Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

VI

LE POSITIVISME.

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Les scepticismes actuels portent la marque du siècle où nous vivons : un siècle enivré de science. C'est sa gloire et c'est son danger.
L'enivrement se conçoit. Quelle heure que celle où la vapeur et l'électricité ont supprimé les distances, où l'histoire des temps anciens semble jaillir tout entière des inscriptions enfin déchiffrées de l'Égypte et de l'Assyrie, où elle, monte du sein des lacs qui nous ont conservé les traces de l'âge de pierre et de l'âge de bronze, où elle sort des entrailles mêmes de la terre dont les couches géologiques renferment les plus vieilles annales de notre globe! Oui, la tentation d'orgueil scientifique est grande aujourd'hui. Raison de plus pour interroger notre science infaillible : la conscience.
Elle n'a rien à objecter aux méthodes scientifiques. La science, cela est clair, ne doit marcher qu'appuyée sur des observations, sur des faits, sur des preuves. Le positivisme scientifique est légitime.
Mais les sciences exactes ne sont pas toute la science, et l'intelligence n'est pas tout l'homme.

Rien de moins scientifique, rien de moins positif, que de nous donner un homme réduit à la cervelle. Les faits de sentiment, les faits de conscience sont aussi des faits, et les savants qui n'en tiennent pas compte ne méritent pas le nom de savants.
Notre science rend témoignage à notre unité. L'homme est un. L' homme réduit au coeur et à la conscience, n'est plus l'homme, car l'intelligence lui manque, et sans elle, il ira à toutes les absurdités. L'homme réduit à l'intelligence n'est plus l'homme, car la conscience et le coeur lui manquent, et l'intelligence, raisonnant seule, aboutit à d'effrayantes aberrations.
Au nom du vrai positivisme, examinons le faux.


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VII

CE QUE LA CONSCIENCE OPPOSE AU POSITIVISME


Nous avons affaire à des gens qui déclarent l'Évangile impossible à accepter.
Hé bien, j'ai envie de leur dire, moi, ce que ma conscience me déclare impossible à recevoir.
Elle me défend d'admettre comme un axiome, et sur le décret infaillible de certains esprits, que le surnaturel ne saurait exister. L'insolence des décisions de l'ignorance n'est rien, comparée à celle de tel savant qui nous ordonne de penser, sous peine de crétinisme, que Dieu est impossible, que la création est impossible, que la rédemption est impossible, que le monde des choses qu'on ne voit pas est impossible, que tout ce qu'on ne dissèque pas avec un scalpel de chirurgien, tout ce qu'on ne casse pas avec un marteau de géologue, tout ce qu'on ne manipule pas dans des récipients chimiques, tout ce qu'on ne constate pas avec les yeux, les mains et les balances, est impossible.
Pourquoi? Le maître a parlé. La cause est entendue!

Je n'ai pas besoin de raisonner beaucoup pour savoir à quoi m'en tenir sur de tels arrêts. Il me suffit d'interroger ma conscience, et mon intelligence, et mon gros bon sens pardessus le marché.
Voici ce qui effarouche et mon bon sens et ma conscience, intime alliée du bon sens.

Croire au Dieu éternel, c'est absurde; mais croire à la matière éternelle , c'est très simple!

Vous qui ne croyez qu'à ce que vous avez vu, vous n'avez pas vu l'éternité de la matière; n'importe, elle vous débarrasse de Dieu, cela suffit.
Or, ma conscience est d'un autre avis. Elle refuse de croire, sur votre seule garantie, que la matière s'est créée elle-même de toute éternité; qu'elle s'est donné des lois a elle-même; qu'elle-même a formé l'univers et lui a imposé l'ordre qui le régit; qu'elle a façonné elle-même toutes les séries des êtres organisés.
La matière créant l'esprit, ce qui a l'étendue créant ce qui a la pensée et le sentiment, cela peut sembler fort naturel aux savants qui ne croient que ce qu'ils ont vu; mais moi, que voulez-vous? je ne suis pas assez crédule pour être incrédule à ce point. Ma conscience proteste, très positivement, au nom de tout ce que j'ai en moi d'intelligence et de coeur, au nom de cette conscience même, qui serait sortie, elle aussi, d'une combinaison de la matière!
Oui, ma conscience se dresse en face de votre positivisme. Elle demande qu'on l'explique, elle! Elle affirme - et d'une voix que tous entendent - qu'elle est le témoin de Dieu en nous, et que, puisqu'elle est un fait, ceux qui ne tiennent compte que des faits doivent, en sa présence, reconnaître qu'il y a un Dieu.
Expliquez la conscience autrement que par Dieu! Vient-elle dé l'homme? elle s'indigne contre l'homme. Vient-elle de l'intérêt et de l'instinct de conservation? elle s'insurge contre l'intérêt et nous commande jusqu'au sacrifice de la vie.
Combien vous faut-il de milliards de siècles, en partant de la cellule, pour arriver à la conscience?
Dites-le.

Et l'instinct, le simple instinct d'une mouche, qui va déposer son oeuf dans l'animal où il éclora - ce qu'elle fait sans l'avoir vu faire, car sa mère était morte quand elle-même, est née - cet instinct, comment le tirerez-vous des combinaisons de votre matière?
Affaire d'hérédité! - dites-vous. Mais cette hérédité, la trouvez-vous plus aisée à expliquer matériellement que l'instinct?
En vérité, s'arrêter à de pareilles objections quand on a l'intelligence, quand on a le coeur, quand on a la conscience, c'est perdre son temps.
La conscience d'un côté, la négation systématique de l'autre, il faut choisir.

Quiconque choisira la négation du surnaturel, construira son positivisme sur ce qu'il y a de moins scientifique au monde : Le refus de tenir compte d'un fait évident, incontestable, universel: le fait de la conscience.

Il y a plus. Vous qui niez le surnaturel pour nous réduire à la matière, vous supprimez du même coup la liberté.
Les lois de la matière - lois inexplicables d'ailleurs - sont des lois fatales. Il est aussi impossible d'admettre un atome de liberté dans les évolutions de la matière, qu'un atome de liberté dans la composition des acides ou des sels.
Demandez aux savants ce que deviendraient la chimie et la mécanique, si la moindre liberté s'en mêlait.

Notre conscience a son mot à dire là-dessus. Dès que Dieu est remplacé par la matière, la liberté, qui n'est plus là-haut, ne saurait subsister ici-bas. La liberté une fois détruite, la morale est tuée.
Avec les combinaisons de la matière, vous pouvez imaginer - et encore - des appétits, des sensations, la recherche de ce qui sort, la crainte de ce qui nuit; mais concevoir une liberté, mais construire une morale, je vous en défie!
L'indépendance et la morale sont à leur place dans un monde où la grande liberté divine a créé, a organisé, où il y a une justice et où il y aura un jugement. Il n'existe de place ni pour la morale ni pour la liberté dans le monde des évolutions de la matière.

Je parlais de morale! L'école incrédule dont il s'agit, subit à son insu l'influence de sa doctrine. Le fanatisme vient s'associer pour elle au grossier panthéisme, qui n'est qu'une divinisation de la matière. Le fanatisme dans l'histoire, le devoir remplacé par l'impulsion de la chair - chacun obéissant à sa nature, à ses instincts, aux lois de son organisation; la littérature elle-même n'étant plus que l'expansion nécessaire des milieux et des complexions diverses voilà les théories morales que nous révèle la morale de l'avenir.
Heureusement, notre conscience est là.
Elle nous avertit. L'expérience, qui lui vient en aide, nous dit à son tour que depuis longtemps, dans tous les alambics de la philosophie matérialiste, on s'est efforcé de transformer les instincts en morale et les intérêts en devoirs. On a eu beau faire. Jamais ni la morale, ni la conviction personnelle de devoir ne sont sorties des récipients où l'on avait versé des montagnes d'intérêts publics et privés.
Voici la corruption; voici la douleur; voici la mort. Que nous dit le matérialisme et que nous dit la conscience?

Mourons-nous tout entiers? Nos bien-aimés meurent-ils tout entiers? Au bord de cette fosse qui s'ouvre, nous résignerons-nous à croire aux évolutions de la matière, à la destruction finale de ce que nous avons chéri et qui va entrer dans des combinaisons nouvelles? Ce qui a aimé, ce qui a pensé, ce qui a prié, ce qui a pratiqué le bien, tout cela, était-ce la matière?
Un cri de notre conscience a répondu! Rien de tout cela n'est la matière, rien de tout cela ne peut venir des combinaisons de la matière; tout cela porte le sceau de Dieu, du Dieu vivant, personnel, libre, le sceau de la création intelligente, aimante, surnaturelle; pas une faculté de notre esprit, pas une tendresse de notre coeur ne sauraient périr; et le jour où nous parviendrions à nous persuader le contraire, nous ferions bien, je le déclare, de ne plus penser, car la pensée aboutissant au néant serait de toutes les vanités la plus vaine; nous ferions bien de ne plus aimer, car, avec l'éternelle destruction au bout, l'amour serait, de toutes les tromperies la plus féroce, de tous les mensonges le plus infernal.

Je le répète, notre conscience est là. Elle proclame Dieu, elle affirme l'éternité, elle appelle à grands cris la rédemption. En présence de la liberté, de la morale, du péché, de la douleur, de la mort; des faits les plus universels, et les plus certains, et les plus scientifiques; elle nous interdit de mettre en doute le surnaturel; elle nous montre l'affreuse inanité de ces crédulités incrédules qui prétendent ne croire que ce qu'elles ont vu, et qui débutent par deux absolus : Croire ce qu'elles n'ont pas vu, nier ce qu'elles voient (1).

Notre conscience ne fait pas meilleur parti aux doctrines déistes qui conservent l'âme, maintiennent Dieu, reconnaissent la création, veulent la morale, et tolèrent même un peu d'Évangile, pour assaisonner le tout; mais qui nient absolument l'action directe, vivante, quotidienne et indépendante de Dieu, sur les affaires de sa maison.
Parvenez-vous à croire en un Dieu qui a été libre un jour, qui le lendemain a cessé de l'être, emprisonné dans sa propre oeuvre, paralyse par ses propres lois? Ma conscience, elle, s'indigne à la pensée de ce Dieu-là, qui n'agit pas, qui n'aime pas, qui ne s'émeut pas, qui ne se révèle pas. Elle découvre une contradiction choquante entre l'idée même de Dieu, c'est-à-dire de l'Être puissant, bon, saint, miséricordieux et libre, entre l'idée du Père céleste en un mot; et la théorie d'un Dieu immobile, impassible, enchaîné, d'un Dieu sans entrailles, d'un Dieu qui voit souffrir, qui entend prier, qui entend pleurer, qui entend crier ses créatures, et qui, pas une fois, ne leur tendra la main!

« Si vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est aux cieux (2) ! »

Ce que Jésus me dit, ma conscience le pressentait.
Avec ceux qui, faisant un pas de plus, semblent accepter l'Évangile, tout en lui ôtant son caractère d'autorité pour le soumettre aux révisions de la raison individuelle, ma conscience n'hésite pas davantage.
S'il y a une Révélation divine, elle ne saurait être traitée - ma conscience l'affirme - comme on se permet de traiter la Parole de, Dieu.
Un livre dont chaque partie porterait le sceau des préjugés du temps, l'empreinte des erreurs personnelles, la trace des tendances dominantes; un livre dont il nous faudrait contrôler les récits, la morale et la métaphysique, ce livre ne nous révélerait rien, absolument, que ce qui nous plairait.

Mutiler la Révélation pour n'en plus faire, qu'une suite de textes épurés, c'est réduire l'Évangile à la croyance en Dieu, au respect pour Jésus-Christ, à l'acceptation de quelques principes moraux; c'est effacer haut la main tous les traits distinctifs de la religion qu'on prétend recevoir.
Ma conscience ne dissimule pas son dégoût à la rencontre d'un tel orgueil.
Quant à l'acte qui consiste à rejeter, en déclarant qu'on accepte; notre sens moral à sa façon à lui, et de le juger, et de le définir.
Il s'agit d'une question de bonne foi. Accepter, c'est accepter; rejeter, c'est rejeter.

Sans anticiper sur la suite de cette étude, ma conscience, à qui je ne demande pas en cet instant ce qu'elle pense de l'Évangile, me dit cependant que, s'il y a quelque part une doctrine qui réponde à tous nos besoins, qui résolve tous nos problèmes, qui sanctifie nos âmes, qui donne à nos douleurs un espoir assuré, qui fonde, la famille, qui mette ici-bas la liberté, l'égalité, la charité, la paix; ma conscience me dit que, si cette doctrine s'adapte aux nécessités d'une race déchue mais responsable et capable de relèvement, que si cette doctrine embellit la terre, que si elle ouvre le ciel, que si elle ennoblit l'existence, que si elle introduit une forte et simple morale dont la grandeur n'ait jamais été égalée, que si elle abolit les vieilles pourritures des vieilles sociétés pour enfanter une civilisation nouvelle et supérieure, notre devoir ne saurait être en aucun cas de la repousser légèrement, au nom du Positivisme, au nom du Déisme, au nom du Rationalisme.
Nous sommes tenus de la considérer très-respectueusement et de très-près.


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VIII

L'HISTOIRE NOUVELLE DES RELIGIONS


M. Burnouf, exprimant avec plus de sans gène ce que l'école moderne tout entière tend à penser, n'a pas craint de nous exposer une science des religions dont la conclusion, hardie pour le moins, est que: toutes les religions se valent ! Au fond, il n'y en a qu'une !

Cette religion unique, se trouve renfermée dans les Védas. Le soleil, la chaleur et le vent: le Père, le Fils et le Saint-Esprit - j'hésite à transcrire de tels blasphèmes - s'y révèlent déjà. C'est la vie, le mouvement et la pensée.
Nulle religion n'a ajouté à ce fond commun.
L'Évangile n'y a rien ajouté !
Appliquons notre méthode; appelons-en à la conscience.
Que pense-t-elle du procédé qui consiste à dépouiller l'Évangile de toutes ses doctrines saillantes - oui, toutes, sans exception pour se donner le droit de dire après : L'Évangile ressemble à tous les autres livres sacrés!
Voici quelques-unes des révélations spéciales à l'Évangile qu'on a supprimées comme insignifiantes, afin de le réduire à cette quintessence, à cette religion unique des Védas :
Le Dieu vivant, la chute, le libre arbitre, l'expiation, la grâce gratuite, la nouvelle naissance, la sanctification avec ses luttes innombrables et sa marche infinie.

Est-ce en conscience que, prétendant confondre l'Évangile avec les Védas, avec le bouddhisme, avec les cultes de l'Orient, de l'Égypte et de la Grèce, on en retranche ce qui fait qu'il est lui? Je voudrais savoir, et je me le demande sérieusement, afin d'excuser ceux qui opèrent de pareilles mutilations; je voudrais savoir si, dans leur légèreté incroyable associée à tant de prétentions scientifiques, à un ton si doctoral, ils ont pris la peine de lire, ou même de feuilleter l'Évangile.

Un Dieu qui donne son Fils, un Fils éternel qui se donne, une grâce qui n'altère en rien la justice, une manifestation de pitié qui n'a rien de commun avec la bonté indifférente au mal, cela ne se rencontre pas partout que je sache. L'Évangile seul nous révèle un Dieu d'amour qui n'est pas le bon Dieu. L'Évangile seul met la liberté dans le ciel et sur la terre. L'Évangile seul nous dévoile une éternité où l'individu persiste, qui n'est ni l'absorption védhique, ni l'absorption boudhiste, ni l'absorption panthéiste et stoïque
Ce qui n'empêche pas que l'Évangile ne soit une édition à peine revue des Védas!

On nous fait une science des religions, et l'on ne s'arrête pas même devant le problème de Jésus-Christ, le grand miracle de l'histoire, le miracle qu'on n'expliquera jamais, celui au sujet duquel la conscience de Rousseau s'écriait dans le siècle dernier : « L'inventeur en serait plus étonnant que le héros! »
IL y aurait trop à dire.
Allons droit au point central, au fait sur lequel on insiste. Est-il vrai, oui ou non, que l'Évangile et les religions païennes nous présentent une seule et même morale?
La conscience démolit cette énormité.
Qu'on trouve de beaux préceptes dans toutes les religions, cela va de soi. La conscience, qui est le témoin de Dieu dans l'homme, fournit à tous les hommes une série semblable d'axiomes justes et moraux. Donner à boire à celui qui a soif, nourrir celui qui a faim, plaindre les affligés; pardonner, aimer, vaincre son égoïsme. voilà qui petit et doit se reproduire chez tous les moralistes, du plus au moins.
Notons pourtant quelques différences.
Vous êtes obligé de glaner çà et là dans les *Védas, dans Bouddha, dans Zoroastre, dans les théogonies helléniques; vous n'oseriez nous montrer vos belles sentences, ni entourées du cadre hideux qui les emprisonne, ni perdues au milieu des souillures, des absurdités, des immoralités qui les enveloppent.
Quant à l'Évangile, prenez-le de la première ligne à la dernière, vous n'aurez pointe à faire un choix; il ne sera pas plus nécessaire de trier que de voiler.
Je vous prierai, en outre, de nous présenter un autre livre qui contienne ces choses-ci:

Le péché, dans sa tragique horreur.
L'individu, dans sa responsabilité personnelle.
La nouvelle naissance, dans l'immensité du, changement exigé.
Le Saint-Esprit, rendant l'homme capable. de repentir, de foi, de transformation.
Le pardon, saisissant l'âme, régénérant le coeur, mettant le mobile à côté du devoir.
La vie en Dieu rendant toutes choses nouvelles.
La grande morale, ouvrant les avenues sans terme de ses réformes et de ses bénédictions.Et cette grande morale, remarquez-le, na pas un trait de commun avec l'ascétisme; c'est la vie ordinaire, épurée, non mutilée.

Les Védas vous ont-ils rien montré de pareil ?
Les vertus touchantes, mais essentiellement monacales de Bouddha offrent-elles ce caractère parfaitement divin et parfaitement humain?
Ou bien les philosophes stoïques - vous le voyez, en choisissant le stoïcisme et Bouddha, je vous fais la partie belle - les sages stoïciens nous auraient-ils révélé la morale évangélique? Leur morale, cette morale du devoir glacé, cette morale de l'impassibilité panthéiste, serait-elle Par hasard la morale des apôtres?

Il y a plus, et ma conscience ne me permet pas de l'oublier; parmi ces religions, semblables à l'Évangile, les unes accomplissent le salut par l'absorption finale, les autres promettent le bonheur par le Nirvânha; celles-ci opèrent la régénération par un acte absolument étranger à la volonté libre, celles-là laissent entrevoir une éternité si douteuse, que, le plus souvent, elle se traduit par un ; peut-être.

Toutes les religions se valent, prétendez-vous ! Les monstruosités de l'Olympe grec, les orgies du culte syrien, les enfants brûlés à Carthage, tout cela vous parait identique à l'Évangile !
Et vous le déclarez sérieusement; et vous le propagez; et cela s'accepte! Et ces saturnales du ciel, ces fanges divines, quand vous nous avez expliqué qu'elles sont une légende populaire, que cette légende est sortie d'une allégorie, que l'action, que le mélange, que le mariage des éléments étaient représentés par de telles turpitudes, vous croyez les avoir justifiées! Belle excuse pour une religion! Belle excuse pour une morale ! Les peuples voient ce qu'ils voient, ils entendent ce qu'on leur dit.

Je reconnais les beautés des poèmes indous, j'admire les nobles traits de la vie de Bouddha; toutefois, ma conscience ne me permet point d'oublier ni quelles folies dégradantes altèrent ces beautés, ni quelle étouffante étroitesse, ni quelle soif du néant sont venues gâter cette noble vie.
En définitive, lorsqu'on m'invite à contempler dans les Védas l'idéal de la religion et de la morale, je ne puis m'empêcher dépenser que, si la vérité métaphysique et morale, a de tout temps couru les rues, comme on l'affirme, elle a dû être connue par les philosophes les plus réputés de Grèce et de Rome, Or Platon, voulant me montrer une société parfaite, me décrit les infamies de sa République; or Cicéron, cherchant ce qu'il faut penser de la vie future, ne trouve guère, qu'une brumeuse espérance à mettre devant mes douleurs.
En présence de tels faits, vous osez nous dire que l'Évangile, c'est ce qu'on avait toujours vu! Expliquez-nous alors pourquoi, lorsqu'il a paru, il a semblé si nouveau, si étrange, si scandaleux? pourquoi ce trouble inouï? pourquoi l'histoire coupée en deux? D'où vient qu'une révolution immense s'est accomplie, et que les temps modernes en sont sortis ?

Une autre question : D'où vient que cette Révélation, semblable à toutes les révélations précédentes, satisfait les besoins que nulle religion, que nulle philosophie n'avait contentés avant elle: besoin de pardon, besoin de relèvement, besoin de sainteté, besoin de vérité? D'où vient que tous ceux qui ont rencontré les autres religions, qui ont réellement accepté celle-ci, ont reconnu le sens profond de la parole : « Celui qui boira de cette eau aura encore soif ; mais celui qui boira de Peau que je lui donnerai n'aura plus soif; en lui naîtront des sources vives qui jailliront jusque dans la vie éternelle (3) » ?

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1. Dès l'instant où vous arriveriez à ne croire que ce que vous voyez, c'est-à-dire ce que vous touchez, je vous plaindrais profondément. ce que vous ne voyez pas, ce qu'on ne peut toucher de ses mains ni examiner an microscope, c'est la morale, la justice, le droit, la liberté, le devoir, les affections, l'âme. Ai-je vu l'intelligence? Ai-je vu cette raison au nom de laquelle on nie ce qui n'est pas elle? On ne les voit pas plus qu'on ne voit la conscience ou l'esprit. 
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2 Evangile selon saint Matthieu, VII, 11
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3. Évangile selon saint Jean, IV, 13, 14
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