sembler
fort naturel aux savants qui ne croient que ce
qu'ils ont vu; mais moi, que voulez-vous? je ne
suis pas assez crédule pour être
incrédule à ce point. Ma conscience
proteste, très positivement, au nom de tout
ce que j'ai en moi d'intelligence et de coeur, au
nom de cette conscience même, qui serait
sortie, elle aussi, d'une combinaison de la
matière!
Oui,
ma conscience se dresse en face de votre
positivisme. Elle demande qu'on l'explique, elle!
Elle affirme - et d'une voix que tous entendent -
qu'elle est le témoin de Dieu en nous, et
que, puisqu'elle est un fait, ceux qui ne tiennent
compte que des faits doivent, en sa
présence, reconnaître qu'il y a un
Dieu.
Expliquez la
conscience autrement
que par Dieu! Vient-elle dé l'homme? elle
s'indigne contre l'homme. Vient-elle de
l'intérêt et de l'instinct de
conservation? elle s'insurge contre
l'intérêt et nous commande jusqu'au
sacrifice de la vie.
Combien vous faut-il
de milliards
de siècles, en partant de la cellule, pour
arriver à la conscience?
Dites-le.
Et
l'instinct, le simple instinct d'une mouche, qui va
déposer son oeuf dans l'animal où il
éclora - ce qu'elle fait sans l'avoir vu
faire, car sa mère était morte quand
elle-même, est née - cet instinct,
comment le tirerez-vous des combinaisons de votre
matière?
Affaire
d'hérédité! - dites-vous. Mais
cette hérédité, la
trouvez-vous plus aisée à expliquer
matériellement que
l'instinct?
En
vérité, s'arrêter à de
pareilles objections quand on a l'intelligence,
quand on a le coeur, quand on a la conscience,
c'est perdre son temps.
La
conscience d'un côté, la
négation systématique de l'autre, il
faut choisir.
Quiconque choisira la
négation du surnaturel, construira son
positivisme sur ce qu'il y a de moins scientifique
au monde : Le refus de tenir compte d'un fait
évident, incontestable, universel: le fait
de la conscience.
Il y
a plus. Vous qui niez le surnaturel pour nous
réduire à la matière, vous
supprimez du même coup la
liberté.
Les
lois de la matière - lois inexplicables
d'ailleurs - sont des lois fatales. Il est aussi
impossible d'admettre un atome de liberté
dans les évolutions de la matière,
qu'un atome de liberté dans la composition
des acides ou des sels.
Demandez aux savants
ce que
deviendraient la chimie et la mécanique, si
la moindre liberté s'en
mêlait.
Notre
conscience a son mot à dire
là-dessus. Dès que Dieu est
remplacé par la matière, la
liberté, qui n'est plus là-haut, ne
saurait subsister ici-bas. La liberté une
fois détruite, la morale est
tuée.
Avec
les combinaisons de la matière, vous pouvez
imaginer - et encore - des appétits, des
sensations, la recherche de ce qui sort, la crainte
de ce qui nuit; mais concevoir une liberté,
mais construire une morale, je vous en
défie!
L'indépendance et la
morale
sont à leur place dans un monde où la
grande liberté divine a créé,
a organisé, où il y a une justice et
où il y aura un jugement. Il n'existe de
place ni pour la morale ni pour la liberté
dans le monde des évolutions de la
matière.
Je
parlais de morale! L'école incrédule
dont il s'agit, subit à son insu l'influence
de sa doctrine. Le fanatisme vient s'associer pour
elle au grossier panthéisme, qui n'est
qu'une divinisation de la matière. Le
fanatisme dans l'histoire, le devoir
remplacé par l'impulsion de la chair -
chacun obéissant à sa nature,
à ses instincts, aux lois de son
organisation; la littérature elle-même
n'étant plus que l'expansion
nécessaire des milieux et des complexions
diverses voilà les théories morales
que nous révèle la morale de
l'avenir.
Heureusement, notre
conscience est
là.
Elle
nous avertit. L'expérience, qui lui vient en
aide, nous dit à son tour que depuis
longtemps, dans tous les alambics de la philosophie
matérialiste, on s'est efforcé de
transformer les instincts en morale et les
intérêts en devoirs. On a eu beau
faire. Jamais ni la morale, ni la conviction
personnelle de devoir ne sont sorties des
récipients où l'on avait versé
des montagnes d'intérêts publics et
privés.
Voici
la corruption; voici la douleur; voici la mort. Que
nous dit le matérialisme et que nous dit la
conscience?
Mourons-nous tout
entiers? Nos
bien-aimés meurent-ils tout entiers? Au bord
de cette fosse qui s'ouvre, nous
résignerons-nous à croire aux
évolutions de la matière, à la
destruction finale de ce que nous avons
chéri et qui va entrer dans des combinaisons
nouvelles? Ce qui a aimé, ce qui a
pensé, ce qui a prié, ce qui a
pratiqué le bien, tout cela, était-ce
la matière?
Un
cri de notre conscience a répondu! Rien de
tout cela n'est la matière, rien de tout
cela ne peut venir des combinaisons de la
matière; tout cela porte le sceau de Dieu,
du Dieu vivant, personnel, libre, le sceau de la
création intelligente, aimante,
surnaturelle; pas une faculté de notre
esprit, pas une tendresse de notre coeur ne
sauraient périr; et le jour où nous
parviendrions à nous persuader le contraire,
nous ferions bien, je le déclare, de ne plus
penser, car la pensée aboutissant au
néant serait de toutes les vanités la
plus vaine; nous ferions bien de ne plus aimer,
car, avec l'éternelle destruction au bout,
l'amour serait, de toutes les tromperies la plus
féroce, de tous les mensonges le plus
infernal.
Je le
répète, notre conscience est
là. Elle proclame Dieu, elle affirme
l'éternité, elle appelle à
grands cris la rédemption. En
présence de la liberté, de la morale,
du péché, de la douleur, de la mort;
des faits les plus universels, et les plus
certains, et les plus scientifiques; elle nous
interdit de mettre en doute le surnaturel; elle
nous montre l'affreuse inanité de ces
crédulités incrédules qui
prétendent ne croire que ce qu'elles ont vu,
et qui débutent par deux absolus : Croire ce
qu'elles n'ont pas vu, nier ce qu'elles voient (1).
Notre
conscience ne fait pas meilleur parti aux doctrines
déistes qui conservent l'âme,
maintiennent Dieu, reconnaissent la
création, veulent la morale, et
tolèrent même un peu
d'Évangile, pour assaisonner le tout; mais
qui nient absolument l'action directe, vivante,
quotidienne et indépendante de Dieu, sur les
affaires de sa maison.
Parvenez-vous à croire
en un
Dieu qui a été libre un jour, qui le
lendemain a cessé de l'être,
emprisonné dans sa propre oeuvre, paralyse
par ses propres lois? Ma conscience, elle,
s'indigne à la pensée de ce
Dieu-là, qui n'agit pas, qui n'aime pas, qui
ne s'émeut pas, qui ne se
révèle pas. Elle découvre une
contradiction choquante entre l'idée
même de Dieu, c'est-à-dire de
l'Être puissant, bon, saint,
miséricordieux et libre, entre l'idée
du Père céleste en un mot; et la
théorie d'un Dieu immobile, impassible,
enchaîné, d'un Dieu sans entrailles,
d'un Dieu qui voit souffrir, qui entend prier, qui
entend pleurer, qui entend crier ses
créatures, et qui, pas une fois, ne leur
tendra la main!
« Si vous savez donner
de
bonnes choses à vos enfants, combien plus
votre Père qui est aux cieux (2)
!
»
Ce
que Jésus me dit, ma conscience le
pressentait.
Avec
ceux qui, faisant un pas de plus, semblent accepter
l'Évangile, tout en lui ôtant son
caractère d'autorité pour le
soumettre aux révisions de la raison
individuelle, ma conscience n'hésite pas
davantage.
S'il
y a une Révélation divine, elle ne
saurait être traitée - ma conscience
l'affirme - comme on se permet de traiter la Parole
de, Dieu.
Un
livre dont chaque partie porterait le sceau des
préjugés du temps, l'empreinte des
erreurs personnelles, la trace des tendances
dominantes; un livre dont il nous faudrait
contrôler les récits, la morale et la
métaphysique, ce livre ne nous
révélerait rien, absolument, que ce
qui nous plairait.
Mutiler la Révélation
pour n'en plus faire, qu'une suite de textes
épurés, c'est réduire
l'Évangile à la croyance en Dieu, au
respect pour Jésus-Christ, à
l'acceptation de quelques principes moraux; c'est
effacer haut la main tous les traits distinctifs de
la religion qu'on prétend
recevoir.
Ma
conscience ne dissimule pas son dégoût
à la rencontre d'un tel
orgueil.
Quant
à l'acte qui consiste à rejeter, en
déclarant qu'on accepte; notre sens moral
à sa façon à lui, et de le
juger, et de le définir.
Il
s'agit d'une question de bonne foi. Accepter, c'est
accepter; rejeter, c'est rejeter.
Sans
anticiper sur la suite de cette étude, ma
conscience, à qui je ne demande pas en cet
instant ce qu'elle pense de l'Évangile, me
dit cependant que, s'il y a quelque part une
doctrine qui réponde à tous nos
besoins, qui résolve tous nos
problèmes, qui sanctifie nos âmes, qui
donne à nos douleurs un espoir
assuré, qui fonde, la famille, qui mette
ici-bas la liberté, l'égalité,
la charité, la paix; ma conscience me dit
que, si cette doctrine s'adapte aux
nécessités d'une race déchue
mais responsable et capable de relèvement,
que si cette doctrine embellit la terre, que si
elle ouvre le ciel, que si elle ennoblit
l'existence, que si elle introduit une forte et
simple morale dont la grandeur n'ait jamais
été égalée, que si elle
abolit les vieilles pourritures des vieilles
sociétés pour enfanter une
civilisation nouvelle et supérieure, notre
devoir ne saurait être en aucun cas de la
repousser légèrement, au nom du
Positivisme, au nom du Déisme, au nom du
Rationalisme.
Nous
sommes tenus de la considérer
très-respectueusement et de
très-près.
M.
Burnouf,
exprimant avec plus de sans gène ce que
l'école moderne tout entière tend
à penser, n'a pas craint de nous exposer une
science des religions dont la conclusion, hardie
pour le moins, est que: toutes les religions se
valent ! Au fond, il n'y en a qu'une
!
Cette
religion unique, se trouve renfermée dans
les Védas. Le soleil, la chaleur et le vent:
le Père, le Fils et le Saint-Esprit -
j'hésite à transcrire de tels
blasphèmes - s'y révèlent
déjà. C'est la vie, le mouvement et
la pensée.
Nulle
religion n'a ajouté à ce fond
commun.
L'Évangile n'y a rien
ajouté !
Appliquons notre
méthode;
appelons-en à la conscience.
Que
pense-t-elle du procédé qui consiste
à dépouiller l'Évangile de
toutes ses doctrines saillantes - oui, toutes, sans
exception pour se donner le droit de dire
après : L'Évangile ressemble à
tous les autres livres
sacrés!
Voici
quelques-unes des révélations
spéciales à l'Évangile qu'on a
supprimées comme insignifiantes, afin de le
réduire à cette quintessence,
à cette religion unique des Védas
:
Le
Dieu vivant, la chute, le libre arbitre,
l'expiation, la grâce gratuite, la nouvelle
naissance, la sanctification avec ses luttes
innombrables et sa marche infinie.
Est-ce en conscience
que,
prétendant confondre l'Évangile avec
les Védas, avec le bouddhisme, avec les
cultes de l'Orient, de l'Égypte et de la
Grèce, on en retranche ce qui fait qu'il est
lui? Je voudrais savoir, et je me le demande
sérieusement, afin d'excuser ceux qui
opèrent de pareilles mutilations; je
voudrais savoir si, dans leur
légèreté incroyable
associée à tant de prétentions
scientifiques, à un ton si doctoral, ils ont
pris la peine de lire, ou même de feuilleter
l'Évangile.
Un
Dieu qui donne son Fils, un Fils éternel qui
se donne, une grâce qui n'altère en
rien la justice, une manifestation de pitié
qui n'a rien de commun avec la bonté
indifférente au mal, cela ne se rencontre
pas partout que je sache. L'Évangile seul
nous révèle un Dieu d'amour qui n'est
pas le bon Dieu. L'Évangile seul met la
liberté dans le ciel et sur la terre.
L'Évangile seul nous dévoile une
éternité où l'individu
persiste, qui n'est ni l'absorption
védhique, ni l'absorption boudhiste, ni
l'absorption panthéiste et
stoïque
Ce
qui n'empêche pas que l'Évangile ne
soit une édition à peine revue des
Védas!
On
nous fait une science des religions, et l'on ne
s'arrête pas même devant le
problème de Jésus-Christ, le grand
miracle de l'histoire, le miracle qu'on
n'expliquera jamais, celui au sujet duquel la
conscience de Rousseau s'écriait dans le
siècle dernier : « L'inventeur en
serait plus étonnant que le héros!
»
IL y
aurait trop à dire.
Allons droit au point
central, au
fait sur lequel on insiste. Est-il vrai, oui ou
non, que l'Évangile et les religions
païennes nous présentent une seule et
même morale?
La
conscience démolit cette
énormité.
Qu'on
trouve de beaux préceptes dans toutes les
religions, cela va de soi. La conscience, qui est
le témoin de Dieu dans l'homme, fournit
à tous les hommes une série semblable
d'axiomes justes et moraux. Donner à boire
à celui qui a soif, nourrir celui qui a
faim, plaindre les affligés; pardonner,
aimer, vaincre son égoïsme.
voilà qui petit et doit se reproduire chez
tous les moralistes, du plus au
moins.
Notons pourtant
quelques
différences.
Vous
êtes obligé de glaner çà
et là dans les *Védas, dans Bouddha,
dans Zoroastre, dans les théogonies
helléniques; vous n'oseriez nous montrer vos
belles sentences, ni entourées du cadre
hideux qui les emprisonne, ni perdues au milieu des
souillures, des absurdités, des
immoralités qui les
enveloppent.
Quant
à l'Évangile, prenez-le de la
première ligne à la dernière,
vous n'aurez pointe à faire un choix; il ne
sera pas plus nécessaire de trier que de
voiler.
Je
vous prierai, en outre, de nous présenter un
autre livre qui contienne ces
choses-ci:
Le
péché, dans sa tragique
horreur.
L'individu, dans sa
responsabilité personnelle.
La
nouvelle naissance, dans l'immensité du,
changement exigé.
Le
Saint-Esprit, rendant l'homme capable. de repentir,
de foi, de transformation.
Le
pardon, saisissant l'âme,
régénérant le coeur, mettant
le mobile à côté du
devoir.
La
vie en Dieu rendant toutes choses
nouvelles.
La
grande morale, ouvrant les avenues sans terme de
ses réformes et de ses
bénédictions.Et cette grande morale,
remarquez-le, na pas un trait de commun avec
l'ascétisme; c'est la vie ordinaire,
épurée, non
mutilée.
Les
Védas vous ont-ils rien montré de
pareil ?
Les
vertus touchantes, mais essentiellement monacales
de Bouddha offrent-elles ce caractère
parfaitement divin et parfaitement
humain?
Ou
bien les philosophes stoïques - vous le voyez,
en choisissant le stoïcisme et Bouddha, je
vous fais la partie belle - les sages
stoïciens nous auraient-ils
révélé la morale
évangélique? Leur morale, cette
morale du devoir glacé, cette morale de
l'impassibilité panthéiste,
serait-elle Par hasard la morale des
apôtres?
Il y
a plus, et ma conscience ne me permet pas de
l'oublier; parmi ces religions, semblables à
l'Évangile, les unes accomplissent le salut
par l'absorption finale, les autres promettent le
bonheur par le Nirvânha; celles-ci
opèrent la régénération
par un acte absolument étranger à la
volonté libre, celles-là laissent
entrevoir une éternité si douteuse,
que, le plus souvent, elle se traduit par un ;
peut-être.
Toutes les religions
se valent,
prétendez-vous ! Les monstruosités de
l'Olympe grec, les orgies du culte syrien, les
enfants brûlés à Carthage, tout
cela vous parait identique à
l'Évangile !
Et
vous le déclarez sérieusement; et
vous le propagez; et cela s'accepte! Et ces
saturnales du ciel, ces fanges divines, quand vous
nous avez expliqué qu'elles sont une
légende populaire, que cette légende
est sortie d'une allégorie, que l'action,
que le mélange, que le mariage des
éléments étaient
représentés par de telles turpitudes,
vous croyez les avoir justifiées! Belle
excuse pour une religion! Belle excuse pour une
morale ! Les peuples voient ce qu'ils voient, ils
entendent ce qu'on leur dit.
Je
reconnais les beautés des poèmes
indous, j'admire les nobles traits de la vie de
Bouddha; toutefois, ma conscience ne me permet
point d'oublier ni quelles folies
dégradantes altèrent ces
beautés, ni quelle étouffante
étroitesse, ni quelle soif du néant
sont venues gâter cette noble
vie.
En
définitive, lorsqu'on m'invite à
contempler dans les Védas l'idéal de
la religion et de la morale, je ne puis
m'empêcher dépenser que, si la
vérité métaphysique et morale,
a de tout temps couru les rues, comme on l'affirme,
elle a dû être connue par les
philosophes les plus réputés de
Grèce et de Rome, Or Platon, voulant me
montrer une société parfaite, me
décrit les infamies de sa République;
or Cicéron, cherchant ce qu'il faut penser
de la vie future, ne trouve guère, qu'une
brumeuse espérance à mettre devant
mes douleurs.
En
présence de tels faits, vous osez nous dire
que l'Évangile, c'est ce qu'on avait
toujours vu! Expliquez-nous alors pourquoi,
lorsqu'il a paru, il a semblé si nouveau, si
étrange, si scandaleux? pourquoi ce trouble
inouï? pourquoi l'histoire coupée en
deux? D'où vient qu'une révolution
immense s'est accomplie, et que les temps modernes
en sont sortis ?
Une
autre question : D'où vient que cette
Révélation, semblable à toutes
les révélations
précédentes, satisfait les besoins
que nulle religion, que nulle philosophie n'avait
contentés avant elle: besoin de pardon,
besoin de relèvement, besoin de
sainteté, besoin de vérité?
D'où vient que tous ceux qui ont
rencontré les autres religions, qui ont
réellement accepté celle-ci, ont
reconnu le sens profond de la parole : « Celui
qui boira de cette eau aura encore soif ; mais
celui qui boira de Peau que je lui donnerai n'aura
plus soif; en lui naîtront des sources vives
qui jailliront jusque dans la vie éternelle (3)
» ?
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