Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

NOTE

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NOTE A

La conscience est le fond même de la liberté. Au nom du devoir on résiste.
Les seuls hommes libres, sont les hommes du devoir.
Les seuls Peuples libres, sont les peuples que l'Évangile instruit par la conscience à pratiquer le devoir.
Tant qu'il y a des consciences, c'est-à-dire des âmes qui se gouvernent elles-mêmes, en présence de Dieu, le despotisme est impossible.
La conscience est la base même de l'égalité. Intelligence, santé, richesse, figure, éducation, milieu: autant d'inégalités.
Mais une conscience vaut une conscience.

L'Évangile, en mettant les consciences à l'air libre, -a fondé la liberté et l'égalité.
Et par de là les courts horizons d'ici-bas, l'Évangile nous montre l'égalité suprême, la grande égalité des âmes toutes perdues par un même péché, toutes sauvées par un même sacrifice, toutes appelées à la même immortalité.



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NOTE B

On a trouvé des débris humains dans les couches du terrain quaternaire, parmi des ossements d'animaux qui appartiennent à une époque antérieure, ou qui n'habitent plus nos régions.
Qu'est-ce que cela prouve? Ces hommes n'ont-ils pu vivre avant le déluge, au milieu de conditions qui étaient celles de l'Europe alors, qui ne le sont plus aujourd'hui? Et le déluge, justement, n'a-t-il pas été la conséquence d'un changement géologique mettant fin à l'ancien ordre de choses pour amener l'ordre nouveau?
On découvrait naguère, sous le sol de Marseille, des restes de vaisseaux phocéens. À ne consulter que leur situation en terre, à ne considérer que l'épaisseur de la couche dont ils étaient recouverts, on n'aurait pas eu de peine à parler de dix ou de vingt mille ans.
Or, la forme de ces vaisseaux fixant à la fois leur origine et leur époque, il a bien fallu se renfermer dans les temps historiques, c'est-à-dire dans un espace très-limité.

Combien de raisonnements sur l'antiquité de l'homme, sur la position des débris, n'ont pas de fond plus solide!
On a établi la succession de l'âge de la pierre, de, l'âge du bronze et de l'âge du fer.
C'est très-bien; mais à l'heure même où j'écris, des peuplades considérables en sont encore à l'âge de la pierre !
Ces âges successifs ont donc pu vivre, ont vécu sur notre globe, simultanément, tous à la fois.

On a parlé d'interminables évolutions graduelles, en géologie; et l'on a décidé qu'il ne pouvait exister, pour ces évolutions-là, ni changements brusques ni rapides changements.
On l'a décidé, mais on ne l'a pas prouvé.

Il est difficile d'admettre, par exemple, que les grandes formes des montagnes plutoniennes aient surgi lentement, et que, dans les couches neptuniennes, tant de créatures vivantes aient été saisies par les boues, sans qu'un tel envahissement présentât rien de brusque ou d'imprévu.

En tout cas, des modifications considérables peuvent s'opérer, tantôt avec une très-grande lenteur, tantôt avec une excessive rapidité.

Voyez les alluvions de l'embouchure d'un fleuve! Certaines circonstances étant données, elles s'accroîtront plus en une année qu'en mille, qu'en dix mille ans, dans les conditions ordinaires des dépôts.
Les atterrissements dont on fait tant de bruit, ont donc pu suivre autrefois une marche infiniment accélérée, que rien aujourd'hui ne saurait rappeler.
Quant à la durée des époques géologiques, elle se détermine au hasard. Lyell parle de cent mille ans. Des savants danois parlent de quelques milliers d'années.
Évidemment, la terre n'a pas dit son dernier mot.



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NOTE C

Le rationalisme s'est indigné du vol pratiqué par les Israélites aux dépens des Égyptiens, lors de la fuite au désert: du vol et du mensonge ordonnés de Dieu.
Il n'y a pas plus là de tromperie que de larcin.

Nul ne s'est un instant mépris, en Égypte, sur les caractères du départ d'Israël. Tous les Égyptiens savaient, sans en excepter un seul, qu'Israël émigrait, qu'Israël ne reviendrait pas. Ce départ était tellement définitif, qu'une armée se mit à la poursuite du peuple déserteur.

Après la mort des premiers-nés, le joug était rompu, la rupture accomplie. Les Égyptiens n'avaient plus qu'une pensée: se débarrasser au plus vite, à tout prix, de cet Israël que Dieu retirait par sa main forte et par son bras étendu. Et la rançon exigée ne représente que faiblement, si l'on veut compter, les travaux, les sueurs, les spoliations du peuple juif, pressuré par les exacteurs égyptiens.
Le rationalisme a voulu voir, dans l'ordre d'immoler Isaac, l'introduction, bien plus, la glorification du sacrifice, humain.
Pour comprendre, il n'y a qu'à suivre simplement les détails du récit.

Dieu demande un acte d'obéissance absolue; Dieu met la foi d'Abraham au creuset. C'est tout.
Abraham le prend ainsi. Dieu est fidèle, Dieu n'a pas révoqué sa promesse; il l'accomplira.

« - Où est la bête pour l'holocauste? » demande Isaac.
« - Mon fils, Dieu se pourvoira lui-même de bête pour l'holocauste (1) ».

Ou Isaac ne mourra point, ou Isaac se relèvera par une résurrection.
Et Abraham poursuit sa route, affermit son coeur, «ayant pensé, en lui-même, dit l'Épître aux Hébreux, que Dieu pouvait ressusciter Isaac des morts! (2) »
Il s'agit donc de traverser la fournaise de l'obéissance; il s'agit de marcher par la foi, en dépit de la vue.

Isaac, arrivé en Morija, le comprend comme Abraham l'a compris. Isaac, un homme fait, ne résiste pas un seul instant au patriarche, un vieillard. Il n'élève pas une réclamation, il se laisse docilement lier.
Ah c'est que lui aussi connaissait la promesse; lui aussi, il croyait; il savait qu'il vivrait; il savait qu'un innombrable peuple sortirait de lui; il se tenait prêt à franchir l'obscur défilé
Nous connaissons Celui qui arrêta l'épreuve.
Et nous savons quel Père a sacrifié, réellement, son Fils.



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NOTE D

Les jargons, le sérieux gourmé des paroles, les raideurs de la tenue, l'expression composée de la physionomie, le calcul au lieu de la spontanéité, le factice au lieu du naturel, l'uniforme en un mot, tout cela inquiète la conscience et lui déplaît parfaitement.
Elle aspire à la droiture partout : dans les actes, dans le langage, dans les regards, dans le son de la voix, dans les gestes, sur les visages, pour la forme et pour le fond. Elle veut que nous soyons nous-mêmes, et non pas une des mille photographies tirées d'après le modèle convenu.
L'affectation n'est pas de l'hypocrisie si vous voulez, elle n'est pas du mensonge non plus, elle est encore moins la vérité dans sa candeur.
Or, à la conscience, il faut la vérité.



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NOTE E

Un fait prépare la crise. Le grand fait, en vertu duquel les atteintes à la conscience sont bien plus graves, bien plus générales et plus dangereuses qu'elles ne l'étaient autrefois : le fait du nivellement.
Le nivellement démocratique qui met toutes choses à la portée de tous, qui place tous les esprits en face de toutes les négations, de toutes les ambitions, de, toutes les corruptions, a produit ce résultat : que les incrédulités, jadis le privilège des classes privilégiées, que les appétits, que les vices renfermés dans la haute région - plus gâtée peut-être alors qu'elle ne l'est aujourd'hui - se répandent maintenant partout.
Il y a nivellement dans la conception et dans la pratique du mal.
Il y a effondrement des vieilles croyances héréditaires.

L'ébranlement est tel, qu'on rencontrerait difficilement son pareil dans l'histoire, depuis Jésus-Christ jusqu'à nous.

Aux heures les plus sombres du moyen âge, aux jours de triomphe les plus subversifs de la Renaissance, au moment ou s'épanouissait le plus insolemment cet athéisme du XVIIIe siècle qui n'atteignait guère que les sphères lettrées, on comptait encore un très-grand nombre d'hommes croyant. Le gros de la nation n'était pas empoisonné; une sorte de foi traditionnelle, un reste de christianisme soutenait et vivifiait les consciences. Aujourd'hui, nous assistons à une débâcle.
Débâcle prodigieuse dans les pays catholiques et latins.
Ceci est un événement gigantesque. Des couches entières de la société, des nations entières se détachent du catholicisme qui s'écroule - moralement, entendons-nous - et l'écroulement du catholicisme entraîne avec lui la ruine de toute religion dans les pays latins (3).
De là, pour les consciences, un danger inouï. Dégoûtées de la tradition romaine, les consciences ont beaucoup de peine à en séparer l'Évangile, que la tradition romaine a défiguré. Il leur faudrait un viril effort, il faudrait un réveil puissant des âmes pour retrouver le vrai christianisme au milieu des ruines, pour le dégager et pour le ressaisir. Or, la conscience individuelle, que le catholicisme a paralysée, ne se retrempera pas dans l'incrédulité.
Et voilà pourquoi le catholicisme, qui fatalement, inexorablement, à mesure que se développent les intelligences et que s'éclairent les esprits, mène au doute, mène à la négation; voilà pourquoi le catholicisme, ce soi-disant gendarme des sociétés, en est le révolutionnaire, ce conservateur de la foi en est le destructeur!
S'il s'agit de politique, nous assistons à une démoralisation non moins générale.
La corruption des consciences était poussée très-loin autrefois. Je ne le nie pas.

L'Angleterre de Walpole, la France du Régent, la Russie de Catherine II, l'Allemagne des petits princes qui copiaient les vices de Versailles, l'Espagne d'Albéroni et de la princesse des Ursins, nous offrent le spectacle parfaitement répugnant de la haute pourriture des hautes classes au pouvoir,
Mais, dans ce moment-ci, le nivellement des droits politiques opère le nivellement des corruptions politiques. Tous étant mêlés aux affaires de l'État, tous rencontrent les tentations qui s'y rattachent, et tous y cèdent, du plus au moins.
S'agit-il d'opérations financières? Les vieilles barrières qui en séparaient le gros de la nation sont tombées de nos jours. Tout le monde spécule. La modestie de certaines existences, de certaines professions, la sobriété, l'honnêteté, compromises par la soif des gains rapides, ont disparu, ou peu s'en faut.
Il y avait jadis des classes entières de la société, celle des notaires par exemple, dont la probité passait, à juste titre, pour un axiome proverbial.
Il y avait des maisons de commerce où se maintenaient les traditions d'exquise délicatesse, gardées et choyées avec un soin jaloux, comme la gloire même de la famille.
Il y avait des carrières bourgeoises, des carrières d'artisans, où l'on se contentait de minces profits, mais où la bonne, et sévère conscience, de père en fils, conservait, sain et sauf, l'honneur du métier.
Il y avait des pays - la Suisse, l'Angleterre, la Hollande - où les moeurs nationales présentaient, en matière d'argent, des garanties appréciées de chacun.
Nous n'en sommes plus là.
Tous les gains s'offrant à tous, l'avidité a pris le pas sur l'honnêteté.
Nul ne, se tient pour content. Vous ne trouveriez guère, pas plus au village qu'à la ville, des gens satisfaits de leur position, et des médiocrités simplement acceptées. La Bourse a des aboutissants jusque dans nos moindres bourgades, les placements hasardeux y sont connus et poursuivis.

Quand je pense à ce que deviennent, sous l'influence de ces facilités de spéculation et de cette ardeur aux coups de fortune, la plupart de nos populations rurales, en France, je. ne trouve qu'un mot : matérialisme ! pour exprimer leur désastre moral.
Attraper en l'air des écus, acheter de la terre, augmenter son bien, voilà, du premier au dernier jour de l'année, le cercle dans lequel on vit. L'idée de Dieu s'en est retirée.

L'âme ne bat plus même de l'aile. Quant à la conscience, à, mesure que s'ajoutent les champs, elle perd du terrain. Dans les villes, ces désastres de la conscience prennent de plus vastes proportions, ils font plus de bruit, les grands éclats des grands scandales nous effrayent davantage; mais soyez-en certains, le travail latent, secret, discret du matérialisme au milieu de nos campagnes, ce travail qui mine le sol en dessous nous prépare, si l'Évangile ne vient relever l'homme, des éboulements et des ruines sans nom.
Au surplus, le nivellement qui nous mène -'dans les pays catholiques surtout - droit aux abîmes, crée moins le péril qu'il ne l'a manifesté.
Notre siècle, de, progrès hérite des siècles d'ignorance et d'oppression.
Le nivellement lui-même procède en droite ligne du despotisme: despotisme exercé sur les âmes, par le catholicisme romain; despotisme exercé sur les vies, par la tyrannie latine. Si l'affranchissement entraîne une épouvantable secousse, c'est que l'asservissement l'a préparée.
Élevez une plante en serre chaude, le jour où vous l'exposerez au plein air, elle courra risque de mort. Il n'est que les libres végétations pour résister à tout vent.

La crise actuelle des croyances et des consciences, l'écroulement qui menace notre vieux monde latin sont bien moins imputables au régime nouveau de liberté et d'égalité, qu'au régime ancien qui nous enfermait sous couche. Ni les individus ni les nations catholiques n'ont été préparées pour l'air tel quel, avec ses orages et ses soleils. Ce qui se tenait debout, quand aucun accident n'ébranlait l'atmosphère. les croyances impersonnelles, les pratiques extérieures, même de certaines honnêtetés qu'on gardait plus par habitude que par conscience, même de certaines modesties d'existence qu'on maintenait plus, faute de pouvoir enjamber les barrières, que par sobriété; ces vertus et ces croyances qui valaient mieux que rien - et qu'on va regretter partout - au fond ne valaient pas grand'chose, elles l'ont bien montré, puisqu'au premier choc de liberté et d'égalité, elles ont disparu.

Sous le régime du sacerdoce romain, les hommes dont rien appris de ce qu'on doit savoir pour se gouverner soi-même.
Dirigés à outrance, privés de la Bible, débarrassés de la responsabilité, menés aux lisières, sans relations directes avec Dieu, asservis au prêtre, inhabiles aux résistances comme aux décisions; le jour où ils sont appelés a se mettre sur leurs pieds, à ouvrir les yeux, à marcher, le vertige les prend : ou bien ils se laissent choir, inertes, incapables; ou bien enfiévrés, hors d'eux-mêmes, ils vont en insensés, saccageant tout au gré de leur folie.
Ah certes, si l'égalité, si la liberté nous amènent des périls, l'inégalité, l'asservissement en créent de bien plus graves. Mais dussent-ils, conjurant pour quelques heures le danger actuel, nous laisser dormir en paix, je les attaquerai pour ma part où que je les rencontre, car ma conscience les a condamnés.
Et toujours, et jusqu'au bout, je me réjouirai du, nivellement dans les lumières, dans le bien, dans les routes ouvertes pour tous!



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NOTE F

Sous ce titre : UNE LEÇON D'INCRÉDULITÉ DONNÉE D'EN HAUT, Fauteur envoyait en janvier 1852, à un journal religieux, les lignes que voici :
On écrit de Berlin : «Le prince Adalbert de Bavière va se fiancer avec la princesse Louise de Prusse. Toutefois, les deux fiancés se convertiront d'abord à la religion grecque, à raison de la succession au trône de Grèce, qui est réservée au prince Adalbert. »
Depuis que Henry IV a dit : Paris vaut bien une messe! les imitateurs n'ont pas manqué. Pour gouverner un peuple, on s'est cru autorisé à adopter sa religion nationale comme on aurait adopté son costume: - Que vous faut-il? un catholique, un protestant ou un grec? Nous sommes prêts, nous nous mettrons à la mode du pays.

Si je rappelle l'universalité de l'usage, c'est afin de prouver que mes observations s'appliquent au principe et non aux personnes. Hélas! le jeune prince et la jeune princesse dont on annonce - puisse-t-on l'avoir fait à tort - la conversion politique, ne se rendent certainement pas compte de, l'énormité morale d'un tel acte. Leur conduite ne s'explique, je dirai presque ne s'excuse que trop par la fréquence des exemples qu'ils ont sous les yeux. Il y a force de chose jugée.
Laissant donc les individus, pour lesquels je me sens plein de respect, je vais droit au fait. Or, le fait est odieux. Jamais on ne l'aura trop flétri.

Vous, gouvernements, vous vous plaignez de l'incrédulité du peuple, et vous prenez soin de donner vous-mêmes, au peuple, de pareilles leçons d'incrédulité! Vous vous indignez en haut lieu - et certes avec raison - contre Voltaire, contre Strauss, contre Feuerbach; mais Voltaire, mais Feuerbach, mais Strauss dont pas tant fait pour tuer la foi religieuse, que, ne fait votre enseignement pratique des abjurations officielles, à cette fin de régner!
Les masses comprennent, croyez-le bien. Toute conscience d'homme est atteinte dans ce qu'elle a de plus intime. Et chacun tire les deux conclusions que voici:
Faisons du mal afin qu'il arrive du bien! - car on se propose toujours le bien du peuple qu'on veut gouverner.

En matière religieuse, il n'y a ni vrai ni faux! Rien de vrai, et rien de faux! Écoutez ces voix qui s'élèvent, presque du trône même. L'une dit: Jusqu'à présent j'avais cru, avec l'Église protestante, que la Bible était la seule règle de foi; j'avais rejeté les livres apocryphes, la messe, les images, le culte des saints, l'absolution, les reliques; mais, voulant penser ce que pense mon peuple, je n'hésite pas à professer l'adhésion aux apocryphes, à la messe, aux images, aux saints, aux reliques, à l'absolution, et je crois qu'on fait bien d'ôter la Bible au peuple!
L'autre dit: J'avais repoussé jusqu'à présent avec l'Église grecque, la papauté et une foule de conciles; mais, voulant penser ce que pense mon peuple, je n'hésite pas à professer la foi aux conciles et aux papes.
Une troisième dit: J'avais repoussé jusqu'à présent, avec l'Église romaine, la Réforme du seizième siècle comme une épouvantable révolte; mais, voulant penser ce que pense mon peuple, je n'hésite pas à déserter l'Église infaillible pour l'Église qui a failli, l'invariable vérité pour le schisme menteur.

En résumé, toutes ces voix s'unissent, criant dans les places publiques et dans les carrefours : Ne croyez pas ceux qui soutiennent les dogmes protestants; ne croyez pas ceux qui soutiennent les dogmes grecs; ne croyez pas ceux qui soutiennent les dogmes romains. Ces dogmes ne se ressemblent pas plus que le jour et la nuit, mais ils se valent. Quiconque attache de l'importance à ces contradictions est un imbécile ou un tartuffe.
Voila quelle théorie on proclame en haut.
Voici quelle conséquence on tire en bas.

Si les dogmes spéciaux des trois communions n'ont aucune importance, les dogmes communs aux trois communions n'en ont pas plus. Si l'on s'est si complètement trompé sur les dogmes spéciaux, on a pu se tromper aussi sur les dogmes communs. Si les dogmes spéciaux n'ont pour eux que les imbéciles et les tartuffes, les dogmes communs peuvent aussi ne reposer que sur l'ignorance et l'hypocrisie,
On aura beau faire: du système qui admet toutes les religions à celui qui les nie toutes, la chute sera toujours inévitable et rapide; l'indifférence mystique en matière de religion mènera toujours à l'incrédulité.
On aura beau faire aussi, le principe païen enfantera toujours le paganisme pratique.
Entre la foi territoriale et la foi chrétienne, on ne conclura jamais de traité.



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NOTE G

L'Angleterre, qui fournit l'opium aux Indes et qui l'introduit par force en Chine, l'Angleterre interdisait naguère l'évangélisation des indigènes indous ! Elle inoculait le poison et prohibait le contrepoison.
L'opinion chrétienne, soulevée en masse, a eu raison de la défense; l'Évangile pénètre partout à l'heure qu'il est. Mais pourquoi les chrétiens anglais n'ont-ils pas remporté la double victoire? pourquoi n'obtiennent-ils pas la suppression d'un commerce qui tue le corps aux Indes et qui tue la conscience en Angleterre?

À Java: interdiction d'annoncer l'Évangile aux gens du pays. La Hollande n'empoisonne pas; mais elle ne veut pas que les âmes vivent.
Est-ce que, les chrétiens hollandais supporteront longtemps cet abus de pouvoir? Est-ce qu'un élan de leur foi ne fera pas sauter cette barrière qui, de par le gouvernement, sépare l'homme de Christ, c'est-à-dire l'âme du salut !



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NOTE H

Au point de vue des blessures dont souffre la conscience, il n'est pas inutile de considérer l'affaire de Tropmann.
Je ne dis pas que Tropmann soit un type ou un échantillon; je remarque seulement ceci : la position sociale de Tropmann n'avait rien d'excessif, ni comme misère, ni comme dégradation. Tropmann appartenait à une famille honnête et unie. Son existence, jusqu'au moment des crimes, ne présente aucun incident monstrueux.

Je ne puis m'empêcher de retrouver dans les diaboliques calculs de Tropmann, dans son esprit inaccessible aux remords, dans la tension de son intelligence froidement bandée, à travers des mares de sang, vers ce but unique : s'approprier, en un seul coup de filet, le bien d'autrui! quelque chose de ce violent amour de l'argent, de cette dureté sauvage, de ce défaut absolu de scrupule dont notre génération actuelle, envahie par le matérialisme, nous a laissé plus d'une fois entrevoir les pâles éclairs.
Le trait effrayant chez Tropmann, remarquez-le - trait commun à beaucoup d'autres - le voici: Tropmann ne s'est pas élevé un seul instant au-dessus des régions de la matière; pas un regret, pas un frisson ne l'ont ébranlé; pas une notion morale ne s'est fait jour; pas un mouvement de la conscience n'est venu secouer cette impassibilité morne. Si la crainte de la mort a saisi l'homme, c'était une terreur physique; la préoccupation de l''Éternité n'y entrait pour rien.
Suppression absolue de l'âme et de Dieu: tel est l'abîme que cette individualité sinistre nous a montré.

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1. Genèse, XXII, 7, 8. 
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2. Hébreux, Il, 17. 
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3. Notre rationalisme protestant marche dans le même sens; mais il rencontre devant lui le solide rempart des Églises chrétiennes indépendantes ; il s'y brisera. 
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